Conseil d'État, 8ème chambre, 15 juin 2016, 381196, Inédit au recueil Lebon

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Deloitte Société d'Avocats · 28 février 2019

Par une décision du 27 février 2019, le Conseil d'Etat a jugé que le droit de l'Union européenne fait obstacle à ce qu'en application des dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts (CGI), une retenue à la source soit prélevée sur les dividendes perçus par une société non-résidente qui se trouve, au regard de la législation de son Etat de résidence, en situation déficitaire. Répondant à une question préjudicielle que le Conseil d'Etat lui avait adressée, la CJUE, par un arrêt du 22 novembre 2018, avait jugé incompatible, au regard de la liberté de circulation des …

 

Taj Société d'Avocats · 28 février 2019

Par une décision du 27 février 2019, le Conseil d'Etat a jugé que le droit de l'Union européenne fait obstacle à ce qu'en application des dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts (CGI), une retenue à la source soit prélevée sur les dividendes perçus par une société non-résidente qui se trouve, au regard de la législation de son Etat de résidence, en situation déficitaire. Répondant à une question préjudicielle que le Conseil d'Etat lui avait adressée, la CJUE, par un arrêt du 22 novembre 2018, avait jugé incompatible, au regard de la liberté de circulation des …

 

Deloitte Société d'Avocats · 28 février 2019

Par une décision du 27 février 2019, le Conseil d'Etat a jugé que le droit de l'Union européenne fait obstacle à ce qu'en application des dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts (CGI), une retenue à la source soit prélevée sur les dividendes perçus par une société non-résidente qui se trouve, au regard de la législation de son Etat de résidence, en situation déficitaire. Répondant à une question préjudicielle que le Conseil d'Etat lui avait adressée, la CJUE, par un arrêt du 22 novembre 2018, avait jugé incompatible, au regard de la liberté de circulation des …

 
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Sur la décision

Référence :
CE, 8e ch., 15 juin 2016, n° 381196
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 381196
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Versailles, 12 février 2014, N° 12VE02169
Identifiant Légifrance : CETATEXT000032712990
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHS:2016:381196.20160615

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

La société Frère Bourgeois a demandé au tribunal administratif de Montreuil la restitution des retenues à la source sur les dividendes qu’elle a perçus de sociétés françaises au titre des années 2008 et 2009. Par un jugement n° 1011704 du 24 février 2012, le tribunal a fait droit à cette demande et ordonné la restitution des retenues à la source contestées.

Par un arrêt n° 12VE02169 du 13 février 2014, la cour administrative d’appel de Versailles a, sur le recours du ministre de l’économie et des finances, annulé ce jugement et remis à la charge de la société Frère Bourgeois les retenues à la source.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 juin et 12 septembre 2014 et le 18 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Frère Bourgeois demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter le recours du ministre de l’économie et des finances ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 10 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – le traité instituant la Communauté européenne ;

 – le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

 – la directive 90/345/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990 ;

 – la convention entre la France et la Belgique du 10 mars 1964 tendant à éviter les doubles impositions et à établir les règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur les revenus ;

 – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Vincent Uher, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Ortscheidt, avocat de la société Frère Bourgeois ;

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Frère Bourgeois, dont le siège social est situé en Belgique, a perçu au cours des années 2008 et 2009 des dividendes distribués par plusieurs sociétés françaises ; que, par une réclamation du 31 mai 2010 qui a été rejetée par l’administration fiscale, cette société a demandé la restitution des retenues à la source auxquelles ces distributions auraient été soumises en France au titre des mêmes années en application du 2 de l’article 119 bis du code général des impôts et des stipulations de la convention fiscale entre la France et la Belgique du 10 mars 1964 tendant à éviter les doubles impositions et à établir les règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur les revenus ; qu’elle se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 13 février 2014 par lequel la cour administrative d’appel de Versailles a remis à sa charge les retenues à la source, dont le tribunal administratif de Montreuil avait ordonné la restitution par un jugement du 24 février 2012 ;

2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les documents produits par la société Frère Bourgeois pour justifier du versement des retenues à la source qu’elle contestait au titre des années 2008 et 2009 n’établissaient ni la date du versement, ni l’identité de l’établissement payeur des retenues à la source qui auraient été versées au Trésor public lors de la distribution des dividendes, sauf à concurrence de la retenue à la source d’un montant de 3 780 euros prélevée sur les dividendes versés en avril 2009 par la société Eiffage ; que, dès lors, c’est sans dénaturer ces pièces ni méconnaître l’article R. 197-3 du livre des procédures fiscales que la cour, après avoir à juste titre relevé que le contribuable peut produire toutes pièces établissant le versement de la retenue litigieuse pour peu qu’elles en précisent la date et l’établissement payeur au sens des dispositions combinées de l’article 381 A de l’annexe III au code général des impôts et de l’article 188-0 H de l’annexe IV au même code, a, par une appréciation souveraine, retenu qu’aucun document du dossier ne permettait d’établir la date du versement dont la restitution était demandée ; que la société requérante n’est pas fondée à soutenir que la cour aurait insuffisamment motivé son arrêt en s’abstenant de répondre à ses arguments tirés, d’une part, de ce que l’administration était en mesure d’inférer des documents qu’elle produisait le délai dans lequel la retenue à la source devait être versée, d’autre part, de ce que l’administration était nécessairement en possession des pièces qu’elle exigeait dès lors qu’elle lui avait accordé le taux réduit prévu par la convention franco-belge ;

3. Considérant que si la société requérante soutient que la cour aurait commis une erreur de droit en mettant à sa charge des exigences de preuve discriminatoires au regard des exigences pesant sur les sociétés résidentes en France, en méconnaissance des principes d’équivalence et d’effectivité sur lesquels la Cour de justice de l’Union européenne fonde sa jurisprudence en matière de remboursement des sommes indues, ce moyen, nouveau en cassation et qui n’est pas d’ordre public, est, en tout état de cause, sans incidence sur l’arrêt attaqué ;

4. Considérant qu’aux termes du 2 de l’article 119 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux retenues à la source en litige : « Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l’application d’une retenue à la source dont le taux est fixé par le 1 de l’article 187 lorsqu’ils bénéficient à des personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. (…) » ; que les dividendes distribués par une société établie en France à une société établie dans un autre Etat de la Communauté européenne, notamment en Belgique, sont au nombre des produits soumis à cette retenue ; qu’aux termes du 1 de l’article 187 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le taux de la retenue à la source prévue à l’article 119 bis est fixé à : 12 % pour les intérêts des obligations négociables (…) ; / 25 % pour tous les autres revenus (…) » ; que la convention fiscale franco-belge fixe ce taux à 15 % pour les dividendes ;

5. Considérant qu’aux termes du paragraphe 1 de l’article 56 du traité instituant la Communauté européenne applicable au litige, devenu l’article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : « Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites » ; qu’aux termes de l’article 58 du même traité, devenu l’article 65 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : " 1. L’article 56 ne porte pas atteinte au droit qu’ont les Etats membres : a) d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis ; (…) 3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 56 » ;

6. Considérant qu’il résulte de ces stipulations, telles qu’elles ont été interprétées par la Cour de justice de l’Union européenne, que les désavantages pouvant découler de l’exercice parallèle des compétences fiscales des différents Etats membres, pour autant qu’un tel exercice ne soit pas discriminatoire, ne constituent pas des restrictions interdites par le traité instituant la Communauté européenne ; que, toutefois, lorsqu’un Etat membre exerce sa compétence fiscale à l’égard de contribuables résidents et non résidents, pour que la réglementation fiscale nationale qu’il applique à ces contribuables puisse être regardée comme compatible avec les stipulations du traité relatives à la liberté de circulation des capitaux, la différence de traitement entre les contribuables selon leur Etat de résidence doit concerner des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou être justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général ; qu’en matière d’impôts directs, la situation des résidents et celle des non-résidents ne sont, en règle générale, pas comparables ; qu’à l’égard des mesures prévues par un Etat membre afin de prévenir ou d’atténuer l’imposition en chaîne ou la double imposition économique de bénéfices distribués par une société résidente, les actionnaires bénéficiaires résidents ne se trouvent pas nécessairement dans une situation comparable à celle d’actionnaires bénéficiaires résidents d’un autre Etat membre ; que, cependant, lorsqu’un Etat membre, de manière unilatérale ou par voie conventionnelle, assujettit à l’impôt non seulement les actionnaires résidents mais également les actionnaires non résidents pour les dividendes qu’ils perçoivent d’une société résidente, la situation des actionnaires non-résidents se rapproche de celle des actionnaires résidents ; qu’en pareil cas, pour que les sociétés bénéficiaires non résidentes ne soient pas confrontées à une restriction à la liberté de circulation des capitaux prohibée, en principe, par ces stipulations, l’Etat de résidence de la société distributrice doit veiller à ce que, par rapport au mécanisme prévu par son droit interne afin de prévenir ou d’atténuer l’imposition en chaîne ou la double imposition économique, les sociétés actionnaires non résidentes soient soumises à un traitement équivalent à celui dont bénéficient les sociétés actionnaires résidentes ; que, pour les participations ne relevant pas de la directive 90/345/CEE du Conseil du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats membres différents, il appartient ainsi aux Etats membres de déterminer si, et dans quelle mesure, la double imposition économique des bénéfices distribués doit être évitée et d’introduire à cet effet, de façon unilatérale ou par voie de conventions conclues avec d’autres Etats membres, des mécanismes visant à prévenir ou à atténuer cette double imposition dans le respect de la liberté de circulation des capitaux ;

7. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de ce qui précède que la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que les retenues à la source mises à la charge de la société Frère Bourgeois, qui n’alléguait pas que les dividendes ayant donné lieu à ces impositions relevaient de la directive 90/345/CEE du Conseil du 23 juillet 1990, ne méconnaissaient pas le principe de libre circulation des capitaux au motif qu’une telle imposition ne pèserait pas sur une société d’investissement établie en France dès lors qu’une telle société serait soumise, au titre de la perception de tels dividendes, à l’impôt sur les sociétés ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu’une société non résidente en situation déficitaire et qui ne relève pas du régime fiscal des sociétés mères et une société établie en France placée dans la même situation ne peuvent être regardées comme étant dans une situation objectivement comparable, dès lors notamment que la détermination du résultat imposable de ces deux sociétés procède des règles fiscales propres à la législation de chacun de ces Etats membres ; d’autre part, qu’aucune disposition du droit interne français ne prévoit une exonération des dividendes reçus par une société résidente qui ne relève pas du régime fiscal des sociétés mères lorsque ses résultats sont déficitaires ; qu’en effet, ces dividendes sont effectivement compris dans le résultat de cette société et viennent en diminution du déficit reportable ; que, lorsque le résultat de cette société redevient bénéficiaire, la diminution de ce déficit reportable implique que ces dividendes seront effectivement imposés à l’impôt sur les sociétés au titre d’une année ultérieure au taux de droit commun alors applicable ; que, s’il en résulte un décalage dans le temps entre la perception de la retenue à la source correspondant aux dividendes payés à la société non résidente et l’impôt établi à l’encontre de la société établie en France au titre de l’exercice où ses résultats redeviennent bénéficiaires, ce décalage procède d’une technique différente d’imposition des dividendes perçus par la société selon qu’elle est non résidente ou résidente ; que le seul désavantage de trésorerie que comporte la retenue à la source pour la société non résidente ne peut ainsi être regardé comme constituant une différence de traitement caractérisant une restriction à la liberté de circulation des capitaux ; que, par suite, en jugeant que les retenues à la source acquittées en application des dispositions du 2 de l’article 119 bis du code général des impôts par la société requérante sur les dividendes distribués par la société Eiffage en avril 2009 n’étaient pas constitutives d’une restriction au principe de libre circulation des capitaux, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ;

9. Considérant, en troisième lieu, que la société ne conteste pas que son capital n’est pas variable et qu’elle n’a pas l’obligation de procéder, à la demande des investisseurs, au rachat de leurs actions ; qu’elle n’est donc pas fondée à soutenir qu’en tant que société d’investissement de droit belge, elle se trouverait dans une situation objectivement comparable, bien qu’elle ne relève pas de la directive 2014/91/UE du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 modifiant la directive 2009/65/CE portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières, des sociétés d’investissement ordinaires, sociétés d’investissement à capital fixe et sociétés d’investissement à capital variable, qui sont exonérées de retenue à la source et d’impôt sur les sociétés à raison des dividendes qu’elles perçoivent des sociétés françaises ; que la cour n’a, par suite, pas commis d’erreur de droit en refusant de faire application aux faits de l’espèce des principes retenus par la Cour de justice de l’Union européenne dans l’arrêt du 10 mai 2012, Santander Asset management SGIIC et autres (C-338/11 à C-347/11) ;

10. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société Frère Bourgeois n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ; que ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être rejetées ;

D E C I D E :

--------------


Article 1er : Le pourvoi de la société Frère Bourgeois est rejeté.


Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Frère Bourgeois et au ministre des finances et des comptes publics.

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