Conseil d'État, 9ème SSJS, 15 février 2016, 383901, Inédit au recueil Lebon

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 août 2014, 24 novembre 2014, 10 août 2015 et 7 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’Association française des usagers des banques (AFUB) demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le décret n° 2014-738 du 30 juin 2014 relatif à l’offre spécifique de nature à limiter les frais en cas d’incident ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

 – le code monétaire et financier ;

 – le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Séverine Larere, maître des requêtes,

— les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l’Association française des usagers des banques ;

1. Aux termes de l’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier : « (…) Les établissements de crédit proposent aux personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels qui se trouvent en situation de fragilité, eu égard, notamment, au montant de leurs ressources, une offre spécifique qui comprend des moyens de paiement (…) et des services appropriés à leur situation et de nature à limiter les frais supportés en cas d’incident./ Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’Etat. ». Aux termes du A du I de l’article R. 312-4-3 du même code, issu de l’article 1er du décret attaqué : " Pour l’application de l’article L. 312-1-3, la situation de fragilité financière du client titulaire du compte est appréciée par l’établissement teneur de compte à partir :/ 1° De l’existence d’irrégularités de fonctionnement du compte ou d’incidents de paiement ainsi que de leur caractère répété constaté pendant trois mois consécutifs ;/ 2° Et du montant des ressources portées au crédit du compte./ Dans son appréciation, l’établissement peut également prendre en compte les éléments dont il aurait connaissance et qu’il estime de nature à occasionner des incidents de paiement, notamment les dépenses portées au débit du compte.« . Aux termes, enfin, du B du I du même article : » (…) sont également considérés en situation de fragilité financière :/ 1° Les personnes au nom desquelles un chèque impayé ou une déclaration de retrait de carte bancaire est inscrit pendant trois mois consécutifs au fichier de la Banque de France centralisant les incidents de paiement de chèques ;/ 2° Les débiteurs dont la demande tendant au traitement de leur situation de surendettement a été déclarée recevable (…) ".

2. En premier lieu, le moyen tiré de ce que le comité consultatif de la législation et de la réglementation financières était irrégulièrement composé lorsqu’il a adopté son avis du 11 décembre 2013 sur le décret attaqué n’est pas assorti de précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien-fondé.

3. En deuxième lieu, d’une part, il résulte des dispositions précitées du deuxième alinéa de l’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier, éclairées par leurs travaux préparatoires, que si le législateur a eu pour objectif de renforcer la protection des personnes en situation financière fragile, en leur octroyant des droits supplémentaires, il a entendu laisser tant au pouvoir réglementaire qu’aux établissements de crédit une marge d’appréciation importante pour déterminer si une personne est en situation de fragilité financière et peut, en conséquence, bénéficier des garanties instituées par cet article. D’autre part, même si le retrait de carte bancaire peut être décidé discrétionnairement par l’établissement émetteur, les dispositions précitées du B du I de l’article R. 312-4-3 du même code définissent des critères complémentaires caractérisant, de manière précise et contraignante pour les établissements de crédit, la situation de fragilité financière de leurs clients. Ainsi, l’auteur du décret attaqué n’a pas outrepassé l’habilitation que lui avait donnée le législateur. En outre, les critères, pris dans leur ensemble, prévus au I de l’article R. 312-4-3 du code monétaire et financier, inséré par le décret attaqué, ne méconnaissent pas les dispositions de l’article L. 312-1-3 du même code ni les principes d’égalité devant la loi et de sécurité juridique, ni enfin l’objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d’intelligibilité de la loi.

4. En dernier lieu, aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d’autrui « . En application des dispositions de l’article L. 561-6 du code monétaire et financier, les établissements de crédit » exercent sur la relation d’affaires, dans la limite de leurs droits et obligations, une vigilance constante et pratiquent un examen attentif des opérations effectuées en veillant à ce qu’elles soient cohérentes avec la connaissance actualisée qu’elles ont de leur client ". Il résulte de ces dispositions, combinées avec celles du deuxième alinéa de l’article L. 312-1-3 du même code, que les critères prévus au I de l’article R. 312-4-3 de ce code, qui visent à permettre aux personnes concernées de bénéficier de droits et d’une protection supplémentaires, ne méconnaissent pas les obligations des établissements de crédit fixées par le législateur. Elles ne portent pas davantage atteinte au droit au respect de la vie privée, garanti par les stipulations précitées de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des finances et des comptes publics, que l’Association française des usagers des banques n’est pas fondée à demander l’annulation du décret qu’elle attaque. Ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l’Association française des usagers des banques est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’Association française des usagers des banques, au Premier ministre et au ministre des finances et des comptes publics.



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