Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 11 octobre 2010, 312284

  • Dérogation instituée par décret simple·
  • 5 du décret du 26 octobre 1984 et art·
  • Actes législatifs et administratifs·
  • Validité des actes administratifs·
  • Fonctionnaires et agents publics·
  • Indemnités et avantages divers·
  • Consultation obligatoire·
  • Procédure consultative·
  • Forme et procédure·
  • Rémunération

Résumé de la juridiction

L’article 5 du décret n° 84-972 du 26 octobre 1984 et l’article 5 du décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985, tous deux pris en Conseil d’Etat, excluent l’indemnisation des jours de congé non pris par les agents des fonctions publiques de l’Etat et des collectivités territoriales. Faute d’avoir été soumis au Conseil d’Etat, le décret n° 2007-1597 du 12 novembre 2007 n’a pu, en son article 5, légalement instituer une dérogation à cette règle, en ouvrant la possibilité pour ces agents de se voir indemniser des jours de congés annuels non pris.

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la requête, enregistrée le 14 janvier 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par le SYNDICAT UNITAIRE TRAVAIL EMPLOI FORMATION INSERTION – FEDERATION SYNDICALE UNITAIRE, dont le siège est 78, rue Lecourbe à Paris (75015) ; le SYNDICAT UNITAIRE TRAVAIL EMPLOI FORMATION INSERTION – FEDERATION SYNDICALE UNITAIRE (SNU TEFI – FSU) demande au Conseil d’Etat d’annuler le décret n° 2007-1597 du 12 novembre 2007 instituant une indemnité compensant les jours de repos travaillés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, notamment son premier protocole additionnel ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 82-452 du 28 mai 1982 ;

Vu le décret n° 82-450 du 28 mai 1982 ;

Vu le décret n° 84-972 du 26 octobre 1984 ;

Vu le décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 ;

Vu le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

Vu le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 ;

Vu le décret n° 2002-634 du 29 avril 2002 ;

Vu le décret n° 2004-878 du 26 août 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Bethânia Gaschet, Auditeur,

— les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

Considérant que le décret du 12 novembre 2007 instituant une indemnité compensant les jours de repos travaillés a mis en place au bénéfice des agents titulaires et non titulaires de l’Etat et des collectivités publiques, au titre de l’année 2007, une indemnisation de certains jours de repos travaillés, applicable tant aux jours de congés annuels travaillés qu’aux jours de repos institués au titre de la réduction du temps de travail travaillés, dans la limite de quatre jours par agent, sur la base d’un montant forfaitaire par jour fixé en fonction de la catégorie statutaire à laquelle chaque agent appartient ; que les agents demandant à bénéficier de cette indemnité ne peuvent bénéficier d’une compensation ou d’une autre indemnité attribuées au même titre ; qu’ils doivent, en vertu de l’article 1er de ce décret, être titulaires d’un compte épargne-temps au 30 novembre 2007 ou en avoir demandé l’ouverture avant cette date ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique :

Considérant qu’en admettant que le décret attaqué soit plus favorable aux agents concernés que le dispositif antérieur existant avant son entrée en vigueur, il n’en résulte pas que le syndicat requérant soit sans intérêt à le contester et ne soit, par conséquent, pas recevable à en demander l’annulation pour excès de pouvoir ;

Sur la légalité du décret attaqué en tant qu’il prévoit la possibilité d’indemniser des jours de congés annuels travaillés :

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête sur ce point ;

Considérant qu’aux termes de l’article 5 du décret du 26 octobre 1984 relatif aux congés annuels des fonctionnaires de l’Etat, et de l’article 5 du décret du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux, pris en Conseil d’Etat : (…) Un congé non pris ne donne lieu à aucune indemnité compensatrice.  ; que le décret du 12 novembre 2007 attaqué, qui ouvre la possibilité pour les agents de la fonction publique de l’Etat et des collectivités publiques de se voir indemniser des jours de congés non pris, déroge aux dispositions précitées de l’article 5 du décret du 26 octobre 1984 et de l’article 5 du décret du 26 novembre 1985, tous deux pris en Conseil d’Etat ; que, par suite, faute d’avoir été soumis au Conseil d’Etat, il est entaché d’illégalité et doit être annulé en tant qu’il a ouvert cette possibilité d’indemnisation de jours de congés annuels non pris ; que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision, ne sont pas remises en cause les indemnités versées aux agents concernés sur le fondement du décret du 12 novembre 2007 qui ont créé des droits à l’expiration du délai de retrait de quatre mois ;

Sur la légalité du décret attaqué en tant qu’il prévoit la possibilité d’indemniser d’autres jours de repos travaillés :

Considérant, en premier lieu, que la condition posée par le décret attaqué tenant à la possession d’un compte épargne-temps a pour objet de définir le champ des agents concernés par ses dispositions, sans modifier les textes régissant ce compte, dans la mesure notamment où les jours indemnisés ne sont pas portés sur le compte épargne-temps ; que, par suite, le décret attaqué ne peut être regardé comme ayant modifié les dispositions du décret en Conseil d’Etat du 29 avril 2002 portant création du compte épargne-temps dans la fonction publique de l’Etat et dans la magistrature et du décret en Conseil d’Etat du 26 août 2004 relatif au compte épargne-temps dans la fonction publique territoriale ; qu’il n’avait pas, dès lors, à être pris après consultation du Conseil d’Etat ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article 64 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat : Les fonctionnaires régis par le présent titre ont droit, après service fait, à une rémunération fixée conformément aux dispositions de l’article 20 du titre Ier du statut général.  ; qu’aux termes de l’article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dans sa version applicable : Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. S’y ajoutent les prestations familiales obligatoires. / Le montant du traitement est fixé en fonction du grade de l’agent et de l’échelon auquel il est parvenu, ou de l’emploi auquel il a été nommé.  ; qu’il ne résulte ni de ces dispositions, ni d’aucun principe, contrairement à ce qu’affirme le syndicat requérant, que la rémunération d’un agent public autre que son traitement ne pourrait être calculée qu’en fonction de l’indice correspondant à son grade et à son échelon ; qu’en particulier, la rémunération du temps de travail effectué au-delà du volume légal de travail annuel peut prendre la forme d’un régime indemnitaire sans lien avec le grade et l’échelon de l’agent ; que, dès lors, le décret attaqué a pu prévoir, sans être entaché ni d’erreur de droit ni d’erreur manifeste d’appréciation, que l’indemnité versée, si l’agent le demande, pour compenser les jours de repos travaillés, soit fixée à un montant forfaitaire en fonction de la catégorie statutaire à laquelle il appartient ;

Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance par le décret attaqué des dispositions du décret du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l’Etat et dans la magistrature n’est pas assorti des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé ; qu’il doit, par suite, être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que le décret attaqué n’a pas pour objet de fixer la rémunération des heures supplémentaires effectuées par les agents concernés ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu’il modifierait le décret du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires manque en fait ;

Considérant, en cinquième lieu, que le décret attaqué, qui fixe un montant unique de rémunération des jours de repos travaillés pour chacune des trois catégories d’agents publics, ne porte pas atteinte au principe d’égalité entre les agents d’un même corps ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu’il porterait atteinte à ce principe doit être écarté ;

Considérant, enfin, que le syndicat requérant ne peut utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du 6 novembre 2007 du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique pour contester la légalité du décret attaqué ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le syndicat requérant n’est fondé à demander l’annulation du décret attaqué qu’en tant qu’il prévoit la possibilité pour les agents de la fonction publique de l’Etat et des collectivités publiques de se voir indemniser certains jours de congés annuels non pris ;

Considérant que la présente décision n’appelle aucune mesure d’exécution ; que les conclusions tendant à ce que le Conseil d’Etat rétablisse les agents qui ont bénéficié de l’indemnité instituée par le décret attaqué dans leurs droits qui résulteraient des décrets du 25 août 2000 et du 14 janvier 2002 et du statut de la fonction publique d’Etat, ne peuvent, dès lors, qu’être rejetées ;

D E C I D E :

--------------


Article 1er : Le décret du 12 novembre 2007 est annulé en tant qu’il prévoit la possibilité d’une indemnisation de jours de congés annuels non pris.


Article 2 : Le surplus de la requête du SYNDICAT UNITAIRE TRAVAIL EMPLOI FORMATION INSERTION – FEDERATION SYNDICALE UNITAIRE est rejeté.


Article 3 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT UNITAIRE TRAVAIL EMPLOI FORMATION INSERTION – FEDERATION SYNDICALE UNITAIRE, au Premier ministre et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

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