Conseil d'Etat, Section, du 17 mars 1997, 160684, inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CE, sect., 17 mars 1997, n° 160684
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 160684
Importance : Inédit au recueil Lebon
Précédents jurisprudentiels : Cf. décisions du même jour : n° 123912, Fédération nationale des syndicats du personnel des industries de l'énergie électrique, nucléaire et gazière
n° 149547, Fédération nationale de l'énergie C.G.T. et autre
Textes appliqués :
Code du travail L432-1, L431-1, L521-6, L122-42

Constitution 1946-10-27 préambule Constitution 1958-10-04 préambule Loi 1982-08-04

Identifiant Légifrance : CETATEXT000007978647
Identifiant européen : ECLI:FR:CESJS:1997:160684.19970317

Sur les parties

Texte intégral


Vu la requête enregistrée le 5 août 1994 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour MM. Philippe Z…, Didier Y… et Patrick X…, agissant en exécution des jugements du conseil des prud’hommes de Meaux, en date des 9 juin 1993 et 23 mars 1994 ; les requérants demandent que le Conseil d’Etat apprécie la légalité de la décision en date du 12 décembre 1988 par laquelle le directeur de la production et du transport d’Electricité de France a fixé les modalités de retenue sur salaires en cas de grève des agents de conduite des centrales thermiques ou nucléaires et de déclarer que cette décision est entachée d’illégalité ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
 – le rapport de M. Pêcheur, Maître des Requêtes,
 – les observations de Me Baraduc-Bénabent, avocat de M. Philippe Z… et autres et de la SCP Defrénois, Lévis, avocat d’Electricité de France,
 – les conclusions de M. Combrexelle, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par note du 12 décembre 1988, le directeur de la production et du transport d’Electricité de France a fixé les modalités des retenues sur salaires applicables en cas de grève des agents de conduite des centrales thermiques et nucléaires ;
En ce qui concerne la légalité externe de la note litigieuse :
Sur la compétence du directeur de la production et du transport d’Electricité de France :
Considérant en premier lieu qu’en indiquant dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, que le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent, l’assemblée constituante a entendu inviter le législateur à opérer la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels dont la grève constitue l’une des modalités et la sauvegarde de l’intérêt général, auquel elle peut être de nature à porter atteinte ;
Considérant qu’en l’absence de la réglementation ainsi annoncée par la Constitution, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d’exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit, comme à tout autre, en vue d’en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l’ordre public ; qu’en l’état de la législation, il appartient au gouvernement, responsable du bon fonctionnement des services publics, de fixer lui-même, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, la nature et l’étendue desdites limites pour les agents desdits services ;
Considérant toutefois que les principes rappelés ci-dessus ne font pas obstacle à ce que les organes chargés de la direction d’un établissement public, agissant en vertu des pouvoirs généraux d’organisation des services placés sous leur autorité, d’une part, définissent les domaines dans lesquels la sécurité doit être assurée en toutes circonstances ainsi que les fonctions nécessaires pour assurer cette sécurité, d’autre part, déterminent les limitations apportées à l’exercice du droit de grève dans l’établissement en vue d’en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l’ordre public ;
Considérant, en second lieu, que si, par un arrêté en date du 28 mars 1980 en vigueur à la date de la note litigieuse, le ministre de l’industrie avait défini les consignes générales de « délestage » sur les réseaux électriques et déterminé les catégories d’usagers prioritaires bénéficiant, lorsque des « délestages » sont nécessaires, du maintien de l’alimentation en énergie électrique, cet arrêté ne constituait pas une réglementation du droit de grève des agents d’Electricité de France, mais se bornait à définir le service minimum s’imposant à l’établissement public en toutes circonstances ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le directeur de la production et du transport d’Electricité de France, agissant par délégation du directeur général d’Electricité de France, pouvait, sans excéder sa compétence, édicter les règles applicables, en cas de grève, aux agents de conduite des centrales nucléaires et thermiques placés sous son autorité ;

Sur le défaut de consultation du conseil supérieur des comités mixtes à la production :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 432-1 du code du travail, « Dans l’ordre économique, le comité d’entreprise est obligatoirement informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche de l’entreprise, et, notamment, sur les mesures de nature à affecter … les conditions d’emploi, de travail … du personnel » ; que si en vertu de l’article L.431-1 du même code, ces dispositions sont applicables aux établissements publics à caractère industriel et commercial lorsqu’ils « emploient du personnel dans les conditions du droit privé » la note du 12 décembre 1988 ne peut être regardée eu égard à son objet comme une mesure pour laquelle la consultation du comité d’entreprise était requise en application des dispositions précitées du code du travail ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que cette note serait entachée d’illégalité en raison de l’absence de cette consultation ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant, d’une part, qu’eu égard à la nature du service public de production d’électricité, aux impératifs de sécurité qui lui sont liés et aux contraintes techniques de maintien de l’interconnexion et de préservation de l’équilibre entre la demande et l’offre d’électricité, la note litigieuse ne porte pas, contrairement à ce que soutiennent les requérants, une atteinte excessive au droit de grève des agents d’Electricité de France en prévoyant que les agents de conduite des centrales de production, présents à leur poste de travail et se déclarant néanmoins grévistes, ne peuvent s’écarter du programme de production établi et transmis par l’autorité chargée d’assurer l’équilibre du réseau ;

Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 521-6 du code du travail : « En ce qui concerne les personnels visés à l’article L. 521-2 non soumis aux dispositions de l’article 1er de la loi n° 82-889 du 19 octobre 1982, l’absence de service fait par suite de cessation concertée du travail entraîne une retenue du traitement ou de salaire et de ses compléments autres que les suppléments pour charges de famille. Les retenues sont opérées en fonction des durées d’absence définies à l’article 2 de la loi précitée » et qu’aux termes de l’article L. 122-42 du code du travail, dans la rédaction que lui a donnée la loi du 4 août 1982 : « Les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites. Toute disposition ou stipulation contraire est réputée non écrite » ; que si la note attaquée prévoit que « Tout agent de conduite présent à son poste de travail, se déclarant gréviste et participant à un mouvement qui conduit, au cours de ce poste de travail, à s’écarter d’un programme de production établi et transmis par le dispatching, effectue de manière défectueuse son contrat de travail. » et que cet agent recevra néanmoins pendant ce poste de travail, 20 % de son salaire en raison des tâches de maintien de la sûreté et de la sécurité des installations qu’il aura effectuées, la note dont il s’agit n’a pas institué une sanction pécuniaire en méconnaissance du principe général du droit dont s’inspire l’article L. 122-42 précité mais s’est, en réalité, bornée, pour l’application des règles de retenue de salaires prévues à l’article L. 521-6 du code du travail, à tenir compte de l’exécution partielle de leurs obligations de service par ces agents ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que cette note est entachée d’illégalité ;
Article 1er : La requête de MM. Z…, Y… et X… est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Philippe Z…, à M. Didier Y…, à M. Patrick X…, à Electricité de France, au président du conseil de prud’hommes de Meaux et au ministre de l’industrie, de la poste et des télécommunications.

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