Conseil d'État, Assemblée, 5 mars 2003, 242860, Publié au recueil Lebon

  • B) traité ou accord régulièrement ratifié ou approuvé·
  • Loi autorisant l'approbation de l'un de ses avenants·
  • Accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié·
  • Actes législatifs et administratifs·
  • Application par le juge français·
  • 53 de la constitution de 1958)·
  • Différentes catégories d'actes·
  • Conventions internationales·
  • Pouvoirs et devoirs du juge·
  • Application dans le temps

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

La date d’entrée en vigueur dans l’ordre interne d’une convention internationale régulièrement ratifiée et publiée résulte de ses stipulations sur ce point, alors même qu’elles donneraient à cette entrée en vigueur un effet rétroactif [RJ3]. En adoptant une loi autorisant l’approbation d’un nouvel avenant à un traité ou à un accord international qui n’avait pas lui-même été auparavant approuvé en vertu d’une loi, le législateur a nécessairement entendu autoriser l’approbation de l’ensemble des stipulations de l’accord ou traité initial et de ses avenants dont ce nouvel avenant n’est pas séparable, y compris celles de ces stipulations qui comportaient une date d’entrée en vigueur. Dès lors, la publication du nouvel avenant doit faire regarder le traité ou accord comme entré en vigueur à cette date. a) Un traité ou accord international portant sur des matières relevant de la loi doit être regardé comme modifiant des dispositions de nature législative au sens des dispositions de l’article 53 de la Constitution.,,b) Il résulte des dispositions des articles 53 et 55 de la Constitution qu’il appartient au juge administratif, saisi d’un moyen en ce sens, de s’assurer qu’un traité ou accord a été régulièrement ratifié ou approuvé, non seulement lorsqu’un tel moyen est invoqué à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir directement formé à l’encontre du décret de publication qui en a permis l’introduction dans l’ordre juridique interne, mais aussi par voie d’exception, à l’occasion d’un litige mettant en cause l’application de cet engagement international, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que le décret de publication dont la légalité est ainsi nécessairement contestée n’a pas été attaqué dans le délai de recours contentieux. a) L’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et ses deux premiers avenants en date des 22 décembre 1985 et 28 septembre 1994 portent sur des matières relevant du domaine de la loi. Ils doivent être regardés comme modifiant des dispositions de nature législative au sens des dispositions de l’article 53 de la Constitution.,,b) En adoptant la loi du 29 octobre 2002 autorisant l’approbation du troisième avenant à l’accord du 27 décembre 1968, le législateur a nécessairement entendu autoriser l’approbation de l’ensemble des stipulations de l’accord initial et de ses deux premiers avenants dont ce nouvel avenant n’est pas séparable.,,c) A la suite de la publication du troisième avenant au Journal officiel de la République française le 26 décembre 2002, l’accord et ses deux premiers avenants doivent être regardés, selon leurs termes mêmes, comme étant entrés en vigueur à la date de leur signature. En particulier, le deuxième avenant doit être regardé comme étant régulièrement applicable à compter du 28 septembre 1994.

Est recevable, à l’appui d’une contestation de la décision préfectorale refusant un titre de séjour à un étranger en application des stipulations de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, le moyen tiré de ce que cet accord ou ses avenants n’ont pas été été régulièrement approuvés faute d’avoir fait l’objet d’une autorisation d’approbation par la loi.

Il résulte des dispositions des articles 53 et 55 de la Constitution qu’il appartient au juge administratif, saisi d’un moyen en ce sens, de s’assurer qu’un traité ou accord a été régulièrement ratifié ou approuvé, non seulement lorsqu’un tel moyen est invoqué à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir directement formé à l’encontre du décret de publication qui en a permis l’introduction dans l’ordre juridique interne, mais aussi par voie d’exception, à l’occasion d’un litige mettant en cause l’application de cet engagement international, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que le décret de publication dont la légalité est ainsi nécessairement contestée n’a pas été attaqué dans le délai de recours contentieux.

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la requête, enregistrée le 8 février 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. A… B…, demeurant…, ; M. B… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le jugement du 22 janvier 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 4 décembre 2001 du préfet des Hautes-Alpes ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision fixant le pays à destination duquel il doit être reconduit ;

2°) d’annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et cette décision ;

3°) d’enjoindre au préfet des Hautes-Alpes de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 153 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente décision ;

4°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 3 050 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment ses articles 34, 53 et 55 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu l’accord du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, modifié notamment par l’avenant du 28 septembre 1994 ;

Vu l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu la loi n° 2002-1305 du 29 octobre 2002, ensemble le décret n° 2002-1500 du 20 décembre 2002 portant publication du troisième avenant à l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, signé à Paris le 11 juillet 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mlle Courrèges, Auditeur,

— les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de l’arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu’aux termes du I de l’article 22 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : « Le représentant de l’Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu’un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l’étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s’est maintenu sur le territoire au-delà du délai d’un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ; qu’il ressort des pièces du dossier que M. B…, de nationalité algérienne, s’est maintenu sur le territoire français plus d’un mois après la notification, le 27 septembre 2001, de la décision du 13 septembre 2001 du préfet des Hautes-Alpes lui refusant un titre de séjour et l’invitant à quitter le territoire ; qu’il était ainsi dans le cas où le préfet peut décider la reconduite d’un étranger à la frontière ;

En ce qui concerne l’exception d’illégalité de la décision de refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 53 de la Constitution : « Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l’organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l’Etat, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi (…) » ; qu’aux termes de l’article 55 de la Constitution : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie » ; qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que les traités ou accords relevant de l’article 53 de la Constitution et dont la ratification ou l’approbation est intervenue sans avoir été autorisée par la loi, ne peuvent être regardés comme régulièrement ratifiés ou approuvés au sens de l’article 55 précité ;

Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de la Constitution qu’il appartient au juge administratif, saisi d’un moyen en ce sens, de s’assurer qu’un traité ou accord a été régulièrement ratifié ou approuvé, non seulement lorsqu’un tel moyen est invoqué à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir directement formé à l’encontre du décret de publication qui en a permis l’introduction dans l’ordre juridique interne, mais aussi par voie d’exception, à l’occasion d’un litige mettant en cause l’application de cet engagement international, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que le décret de publication dont la légalité est ainsi nécessairement contestée n’a pas été attaqué dans le délai de recours contentieux ; que, par suite, à l’appui de sa contestation de la décision préfectorale du 13 septembre 2001 qui lui a refusé un titre de séjour au motif que l’article 9 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dans sa rédaction issue de l’avenant du 28 septembre 1994, subordonne la délivrance d’un certificat de résident à un ressortissant algérien à la présentation d’un passeport en cours de validité muni d’un visa de long séjour délivré par les autorités françaises, M. B… est, contrairement à ce que soutient le ministre des affaires étrangères, recevable à se prévaloir de ce que ni cet avenant, ni l’accord initial qu’il modifie n’auraient été régulièrement approuvés faute d’avoir fait l’objet d’une autorisation d’approbation par la loi ;

Considérant que l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et ses deux premiers avenants en date des 22 décembre 1985 et 28 septembre 1994, qui sont relatifs aux conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et à y exercer une activité professionnelle, portent sur des matières relevant du domaine de la loi ; que, dès lors, ils doivent être regardés comme modifiant des dispositions de nature législative, au sens des dispositions précitées de l’article 53 de la Constitution ;

Considérant toutefois qu’en adoptant la loi du 29 octobre 2002 autorisant l’approbation du troisième avenant à l’accord du 27 décembre 1968, le législateur a nécessairement entendu autoriser l’approbation de l’ensemble des stipulations de l’accord initial et de ses deux premiers avenants dont ce nouvel avenant n’est pas séparable, y compris celles de ces stipulations qui, exprimant tout autant que les autres la commune intention des parties, comportaient une date d’entrée en vigueur ; qu’ainsi, à la suite de la publication du troisième avenant au Journal officiel de la République française le 26 décembre 2002, l’accord et ses deux premiers avenants doivent être regardés, selon leurs termes mêmes, comme étant entrés en vigueur à la date de leur signature ; qu’en particulier, le deuxième avenant, dont il a été fait application pour refuser à M. B… un titre de séjour, doit être regardé comme étant régulièrement applicable à compter du 28 septembre 1994 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet des Hautes-Alpes ne pouvait opposer à la demande de titre de séjour de l’intéressé les stipulations de ce deuxième avenant, faute pour celui-ci d’avoir été approuvé en vertu d’une loi, doit être écarté ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. B… n’était pas titulaire, à la date de la décision contestée, d’un passeport muni du visa de long séjour exigé par l’article 9 de l’accord franco-algérien ; que, dès lors, le préfet des Hautes-Alpes a pu légalement se fonder sur ce motif pour refuser à M. B… le titre de séjour sollicité ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article 2 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 : « Les étrangers sont, en ce qui concerne leur séjour en France, soumis aux dispositions de la présente ordonnance, sous réserve des conventions internationales » ; que si l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit d’une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n’a toutefois pas entendu écarter, sauf stipulations incompatibles expresses, l’application des dispositions de procédure qui s’appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour, dès lors que ces ressortissants algériens se trouvent dans une situation entrant à la fois dans les prévisions de l’accord et dans celles de l’ordonnance du 2 novembre 1945 ; qu’au nombre de ces dispositions figurent notamment celles qui résultent des articles 12 bis (7°) et 12 quater de l’ordonnance du 2 novembre 1945 qui prévoient que le préfet doit consulter la commission du titre de séjour lorsqu’il envisage de refuser un titre de séjour à un étranger dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que ce refus porterait au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de ce refus ; que le préfet n’est toutefois tenu de saisir la commission que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement cette condition, et non de celui de tous les étrangers qui s’en prévalent ;

Considérant que si M. B… fait valoir qu’il est marié à une ressortissante de nationalité française depuis le 17 mars 2001, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, notamment de la durée et des conditions du séjour en France de l’intéressé, la décision de refus de titre de séjour en date du 13 septembre 2001 n’était pas susceptible de porter à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été décidée cette mesure ; que, par suite, M. B… n’est pas fondé à soutenir que le préfet des Hautes-Alpes était tenu de consulter la commission du titre de séjour ;

Considérant, enfin, que le moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour méconnaîtrait les stipulations de l’article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’est pas assorti des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé ;

En ce qui concerne l’autre moyen :

Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré de ce que l’arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. B… méconnaîtrait les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne peut qu’être écarté ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant que l’arrêté du 4 décembre 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. B… décide que l’intéressé sera éloigné à destination de l’Algérie ; que si le requérant soutient qu’il court des risques personnels en cas de retour dans ce pays en raison de ses qualifications professionnelles et des menaces dont il a été l’objet à la suite de son refus de collaborer avec des organisations intégristes, l’intéressé, dont la demande d’asile territorial a d’ailleurs été rejetée par une décision du 31 août 2001 du ministre de l’intérieur, n’apporte pas d’éléments de nature à établir la réalité des risques invoqués ; que, par suite, le moyen tiré, à l’encontre de la décision fixant le pays de destination, de l’erreur manifeste d’appréciation qu’aurait commise le préfet des Hautes-Alpes doit être écarté ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. B… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d’injonction :

Considérant que la présente décision n’appelle aucune mesure d’exécution ; que, dès lors, les conclusions de M. B… tendant à ce qu’il soit enjoint au préfet des Hautes-Alpes de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à M. B… la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B… est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A… B…, au préfet des Hautes-Alpes, au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et au ministre des affaires étrangères.

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