Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 2 avril 2008, 282279, Inédit au recueil Lebon

  • Justice administrative·
  • Créance·
  • Tribunaux administratifs·
  • L'etat·
  • Administration·
  • Prescription quadriennale·
  • Communication·
  • Rappel de salaire·
  • Défense·
  • Conseil d'etat

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CE, 7e et 2e ss-sect. réunies, 2 avr. 2008, n° 282279
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 282279
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Marseille, 9 mai 2005
Identifiant Légifrance : CETATEXT000018573362
Identifiant européen : ECLI:FR:CESSR:2008:282279.20080402

Sur les parties

Texte intégral

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 juillet et 11 novembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Jacqueline A demeurant … ; Mme A demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 10 mai 2005 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté sa requête tendant, d’une part, à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Nice en date du 27 juin 2000 en tant qu’il a rejeté sa demande de condamnation de l’Etat au paiement d’une indemnité représentant le rappel de ses salaires du 1er janvier 1970 au 31 décembre 1982 résultant de sa reconstitution de carrière, d’autre part, à la condamnation de l’Etat à lui verser le montant du rappel de salaires assorti des intérêts au taux légal à compter du 28 avril 1994, avec capitalisation annuelle ;
2°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 27 juin 2000 en tant qu’il a rejeté sa demande tendant à ce que l’Etat soit condamné à lui verser une indemnité représentant le rappel des salaires auxquels elle pouvait prétendre pour la période comprise entre le 1er janvier 1970 et le 31 décembre 1982 ;
3°) de condamner l’Etat à lui verser une indemnité représentant le rappel des salaires auquel elle peut prétendre pour la période comprise entre le 1er janvier 1970 et le 31 décembre 1982 avec intérêts à compter du 28 février 1994 et capitalisation ;
4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 ;
Vu le décret 78-1082 du 13 novembre 1978 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
 – le rapport de M. Philippe Mettoux, Conseiller d’Etat,  – les observations de Me Balat, avocat de Mme A,  – les conclusions de M. Bertrand Dacosta, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme A, engagée volontaire dans la marine nationale du 1er avril 1963 au 1er avril 1968, a ensuite été embauchée le 29 avril 1968 en qualité d’ouvrière temporaire, puis le 1er janvier 1970, d’ouvrière appartenant au personnel ouvrier réglementé de la marine aux arsenaux de Toulon ; qu’en 1989 il a été procédé en sa faveur à une reconstitution de carrière à compter du 1er janvier 1970 prenant en compte ses cinq années de service militaire ; que l’administration a cependant limité les rappels de rémunération à la période postérieure au 1er janvier 1984 en application de l’article 7 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat ; que le 28 février 1994, l’administration a opposé une fin de non-recevoir à la demande par laquelle Mme A sollicitait la régularisation de sa situation financière par le versement de rappels de rémunération à compter du 1er janvier 1970 et jusqu’au 31 décembre 1983 ; que saisi par cette dernière d’une demande en paiement de ses salaires pour cette période, le tribunal administratif de Nice n’a fait droit à sa demande que pour la période postérieure au 1er janvier 1983, décision confirmée par la cour administrative d’appel de Marseille ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant, qu’il ressort des pièces du dossier que Mme A n’a pas reçu communication du mémoire en défense produit par le ministre de la défense le 14 mars 2005, en méconnaissance des dispositions du deuxième alinéa de l’article R. 6111 alinéa 2 du code de justice administrative ; qu’ainsi la procédure suivie devant la cour administrative d’appel est entachée d’irrégularité ; que par suite, Mme A est fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut « régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie » ; que dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;
Considérant en premier lieu, qu’aux termes de l’article 7 de la loi du 31 décembre 1968 : « l’Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d’une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l’invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond » ; qu’il ressort des pièces du dossier que le ministre de la défense, bien que n’ayant pas invoqué la prescription quadriennale en première instance, l’avait préalablement opposée pour prendre la décision de refus attaquée ; Considérant en second lieu, qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1968, « sont prescrites, au profit de l’Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d’un comptable public. » ; qu’aux termes de l’article 2 de la même loi « La prescription est interrompue par : (…)/ Toute communication écrite d’une administration intéressée, même si cette communication n’a pas été faite directement au créancier qui s’en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance ; (…)/ Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l’interruption. Toutefois, si l’interruption résulte d’un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée » ;
Considérant que Mme A demande le versement de rappels de rémunération à compter du 1er janvier 1970 jusqu’au 31 décembre 1983, consécutivement à la reconstitution de sa carrière obtenue par décision du directeur des constructions et armes navales de Toulon en date du 5 juillet 1989, prise sur le fondement des dispositions de la loi du 13 juillet 1972 et de son décret d’application du 13 novembre 1978 ; que le fait générateur de la créance dont se prévaut la requérante n’est pas constitué par cette décision, mais par le service fait par elle du 1er janvier 1970 au 31 décembre 1983 ; que le caractère tardif de la régularisation de sa situation est donc sans effet sur le point de départ de la prescription ; que seule la circulaire interministérielle du 16 juillet 1987 par laquelle le ministre de la défense a précisé les conditions d’application des mesures prévues par la loi du 13 juillet 1972, constitue une communication de l’administration relative à l’existence de la créance et a interrompu le délai de prescription quadriennale ; que dès lors la requérante est fondée à demander le versement de ses rappels de rémunération du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1983 avec intérêts moratoires à compter du premier jour de sa demande soit le 28 février 1994 ;
Considérant en dernier lieu, qu’aux termes de l’article 3 de la loi du 31 décembre 1968 « La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l’intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l’existence de sa créance ou de la créance de celui qu’il représente légalement. » ; qu’en raison de la publication au journal officiel de la République française de la loi du 13 juillet 1972 et de son décret d’application du 13 novembre 1978, et de la publication, même tardive, au bulletin officiel des armées de la circulaire interministérielle du 16 juillet 1987, Mme A ne saurait faire valablement état de l’ignorance de ses droits ; que par suite, elle ne peut être légitimement regardée comme ignorant l’existence de sa créance ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme A n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Nice n’a fait droit à sa demande de condamnation de l’État au paiement d’une indemnité représentant le rappel de salaires du 1er janvier 1970 au 31 décembre 1983 qu’à compter du 1er janvier 1983 ; Sur les conclusions aux fins d’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat le versement à Mme A la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :
--------------
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille en date du 10 mai 2005 est annulé.
Article 2 : L’appel de Mme A contre le jugement du tribunal administratif de Nice du 27 juin 2000 et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : L’Etat versera à Mme A la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Jacqueline A et au ministre de la défense.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 2 avril 2008, 282279, Inédit au recueil Lebon