Conseil d'État, 8ème SSJS, 7 décembre 2015, 360352, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CE, 8e ss-sect. jugeant seule, 7 déc. 2015, n° 360352
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 360352
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Paris, 11 avril 2012, N° 11PA03416
Identifiant Légifrance : CETATEXT000031596567
Identifiant européen : ECLI:FR:CESJS:2015:360352.20151207

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

M. A… B… a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l’année 2002. Par un jugement n° 0818630 du 26 mai 2011, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 11PA03416 du 12 avril 2012, la cour administrative d’appel de Paris a, à la requête de M. B…, annulé ce jugement et prononcé la décharge de l’imposition.

Par un pourvoi et un nouveau mémoire, enregistrés les 18 juin 2012 et 6 janvier 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre délégué chargé du budget demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel de M. B….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – le traité instituant la Communauté européenne ;

 – le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

 – la convention fiscale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord signée le 22 mai 1968 ;

 – la directive 90/434/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 ;

 – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000 ;

 – le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Karin Ciavaldini, maître des requêtes,

— les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de M. B…;

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B… a apporté le 7 décembre 1999 11 924 titres de la société française Gemplus Associates à la société de droit luxembourgeois Mars Sun créée le même mois, devenue Gemplus international et a reçu en échange 599 874 titres de cette société ; qu’il a réalisé à cette occasion une plus-value de 116 855 200 francs (17 814 460 euros), déclarée à l’administration fiscale et placée en report d’imposition en application du I ter de l’articles 160 et de l’article 92 B du code général des impôts ; que M. B… a, en décembre 2002, cédé à la société Sagem 45 % des titres de la société Gemplus International qu’il détenait ; que l’administration a estimé que, lors de cette cession, les titres reçus en 1999 à l’occasion de l’opération d’échange avaient été cédés à hauteur de 45 % et a imposé en 2002 la fraction correspondante de la plus-value en report d’imposition, telle qu’elle avait été constatée en 1999 ; qu’une imposition de 1 282 641 euros a été mise en recouvrement assortie des intérêts de retard ;

2. Considérant que, par un jugement du 26 mai 2011, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. B… tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu mise à sa charge ; que le ministre délégué chargé du budget se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 12 avril 2012 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a annulé ce jugement et déchargé M. B… de cette imposition ;

3. Considérant que la cour administrative d’appel a jugé que, si la plus-value constatée par M. B… le 7 décembre 1999 dans le cadre de l’opération d’échange de titres ne pouvait entraîner, par elle-même, aucune imposition, l’administration fiscale était fondée à liquider et imposer cette plus-value à l’occasion de la cession au mois de décembre 2002 d’une partie des titres de la société Gemplus International ; qu’en relevant ensuite qu’il résultait de l’instruction et qu’il n’était d’ailleurs pas contesté que cette dernière opération n’avait généré aucune plus-value, sans indiquer les motifs qui la conduisaient à porter cette appréciation sur les pièces du dossier qui lui était soumis, alors que l’existence d’une moins-value dégagée à l’occasion de cette cession et alléguée par M. B… était contestée devant elle par le ministre, la cour a insuffisamment motivé son arrêt ; que le ministre est fondé, pour ce motif, à en demander l’annulation ;

4. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant que l’article 8 de la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents dispose que : « 1. L’attribution, à l’occasion d’une fusion, d’une scission ou d’un échange d’actions, de titres représentatifs du capital social de la société bénéficiaire ou acquérante à un associé de la société apporteuse ou acquise, en échange de titres représentatifs du capital social de cette dernière société, ne doit, par elle-même, entraîner aucune imposition sur le revenu, les bénéfices ou les plus-values de cet associé. 2. (…) L’application du paragraphe 1 n’empêche pas les Etats membres d’imposer le profit résultant de la cession ultérieure des titres reçus de la même manière que le profit qui résulte de la cession des titres existant avant l’acquisition » ;

6. Considérant qu’aux termes de l’article 244 bis B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la date de l’échange des titres en 1999 : « Les produits des cessions de droits sociaux mentionnées à l’article 160, réalisées par des personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4 B ou par des personnes morales ou organismes, qu’elle qu’en soit la forme, ayant leur siège social hors de France, sont déterminés et imposés selon les modalités prévues par l’article 160 » ; qu’en vertu du f de l’article 164 B du même code, dans cette même rédaction, sont regardés comme revenus de source française « les gains nets mentionnés à l’article 160 et résultant de la cession de droits sociaux afférents à des sociétés ayant leur siège en France » ;

7. Considérant qu’aux termes du 4 du I ter de l’article 160 du code général des impôts, dans sa rédaction restée applicable, en vertu de l’article 94 de la loi du 30 décembre 1999 de finances pour 2000, à la plus-value d’échange en litige : « L’imposition de la plus-value réalisée à compter du 1er janvier 1991 en cas d’échange de droits sociaux résultant d’une opération de fusion, scission ou d’apport de titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés peut être reportée dans les conditions prévues au II de l’article 92 B (…) » ; qu’aux termes de l’article 92 B du même code, applicable à la date du report d’imposition intervenu en 1999 : « II. 1 A compter du 1er janvier 1992 ou du 1er janvier 1991 pour les apports de titres à une société passible de l’impôt sur les sociétés, l’imposition de la plus-value réalisée en cas d’échange de titres résultant d’une opération d’offre publique, de fusion, de scission, d’absorption d’un fonds commun de placement par une société d’investissement à capital variable réalisée conformément à la réglementation en vigueur ou d’un apport de titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés, peut être reportée au moment où s’opérera la cession, le rachat, le remboursement ou l’annulation des titres reçus lors de l’échange. (…) / Le report est subordonné à la condition que le contribuable en fasse la demande et déclare le montant de la plus-value dans les conditions prévues à l’article 97 (…) » ; que le quatrième alinéa du I de l’article 160 du code général des impôts a prévu que les moins-values subies au cours d’une année sont imputables sur les plus-values de même nature réalisées au cours de la même année ou des cinq années suivantes ;

8. Considérant que l’article 13 de la convention fiscale franco-britannique signée le 22 mai 1968 applicable à la présente instance stipule : " (…) 3. Les gains provenant de l’aliénation de tous biens autres que ceux visés aux paragraphes 1 et 2 ne sont imposables que dans l’Etat contractant dont le cédant est un résident. 4. Nonobstant les dispositions du paragraphe 3, les gains réalisés par une personne physique qui est un résident d’un Etat contractant lors de l’aliénation de plus de 25 p. cent des parts détenues, seule ou avec des personnes apparentées, directement ou indirectement, dans une société qui est un résident de l’autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. Les dispositions du présent paragraphe ne s’appliquent que si : a) La personne physique a la nationalité de l’autre Etat contractant sans avoir la nationalité du premier Etat contractant ; et b) La personne physique a été un résident de l’autre Etat contractant pendant une période quelconque au cours des cinq années précédant immédiatement l’aliénation des parts. Les dispositions du présent paragraphe s’appliquent également aux gains tirés de l’aliénation d’autres droits sociaux de cette société qui, pour l’imposition des gains en capital, sont soumis par la législation de cet autre Etat contractant au même régime que les gains tirés de l’aliénation des parts » ;

9. Considérant que M. B… soutient que les dispositions du code général des impôts citées au point 7 méconnaissent les objectifs de l’article 8 de la directive du 23 juillet 1990 en permettant à la France, à l’occasion de la cession ultérieure des titres reçus lors de l’échange, d’imposer la plus-value d’échange placée en report d’imposition, alors que l’opération d’échange d’actions ne peut être regardée comme le fait générateur d’une imposition sur la plus-value mais correspond à une opération intercalaire fiscalement neutre, et que seule la cession des titres reçus à l’échange intervenue en décembre 2002 constituait le fait générateur d’une éventuelle imposition ; qu’à la date de la cession, l’administration fiscale française avait perdu son pouvoir d’imposition puisque l’opération relevait de la compétence fiscale du Royaume-Uni ; que l’imposition par la France de la plus-value placée en report d’imposition peut, selon lui, générer une surimposition, que l’opération ultérieure de cession génère une plus-value ou une moins-value ; qu’il soutient, en outre, que lorsque la cession génère une moins-value, le refus opposé par l’administration fiscale française de l’imputer sur la plus-value en report au motif que la répartition du pouvoir d’imposition entre les deux Etats y ferait obstacle méconnaît les objectifs de l’article 8 de la directive, alors que s’agissant d’une cession imposable en France, le quatrième alinéa du I de l’article 160 du code général des impôts prévoit que la moins-value de cession peut s’imputer sur la plus-value constatée au moment de la cession des titres ; qu’il fait également valoir que ce refus méconnaît l’article 43 du traité instituant la Communauté européenne devenu article 49 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

10. Considérant que la réponse aux moyens présentés par M. B… implique notamment de déterminer si l’opération de cession des titres reçus lors de l’échange effectuée en décembre 2002 a généré une plus-value ou une moins-value ; que les mémoires échangés ne permettent pas au Conseil d’Etat de se prononcer en toute connaissance de cause sur ce point ; qu’il y a lieu, par suite, avant de statuer sur la requête de M. B…, de faire application des dispositions des articles R. 623-1 et R. 623-2 du code de justice administrative et de recourir à une enquête contradictoire devant la huitième sous-section de la section du contentieux, statuant en formation d’instruction, afin que M. B… et le ministre des finances et des comptes publics apportent chacun toutes précisions sur les modalités de calcul du résultat de l’opération de cession en cause, et notamment sur la méthode retenue par chacune des deux parties pour calculer le prix d’acquisition des titres de la société Gemplus International reçus lors de l’échange ;

11. Considérant que le ministre des finances et des comptes publics et M. B…, représenté par la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, sont invités à se présenter à cette séance ;

D E C I D E :

--------------


Article 1er : L’arrêt du 12 avril 2012 de la cour administrative d’appel de Paris est annulé.


Article 2 : Avant de statuer sur la requête de M. B…, il est décidé de recourir à une enquête devant la huitième sous-section de la section du contentieux, siégeant en formation d’instruction, afin d’éclairer celle-ci sur les questions mentionnées au point 10 de la présente décision.


Article 3 : L’enquête aura lieu le 12 janvier 2016 à 14 heures.


Article 4 : Le ministre des finances et des comptes publics et M. B…, représenté par la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, sont invités à se présenter à cette séance.


Article 5 : Le nombre maximum de représentants est fixé à trois pour chacune des parties.


Article 6 : Les intéressés indiqueront au président de la huitième sous-section de la section du contentieux au plus tard le 7 janvier 2016 le nom des personnes qui les représenteront au cours de la séance.


Article 7 : Le procès-verbal de l’enquête sera communiqué aux parties avant la séance de jugement au cours de laquelle sera examinée la requête.


Article 8 : Tous droits et moyens des parties sont réservés.


Article 9 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et à M. A… B….

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Conseil d'État, 8ème SSJS, 7 décembre 2015, 360352, Inédit au recueil Lebon