Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 29 avril 2009, 299949, Publié au recueil Lebon

  • Appréciation de l'existence d'une révélation·
  • Règles générales d'établissement de l'impôt·
  • 1) circonstance sans incidence·
  • Contributions et taxes·
  • Prescription·
  • 170 du lpf)·
  • Généralités·
  • Imposition·
  • Justice administrative·
  • Administration fiscale

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

) Pour l’application des dispositions de l’article L. 170 du livre des procédures fiscales (LPF), qui prévoient un délai exceptionnel de reprise au bénéfice de l’administration fiscale en cas d’omissions ou d’insuffisances d’imposition révélées par une instance devant les tribunaux, la circonstance que l’administration fiscale, qui a fait application de l’article 40 du code de procédure pénale, ait été indirectement à l’origine de l’instance, est à elle seule sans incidence sur l’existence d’omissions ou d’insuffisances révélées par cette instance. 2) Pour l’application de ces mêmes dispositions, l’appréciation de l’existence d’omissions ou d’insuffisances révélées par une instance doit tenir compte non seulement des renseignements recueillis par l’administration fiscale avant la saisine des autorités judiciaires, mais aussi de la possibilité pour elle, à partir de ces seuls renseignements, de mettre en oeuvre les procédures d’investigation dont elle dispose pour établir, dans le délai normal de reprise, les insuffisances ou omissions d’imposition.

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 20 décembre 2006 et le 19 mars 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. et Mme A, demeurant … ; M. et Mme A demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 9 octobre 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté l’appel qu’ils ont interjeté du jugement du 8 mars 2005 du tribunal administratif d’Orléans rejetant leurs demandes tendant à la décharge des impositions supplémentaires auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1991 à 1999 en matière d’impôt sur le revenu, de prélèvement social, de contribution sociale généralisée ainsi que de contribution au remboursement de la dette sociale ;

2°) réglant l’affaire au fond, de leur accorder la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Anne Egerszegi, Maître des Requêtes,

— les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. et Mme A,

— les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. et Mme A ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’à l’occasion d’une enquête menée sur le fondement de l’article L. 80 F du livre des procédures fiscales auprès de la société anonyme Rapid Circuit Imprimé (RCI), l’administration fiscale a été informée de l’existence d’un dispositif de surfacturations portant sur un produit utilisé dans la fabrication, par la société, de circuits imprimés, dont M. A, qui présidait le conseil d’administration de la société et en était le directeur général, aurait été l’instigateur, avec la complicité d’un fournisseur, au détriment de la société; que, par une note du 2 avril 1998, le contrôleur-enquêteur, qui faisait état du décalage constaté entre les quantités de produit facturées et les estimations des consommations de ce produit nécessaires à l’activité de l’entreprise, proposait à son supérieur hiérarchique de porter ces informations à la connaissance des autorités judiciaires, en application de l’article 40 du code de procédure pénale ; qu’après avoir exercé son droit de communication auprès de l’autorité judiciaire puis procédé à une vérification de la comptabilité de la société RCI, l’administration fiscale a réintégré dans les résultats de celle-ci les sommes correspondant à des achats fictifs et imposé entre les mains de M. A, au titre des années 1991 à 1999, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les mêmes sommes, diminuées d’une ristourne de 20 % consentie au fournisseur ; que M. et Mme A se pourvoient en cassation contre l’arrêt du 9 octobre 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté l’appel qu’ils ont interjeté du jugement du tribunal administratif d’Orléans du 8 mars 2005 qui a rejeté leur demande tendant à la décharge des suppléments d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux qui leur ont été assignés au titre des années 1991 à 1999, en conséquence de ce redressement ;

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

Considérant qu’après avoir relevé que les redressements litigieux n’étaient fondés que sur les documents obtenus après exercice du droit de communication auprès de l’autorité judiciaire, dont l’origine et la teneur avaient été portées à la connaissance des contribuables, la cour, qui n’a pas dénaturé les pièces du dossier, a pu, sans commettre d’erreur de droit, juger que l’administration fiscale n’était pas tenue d’informer M. et Mme A, dans la notification de redressements qu’elle leur avait adressée, de l’existence de la note interne du 2 avril 1998 faisant état de présomptions de détournements ;

Sur le bien-fondé des impositions établies au titre des années 1991 à 1997 :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 170 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de l’article 104 de la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 portant loi de finances pour 1990 : Même si les délais de reprise prévus à l’article L. 169 sont écoulés, les omissions ou insuffisances d’imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l’administration des impôts jusqu’à la fin de l’année suivant celle de la décision qui a clos l’instance et, au plus tard, jusqu’à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due  ;

Considérant qu’en jugeant, au seul motif que les renseignements recueillis par l’administration fiscale, avant la saisine des autorités judiciaires, ne pouvaient suffire à établir les redressements correspondant aux insuffisances d’imposition qui pouvaient être présumées, que ces insuffisances devaient être nécessairement regardées comme ayant été révélées par l’instance pénale engagée dans les conditions exposées ci-dessus, et en en déduisant que l’administration fiscale avait pu se prévaloir du délai de reprise dérogatoire prévu par les dispositions précitées de l’article L. 170 du livre des procédures fiscales, sans rechercher si l’administration disposait d’éléments suffisants lui permettant, par la mise en oeuvre des procédures d’investigation dont elle dispose, d’établir, dans le délai normal de reprise, les insuffisances ou omissions d’imposition, la cour a commis une erreur de droit ; que par suite, l’arrêt du 9 octobre 2006 doit être annulé, en tant qu’il porte sur les années d’imposition 1991 à 1997 ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler, dans cette mesure, l’affaire au fond, en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que les informations portées à la connaissance de l’administration fiscale et retracées dans la note du 2 avril 1998 permettaient aux services du contrôle fiscal, qui ont d’ailleurs estimé que ces éléments méritaient d’être portés à la connaissance du procureur de la République, en application de l’article 40 du code de procédure pénale, de procéder, dans le délai normal de reprise, aux investigations nécessaires à la confirmation des surfacturations et à l’établissement des omissions et insuffisances d’impositions qui en découlaient ; que, dès lors, celles-ci ne peuvent être regardées comme ayant été révélées par l’instance pénale ; qu’il en résulte qu’ayant choisi d’attendre les résultats de l’instruction pénale et de notifier des redressements à M. A après avoir exercé, en 2001, son droit de communication auprès de l’autorité judiciaire, l’administration fiscale ne pouvait bénéficier du délai de reprise dérogatoire prévu par l’article L. 170 du livre des procédures fiscales ; que dès lors, M. et Mme A sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement du 8 mars 2005, le tribunal administratif d’Orléans a rejeté leur demande tendant à la décharge des suppléments d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux qui leur ont été assignés au titre des années 1991 à 1997, au motif qu’ils ne pouvaient bénéficier, pour ces années, de la prescription qui leur était acquise en application des dispositions de l’article L. 169 du livre des procédures fiscales, et à demander que soit ordonnée une telle décharge ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes du 9 octobre 2006 et le jugement du tribunal administratif d’Orléans du 8 mars 2005 sont annulés en tant qu’ils portent sur les années d’imposition 1991 à 1997.

Article 2 : M. et Mme A sont déchargés des suppléments d’impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée qui leur ont été assignés au titre des années 1991 à 1997, du supplément de contribution au remboursement de la dette sociale qui leur a été assigné au titre des années 1995 à 1997 et du supplément de prélèvement social qui leur a été assigné au titre de l’année 1997.

Article 3 : L’Etat versera à M. et Mme A la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. et Mme A devant le Conseil d’Etat et devant la cour administrative d’appel de Nantes est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Marc A et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

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