Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 5 juin 2009, 321898

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Référence :
CE, 7e et 2e ss-sect. réunies, 5 juin 2009, n° 321898, Lebon T.
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 321898
Importance : Mentionné aux tables du recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Rouen, 24 septembre 2008
Identifiant Légifrance : CETATEXT000020869385
Identifiant européen : ECLI:FR:CESSR:2009:321898.20090605

Sur les parties

Texte intégral

Vu 1°), sous le n° 321898, la requête, enregistrée le 27 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par Mme Odile I, demeurant … ; Mme I demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le jugement du 25 septembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa protestation contre les opérations électorales qui se sont déroulées le 16 mars 2008 pour l’élection des conseillers municipaux dans la commune d’Evreux (27000) ;

2°) d’annuler ces opérations électorales ;

Vu 2°), sous le n° 321918, la requête, enregistrée le 27 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour M. Jean-Pierre D, demeurant … ; M. D demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le jugement du 25 septembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa protestation dirigée contre les opérations électorales qui se sont déroulées le 16 mars 2008 pour l’élection des conseillers municipaux dans la commune d’Evreux (27000) ;

2°) d’annuler ces opérations électorales ;

3°) de mettre à la charge de M. B et autres 500 euros chacun au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Dominique Laurent, Conseiller d’Etat,

— les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. NICOLAS et de la SCP Monod, Colin, avocat de M. Champredon,

— les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. NICOLAS et à la SCP Monod, Colin, avocat de M. Champredon ;

Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;

Sur l’intervention de M. C :

Considérant que M. C était candidat aux élections municipales d’Evreux ; que, par suite, son intervention est recevable ;

Considérant qu’à l’issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 16 mars 2008 en vue de la désignation du conseil municipal d’Evreux, la liste conduite par M. B a obtenu 7730 voix et 34 sièges, la liste conduite par M. D, maire sortant, 7251 voix et 11 sièges, et la liste conduite par M. C 483 voix et aucun siège ; que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté les protestations présentées par Mme I, par M. D, par M. J, par M. K et par M. L ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu’il résulte des pièces du dossier que Mme I n’a pas retiré à la poste le pli recommandé contenant la convocation à l’audience que lui avait adressé le tribunal administratif de Rouen; que par suite le moyen tiré de ce qu’elle n’aurait pas été convoquée à l’audience par le tribunal manque en fait ;

Considérant qu’aux termes de l’article R. 623-1 du code de justice administrative ; La juridiction peut, soit sur la demande des parties, soit d’office, prescrire une enquête sur les faits dont la constatation lui paraît utile à l’instruction de l’affaire  ; que dès lors, Mme I ne peut soutenir que le tribunal administratif de Rouen auquel ces dispositions donnent le pouvoir d’apprécier l’opportunité d’ordonner une enquête utile à l’instruction, était tenu de prescrire l’enquête à la barre qu’elle demandait ; que le tribunal en s’estimant suffisamment informé pour rejeter la demande d’enquête présentée par Mme I a suffisamment motivé son jugement ;

Considérant que le tribunal administratif de Rouen n’a pas répondu au grief, qui n’était pas inopérant, soulevé par M. D et tiré de ce que l’article R. 55 du code électoral, en ce qu’il autorise le retrait à tout moment de ses bulletins par un candidat ou ses mandataires, serait contraire au principe d’égalité des électeurs ; que son jugement doit donc être annulé en tant qu’il statue sur la protestation présentée par M. D ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la protestation présentée par M. D, et de statuer, par l’effet dévolutif de l’appel, sur l’appel de Mme I ;

Sur les griefs relatifs au déroulement de la campagne électorale :

Considérant qu’aux termes des deux premiers alinéas de l’article L. 51 du code électoral Pendant la durée de la période électorale, dans chaque commune, des emplacements spéciaux sont réservés par l’autorité municipale pour l’apposition des affiches électorales. /Dans chacun de ces emplacements, une surface égale est attribuée à chaque candidat ou à chaque liste de candidats , et qu’aux termes de l’article L. 90 du code électoral : Sera passible d’une amende de 9 000 euros : – Tout candidat qui utilisera ou permettra d’utiliser son panneau d’affichage dans un but autre que la présentation et la défense de sa candidature et de son programme, pour son remerciement ou son désistement ; – Tout candidat qui cédera à un tiers son emplacement d’affichage ; que, le samedi veille du second tour de scrutin, des affiches ont été apposées sur les panneaux d’affichage réservés à M. C, candidat au premier tour de scrutin en tête de la liste du parti socialiste et des Verts et, à cette date, encore candidat au second tour, lesquelles contenaient la mention : M. C s’étant retiré, le Parti socialiste soutient M. B  ; qu’il ne résulte pas de l’instruction que cet affichage, qui informait les électeurs de ce que le parti socialiste, après avoir initialement soutenu M. C, apportait désormais son soutien à l’autre candidat de gauche, dont la liste avait recueilli davantage de suffrages que celle de M. C au premier tour de scrutin, ait eu le caractère d’une manoeuvre visant à fausser le scrutin ; que si l’avant-veille du second tour, il a été annoncé à tort que les Verts soutenaient la liste conduite par M. B, il résulte de l’instruction que, dès le lendemain de cette annonce faite par voie d’affichage sur les panneaux électoraux officiels, les électeurs ont été informés, par la même voie, de son caractère erroné, de sorte que cette circonstance n’a pas été de nature à créer la confusion dans l’esprit des électeurs et à porter atteinte à la sincérité du scrutin ;

Sur les griefs relatifs au déroulement du scrutin :

En ce qui concerne le retrait des bulletins de la liste conduite par M. C :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 267 du code électoral : Les déclarations de candidatures doivent être déposées au plus tard : – pour le premier tour, le troisième jeudi qui précède le jour du scrutin, à 18 heures ; – pour le second tour, le mardi qui suit le premier tour, à 18 heures. Aucun retrait volontaire ou remplacement de candidat n’est accepté après le dépôt de la liste. /Les retraits des listes complètes qui interviennent avant l’expiration des délais prévus à l’alinéa 1 du présent article pour le dépôt des déclarations de candidatures sont enregistrés; ils comportent la signature de la majorité des candidats de la liste  ; qu’aux termes de l’article R. 55 du même code : Les bulletins de vote déposés par les candidats ou les listes, en application de l’article L. 58, ainsi que ceux adressés au maire par la commission de propagande sont placés dans chaque bureau, à la disposition des électeurs, sous la responsabilité du président du bureau de vote. /Les bulletins de vote peuvent être remis directement au maire par les candidats ou leurs mandataires dûment désignés, au plus tard à midi la veille du scrutin. /Le jour du scrutin, les bulletins peuvent être remis directement au président du bureau de vote par les candidats ou leurs mandataires dûment désignés. /Le maire ou le président du bureau de vote ne sont pas tenus d’accepter les bulletins qui leur sont remis directement par les candidats ou leurs mandataires, dont le format ne répond manifestement pas aux prescriptions des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l’article R. 30. /Le candidat ou son mandataire peut, à tout moment, demander le retrait de ses bulletins de vote. Pour les scrutins de liste, cette demande peut être formulée par la majorité des candidats de la liste ou un mandataire désigné par eux.  ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que les bulletins de vote de la liste conduite par M. C ont été retirés des bureaux de vote dans la matinée du second tour, en application des dispositions précitées de l’article R. 55 du code électoral ;

Considérant que le grief tiré de ce que les dispositions de l’article R. 55 du code électoral autorisant le retrait à tout moment par un candidat de ses bulletins serait contraire au principe d’égalité entre les électeurs et au principe d’égalité entre les candidats devant le suffrage n’a été soulevé qu’après l’expiration du délai du recours contentieux prévu à l’article R. 119 du code électoral ; que, constituant un grief nouveau dépourvu de caractère d’ordre public, il est irrecevable ;

Considérant que si M. C a déposé la liste qu’il conduisait pour le second tour de scrutin conformément aux dispositions de l’article L. 267 du code électoral, et ne l’a pas retiré dans le délai imparti par cet article, et si, dès lors, sa candidature pouvait être regardée comme valable, le dernier alinéa de l’article R. 55 du code électoral lui donnait, cependant, la faculté de retirer des bureaux de vote les bulletins de sa liste; qu’il résulte de l’instruction que M. C, en possession des signatures des candidats de sa liste exigées par les dispositions de l’article R. 55, a engagé, dès samedi après-midi, veille du second tour, les démarches nécessaires pour procéder régulièrement au retrait de ses bulletins de vote, et que ce n’est qu’en raison de l’inaction des services municipaux que ses bulletins ont été déposés dans les bureaux de vote, de sorte que le retrait effectif n’a pu être réalisé que dans la matinée du jour du scrutin, après que la commission de contrôle des opérations électorales eut donné son accord à ce retrait; que dès lors qu’il résulte de l’instruction que la majorité des candidats de la liste souhaitaient effectivement le retrait de leurs bulletins , la circonstance, à la supposer établie, que les mandats donnés par M. C pour retirer les bulletins dans chacun des bureaux de vote, n’auraient pas été réguliers, est sans incidence sur la régularité du retrait ; que si l’opération de retrait s’est prolongée jusque vers 12h30, ce retrait tardif , bien qu’il ait eu pour conséquence que des électeurs ont pu voter en début de matinée pour la liste de M. C dont les bulletins étaient encore à disposition dans les bureaux de vote, n’a pas constitué pas, en l’espèce, une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin ;

Considérant, que si le retrait des bulletins de la liste conduite par M. C a été effectué à la demande du parti socialiste, cette circonstance qui traduit les relations entre un candidat et le parti politique dont il est membre et qui lui avait apporté son soutien au premier tour se rapporte à la vie interne d’un parti, et ne peut être regardée, en principe, comme susceptible d’avoir une incidence sur la régularité du scrutin ;

Considérant enfin que si le retrait des bulletins de vote a provoqué, dans certains bureaux de vote, des perturbations, il résulte de l’instruction qu’elles sont le fait d’opposants à ce retrait, et n’ont pas revêtu une importance telle qu’elles aient pu avoir une influence sur la sincérité du scrutin ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la protestation de M. D doit être rejetée et que Mme I n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa protestation ;

Sur les conclusions présentées par M. D et par M. B tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d’une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions de M. B présentées sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L’intervention de M. C est admise.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 25 septembre 2008 est annulé en tant qu’il a rejeté la protestation de M. D.

Article 3 : La requête de Mme Odile I est rejetée.

Article 4 : La protestation présentée par M. D est rejetée.

Article 5 : Les conclusions présentées par M. D et par M. B devant le Conseil d’Etat au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.


Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme Odile I, à M. Jean-Pierre D, à M. Michel B, à M. Rachid C et au Préfet de l’Eure.

Copie pour information à la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

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Textes cités dans la décision

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