Conseil d'État, Juge des référés, 18 décembre 2015, 395273, Inédit au recueil Lebon

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REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Texte intégral Vu la procédure suivante : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 et 17 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association nationale des supporters demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : 1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 11 décembre 2015 du ministre de l'intérieur portant interdiction de déplacement des supporters de clubs de football lors de la 19ème journée …

 

Revue Générale du Droit

On compte, depuis quelques années, de nombreux arrêtés d'interdiction de déplacement de supporters (voir, parmi de nombreux exemples : arrêté du 4 mars 2015 portant interdiction de déplacement des supporters du club de football de l'OGC Nice lors de la rencontre du samedi 7 mars 2015 avec le Sporting Club de Bastia (SC Bastia) ; arrêté du 28 avril 2015 portant interdiction de déplacement des supporters du club de football de l'AS Saint-Etienne lors de la rencontre du samedi 2 mai 2015 avec le Sporting Club de Bastia (SC Bastia) ; arrêté du 10 septembre 2015 portant interdiction de …

 
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Sur la décision

Référence :
CE, juge des réf., 18 déc. 2015, n° 395273
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 395273
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Identifiant Légifrance : CETATEXT000031861416
Identifiant européen : ECLI:FR:CEORD:2015:395273.20151218

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 et 17 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’Association nationale des supporters demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d’ordonner la suspension de l’exécution de l’arrêté du 11 décembre 2015 du ministre de l’intérieur portant interdiction de déplacement des supporters de clubs de football lors de la 19e journée de championnat de Ligue 1 et de Ligue 2 et du huitième de finale de la coupe de la Ligue ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— la condition d’urgence est remplie en raison de l’imminence des rencontres sportives qui doivent se dérouler du 16 au 20 décembre 2015 ;

 – il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d’aller et venir, d’association, de réunion et d’expression de l’association ainsi qu’à celle de ses membres ;

 – l’arrêté contesté et l’article L. 332-16-2 du code du sport, sur la base duquel il a été édicté, méconnaissent l’article 3 de la convention européenne sur la violence et les débordements de spectateurs lors de manifestations sportives et notamment de matches de football dès lors que le ministre n’a pas engagé de dialogue préalable pour organiser en lien avec l’association un déplacement encadré et régulé des supporters ;

 – le ministre de l’intérieur n’était pas compétent pour édicter cet arrêté en tant qu’il concerne le match opposant l’OM au club de Bourg-en-Bresse dès lors que l’interdiction de déplacement est fondée sur la configuration du stade de Bourg-en-Bresse et que seules les fédérations délégataires et les organisateurs des manifestations sportives sont compétents pour gérer la sécurité à l’intérieur des enceintes sportives ;

 – il est entaché d’une erreur d’appréciation dès lors qu’il ne caractérise ni les risques de troubles graves à l’ordre public ni les circonstances de temps et de lieu justifiant l’interdiction de déplacement ;

 – le ministre de l’intérieur a édicté une mesure manifestement disproportionnée ;

 – il est porté une atteinte disproportionnée au principe d’égalité dès lors que l’arrêté opère une discrimination entre les supporters qui habitent dans les départements des sièges des clubs visiteurs et les supporters qui habitent dans le reste de la France ;

 – il est entaché d’illégalité en raison de la tardiveté de sa publication.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2015, le ministre de l’intérieur conclut, d’une part, au non-lieu à statuer sur la demande de suspension de l’exécution de l’article 1er de l’arrêté contesté en tant qu’il concerne le déplacement de l’Olympique de Marseille à Bourg-en-Bresse, le match en cause ayant déjà eu lieu et, d’autre part, au rejet du surplus des conclusions de la requête. Il soutient que la condition d’urgence n’est pas remplie et que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – la convention européenne sur la violence et les débordements de spectateurs lors de manifestations sportives, et notamment de matches de football, faite à Strasbourg le 19 août 1985 ;

 – le code du sport ;

 – la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relatif à l’état d’urgence ;

 – la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015

 – le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 ;

 – le décret n° 2015-1476 du 14 novembre 2015 ;

 – le décret n° 2015-1478 du 14 novembre 2015 ;

 – le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, l’association nationale des supporters et, d’autre part, le ministre de l’intérieur ;

Vu le procès-verbal de l’audience publique du 17 décembre 2015 à 15 heures au cours de laquelle ont été entendus :

— Me Haas, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de l’Association nationale des supporters ;

 – les représentants de l’Association nationale des supporters ;

— la représentante du ministre de l’intérieur ;

et à l’issue de laquelle le juge des référés a clos l’instruction ;

1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. » ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 332-16-2 du code du sport : « Le représentant de l’Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police peut, par arrêté, restreindre la liberté d’aller et de venir des personnes se prévalant de la qualité de supporter d’une équipe ou se comportant comme tel sur les lieux d’une manifestation sportive et dont la présence est susceptible d’occasionner des troubles graves pour l’ordre public. L’arrêté énonce la durée, limitée dans le temps, de la mesure, les circonstances précises de fait et de lieu qui la motivent, ainsi que le territoire sur lequel elle s’applique » ; que le ministre de l’intérieur a pris, sur le fondement de ces dispositions, le 11 décembre 2015, un arrêté, publié le lendemain au Journal officiel de la République française, qui interdit le déplacement individuel ou collectif, par tout moyen, de toute personne se prévalant de la qualité de supporter ou se comportant comme tel, premièrement, le 16 décembre, du club de l’Olympique de Marseille entre le département des Bouches-du-Rhône et la commune de Bourg-en-Bresse, deuxièmement, le 18 décembre, du club du Montpellier Hérault SC entre le département de l’Hérault et la commune de Nice, troisièmement, le 19 décembre, du club du Paris Saint-Germain entre les communes de la région Ile-de-France et la commune de Caen, du club du Stade rennais FC entre le département d’Ille-et-Vilaine et la commune de Guingamp, du club du FC Nantes entre le département de la Loire-Atlantique et la commune de Lorient ainsi que du club du FC Metz entre le département de la Moselle et la commune de Tours et, quatrièmement, le 20 décembre 2015, du club de l’Olympique de Marseille entre le département des Bouches-du-Rhône et la commune de Bordeaux ;

3. Considérant que, la rencontre opposant les clubs de l’Olympique de Marseille et du Football Bourg-en-Bresse Péronnas a eu lieu, postérieurement à l’introduction de la requête, le 16 décembre à 18h45 ; que, dans ces conditions, les conclusions tendant à ce que le juge des référés fasse usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 521-2 du code de justice administrative pour ordonner la suspension de l’exécution de l’article 1er de l’arrêté contesté en tant qu’il concerne les restrictions concernant cette rencontre sont devenues sans objet ; qu’il n’y a, dès lors, pas lieu d’y statuer ;

4. Considérant qu’il appartient aux autorités de l’Etat d’assurer la préservation de l’ordre public et sa conciliation avec les libertés fondamentales que sont notamment la liberté d’aller et venir, la liberté d’association, la liberté de réunion et la liberté d’expression ;

5. Considérant que les interdictions que le ministre de l’intérieur peut décider, sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 332-16-1 du code du sport, présentent le caractère de mesures de police ; que l’existence d’une atteinte à l’ordre public de nature à justifier de telles interdictions doit être appréciée objectivement, indépendamment du comportement des personnes qu’elles visent dès lors que leur seule présence serait susceptible d’occasionner des troubles graves pour l’ordre public, tant au cours de leur déplacement que sur le lieu de la manifestation sportive ; que, lorsqu’il est saisi sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, le juge des référés ne peut faire usage des pouvoirs qu’il tient de ces dispositions que lorsque l’illégalité invoquée présente un caractère manifeste ;

6. Considérant que le ministre de l’intérieur se prévaut, ainsi que cela ressort des termes mêmes de son arrêté, pour édicter les mesures en cause, d’une part, du comportement fréquemment agressif et violent de supporters de certaines équipes à l’occasion des rencontres sportives ainsi que de l’animosité spécifique existant entre supporters de certaines équipes et, d’autre part, du contexte de menace terroriste élevée à la suite des attentats du 13 novembre dernier ayant justifié la proclamation de l’état d’urgence sur le territoire métropolitain par les décrets du 14 novembre 2015 visés plus haut, contexte qui impose une mobilisation exceptionnelle des forces de l’ordre sur leur mission prioritaire et limite la possibilité qu’elles en soient distraites pour d’autres tâches ; qu’en outre, les actes violents susceptibles de se produire en marge de ces rencontres sportives peuvent avoir lieu tant aux abords des stades devant accueillir ces différentes rencontres qu’à tout point des trajets aller et retour des supporters des clubs voyageurs, et qu’ils ne peuvent être évités par le seul déploiement de forces de police sur les lieux de la rencontre ;

7. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction, s’agissant du match entre les clubs Montpellier Hérault SC et OGC Nice qui doit se tenir ce jour à 20h30 à Nice, que des incidents violents impliquant des supporters des deux équipes sont survenus en marge de précédentes rencontres entre ces équipes en 2011, 2012 et 2014 et qu’il est fait état de manière crédible d’une rivalité spécifique entre supporters de ces deux clubs ; qu’ainsi le déplacement de supporters de l’équipe de Montpellier à Nice le 18 décembre présente des risques élevés de troubles à l’ordre public ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte de l’instruction, s’agissant du match entre les clubs SM Caen et Paris Saint-Germain qui doit se tenir le 19 décembre à Caen, que, outre des violences commises lors d’une rencontre ayant opposé ces deux clubs en 2011, plusieurs incidents impliquant des supporters du Paris Saint-Germain ont eu lieu lors de déplacements de ce club au cours de l’année 2015 ; que, eu égard en outre au nombre important des supporters de ce club, le déplacement des supporters de l’équipe du Paris Saint-Germain le 19 décembre à Caen présente des risques élevés de troubles à l’ordre public ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu’il résulte de l’instruction, s’agissant du match entre les clubs du Stade rennais FC et l’EA Guingamp prévu le 19 décembre à Guingamp, que des incidents violents impliquant certains supporters des deux équipes sont intervenus de manière récurrente lors des rencontres les opposant, notamment en 2013 et 2014, dans un contexte de rivalité régionale ; que, dans ces conditions, le déplacement des supporters de l’équipe de Rennes à Guingamp le 19 décembre présente des risques élevés de troubles à l’ordre public ; qu’il en va de même, s’agissant du match entre les clubs FC Lorient et FC Nantes qui doit se tenir le 19 décembre à Lorient, eu égard en outre aux incidents violents causés par des supporters du FC Nantes au cours de l’année 2015 ;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu’il résulte de l’instruction, s’agissant du match opposant les clubs Tours FC et FC Metz prévu le 19 décembre à Tours, que des incidents violents ont été causés par des supporters de ces deux équipes au cours des années précédentes, et s’agissant de ceux de l’équipe de Metz, depuis le début de la saison en cours, notamment les 21 et 29 août et 18 septembre ; que, dans ces conditions, le déplacement des supporters du FC Metz à Tours le 19 décembre présente des risques élevés de troubles à l’ordre public ;

11. Considérant, en cinquième lieu, qu’il résulte de l’instruction, s’agissant du match opposant les clubs de l’Olympique de Marseille et des Girondins de Bordeaux qui doit se tenir le 20 décembre à Bordeaux, que des incidents sont survenus lors de précédentes rencontres entre ces deux équipes, notamment en 2010, 2011 et 2012 ; que, eu égard en outre au nombre important des supporters de ce club, le déplacement des supporters de l’équipe de l’Olympique de Marseille le 20 décembre à Bordeaux présente des risques élevés de troubles à l’ordre public ;

12. Considérant qu’ainsi il ne résulte pas manifestement de l’instruction que, dans les circonstances actuelles, et eu égard en outre à la menace terroriste élevée qui est notamment susceptible de viser les rassemblements réunissant un grand nombre de personnes, des mesures moins contraignantes que les interdictions litigieuses, qui portent sur 7 des 28 matchs organisés dans le cadre de la 19e journée des championnats des ligues 1 et 2 de football ainsi que du huitième de finale de la coupe de la Ligue de football, seraient de nature à éviter la survenance des troubles graves à l’ordre public qu’elles ont pour but de prévenir, eu égard notamment, ainsi que cela a été indiqué lors des échanges et au cours de l’audience publique, aux contraintes spécifiques en termes de disponibilités des forces de l’ordre consécutives à leur mobilisation exceptionnelles au cours des dernières semaines ;

13. Considérant qu’il suit de là qu’aucun des moyens soulevés par les associations requérantes n’est de nature à caractériser l’existence d’une illégalité manifeste portant gravement atteinte à la liberté d’aller et venir, à la liberté d’association, à la liberté de réunion et à la liberté d’expression ;

14. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’association requérante n’est pas fondée à demander la suspension de l’exécution de l’arrêté du ministre de l’intérieur du 11 décembre 2015 ; que, par suite, sa requête, y compris les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de l’Association nationale des supporters dirigées contre l’article 1er de l’arrêté du 11 décembre 2015 portant interdiction de déplacement des supporters de clubs de football lors de la 19e journée de championnat de Ligue 1 et de Ligue 2 et du huitième de finale de la coupe de la Ligue en tant qu’il interdit le déplacement individuel ou collectif, par tout moyen, de toute personne se prévalant de la qualité de supporter du club de l’Olympique de Marseille ou se comportant comme tel entre le département des Bouches-du-Rhône et la commune de Bourg-en-Bresse le 16 décembre 2015.

Article 2 : Le surplus des conclusions de l’Association nationale des supporters est rejeté.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l’Association nationale des supporters et au ministre de l’intérieur.

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