Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 9 mars 2018, 407516

  • B) méthode de calcul appliquée depuis le 1er août 2017·
  • 2) couverture des charges du capital investi·
  • Conseil national d'évaluation des normes·
  • Actes législatifs et administratifs·
  • Validité des actes administratifs·
  • Consultation non obligatoire·
  • Ii) capitaux propres régulés·
  • Collectivités territoriales·
  • Dispositions générales·
  • Procédure consultative

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

L’article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) ne fait obligation qu’au Gouvernement de consulter le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) sur certains projets de textes réglementaires qu’il édicte, et non aux autorités administratives indépendantes telles que la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Et si cet article prévoit, par ailleurs, la possibilité d’une consultation de cette instance par les présidents des assemblées parlementaires et par la commission d’examen des projets de règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs, il ne prévoit pas, en tout état de cause, que les projets d’actes réglementaires émanant d’autorités administratives indépendantes puissent lui être soumis. ) L’article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) ne fait obligation qu’au Gouvernement de consulter le Conseil national d’évaluation des normes sur certains projets de textes réglementaires qu’il édicte, et non aux autorités administratives indépendantes telles que la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Et si cet article prévoit, par ailleurs, la possibilité d’une consultation de cette instance par les présidents des assemblées parlementaires et par la commission d’examen des projets de règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs, il ne prévoit pas, en tout état de cause, que les projets d’actes réglementaires émanant d’autorités administratives indépendantes puissent lui être soumis.,,,2) a) Il résulte de l’article L. 341-2 du code de l’énergie, dans sa version issue de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015, que si la CRE peut se fonder, pour déterminer le niveau du coût du capital investi que les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité ont vocation à couvrir, sur un coût moyen pondéré du capital établi à partir d’une structure normative de passif, c’est-à-dire un coût du capital ne tenant pas compte de la présence, au passif du gestionnaire du réseau de distribution, des droits des concédants et donc de la forme concessive sous laquelle est exploité, pour l’essentiel, le réseau, il s’agit, pour l’autorité de régulation, d’une simple faculté et non d’une obligation. Ainsi, pour fixer le niveau du coût du capital investi et celui des tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité, la CRE peut légalement se fonder sur une autre méthodologie permettant d’assurer, ainsi que l’exige le premier alinéa de l’article L. 341-2 du code de l’énergie, la couverture complète des coûts effectivement supportés par les gestionnaires de réseaux…. ,,b) Délibération de la CRE du 17 novembre 2016 relative à la cinquième période des tarifs d’utilisation des réseaux (TURPE 5)…. ,,i) Cette délibération applique aux capitaux propres régulés, définis comme la différence entre, d’une part, la valeur nette des actifs de réseau, et, d’autre part, les passifs de concession, les provisions pour renouvellement et les subventions d’investissement, un taux sans risque auquel s’ajoute une prime de risque, alors que, pour les autres postes du passif, c’est-à-dire notamment les passifs de concession et les provisions pour renouvellement non encore consommées, elle n’a appliqué que la prime de risque.,,,La CRE pouvait légalement retenir, à l’occasion de la détermination du coût du capital investi devant être couvert, un modèle d’évaluation des actifs financiers tenant compte de la spécificité du régime d’exploitation du réseau de distribution d’électricité et, partant, de la spécificité de certains des éléments du passif de la société Enedis permettant d’assurer une couverture complète des coûts effectivement supportés par ce gestionnaire de réseau.,,,ii) Evaluation des charges de capital afférentes à des investissements dont le coût a été effectivement supporté par Enedis compte tenu de la méthodologie appliquée pendant la période dite TURPE 2…. ,,Pour la détermination des tarifs dits TURPE 2, la CRE avait appliqué une méthodologie d’évaluation du coût du capital investi qui reposait sur une base d’actifs régulés et non plus sur la seule compensation des coûts comptables. Pour la détermination des charges de capital, cette méthodologie impliquait, d’une part, de ne plus tenir compte des provisions pour renouvellement passées par le gestionnaire du réseau dans la perspective du renouvellement d’une partie des ouvrages du domaine concédé et, d’autre part, de déduire des charges compensées la contrevaleur des ouvrages remis chaque année, gratuitement, par les autorités concédantes. Il en résulte que le coût des actifs correspondant, d’une part, aux immobilisations ayant donné lieu à reprise, au moment du renouvellement effectif des ouvrages, de provisions constituées lors de la période tarifaire couverte par les tarifs dits TURPE 2 et, d’autre part, aux ouvrages remis par les autorités concédantes au gestionnaire de réseau au cours de cette même période tarifaire, pour leur valeur nette comptable dans l’un et l’autre cas, a été supporté, sur ses capitaux propres et sans compensation tarifaire, par la société Enedis.,,,Illégalité de la délibération de la CRE du 17 novembre 2016 en tant qu’elle n’a pas, pour déterminer le coût du capital investi par le gestionnaire de réseau, fait application, en plus de la prime de risque, du taux sans risque à ces deux catégories d’actifs.

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 407516, par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 3 février et 6 octobre 2017 et le 8 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Enedis demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 17 novembre 2016 arrêtant les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité dans les domaines de tension HTA et BT ainsi que sa délibération du 19 janvier 2017 arrêtant les mêmes tarifs sur la demande de la ministre chargée de l’énergie d’une nouvelle délibération ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 407547, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 février et 22 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Electricité de France demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 17 novembre 2016 arrêtant les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité dans les domaines de tension HTA et BT ainsi que sa délibération du 19 janvier 2017 arrêtant les mêmes tarifs sur la demande de la ministre chargée de l’énergie d’une nouvelle délibération ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………………………………………………………………………

3° Sous le n° 408809, par une requête, enregistrée le 10 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir la délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 17 novembre 2016 arrêtant les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité dans les domaines de tension HTA et BT ainsi que sa délibération du 19 janvier 2017 arrêtant les mêmes tarifs sur la demande de la ministre chargée de l’énergie d’une nouvelle délibération.

…………………………………………………………………………

4° Sous le n° 409065, par une requête, enregistrée le 20 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la fédération CFE-CGC Energies demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 17 novembre 2016 arrêtant les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité dans les domaines de tension HTA et BT ainsi que sa délibération du 19 janvier 2017 arrêtant les mêmes tarifs sur la demande de la ministre chargée de l’énergie d’une nouvelle délibération ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 10 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

 – le règlement n° 714/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 ;

 – la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 ;

 – la directive 2012/27/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 ;

 – le code général des collectivités territoriales ;

 – le code de l’énergie ;

 – le code général des impôts ;

 – la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 ;

 – l’ordonnance n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 ;

 – le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Simon Chassard, auditeur,

— les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 février 2018, présentée par la société Enedis sous le n° 407516 ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 février 2018, présentée par la Commission de régulation de l’énergie sous le n° 407516 ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 23 février 2018, présentée par la fédération CFE-CGC Energies sous le n° 409065 ;

Considérant ce qui suit :

1. Les recours visés ci-dessus sont dirigés contre les mêmes délibérations et présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 17 novembre 2016, publiée au Journal officiel le 28 janvier 2017, la Commission de régulation de l’énergie a défini les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité dans les domaines de tension HTA (haute tension A) et BT (basse tension) applicables à compter du 1er août 2017. Par une lettre du 12 janvier 2017 adressée à la Commission de régulation de l’énergie, le ministre chargé de l’énergie, estimant que cette décision ne prenait pas suffisamment en compte les orientations de politique énergétique qu’il lui avait adressées le 22 février 2016, lui a demandé, en application de l’article L. 341-3 du code de l’énergie, une nouvelle délibération. Par une seconde délibération du 19 janvier 2017, également publiée au Journal officiel le 28 janvier 2017, la Commission a considéré qu’il n’y avait pas lieu de modifier sa première décision. Les sociétés Enedis et Electricité de France, le ministre chargé de l’énergie et la fédération CFE-CGC Energies demandent l’annulation pour excès de pouvoir de ces deux délibérations.

3. L’atteinte que les délibérations attaquées pourraient porter aux intérêts des personnels que représente la fédération CFE-CGC Energies n’est pas suffisamment directe et certaine pour justifier son intérêt à agir contre ces délibérations. La requête présentée par la fédération CFE-CGC Energies est dès lors irrecevable et doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative.

4. L’Union fédérale des consommateurs – Que Choisir et l’Association nationale des opérateurs détaillants en énergie justifient d’un intérêt suffisant au maintien des délibérations attaquées. Ainsi, leurs interventions en défense sont recevables.

I. Sur la régularité de la procédure à l’issue de laquelle les délibérations attaquées ont été adoptées :

I.1. En ce qui concerne le respect des obligations consultatives prévues par le code de l’énergie :

5. Aux termes du quatrième alinéa de l’article L. 341-3 du code de l’énergie, relatif aux méthodologies utilisées pour établir les tarifs d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité, la Commission de régulation de l’énergie « procède, selon les modalités qu’elle détermine, à la consultation des acteurs du marché de l’énergie ». Il résulte de ces dispositions que la Commission de régulation de l’énergie est tenue, avant l’adoption des tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité, de consulter les acteurs du marché, selon des modalités qu’il lui appartient de déterminer. La Commission doit, dans ce cadre, exposer à ces acteurs de manière suffisamment précise les modalités de calcul des tarifs ainsi que les évolutions envisagées par rapport à la précédente période tarifaire afin qu’ils puissent utilement lui transmettre leurs observations. Elle n’est en revanche pas tenue de répondre à ces dernières.

6. Il ressort des pièces du dossier qu’avant d’adopter la décision du 17 novembre 2016 attaquée, la Commission de régulation de l’énergie a procédé, de juillet 2015 à septembre 2016, à trois séries de consultations publiques, portant respectivement sur les analyses préliminaires relatives à la structure des tarifs et les principes d’élaboration des grilles tarifaires, sur la structure des tarifs et les grilles tarifaires envisagées et enfin sur le cadre de régulation et le niveau des tarifs. Avant chaque consultation, elle a mis en ligne sur son site internet une note technique ainsi qu’une série d’études préliminaires, exposant de manière précise les évolutions envisagées. Enfin, la Commission de régulation de l’énergie a procédé à l’audition des gestionnaires de réseau et a organisé deux tables rondes avec les acteurs du secteur.

7. En premier lieu, la société Enedis soutient que la durée de cette consultation, inférieure à celle de la consultation qui avait été menée préalablement à l’adoption de la précédente délibération de la Commission de régulation de l’énergie sur ces tarifs, qui s’était étalée sur une période de plus de trois ans, n’aurait pas laissé le temps aux opérateurs du secteur d’apporter des réponses complètes aux évolutions envisagées. Toutefois, la consultation publique organisée par la Commission de régulation de l’énergie, qui a débuté plus d’un an avant l’adoption de sa décision, a été engagée en temps utile et s’est déroulée sur une durée suffisante pour permettre aux opérateurs de faire valoir leurs observations.

8. En deuxième lieu, contrairement à ce qui est soutenu, les évolutions envisagées concernant, d’une part, la fonction de répartition des coûts d’infrastructure entre les utilisateurs du réseau et, d’autre part, la définition des périodes de grand froid lors desquelles s’applique le mécanisme dit d’ « écrêtement grand froid », ont été présentées par la Commission de régulation de l’énergie dans la note technique publiée le 24 mai 2016 préalablement à la deuxième série de consultations qu’elle a organisée. D’ailleurs, sur le premier point, il ressort des énonciations de la requête de la société Enedis qu’elle a pu faire valoir ses observations. En outre, il résulte de ce qui a été dit au point 6.

9. En dernier lieu, si la société Enedis soutient que les réponses des acteurs consultés auraient été publiées trop tardivement, aucune disposition ne fait obligation à la Commission de régulation de l’énergie de publier les observations émises lors de la consultation.

I.2. En ce qui concerne la méconnaissance alléguée d’une obligation de consultation du Conseil national d’évaluation des normes :

10. Aux termes du I de l’article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales : « Le Conseil national d’évaluation des normes est consulté par le Gouvernement sur l’impact technique et financier, pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics, des projets de textes réglementaires créant ou modifiant des normes qui leur sont applicables. (…) ». Il résulte de ces dispositions qu’elles ne font obligation qu’au Gouvernement de consulter le Conseil national d’évaluation des normes sur certains projets de textes réglementaires qu’il édicte et non aux autorités administratives indépendantes telle la Commission de régulation de l’énergie. Dès lors, contrairement à ce que soutient le ministre chargé de l’énergie, la Commission de régulation de l’énergie n’était pas tenue de consulter le Conseil national d’évaluation des normes préalablement à l’adoption des délibérations attaquées. Et si cet article prévoit par ailleurs la possibilité d’une consultation de cette instance par les présidents des assemblées parlementaires et par la commission d’examen des projets de règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs, il ne prévoit pas, en tout état de cause, que les projets d’actes réglementaires émanant d’autorités administratives indépendantes puissent lui être soumis.

I.3. En ce qui concerne le délai de convocation des membres de la Commission de régulation de l’énergie.

11. Ainsi qu’il a été dit au point 2, la Commission de régulation de l’énergie a délibéré une première fois le 17 novembre 2016. Ensuite, sur le fondement de l’article L 341-3. du code de l’énergie en vertu duquel la Commission de régulation de l’énergie prend en compte les orientations de politique énergétique indiquées par l’autorité administrative, laquelle peut demander, dans un délai de deux mois, une nouvelle délibération si elle estime que la délibération de la Commission ne tient pas compte ces orientations, le ministre chargé de l’énergie a demandé une nouvelle délibération. Cette seconde délibération, également attaquée, est intervenue le 19 janvier 2017.

12. Aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 133-5 du code de l’énergie, dans sa rédaction alors applicable : « Le collège et le comité établissent, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, chacun pour ce qui le concerne, un règlement intérieur qui est publié au Journal officiel. » Aux termes du premier alinéa de l’article 1er du règlement intérieur du collège de la Commission de régulation de l’énergie adopté par une délibération du 10 octobre 2013 : « Le président convoque le collège de la commission sept jours francs au moins avant la date de la séance, sauf en cas d’urgence, en indiquant l’ordre du jour. » et aux termes du premier alinéa de l’article 2 de ce même règlement intérieur : « L’ordre du jour des séances du collège est arrêté par le président et peut être transmis par voie électronique. L’ensemble des pièces et projets de délibération sont communiqués au collège dans le même délai que l’ordre du jour auquel ils sont annexés, sans préjudice du dépôt de pièces complémentaires dans l’intervalle et en séance ». La société Enedis et le ministre chargé de l’énergie soutiennent que ce délai de convocation n’a été respecté ni s’agissant de la délibération du 17 novembre 2016 ni de celle du 19 janvier 2017 intervenue sur demande du ministre chargé de l’énergie sur le fondement de l’article L. 341-3 cité au point 11.

13. Les requérants peuvent utilement se prévaloir d’une méconnaissance du délai de convocation prévu par le règlement intérieur du collège de la Commission de régulation de l’énergie dès lors que l’édiction de cette règle est prévue par l’article R. 133-4 du code de l’énergie, pris pour l’application de l’article L. 133-5 cité au point précédent et aux termes duquel : " Le règlement intérieur du collège fixe, notamment : / 1° Les modalités de convocation, de déroulement des séances et de délibération ; (…) ".

14. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant la procédure suivie n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de cette décision ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie.

15. S’agissant, en premier lieu, de la séance du collège qui s’est tenue le 17 novembre 2016, il ressort des pièces du dossier que les membres de ce collège n’ont été convoqués que six jours francs avant cette date. Les requérants sont ainsi fondés à soutenir que le délai de sept jours francs prescrit par l’article 1er du règlement intérieur de la Commission a été méconnu. Toutefois, la convocation des membres du collège de la Commission de régulation de l’énergie six jours francs avant la séance au lieu des sept jours francs requis n’a pas privé les intéressés d’une garantie et n’a pas exercé d’influence sur le sens de la décision prise dès lors, notamment, qu’ils avaient déjà examiné à plusieurs reprises le projet de délibération relatif aux tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité et qu’ils ont disposé en temps utile de tous les éléments en vue de cette délibération, y compris de l’avis rendu sur ce projet par le Conseil supérieur de l’énergie le 10 novembre 2016 .

16. S’agissant, en second lieu, de la nouvelle séance du 19 janvier 2017, tenue sur demande du ministre chargé de l’énergie en vue d’une prise en compte des orientations de politique énergétique, il ressort des pièces du dossier que le délai entre la convocation des membres du collège de la Commission de régulation de l’énergie et la séance n’a, également, été que de six jours francs au lieu de sept jours francs, en méconnaissance de l’article 1er du règlement intérieur cité au point 11, et que la lettre du ministre chargé de l’énergie demandant une nouvelle délibération n’a, en outre, été communiquée aux membres du collège que le 17 janvier.

17. Ainsi qu’il a été dit précédemment, cette lettre était adressée à la Commission de régulation de l’énergie sur le fondement des dispositions de l’article L. 341-3 du code de l’énergie en vertu desquelles le ministre chargé de l’énergie peut demander dans un délai de deux mois une nouvelle délibération s’il estime que la délibération de la Commission ne tient pas compte des orientations de politique énergétique. La Commission, saisie d’une telle demande, n’a l’obligation de délibérer à nouveau et de se prononcer, par une décision motivée, que dans la seule mesure de l’absence alléguée de prise en compte de ces orientations.

18. En l’espèce, les orientations de politique énergétique, qui avaient été communiquées à la Commission de régulation de l’énergie les 22 février et 24 juin 2016, avaient déjà été portées à la connaissance des membres du collège et prises en considération par eux lors de la délibération du 17 novembre 2016. La circonstance que le délai de convocation n’a été cette fois encore que de 6 jours francs au lieu de 7 jours francs en vue d’un réexamen de ces orientations de politique énergétique et qu’ils n’aient reçu que tardivement la lettre du ministre demandant une nouvelle délibération, fondée sur une argumentation sommaire, n’a pas, en l’espèce, privé les intéressés d’une garantie ni pu exercer d’influence sur le sens de la seconde délibération du 19 janvier 2017.

II. Sur la prise en compte des orientations de politique énergétique définies par le Gouvernement :

19. En vertu de l’article L. 341-3 du code de l’énergie, déjà cité au point 11, la Commission de régulation de l’énergie prend en compte les orientations de politique énergétique indiquées par l’autorité administrative. Or, Il ressort du point 1.1.2 de la délibération du 17 novembre 2017 qu’en application de ces dispositions, la Commission, qui n’était pas tenue de s’y conformer, « a pris en compte les orientations de politique énergétique transmises par la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, en charge des relations internationales sur le climat par lettre du 22 février 2016 », c’est-à-dire, pour la distribution, « les enjeux relatifs à la maîtrise des pointes électriques, qui devrait être favorisée par l’introduction de tarifs d’utilisation des réseaux à » quatre index « et » à pointe mobile « (…), (l') éventuel rééquilibrage entre les parts puissance et énergie qui devrait être mesuré, (…), l’importance d’engager une réflexion sur le développement de nouveaux types de profils associés à de nouveaux usages des réseaux, (…), la question des installations de stockage pour lesquelles une régulation tarifaire adaptée devrait être envisagée, (…), l’importance d’un cadre de régulation favorable à l’investissement, se fondant sur une méthode tarifaire stable et lisible, et enfin (…), la priorité que constitue le redressement du niveau de qualité de l’électricité acheminée pour la prochaine période tarifaire. ». Dans sa délibération du 19 janvier 2017, la Commission de régulation de l’énergie s’est à nouveau prononcée, au regard des observations formulées par le ministre chargé de l’énergie, sur les orientations de politique énergétique relatives à la maîtrise des pointes électriques, sur le rééquilibrage entre les parts « puissance » et « énergie » dans la structure des tarifs, ou encore sur le redressement du niveau de qualité de l’électricité acheminée. Il suit de là que le moyen, soulevé par le ministre chargé de l’énergie, tiré de l’absence de prise en compte des orientations de politique énergétique définies par le Gouvernement ne peut être accueilli.

III. Sur les mécanismes de régulation incitative mis en place par la Commission de régulation de l’énergie.

III.1. En ce qui concerne le mécanisme d’incitation à la continuité de l’alimentation en électricité :

20. En vertu du troisième alinéa de l’article L. 341-3 du code de l’énergie, la Commission de régulation de l’énergie « peut prévoir un encadrement pluriannuel d’évolution des tarifs et des mesures incitatives appropriées, tant à court terme qu’à long terme, pour encourager les gestionnaires de réseaux de transport et de distribution à améliorer leurs performances, notamment en ce qui concerne la qualité de l’électricité, à favoriser l’intégration du marché intérieur de l’électricité et la sécurité de l’approvisionnement et à rechercher des efforts de productivité ». Dans sa rédaction applicable au litige, l’article L. 322-12 du même code impose en son premier alinéa aux gestionnaires des réseaux de distribution d’électricité de concevoir et d’exploiter ces réseaux « de façon à assurer une desserte en électricité d’une qualité régulière, définie et compatible avec les utilisations usuelles de l’énergie électrique ». Il précise en son dernier alinéa qu’ « au cas où un gestionnaire de réseau de distribution ne respecte pas les niveaux de qualité, des pénalités peuvent également être mises en oeuvre dans le cadre d’une régulation incitative, prévue à l’article L. 341-3 ».

21. Sur le fondement de ces dispositions, la Commission de régulation de l’énergie a défini, au point 1.3.3 de sa délibération du 17 novembre 2016, un mécanisme dit de « bonus-malus » visant à inciter les gestionnaires de réseau de distribution à assurer un niveau satisfaisant de continuité de l’alimentation, prévoyant, d’une part, l’application de pénalités à verser aux consommateurs lorsque la fréquence des ruptures d’alimentation et leur durée moyenne excèdent des valeurs de référence fixées par la délibération et, d’autre part, le versement aux gestionnaires d’une rémunération lorsque la continuité d’alimentation est supérieure aux valeurs de référence.

22. En premier lieu, si les dispositions combinées des articles L. 341-3 et L. 322-12 du code de l’énergie citées au point 20 permettent à la Commission de régulation de l’énergie de mettre en oeuvre un mécanisme d’incitation comportant l’application de pénalités, elles n’exigent pas que ce mécanisme comporte, en contrepartie, le droit pour les gestionnaires à une rémunération supplémentaire lorsqu’ils respectent les niveaux de qualité de l’alimentation requis. En second lieu, la Commission de régulation de l’énergie a décidé, en plus de la durée des coupures sur le réseau basse tension qui faisait déjà l’objet d’un suivi lors de la précédente période tarifaire, de faire dépendre l’application du « bonus » et du « malus » d’autres indicateurs tels que la durée des coupures sur le réseau haute tension A et la fréquence des coupures sur l’ensemble des réseaux, afin d’assurer une meilleure prise en compte des résultats du gestionnaire en matière de continuité de l’alimentation sur l’ensemble de son activité. Ce faisant, la Commission de régulation de l’énergie n’a entaché sa décision ni d’erreur de droit ni d’erreur manifeste d’appréciation.

III.2. En ce qui concerne le mécanisme d’incitation à la maîtrise du coût de la couverture des pertes en électricité sur les réseaux :

23. L’article L. 322-9 du code de l’énergie fait obligation aux gestionnaires de réseau de distribution d’électricité, dans le cadre de leur mission d’équilibrage des flux d’électricité sur le réseau qu’ils exploitent, de couvrir les pertes sur ce réseau. Le paragraphe 2 de l’article 14 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 sur les conditions d’accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d’électricité et abrogeant le règlement n° 1228/2003 dispose que « Le cas échéant, le niveau des tarifs appliqués aux producteurs et/ou aux consommateurs (…) prend en considération les pertes de réseau et la congestion causées (…) ».

24. Au point 1.3.2 de sa délibération du 17 novembre 2016, la Commission de régulation de l’énergie a défini un mécanisme de « régulation incitative des charges liées à la compensation des pertes », en application duquel les tarifs d’utilisation du réseau se bornent à couvrir un coût annuel de référence de compensation des pertes ainsi que 80 % de l’écart entre ce coût de référence et les charges réelles du gestionnaire au titre des achats d’électricité visant à couvrir ces pertes. Il en résulte que, lorsque ces charges réelles sont supérieures au coût de référence, un cinquième de l’écart entre ces deux valeurs reste à la charge du gestionnaire alors que si les charges réelles sont inférieures à ce coût, le gestionnaire bénéficie d’une rémunération à hauteur du cinquième de l’écart. La société Enedis soutient que ce mécanisme est « privé de base légale » dès lors que le gestionnaire de réseau n’aurait aucune influence sur le coût de la couverture des pertes et, enfin, qu’il impose au gestionnaire d’exercer une activité de « trading », qui relève de la compétence des fournisseurs d’électricité. La société Electricité de France soutient quant à elle que la Commission de régulation de l’énergie a insuffisamment motivé sa décision en n’expliquant pas la nécessité et la proportionnalité des mesures de régulation du coût des pertes qu’elle a prises et méconnu le principe de sécurité juridique en instaurant ce mécanisme sans prévoir de mesures transitoires.

25. En premier lieu, le premier alinéa de l’article L. 341-2 du code de l’énergie dispose que « les tarifs d’utilisation du réseau public de transport et des réseaux publics de distribution sont calculés de manière transparente et non discriminatoire, afin de couvrir l’ensemble des coûts supportés par les gestionnaires de ces réseaux dans la mesure où ces coûts correspondent à ceux d’un gestionnaire de réseau efficace ». Dans la mesure où les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité couvrent, ainsi qu’il résulte de ces dispositions, les coûts supportés par des gestionnaires de réseau normalement efficaces, la Commission de régulation de l’énergie a pu légalement prévoir un mécanisme de régulation incitatif au titre de la couverture des coûts correspondant aux charges supportées pour l’achat d’électricité afin de couvrir les pertes engendrées par l’utilisation du réseau.

26. En second lieu, en vertu du mécanisme de régulation incitatif critiqué, le gestionnaire de réseau supporte un cinquième seulement de l’écart entre les charges réelles exposées pour l’achat d’électricité destinée à la compensation des pertes et un coût annuel de référence pour cette compensation, défini par ailleurs. Compte tenu de l’ampleur limitée des coûts ainsi laissés, le cas échéant, à sa charge, des leviers qui sont à sa disposition pour les minimiser et dès lors que l’application immédiate du mécanisme critiqué ne portait pas d’atteinte excessive aux intérêts en cause, le moyen tiré de ce que la Commission de régulation de l’énergie, qui a suffisamment motivé sa délibération sur ce point, ainsi que le lui imposent les dispositions de l’article L. 341-3 du code de l’énergie, aurait méconnu le principe de sécurité juridique, ne peut qu’être écarté.

IV. Sur les coûts pris en compte pour la détermination des tarifs d’utilisation du réseau public d’électricité :

IV.1. En ce qui concerne le calcul des charges de capital :

27. Il ressort des pièces du dossier que, pour fixer les tarifs d’utilisation des réseaux publics de distribution d’électricité, la Commission de régulation de l’énergie a défini les charges de capital du gestionnaire de réseau comme la somme de la rémunération des actifs en service et du montant des provisions pour renouvellement des immobilisations ainsi que des amortissements relatifs aux immobilisations autres que celles qui ont été réalisées par les concédants avant le 31 décembre 2004, diminuée du montant des actifs financés par ces mêmes concédants. La rémunération des actifs en service est elle-même obtenue en multipliant la « base d’actifs régulés », égale à la valeur nette comptable des immobilisations figurant à l’actif du bilan de la société ERDF, déduction faite de celles qui ont été financées par les concédants avant le 31 décembre 2004, par un taux de rémunération. Cette méthode de calcul a été substituée, à compter du 1er janvier 2006, à une précédente méthode consistant à évaluer le montant des charges de capital comme la somme des dotations aux amortissements et aux provisions pour renouvellement, des charges liées aux dettes financières et de la rémunération des capitaux propres, déduction faite des charges et gains liés à la gestion de la trésorerie.

IV.1.1. S’agissant de la prise en compte, dans le calcul du taux de rémunération des actifs, des spécificités des modalités d’exploitation des réseaux :

28. L’article L. 341-2 du code de l’énergie, dans sa rédaction applicable jusqu’au 18 août 2015, précisait que les coûts couverts par les tarifs d’utilisation des réseaux comprennent notamment « les coûts résultant de l’exécution des missions et des contrats de service public ». Sous l’empire de ces dispositions, l’autorité administrative avait l’obligation, lorsqu’elle choisissait de recourir à la méthode de calcul des charges de capital exposée au point 27, de prendre en compte, pour la détermination du taux de rémunération des actifs, les particularités des « comptes spécifiques des concessions », qui correspondent aux droits des concédants de récupérer gratuitement les biens de la concession en fin de contrat, ainsi que des provisions pour renouvellement des immobilisations. En effet, en application des articles L. 322-1 du code de l’énergie et L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, la gestion des réseaux publics de distribution d’électricité fait en principe l’objet d’une concession par les collectivités territoriales qui en sont les autorités organisatrices et qui sont propriétaires des ouvrages des réseaux en application de l’article L. 322-4 du code de l’énergie.

29. Il ressort des pièces du dossier que la Commission de régulation de l’énergie a, dans sa délibération du 17 novembre 2016, fait application de ces principes, en reprenant la méthode de calcul du taux de rémunération des actifs qu’elle avait utilisée dans sa délibération du 12 décembre 2013 relative à la quatrième période des tarifs d’utilisation des réseaux, consistant à appliquer aux capitaux propres régulés, définis comme la différence entre, d’une part, la valeur nette des actifs de réseau, et, d’autre part, les passifs de concession, les provisions pour renouvellement et les subventions d’investissement, un taux « sans risque » auquel s’ajoute une « prime de risque », alors que, pour les autres postes du passif, c’est-à-dire notamment les passifs de concession et les provisions pour renouvellement non encore consommées, elle n’a appliqué que la « prime de risque ».

30. La société Enedis et le ministre chargé de l’énergie font valoir que, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, l’article L. 341-2 du code de l’énergie a été complété par un nouvel alinéa et qu’il disposait, dans sa version applicable à la date de la délibération attaquée, que : « Les tarifs d’utilisation du réseau public de transport et des réseaux publics de distribution sont calculés de manière transparente et non discriminatoire, afin de couvrir l’ensemble des coûts supportés par les gestionnaires de ces réseaux dans la mesure où ces coûts correspondent à ceux d’un gestionnaire de réseau efficace. / (…) / Pour le calcul du coût du capital investi par les gestionnaires de ces réseaux, la méthodologie est indépendante du régime juridique selon lequel sont exploités les réseaux d’électricité et de ses conséquences comptables. Elle peut se fonder sur la rémunération d’une base d’actifs régulée, définie comme le produit de cette base par le coût moyen pondéré du capital, établi à partir d’une structure normative du passif du gestionnaire de réseau, par référence à la structure du passif d’entreprises comparables du même secteur dans l’Union européenne. ». Les requérants soutiennent que, par ces dispositions, le législateur aurait entendu faire obligation au régulateur de ne pas tenir compte, dans le calcul du coût du capital investi, de la circonstance que les réseaux sont exploités sous le régime de la concession afin d’établir un taux de rémunération du capital à partir d’une structure du passif comparable de gestionnaires de réseaux opérant dans l’Union européenne.

31. Il résulte toutefois des dispositions précitées de l’article L. 341-2 du code de l’énergie dans leur version issue de la loi du 17 août 2015, que si la Commission de régulation de l’énergie peut se fonder, pour déterminer le niveau du coût du capital investi que les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité ont vocation à couvrir, sur un coût moyen pondéré du capital établi à partir d’une structure normative de passif, c’est-à-dire un coût du capital ne tenant pas compte de la présence, au passif du gestionnaire du réseau de distribution, des droits des concédants et donc de la forme concessive sous laquelle est exploité, pour l’essentiel, le réseau, il s’agit, pour l’autorité de régulation, d’une simple faculté et non d’une obligation. Ainsi, pour fixer le niveau du coût du capital investi et celui des tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité, la Commission de régulation de l’énergie peut légalement se fonder sur une autre méthodologie permettant d’assurer, ainsi que l’exige le premier alinéa de l’article L. 341-2 du code de l’énergie, la couverture complète des coûts effectivement supportés par les gestionnaires de réseaux. Il suit de là que la Commission de régulation de l’énergie pouvait légalement retenir, à l’occasion de la détermination du coût du capital investi devant être couvert et contrairement à ce qui est soutenu, un modèle d’évaluation des actifs financiers tenant compte de la spécificité du régime d’exploitation du réseau de distribution d’électricité et, partant, de la spécificité de certains des éléments du passif de la société Enedis permettant d’assurer une couverture complète des coûts effectivement supportés par ce gestionnaire de réseau.

IV.1.2. S’agissant de l’intégration dans les charges de capital d’investissements que la société Enedis aurait supportés lors de la période TURPE 2 :

32. La société Enedis soutient que les tarifs fixés par une décision des ministres chargés de l’énergie et de l’économie du 23 septembre 2005, applicables jusqu’à l’entrée en vigueur des tarifs dits « TURPE 3 » le 1er août 2009, omettaient de couvrir les provisions qu’elle a passées pendant cette période au titre du renouvellement futur des ouvrages des réseaux. Elle soutient ensuite qu’elle aurait supporté le coût des actifs remis par les concédants durant cette même période, dès lors que les charges de capital couvertes par le tarif étaient, pendant cette période, réduites du montant des actifs financés par les concédants. Elle en déduit que ce sont ses capitaux propres qui ont couvert les dépenses correspondantes et fait en conséquence grief à la délibération attaquée d’avoir, conformément à la méthode exposée au point 29, appliqué seulement la « prime de risque », à l’exclusion du taux « sans risque », à la fraction correspondante de la base d’actifs régulés.

33. Il ressort des pièces du dossier que, pour la détermination des tarifs dits « TURPE 2 », la Commission de régulation de l’énergie avait appliqué une méthodologie d’évaluation du coût du capital investi qui reposait sur une base d’actifs régulés et non plus sur la seule compensation des coûts comptables. Pour la détermination des charges de capital, cette méthodologie impliquait, d’une part, de ne plus tenir compte des provisions pour renouvellement passées par le gestionnaire du réseau dans la perspective du renouvellement d’une partie des ouvrages du domaine concédé et, d’autre part, de déduire des charges compensées la contrevaleur des ouvrages remis chaque année, gratuitement, par les autorités concédantes. Il en résulte que le coût des actifs correspondant, d’une part, aux immobilisations ayant donné lieu à reprise, au moment du renouvellement effectif des ouvrages, de provisions constituées lors de la période tarifaire couverte par les tarifs dits « TURPE 2 » et d’autre part, aux ouvrages remis par les autorités concédantes au gestionnaire de réseau au cours de cette même période tarifaire, pour leur valeur nette comptable dans l’un et l’autre cas, a été supporté, sur ses capitaux propres et sans compensation tarifaire, par la société Enedis.

34. Il résulte de ce qui précède que la société Enedis est fondée à demander l’annulation de la délibération du 17 novembre 2016 en tant qu’elle n’a pas, pour déterminer le coût du capital investi par le gestionnaire de réseau, fait application, en plus de la « prime de risque », du taux « sans risque » à ces deux catégories d’actifs, dans les limites indiquées au point 33 ci-dessus. Il appartiendra à la société, pour permettre à la Commission de régulation de l’énergie de statuer à nouveau en conséquence de cette annulation, de produire l’ensemble des documents, notamment comptables, attestant de la nature et du montant comptabilisé pour chacun de ces éléments d’actif, auxquels devra être appliqué le taux « sans risque » en plus de la « prime de risque ». Pour la détermination de ce montant, il sera tenu compte des économies d’impôts réalisées par le gestionnaire de réseau, durant la période tarifaire dite « TURPE 2 », du fait de la déduction, des charges de capital compensées par le tarif, de la contrevaleur des ouvrages remis chaque année, gratuitement, par les autorités concédantes.

IV.1.3. S’agissant du niveau du coefficient bêta mesurant, pour le calcul du taux de rémunération du capital, la sensibilité de la valeur de l’actif :

35. Il ressort des pièces du dossier que, pour calculer la marge sur actifs qui a été appliquée à la base d’actifs régulés, l’autorité de régulation a multiplié une prime de risque de marché, dont le niveau retenu n’est pas contesté, par un coefficient bêta égal à 0,34 et correspondant à la sensibilité de la valeur de l’actif de l’entreprise aux fluctuations du marché des actions.

36. En premier lieu, pour justifier le niveau du coefficient retenu, la délibération attaquée indique notamment qu’il « se situe dans la fourchette estimée par le consultant » et renvoie à une comparaison avec les coefficients bêta retenus par les autres régulateurs européens qui a été mise en ligne sur le site internet de l’autorité pendant la consultation publique. Cette comparaison avait été précédée d’un rapport sur le taux de rémunération des gestionnaires de réseau d’électricité et de Gaz en France lui aussi mis en ligne. Dans ces conditions, la Commission de régulation de l’énergie, qui n’avait pas, en outre, à motiver spécifiquement son choix de ne pas retenir le même coefficient que pour l’activité de distribution du gaz, a suffisamment motivé sa décision au sens et pour l’application de l’article L. 341-3 du code de l’énergie.

37. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la Commission de régulation de l’énergie ait commis une erreur manifeste d’appréciation en fixant ce coefficient à 0,34, en hausse de 0,01 par rapport à la précédente période tarifaire, compte tenu notamment de ce que la valeur retenue est proche de celles retenues par les régulateurs d’autres pays européens et, au demeurant, qu’elle n’est pas éloignée de la demande de la société Enedis, qui invitait la Commission de régulation de l’énergie à retenir un coefficient compris entre 0,345 et 0,38. En particulier, contrairement à ce qui est soutenu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les particularités du régime français de concession des réseaux de distribution requièrent nécessairement l’application d’un coefficient supérieur à celui retenu dans les pays européens où le gestionnaire est propriétaire du réseau qu’il exploite, eu égard à la circonstance, notamment, que les gestionnaires de réseau de distribution d’électricité sont, en France, désignés non pas par chaque contrat de concession, mais directement à l’article L. 111-52 du code de l’énergie. Le moyen tiré d’une méconnaissance de l’obligation de couverture des coûts supportés par les gestionnaires de réseau doit être écarté par voie de conséquence.

38. En dernier lieu, les requérants font valoir que le coefficient retenu est inférieur à celui retenu par la Commission de régulation de l’énergie pour la tarification de l’accès aux réseaux de transport d’électricité, fixé à 0,37, et de distribution du gaz, fixé à 0,40. Toutefois, dès lors que les activités de distribution d’électricité, de transport d’électricité et de distribution de gaz sont différentes, tant au regard des actifs gérés que des risques supportés, le régulateur n’a pas méconnu le principe d’égalité en leur appliquant un coefficient différent. A cet égard, la circonstance que certains régulateurs européens leur appliquent un coefficient identique, à la différence d’ailleurs d’autres régulateurs qui, comme en France, retiennent des valeurs différentes selon les secteurs, est sans incidence sur la légalité du choix ainsi opéré.

IV.1.4. S’agissant de la prise en compte de la politique de distribution de dividendes de la société Enedis :

39. Aux termes de la délibération du 17 novembre 2016 attaquée, la Commission de régulation de l’énergie rappelle, s’agissant des investissements sur les réseaux, qu’ « il revient à l’actionnaire de s’assurer que le distributeur dispose des moyens financiers pour réaliser ces investissements en contrepartie d’une rémunération versée par le » TURPE « tout au long de leur durée de vie » et, qu’ « à cet égard, la politique de dividende décidée par l’actionnaire ne saurait constituer un frein à la réalisation par Enedis des investissements nécessaires ». Après avoir indiqué que les charges de capital devaient, selon ses calculs, s’élever à 4,1 milliards d’euros en moyenne par an entre 2017 et 2020, elle a estimé qu’ « une hausse supplémentaire de la rémunération du capital viendrait augmenter, sans justification, les bénéfices de l’opérateur et indirectement les bénéfices de son actionnaire ».

40. En rappelant la nécessité pour la société Enedis de disposer de moyens financiers suffisants pour réaliser les investissements nécessaires sur les réseaux, la Commission de régulation de l’énergie n’a pas excédé le champ de sa mission qui, aux termes de l’article L. 131-1 du code de l’énergie, est de " concour[ir] au bon fonctionnement des marchés de l’électricité « et d' » assure[r] le respect, par les gestionnaires et propriétaires de réseaux (…) de distribution d’électricité (…), des obligations qui leur incombent « , dont celle prévue par les 1° et 2° de l’article L. 322-8 du code qui imposent aux gestionnaires de réseau de distribution d’électricité » de définir et de mettre en oeuvre les politiques d’investissement et de développement des réseaux de distribution « et » d’assurer la conception et la construction des ouvrages ainsi que la maîtrise d’oeuvre des travaux relatifs à ces réseaux ". En particulier, il ne ressort pas des pièces du dossier que la Commission de régulation de l’énergie, qui s’est bornée à rappeler l’obligation pour le gestionnaire de réseau d’effectuer les investissements nécessaires sur les réseaux à partir des recettes issues des tarifs contestés, ait décidé une minoration des charges de capital couvertes au motif de la politique de distribution de dividendes de la société Enedis. Dès lors, les sociétés Enedis et Electricité de France ne sont pas fondées à soutenir que la Commission de régulation de l’énergie, qui a suffisamment motivé sa délibération sur ce point, aurait, sans y être habilitée, examiné leur politique de distribution de dividendes et méconnu la règle de couverture des coûts supportés par les gestionnaires de réseau.

IV.2. En ce qui concerne les charges couvertes par le « compte de régularisation des charges et des produits » :

41. Il ressort des pièces du dossier que, pour assurer la couverture de certaines charges dont le montant est entaché d’incertitudes, la Commission de régulation de l’énergie a, depuis la deuxième période tarifaire ouverte en 2005, choisi de les intégrer dans le périmètre du « compte de régularisation des charges et des produits » qui a pour objet de couvrir les écarts qui pourraient survenir, sur certains postes de charges et de recettes, entre les prévisions prises en compte par la Commission lors de la fixation des tarifs et les montants effectivement constatés. Il ressort des points 1.3.7 et 3.3.2 de la délibération du 17 novembre 2016 attaquée que l’apurement de ce compte s’effectue par un ajustement des tarifs, à la hausse ou à la baisse selon son solde, lors des évolutions tarifaires au 1er août de chaque année. Dans ce cadre, la Commission de régulation de l’énergie a décidé de limiter à plus ou moins 2 % la variation des tarifs qui peut résulter de cet apurement, en prévoyant que le solde du compte qui ne serait pas apuré est reporté sur l’année suivante, pour un montant actualisé à un taux « sans risque » fixé à 2,7 %.

42. La société Electricité de France soutient que le plafonnement à 2 % de l’apurement annuel serait contraire au principe de couverture de l’ensemble des charges effectivement supportées par le gestionnaire de réseau de distribution. Toutefois, dès lors que le solde qui ne serait pas apuré est reporté sur l’année suivante pour un montant qui fait l’objet d’une actualisation, ce plafonnement ne conduit pas, par lui-même, à un défaut de couverture des charges à couvrir.

IV.3. En ce qui concerne le calcul des charges d’exploitation :

IV.3.1. S’agissant des coûts résultant de la rémunération versée aux fournisseurs au titre de la gestion des clients en contrat unique :

43. Pour couvrir les coûts résultant de la rémunération que les gestionnaires de réseau sont tenus de verser aux fournisseurs au titre de la gestion des clients qui ont opté pour le dispositif de contrat unique prévu par l’article L. 332-2 du code de l’énergie, la délibération du 17 novembre 2016 attaquée prévoit l’intégration dans les charges d’exploitation, pour chaque client en contrat unique, de la somme d’un montant forfaitaire, fixé entre 7 et 200 euros selon la puissance souscrite, et du « montant moyen de la rémunération du fournisseur ». La délibération précise que ce montant moyen, qui n’est pas encore connu, fera l’objet d’un encadrement par une délibération ultérieure, qui serait adoptée au cours de l’année 2017, à la suite de la remise d’une estimation par un consultant qu’elle a mandaté. Les sociétés Enedis et Electricité de France soutiennent que, ce faisant, la Commission de régulation de l’énergie a, d’une part, commis une irrégularité en renvoyant à une décision ultérieure et, d’autre part, méconnu le principe de couverture des coûts effectivement engagés, notamment en ce qu’elle aurait omis de prévoir la couverture des coûts engagés à ce titre lors de la précédente période tarifaire qui n’auraient pas été couverts.

44. Toutefois, la délibération attaquée inclut les charges du gestionnaire liées à la rémunération des fournisseurs pour la gestion des clients en contrat unique dans le périmètre du compte de régularisation des charges et des produits mentionné au point 41 ci-dessus. Dès lors que le coût exact résultant de ces rémunérations est entaché d’incertitudes, la Commission de régulation de l’énergie a pu à bon droit l’inclure dans le périmètre de ce compte. Il en résulte que, même si le montant pris en compte à titre prévisionnel a vocation à être précisé par une délibération rectificative ultérieure, les coûts qui seront effectivement supportés à ce titre seront couverts par le mécanisme du compte de régularisation des charges et des produits. Au demeurant, il appartient en tout état de cause à la Commission de régulation de l’énergie, d’office ou à la demande du gestionnaire de réseau intéressé, de modifier, au besoin en cours de période tarifaire, le niveau et la structure des tarifs d’utilisation du réseau public d’électricité si elle constate, en fonction des éléments dont elle dispose, qu’un écart significatif s’est produit ou est susceptible de se produire entre le revenu autorisé d’un gestionnaire et ses coûts. Cette dernière ne saurait s’affranchir de cette règle au seul motif que l’écart serait dû à l’apparition d’une charge ou d’un produit dont la prise en compte imposerait de modifier le compte de régularisation des charges et produits défini pour la période tarifaire en cours.

IV.3.2. S’agissant des coûts résultant du changement d’identité sociale de la société Enedis :

45. Il ressort des pièces du dossier que, dans sa délibération du 17 novembre 2016, la Commission de régulation de l’énergie n’a pas couvert les coûts que la société a supportés en 2016 et 2017, à hauteur de 25 millions d’euros, en raison de son changement d’identité sociale. Ainsi que l’a relevé la Commission, la charge correspondant à ces coûts, constituée au cours d’un exercice antérieur à la délibération attaquée, avait déjà été couverte lors de la précédente période tarifaire par la prise en compte d’une provision de 42 millions d’euros passée par la société Enedis en 2015 en vue de ce changement d’identité, si bien que le moyen tiré de l’absence de prise en compte des coûts résultant du changement d’identité sociale de la société requérante ne peut qu’être écarté.

IV.3.3. S’agissant des coûts liés à la récupération d’une aide d’Etat résultant d’une décision de la Commission européenne du 22 juillet 2015 :

46. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision 2016/154/UE du 22 juillet 2015, la Commission européenne a estimé incompatible avec le marché intérieur l’aide d’Etat résultant de l’exonération d’impôt sur les sociétés en faveur de la société Electricité de France correspondant au reclassement en capital de provisions constituées en 1997 pour le renouvellement du réseau d’alimentation général. Dans le cadre de la récupération par les autorités françaises de cette aide, la société Enedis s’est acquittée en 2015 de sa quote-part à hauteur de 197 millions d’euros. La société Enedis soutient que la Commission de régulation de l’énergie a méconnu le principe de couverture des coûts effectivement engagés en refusant, dans sa délibération du 17 novembre 2016, d’inclure ce montant dans les charges à couvrir.

47. La charge supportée par la société en 2015 correspond cependant à un coût que la société Electricité de France aurait dû supporter, en tant que gestionnaire de réseau d’électricité, en 1997, date à laquelle aucune disposition ne prévoyait la couverture, par des tarifs d’accès aux réseaux, des coûts engagés par les gestionnaires. Par suite, les requérants ne sont en tout état de cause pas fondés à demander son intégration dans les charges à couvrir par les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité.

IV.3.4. S’agissant des coûts liés aux contrats d’achat de prestations conclus avec la société Electricité de France :

48. Il ressort des pièces du dossier que, dans son estimation des charges d’exploitation dont elle a demandé la couverture par les tarifs contestés, la société Enedis a inclus, pour un montant de 45 millions d’euros par an sur l’ensemble de la période tarifaire à venir, le prix versé à la société Electricité de France en exécution de contrats de prestation de service portant sur différents services généraux en matière notamment de gestion des ressources humaines, de contrôle des risques ou encore de gestion des systèmes d’information. En décidant, dans sa délibération du 17 novembre 2016, de ne couvrir ces coûts qu’à hauteur de 26 millions d’euros par an, compte tenu, notamment, d’une « identification trop imprécise du contenu ou des coûts de certaines prestations », la Commission de régulation de l’énergie qui a suffisamment motivé sur ce point sa délibération, n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.

IV.3.5. S’agissant du crédit d’impôt compétitivité emploi déduit des charges de personnel :

49. Il ressort des pièces du dossier que la société Enedis bénéficie, au titre de ses salariés répondant aux conditions posées par l’article 244 quater C du code général des impôts, du crédit d’impôt sur les sociétés prévu par ces dispositions, représentant un avantage fiscal de 51 millions d’euros en 2015. Pour la détermination des tarifs contestés, la Commission de régulation de l’énergie a déduit des charges de personnel un montant prévisionnel au titre du bénéfice de cet avantage fiscal au cours de la période tarifaire à venir, à hauteur de 48 millions d’euros en 2017, 50 millions d’euros en 2018 et 2019 et 51 millions d’euros en 2020. Dès lors que ce crédit d’impôt, même s’il s’impute sur le montant de l’impôt sur les sociétés, a pour objet de réduire le coût du travail, la société Enedis n’est pas fondée à soutenir que la Commission de régulation de l’énergie, en le déduisant de ses charges de personnel, a méconnu le principe de couverture des coûts engagés.

V. Sur la structure du tarif :

V.1. En ce qui concerne les règles de répartition des coûts entre utilisateurs du réseau retenues par la CRE :

50. Aux termes de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 341-4 du code de l’énergie, dans sa rédaction alors applicable : « La structure et le niveau des tarifs d’utilisation des réseaux de transport et de distribution d’électricité sont fixés afin d’inciter les clients à limiter leur consommation aux périodes où la consommation de l’ensemble des consommateurs est la plus élevée au niveau national. Ils peuvent également inciter les clients à limiter leur consommation aux périodes de pointe au niveau local. A cet effet, la structure et le niveau des tarifs d’utilisation des réseaux de transport et de distribution peuvent, sous réserve d’assurer la couverture de l’ensemble des coûts prévue à l’article L. 341-2 et de manière proportionnée à l’objectif de maîtrise des pointes électriques, s’écarter pour un consommateur de la stricte couverture des coûts de réseau qu’il engendre. »

51. La société Enedis soutient que les modalités de répartition des coûts entre les utilisateurs du réseau retenues par la Commission de régulation de l’énergie, qui constituent la structure du tarif, méconnaissent ces dispositions dès lors que le régulateur se serait écarté de la règle de stricte couverture des coûts engendrés par chaque consommateur d’électricité sans que cette dérogation soit justifiée par l’objectif d’inciter les clients à limiter leur consommation aux périodes de pointe comme l’autorisent ces mêmes dispositions. Toutefois, en fournissant deux exemples chiffrés, dont elle n’indique pas les calculs sous-jacents, de tarifs supportés par des consommateurs utilisant un véhicule ou produisant de l’électricité pour leur propre usage à partir d’un panneau photovoltaïque, elle n’établit pas que les règles de répartition des coûts retenues par la Commission de régulation de l’énergie conduiraient nécessairement à mettre à la charge de certains consommateurs un tarif supérieur aux coûts de réseau qui leur sont imputables.

V.2. En ce qui concerne la prise en compte de l’autoconsommation :

52. Aux termes de l’article L. 315-3 du code de l’énergie, introduit par l’ordonnance du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité : « La Commission de régulation de l’énergie établit des tarifs d’utilisation des réseaux publics de distribution d’électricité spécifiques pour les consommateurs participants à des opérations d’autoconsommation, lorsque la puissance installée de l’installation de production qui les alimente est inférieure à 100 kilowatts ». L’opération d’autoconsommation est définie à l’article L. 315-1 du même code comme le fait pour un producteur, dit autoproducteur, de consommer lui-même tout ou partie de l’électricité produite par son installation. Dès lors que l’application des dispositions de l’article L. 315-3 n’est pas manifestement impossible en l’absence du décret d’application prévu par l’article L. 315-8 du code afin de préciser les conditions d’application des nouvelles règles en matière d’autoconsommation d’électricité issues de cette ordonnance, et en l’absence de règles spécifiques d’entrée en vigueur, ces dispositions sont entrées en vigueur le lendemain de la publication de cette ordonnance au Journal officiel.

53. Il ressort de la délibération du 17 novembre 2016 attaquée, et notamment de son point 1.4.3.2, que la Commission de régulation de l’énergie a mis en place, dans le calcul des tarifs, au titre de la prise en compte des coûts de la gestion clientèle des utilisateurs, une « composante de gestion » spécifique pour les « autoproducteurs », qui étaient jusqu’alors contraints de payer deux composantes de gestion au titre de leur utilisation des réseaux d’électricité, à la fois en tant que consommateur et en tant que producteur. Il en résulte que, contrairement à ce que soutient le ministre chargé de l’énergie, la Commission de régulation de l’énergie, qui a insuffisamment motivé sa délibération sur ce point, n’a pas méconnu l’obligation qui lui est faite de différencier les tarifs pour les consommateurs participant à des opérations d’autoconsommation.

V.3. En ce qui concerne la « clause de rendez-vous » prévue en matière de structure du tarif :

54. La délibération du 17 novembre 2016 attaquée prévoit l’application d’une « clause de rendez-vous, permettant, le cas échéant, d’adapter la structure des tarifs à l’issue de deux ans de mise en oeuvre des TURPE 5 HTA-BT, soit à l’été 2019 », dans l’objectif de « prendre en compte les éventuels changements importants dans les modes d’utilisation ou les méthodes de dimensionnement des réseaux ». La société Enedis soutient que la Commission de régulation de l’énergie ne pouvait légalement prévoir une telle révision à l’issue de deux ans de la structure des tarifs dès lors qu’elle doit, selon elle, être fixée pour l’ensemble de la période tarifaire.

55. Toutefois, il ressort du point 1.4 de cette délibération que la Commission de régulation de l’énergie, à laquelle il appartient, au demeurant, de déterminer la période d’application des tarifs, qui n’est pas nécessairement de quatre ans, a fixé la structure des tarifs jusqu’à l’année 2020, soit pour l’ensemble de la période tarifaire retenue et que la mise en oeuvre de cette « clause de rendez-vous » n’est qu’une faculté ouverte en cas d’évolutions importantes dans les modes d’utilisation ou les méthodes de dimensionnement des réseaux, qui rendraient manifestement obsolète la répartition des coûts retenue entre utilisateurs par rapport aux coûts de réseau qui leur sont imputables. Dès lors, la Commission de régulation de l’énergie n’a pas commis d’illégalité en prévoyant une telle révision, qui au contraire permet de rendre la structure des tarifs conforme au principe de couverture des coûts de réseau engendrés par chaque utilisateur sans attendre une régularisation par les prochains tarifs applicables.

V.6. Conclusions :

56. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont seulement fondés à demander l’annulation de la délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 17 novembre 2016 qu’ils attaquent en tant qu’elle n’a pas fait application, pour la détermination du coût du capital investi, en plus de la « prime de risque » du taux « sans risque » aux actifs correspondant, d’une part, aux immobilisations ayant été financées par la reprise, au moment du renouvellement effectif des ouvrages, de provisions constituées lors de la période tarifaire couverte par les tarifs dits « TURPE 2 », pour leur fraction non encore amortie, et d’autre part, aux ouvrages remis par les autorités concédantes au gestionnaire de réseau au cours de cette même période tarifaire, pour cette même fraction. Ils sont par suite également fondés à demander l’annulation de la délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 19 janvier 2017 en tant qu’elle a décidé qu’il n’y avait pas lieu de modifier sa première délibération sur ces points.

57. L’annulation d’un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n’être jamais intervenu. Toutefois, s’il apparaît que cet effet rétroactif de l’annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif – après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l’ensemble des moyens, d’ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l’acte en cause – de prendre en considération, d’une part, les conséquences de la rétroactivité de l’annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d’autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l’annulation. Il lui revient d’apprécier, en rapprochant ces éléments, s’ils peuvent justifier qu’il soit dérogé au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l’affirmative, de prévoir dans sa décision d’annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l’acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l’annulation ne prendra effet qu’à une date ultérieure qu’il aura déterminée.

58. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que le tarif fixé par la délibération attaquée de la Commission de régulation de l’énergie s’est appliqué à compter du 1er août 2017 et pendant une durée qui, à la date de la présente décision, est inférieure à huit mois. Par ailleurs, l’annulation de cette délibération, telle que définie au point 56 ci-dessus, aurait pour conséquence, s’agissant des effets qu’elle a produits depuis le 1er août 2017, de contraindre le gestionnaire de réseau à adresser à l’ensemble des utilisateurs du réseau public de distribution d’électricité, qui acquittent les tarifs d’utilisation, des factures rectificatives. Ces circonstances justifient que le juge fasse usage de son pouvoir de modulation dans le temps des effets de cette annulation et il y a lieu de prévoir que les effets produits, dans la seule mesure de cette annulation, par la délibération attaquée, seront regardés comme définitifs. Il y a également lieu de ne prononcer cette annulation qu’à compter du 1er août 2018.

59. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat (Commission de régulation de l’énergie) la somme de 3 000 euros à verser à la société Enedis au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la société Electricité de France, par la fédération CFE-CGC Energies, ainsi qu’il a été dit au point 3, et par l’UFC – Que Choisir.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les interventions de l’UFC – Que Choisir et de l’Association nationale des opérateurs détaillants en énergie sont admises.

Article 2 : La délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 17 novembre 2016 portant décision sur les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité dans les domaines de tension HTA et BT est annulée en tant qu’elle n’a pas fait application, pour la détermination du coût du capital investi, en plus de la « prime de risque », du « taux sans risque » aux actifs correspondant, d’une part, aux immobilisations ayant été financées par la reprise, au moment du renouvellement effectif des ouvrages, de provisions constituées lors de la période tarifaire couverte par les tarifs dits « TURPE 2 », pour leur fraction non encore amortie, et d’autre part, aux ouvrages remis par les autorités concédantes au gestionnaire de réseau au cours de cette même période tarifaire, pour cette même fraction. La délibération prise par cette même autorité le 19 janvier 2017 portant décision sur la demande du ministre chargé de l’énergie d’une nouvelle délibération sur ces tarifs est annulée en tant qu’elle a décidé qu’il n’y avait pas lieu de modifier sa première délibération sur ces points.

Article 3 : L’annulation prononcée à l’article 2 ci-dessus ne prend effet qu’à compter du 1er août 2018.

Article 4 : Les effets produits, dans la mesure indiquée à l’article 2, par les délibérations du 17 novembre 2016 et du 19 janvier 2017, sont regardés comme définitifs.

Article 5 : L’Etat versera à la société Enedis une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La requête de la fédération CFE-CGC Energies est rejetée, ainsi que le surplus des conclusions des requêtes de la société Enedis, de la société Electricité de France et de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à la société Enedis, à la société Electricité de France, au ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, au ministre de l’action et des comptes publics, à la fédération CFE-CGC Energies, à la Commission de régulation de l’énergie, à l’UFC – Que Choisir et à l’Association nationale des opérateurs détaillants en énergie.



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Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 9 mars 2018, 407516