Conseil d'Etat, 4 / 6 SSR, du 25 juillet 2001, 210797, publié au recueil Lebon

  • Moyen approprié d'assurer la protection du fonctionnaire·
  • Statuts, droits, obligations et garanties·
  • Dépôt d'une plainte par le ministre·
  • Fonctionnaires et agents publics·
  • Garanties et avantages divers·
  • Existence·
  • Éducation nationale·
  • Fonctionnaire·
  • Plainte·
  • Justice administrative

Résumé de la juridiction

Les dispositions de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 établissent à la charge de la collectivité publique et au profit des fonctionnaires lorsqu’ils ont été victimes d’attaques à l’occasion de leurs fonctions, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d’intérêt général. Aux termes du 3 de l’article 48 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse : "Dans le cas d’injure ou de diffamation envers les fonctionnaires publics, les dépositaires ou agents de l’autorité publique autres que les ministres (…), la poursuite aura lieu, soit sur leur plainte, soit d’office sur la plainte du ministre dont ils relèvent". S’il est loisible au ministre, dans le cas où le dépôt d’une plainte par celui-ci constituerait le moyen approprié d’assurer la protection du fonctionnaire, de recueillir préalablement l’avis de l’intéressé, les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 rappelées ci-dessus ne subordonnent pas le dépôt par le ministre d’une plainte au dépôt d’une plainte par le fonctionnaire concerné. Ainsi en édictant une telle règle, en cas d’infractions réprimées par la loi du 29 juillet 1881, le ministre de l’éducation nationale a ajouté aux dispositions législatives relatives à l’obligation de protection de l’Etat.

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral


Vu la requête, enregistrée le 22 juillet 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par la FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE L’EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE PUBLIQUE (SGEN-CFDT), dont le siège est … 19 (75950 cedex) ; la FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE L’EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE PUBLIQUE (SGEN-CFDT) demande que le Conseil d’Etat annule la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l’éducation nationale sur sa demande du 22 janvier 1999 tendant à l’abrogation de certaines des dispositions de sa note de service n° 83-346 du 19 septembre 1983 relative à l’application des dispositions du troisième alinéa de l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
 – le rapport de M. Struillou, Maître des Requêtes,
 – les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de la FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE L’EDUCATION NATIONALE,
 – les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article 11 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : « Les fonctionnaires bénéficient, à l’occasion de leurs fonctions, d’une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales ( …) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté … » ; qu’aux termes du 3° de l’article 48 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui doit être regardée comme une loi spéciale au sens des dispositions précitées : « Dans le cas d’injure ou de diffamation envers les fonctionnaires publics, les dépositaires ou agents de l’autorité publique autres que les ministres ( …), la poursuite aura lieu, soit sur leur plainte, soit d’office sur la plainte du ministre dont ils relèvent » ;
Considérant que le 19 septembre 1983 le ministre de l’éducation nationale a adressé aux recteurs une note de service n° 83-346 relative à la protection juridique des fonctionnaires aux termes de laquelle : « En ce qui concerne les infractions réprimées par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (diffamation et injure commises par la voie de la presse ou par tout autre moyen de publication : livres, affiches, feuilles de propagande, émissions radiodiffusées …), ( …) la poursuite ne peut être engagée que sur la plainte de la victime ou, d’office, sur la plainte du ministre, en application des dispositions de l’article 48 (3°) de la loi du 29 juillet 1881. En vertu de ce texte, votre plainte ne pourrait pas permettre au parquet de mettre en mouvement l’action publique. En revanche, la mienne, qui n’est pas obligatoire, la déclencherait d’office. Or, s’agissant d’une atteinte à son honneur, le fonctionnaire peut préférer le silence à la nouvelle publicité qu’occasionnerait un procès. S’il désire, au contraire, que des poursuites soient engagées, il doit donc porter plainte lui-même, dans le délai de prescription de l’action publique qui est réduit à trois mois, en vertu des dispositions de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 » ; que, par une décision implicite résultant du silence gardé pendant quatre mois, le ministre de l’éducation nationale a rejeté la demande présentée le 22 janvier 1999 par la FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE L’EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE PUBLIQUE (SGEN-CFDT) tendant à l’abrogation de la disposition précitée qui subordonne dans ce cas le dépôt par le ministre d’une plainte à la circonstance que le fonctionnaire ait lui-même porté plainte ; que la fédération requérante demande l’annulation pour excès de pouvoir de cette décision implicite de rejet ;

Considérant que les dispositions précitées de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 établissent à la charge de la collectivité publique et au profit des fonctionnaires lorsqu’ils ont été victimes d’attaques à l’occasion de leurs fonctions, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d’intérêt général ; que s’il est loisible au ministre, dans le cas où le dépôt d’une plainte par celui-ci constituerait le moyen approprié d’assurer la protection du fonctionnaire, de recueillir préalablement l’avis de l’intéressé, les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 rappelées ci-dessus ne subordonnent pas le dépôt par le ministre d’une plainte au dépôt d’une plainte par le fonctionnaire concerné ; qu’ainsi en édictant une telle règle, en cas d’infractions réprimées par la loi du 29 juillet 1881, le ministre de l’éducation nationale a ajouté aux dispositions législatives relatives à l’obligation de protection de l’Etat ; que, par suite, la fédération requérante était fondée à demander l’abrogation des dispositions contestées de la note de service du 19 septembre 1983 comme prises par une autorité incompétente ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE L’EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE PUBLIQUE (SGEN-CFDT) est fondée à demander l’annulation de la décision implicite de rejet de cette demande ;
Sur l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l’Etat à payer à la FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE L’EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE PUBLIQUE (SGEN-CFDT) la somme de 10 000 F qu’elle demande au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Article 1er  : La décision par laquelle le ministre de l’éducation nationale a refusé d’abroger la disposition de la note de service n° 83-346 du 19 septembre 1983 imposant au fonctionnaire de déposer plainte pour que le ministre porte plainte en cas d’infractions réprimées par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est annulée.
Article 2 : L’Etat versera à la FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE L’EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE PUBLIQUE (SGEN-CFDT) une somme de 10 000 F au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE L’EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE PUBLIQUE (SGEN-CFDT) et au ministre de l’éducation nationale.

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