Conseil d'État, Juge des référés, formation collégiale, 25 avril 2017, 409677, Publié au recueil Lebon

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  • Prolongation au-delà d'un an·
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  • Juge des référés·
  • Durée·
  • Conseil constitutionnel

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Arrêté du ministre de l’intérieur prolongeant pour trois mois une assignation à résidence d’une durée totale supérieure à un an sur le fondement de l’article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1767 du 19 décembre 2016, déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 16 mars 2017 n° 2017-624 QPC sous réserve du respect de trois conditions.,,,Il revient au juge administratif de s’assurer que la décision par laquelle le ministre de l’intérieur prolonge, au-delà de douze mois, une assignation à résidence respecte les réserves formulées par le Conseil constitutionnel…. ,,A ce titre, le juge administratif vérifie que le comportement de la personne concernée constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre et la sécurité publics. Il s’assure que l’administration fait état d’éléments nouveaux ou complémentaires, qui résultent de faits qui sont survenus ou qui ont été révélés postérieurement à la décision initiale d’assignation à résidence ou aux précédents renouvellements, au cours des douze mois précédents. De tels faits peuvent résulter d’agissements de la personne concernée, de procédures judiciaires et même, si elles sont fondées sur des éléments nouveaux ou complémentaires par rapport à ceux qui ont justifié la première mesure d’assignation, de décisions administratives. Il contrôle enfin que l’administration a pris en compte la durée totale de l’assignation et l’ensemble des contraintes qui s’y attachent.

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Le Petit Juriste · 29 novembre 2017

Le juge des référés du Conseil d'État a rejeté le 25 avril dernier deux référés visant à suspendre les arrêtés de prolongation d'assignations à résidence. Ces ordonnances permettent de faire le point sur l'évolution du régime juridique de ces assignations à résidence à l'aune de la loi du 19 décembre 2016 prorogeant l'application de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence. Au 18 novembre 2016, 91 personnes demeuraient assignées à résidence[1]. Face aux prolongations de ce régime d'exception se pose la question des limitations aux prorogations successives des mesures …

 

Philippe Graveleau · Gazette du Palais · 9 mai 2017
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Sur la décision

Référence :
CE, juge des réf., formation collégiale, 25 avr. 2017, n° 409677, Lebon
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 409677
Importance : Publié au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Toulouse, 9 avril 2017, N° 1701618
Précédents jurisprudentiels : [RJ1] Cf. ordonnance du même jour, M.,, n° 409725, inédite au Recueil.
Identifiant Légifrance : CETATEXT000034505324
Identifiant européen : ECLI:FR:CEORD:2017:409677.20170425

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

M. J… A… B… a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de l’arrêté du 20 mars 2017 par lequel le ministre de l’intérieur l’a assigné à résidence sur le territoire de la commune de Toulouse pour une durée de trois mois, avec l’obligation de se présenter trois fois par jour, à 9 heures, 14 heures et 18 heures, au commissariat de police tous les jours de la semaine, y compris les jours fériés ou chômés, de demeurer, tous les jours de 20 heures à 6 heures, à son domicile avec interdiction de se déplacer de son lieu d’assignation à résidence sans avoir obtenu préalablement l’autorisation écrite du préfet de la Haute-Garonne et lui a interdit de se trouver en relation, directe ou indirecte, avec M. C… F…. Par une ordonnance n° 1701618 du 10 avril 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 10 avril 2017, au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. A… B… demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d’annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

 – la condition d’urgence est présumée remplie dès lors que la mesure contestée porte une atteinte grave et immédiate à sa situation ;

 – l’arrêté contesté porte une atteinte grave et manifestement illégale au principe de libre circulation des personnes dans l’espace européen et au droit au respect de sa vie privée et familiale ;

 – il a été pris à l’encontre d’une personne qui n’a pas la nationalité française ;

 – la durée de la mesure d’assignation à résidence est excessive dès lors que, conformément à la décision du Conseil constitutionnel QPC n° 2017-624 du 16 mars 2017, le principe demeure que, à compter de la déclaration de l’état d’urgence et pour toute sa durée, une même personne ne peut être assignée à résidence pour une durée totale équivalant à plus de douze mois ;

 – la seule suspicion de l’autorité administrative française ne peut légalement fonder une mesure aussi contraignante dès lors qu’elle est renouvelée depuis plus de douze mois ;

 – le ministre de l’intérieur ne justifie à aucun moment des raisons pour lesquelles M. A… B… représenterait toujours une menace pour l’ordre et la sécurité publics plus de douze mois après la mesure prise à son encontre ;

 – l’atteinte à la liberté d’aller et venir est manifestement disproportionnée compte tenu de l’existence d’une mesure coercitive prise par l’autorité judiciaire ;

 – les réserves émises par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée du 16 mars 17 n’ont pas été respectées, notamment l’obligation pour le ministre de l’intérieur de justifier la décision de prolongation par des éléments nouveaux et complémentaires lorsque la durée de l’assignation à résidence excède douze mois ;

 – la motivation de l’arrêté contesté encourt la censure dès lors que, d’une part, l’administration ne produit aucun élément établissant ses relations avec les frères Clain et sa prétendue participation au jihad contre Israël dans la bande de Gaza en février 2008, d’autre part, l’administration se fonde à tort sur l’interpellation par les forces de sécurité égyptiennes dont il aurait fait l’objet le 3 avril 2009 alors qu’une décision de non-lieu a été prise par les autorités égyptiennes et, enfin, l’administration n’apporte aucun élément permettant d’établir qu’il entretient des relations avec des islamistes radicaux ;

 – le caractère actuel de la menace qu’il représenterait ne peut être établi dès lors que l’ensemble des faits motivant son assignation à résidence sont antérieurs à 2010 ;

 – la perquisition administrative dont il a fait l’objet n’a permis de révéler aucun élément de nature à accréditer l’argumentaire soutenu par le ministre de l’intérieur ;

 – l’arrêté contesté, s’apparente, en raison de sa nature et de sa durée excessive, à une nouvelle mesure contraignante, pourtant exclusive du contrôle du juge judiciaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2017, le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, M. A… B…, d’autre part, le ministre de l’intérieur ;

Vu le procès-verbal de l’audience publique du mardi 18 avril 2017 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

 – M. A… B… ;

— le représentant de M. A… B… ;

 – la représentante du ministre de l’intérieur ;

et à l’issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l’instruction jusqu’au vendredi 21 avril 2017 à 14 heures ;

Vu les mémoires complémentaires, enregistrés le 20 et 21 avril 2017, présentés par M. A… B… qui persiste dans ses précédentes écritures ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 20 avril 2017, présenté par le ministre de l’intérieur qui persiste dans ses précédentes écritures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – le code monétaire et financier ;

 – la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 ;

 – la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 ;

 – la loi n° 2016-162 du 19 février 2016 ;

 – la loi n° 2016-629 du 20 mai 2016 ;

 – la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 ;

 – la loi n° 2016-1767 du 19 décembre 2016 ;

 – le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 ;

 – le décret n° 2015-1476 du 14 novembre 2015 ;

 – le décret n° 2015-1478 du 14 novembre 2015 ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel n° 2015-527 QPC du 22 décembre 2015 et n° 2017-624 QPC du 16 mars 2017 ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

Sur le cadre juridique du litige :

1. L’article L. 521-2 du code de justice administrative prévoit que le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, peut ordonner toute mesure nécessaire à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une autorité administrative aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale.

2. En application de la loi du 3 avril 1955, l’état d’urgence a été déclaré sur le territoire métropolitain et en Corse par le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015, à compter du même jour à zéro heure. Il a ensuite été prorogé par la loi à cinq reprises, pour une durée de trois mois par l’article 1er de la loi du 20 novembre 2015, à nouveau pour une durée de trois mois à compter du 26 février 2016 par l’article unique de la loi du 19 février 2016, pour une durée de deux mois par la loi du 20 mai 2016, pour une durée de six mois à compter du 21 juillet 2016 par la loi du même jour, et, en dernier lieu, jusqu’au 15 juillet 2017 par l’article 1er de la loi du 19 décembre 2016.

3. En vertu de l’article 6 de la loi du 3 avril 1955, dans la rédaction que lui a donnée la loi du 20 novembre 2015, l’état d’urgence permet au ministre de l’intérieur de prononcer l’assignation à résidence, dans un lieu qu’il fixe, d’une personne « à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour l’ordre et la sécurité publics ». Cet article précise que la personne assignée à résidence « peut également être astreinte à demeurer dans le lieu d’habitation déterminé par le ministre de l’intérieur, pendant la plage horaire qu’il fixe, dans la limite de douze heures par vingt-quatre heures » et que le ministre peut prescrire à cette personne « l’obligation de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, selon une fréquence qu’il détermine, et dans la limite de trois présentations par jour ». Il ajoute que la personne assignée à résidence « peut se voir interdire par le ministre de l’intérieur de se trouver en relation, directement ou indirectement, avec certaines personnes, nommément désignées, dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ». Ainsi que le Conseil constitutionnel l’a constaté dans sa décision 2015-527 QPC du 22 décembre 2015, M. D… D., il revient au juge administratif de s’assurer que les mesures de police administrative prescrites sur le fondement de ces dispositions sont adaptées, nécessaires et proportionnées à la finalité qu’elles poursuivent.

4. La loi du 19 décembre 2016 a introduit à l’article 6 de la loi du 3 avril 1955 des dispositions relatives à la durée maximale de l’assignation à résidence. Elle prévoit ainsi qu'« à compter de la déclaration de l’état d’urgence et pour toute sa durée, une même personne ne peut être assignée à résidence pour une durée totale équivalent à plus de douze mois ». Elle autorise toutefois le ministre de l’intérieur à prolonger une assignation à résidence au-delà de cette durée, en précisant que la prolongation ne peut excéder une durée de trois mois. Par sa décision 2017-624 QPC du 16 mars 2017, M. G… I., le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de cette loi qui, au-delà d’une première période transitoire de trois mois, subordonnaient la possibilité pour le ministre de l’intérieur de décider une telle prolongation à une autorisation du juge des référés du Conseil d’Etat. Il a en outre jugé qu’ « au-delà de douze mois, une mesure d’assignation à résidence ne saurait, sans porter une atteinte excessive à la liberté d’aller et de venir, être renouvelée que sous réserve, d’une part, que le comportement de la personne en cause constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics, d’autre part, que l’autorité administrative produise des éléments nouveaux ou complémentaires, et enfin que soient prises en compte dans l’examen de la situation de l’intéressé la durée totale de son placement sous assignation à résidence, les conditions de celle-ci et les obligations complémentaires dont cette mesure a été assortie ». Il revient au juge administratif de s’assurer qu’une décision par laquelle le ministre de l’intérieur prolonge, au-delà de douze mois, une assignation à résidence respecte les réserves ainsi formulées par le Conseil constitutionnel. Il lui appartient en conséquence de vérifier que le comportement de la personne concernée constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre et la sécurité publics. Il lui incombe aussi de s’assurer que l’administration fait état d’éléments nouveaux ou complémentaires, qui résultent de faits qui sont survenus ou qui ont été révélés postérieurement à la décision initiale d’assignation à résidence ou aux précédents renouvellements, au cours des douze mois précédents. De tels faits peuvent résulter d’agissements de la personne concernée, de procédures judiciaires et même, si elles sont fondées sur des éléments nouveaux ou complémentaires par rapport à ceux qui ont justifié la première mesure d’assignation, de décisions administratives. Le juge administratif contrôle enfin que l’administration a pris en compte la durée totale de l’assignation et l’ensemble des contraintes qui s’y attachent.

Sur l’appel de M. J… A… B… :

5. Né en 1985 à Bruxelles de parents tunisiens, M. J… A… B… a les deux nationalités, belge et tunisienne. Il a poursuivi ses études en Belgique. En 2009, il a été interpellé en France et mis en examen du chef d’association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme et placé en détention provisoire du 20 juillet 2010 au 21 décembre 2011. Cette procédure s’est close par une ordonnance de non-lieu du 14 septembre 2012. Son assignation à résidence à Toulouse, où il habitait alors, a été prononcée par arrêté du 17 novembre 2015. Cette mesure d’assignation a été renouvelée le 24 février 2016. Pour avoir méconnu à deux reprises les obligations qui en résultaient, M. A… B… a été condamné, le 21 mars 2016 à une peine de trois mois d’emprisonnement ferme et incarcéré à…. A l’issue de son incarcération, il a de nouveau été assigné à résidence à Toulouse par arrêté du 24 mai 2016. Afin de l’éloigner de cette ville durant le championnat d’Europe des nations de football et le Tour de France cycliste, un arrêté du 13 juin 2016 l’a assigné à résidence à Brienne-le-Château (Aube). L’assignation de l’intéressé a été renouvelée le 22 juillet 2016. Puis un arrêté modificatif du 7 août 2016 a de nouveau fixé le lieu d’assignation à Toulouse. Un arrêté du 12 août a en outre interdit à M. A… B… de rencontrer M. C… F…, alors également assigné à résidence à Toulouse. L’assignation à résidence de M. A… B… est assortie de l’obligation de se présenter au commissariat de la ville trois fois par jour, à 9 heures, 14 heures et 18 heures. Une demande de suspension présentée par M. A… B…, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, contre les arrêtés des 22 juillet, 7 et 12 août 2016 a été rejetée par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse du 1er septembre 2016, confirmée en appel par une ordonnance du juge des référés du Conseil d’Etat du 12 septembre 2016. L’assignation à résidence de M. A… B… a été renouvelée pour trois mois, avec les mêmes obligations, par un arrêté du 20 décembre 2016. Une requête en référé liberté contre cet arrêté a été rejetée le 12 janvier 2017 par le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse.

6. Sur le plan judiciaire, M. A… B… se trouve, indépendamment du non-lieu prononcé par l’ordonnance du 14 septembre 2012 mentionnée au point précédent, mis en examen pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d’actes terroristes et placé sous contrôle judiciaire. Ce contrôle lui interdit de quitter le territoire français, ce qui a fait obstacle à l’exécution de l’arrêté d’expulsion qui a été pris à son encontre le 22 juillet 2016. L’autorité judiciaire a, de son côté, aménagé les obligations, qu’elle lui avait par ailleurs imposées, de se présenter au commissariat, en estimant que les obligations qui résultent de l’assignation à résidence sont à cet égard suffisantes.

7. Pour prolonger l’assignation à résidence de M. A… B… au-delà de douze mois, le ministre de l’intérieur a saisi le juge des référés du Conseil d’Etat d’une demande fondée sur les dispositions introduites dans la loi du 3 avril 1955 par la loi du 19 décembre 2016. Après la décision du Conseil constitutionnel du 16 mars 2017, il s’est désisté de cette demande et le juge des référés du Conseil d’Etat lui a donné acte de ce désistement par une ordonnance du 17 mars 2017. Puis il a pris le 20 mars 2017 l’arrêté dont M. A… B… a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Par une ordonnance du 10 avril 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. M. A… B… fait appel de cette ordonnance.

8. Trois notes blanches des services de renseignement, qui ont été versées au dossier et soumises au débat contradictoire, apportent des éléments précis et circonstanciés qui attestent des liens de M. A… B… avec de nombreux militants de l’islamisme radical. Ces notes montrent, en particulier, qu’en 2007 M. A… B… a été hébergé, au cours d’un voyage en Egypte, par les frères Fabien et Jean-Michel Clain, ressortissants français qu’il connaissait auparavant et qui ont eux-mêmes été mis en cause dans le démantèlement d’une filière d’acheminement de combattants pour le djihad en Irak et sont partis combattre en Syrie pour le compte de l’organisation dite état islamique. Il apparaît que les liens de M. A… B… avec les frères Clain ainsi qu’avec l’épouse de l’un d’eux, qui demeure en France, ne se sont pas distendus. M. A… B… est également en relation avec d’autres dirigeants de la mouvance islamiste radicale. Une quatrième note blanche, produite au cours de l’audience, et une cinquième, versée aux débats au cours de la prolongation d’instruction décidée à la fin de l’audience, font en particulier état de contacts, depuis août 2016, de M. A… B… avec trois autres personnes aujourd’hui incarcérées pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste. Si M. A… B… conteste la réalité de ces contacts avec deux des personnes mentionnées, il reconnaît avoir rencontré la troisième. S’il conteste par ailleurs avoir participé à des actions dirigées contre l’Etat d’Israël, il a reconnu avoir adhéré à des associations et administré un site internet appelant les musulmans au djihad. Lors d’un séjour dans la bande de Gaza, de février 2008 à avril 2009, il a reçu une formation au maniement des armes et des explosifs. A Toulouse, il fréquentait la librairie « Nissashop » et son gérant M. C… F… jusqu’à ce qu’il lui soit interdit de rencontrer ce dernier. Cette librairie a servi de lieu de rencontre à de nombreux islamistes radicaux, dont plusieurs ont rejoint la zone de combats irako-syrienne.

9. Au regard de l’ensemble de ces éléments, ainsi que des échanges tant au cours de l’instruction écrite que de l’audience, il apparaît que le comportement de M. A… B…, qui n’a manifesté aucune volonté de rompre ses liens avec l’islamisme radical, constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre et la sécurité publics.

10. Depuis sa première assignation à résidence, il a été condamné pour avoir méconnu à deux reprises les obligations qui résultaient des mesures d’assignation. Il continue de fréquenter des personnes liées à l’islamisme radical. Un arrêté du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’intérieur du 4 janvier 2017 a en outre prononcé le gel, pour une durée de six mois, de ses fonds, instruments financiers et ressources économiques, en vue de prévenir l’incitation, la facilitation et la participation de l’intéressé à la commission d’actes de terrorisme. Cette dernière mesure, même si elle a été prise par l’administration, est fondée sur des éléments en partie nouveaux ou complémentaires par rapport à ceux qui avaient justifié son assignation à résidence. Des éléments nouveaux ou complémentaires survenus ou révélés au cours des douze derniers mois de nature à justifier la prolongation de l’assignation à résidence de M. A… B… sont ainsi réunis.

11. L’assignation à résidence de M. A… B… à Toulouse est faite à son lieu de résidence habituelle. Les obligations de demeurer à son domicile de 20 heures à 6 heures et de se présenter au commissariat de la ville à 9 heures, 14 heures et 18 heures, qui se confondent avec celles qui résultent de son contrôle judiciaire, n’imposent pas de contraintes excessives au regard de l’intérêt qu’elles présentent. Il en va de même de l’interdiction de rencontrer M. C… F…. Des sauf-conduits ont été accordés à plusieurs reprises au requérant pour assister à des audiences ou suivre des formations. Les allégations de M. A… B… sur l’impossibilité où il se trouverait d’exercer une activité professionnelle correspondant à ses aptitudes ne sont pas étayées de précisions suffisantes pour faire apparaître comme disproportionnées les contraintes qui lui sont imposées. Dans ces conditions et en dépit de la durée de l’assignation à résidence dont il est l’objet, il apparaît que l’administration prend en compte l’ensemble des contraintes qui s’attachent à celle-ci, sans imposer à l’intéressé d’obligations excessives.

12. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que l’arrêté prolongeant l’assignation à résidence de M. A… B… ne fait pas apparaître d’illégalité manifeste. L’appel de M. A… B…, y compris ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, doit en conséquence être rejeté.

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : La requête de M. A… B… est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A… B… et au ministre de l’intérieur.

Délibéré à l’issue de la séance du 18 avril 2017 où siégeaient : M. Bernard Stirn, président de la section du contentieux, présidant ; Mme I… et Mme H… E…, conseillers d’Etat, juges des référés.

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