Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 8 novembre 2019, 412440

  • Compétence déterminée par des textes spéciaux·
  • Questions générales concernant les élèves·
  • Responsabilité de la puissance publique·
  • Education des enfants handicapés·
  • Service public de l'enseignement·
  • Enseignement et recherche·
  • Questions générales·
  • Compétence·
  • 2) espèce·
  • Adolescent

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

ll résulte des articles L. 146-3, L. 146-4, L. 146-9, L. 241-6, L. 241-9 et R. 241-31 du code de l’action sociale et des familles (CASF) que les décisions mentionnées à l’article L. 241-9 prises par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) sont susceptibles de recours devant l’autorité judiciaire, laquelle est également compétente pour connaître d’éventuelles actions en responsabilité engagées, à l’encontre de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), groupement d’intérêt public, à raison de telles décisions.

Il résulte des articles L. 111-1, L. 112-1, L. 351-1 et L. 351-2 du code de l’éducation, d’une part, que, le droit à l’éducation étant garanti à chacun quelles que soient les différences de situation, et, d’autre part, que l’obligation scolaire s’appliquant à tous, les difficultés particulières que rencontrent les enfants handicapés ne sauraient avoir pour effet ni de les priver de ce droit, ni de faire obstacle au respect de cette obligation. Ainsi, il incombe à l’Etat, au titre de sa mission d’organisation générale du service public de l’éducation, de prendre l’ensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour les enfants handicapés, un caractère effectif. La carence de l’Etat dans l’accomplissement de cette mission est constitutive d’une faute de nature à engager sa responsabilité, sans que l’administration puisse utilement se prévaloir de l’insuffisance des structures d’accueil existantes ou du fait que des allocations compensatoires sont allouées aux parents d’enfants handicapés, celles-ci n’ayant pas un tel objet…….1) ll résulte des articles L. 146-3, L. 146-4, L. 146-9, L. 241-6, L. 241-9 et R. 241-31 du code de l’action sociale et des familles (CASF) que la responsabilité de l’Etat ne saurait être recherchée à raison des décisions par lesquelles la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) se prononce sur l’orientation et l’accueil des personnes handicapées, dès lors que ces décisions sont prises au nom de la maison départementale des personnes handicapées…….2) CDAPH s’étant abstenue de désigner nominativement au moins un établissement adapté aux besoins d’une adolescente handicapée, compte tenu de l’orientation qu’elle avait décidée, sans que cette abstention soit imputable à une insuffisance de places dans les structures d’accueil existantes. Parents souhaitant que leur enfant soit accueillie dans un établissement, mais ayant refusé de signer le protocole d’accord soumis par cet établissement…….En jugeant qu’aucune carence ne pouvait, en l’espèce, être reprochée aux services de l’Etat, lesquels, ne tenaient d’aucun texte la compétence pour prendre une décision d’orientation vers un établissement ou service donné à la place de la commission ou remettre en cause l’orientation décidée par celle-ci, ni pour imposer à l’établissement, après l’échec de la médiation entre les parents et la direction de celui-ci, d’accueillir leur enfant, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit ni inexactement qualifié les faits de l’espèce.

Chercher les extraits similaires

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

M. D… A… et Mme E… C… ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l’Etat à leur verser la somme de 29 694 euros en réparation des préjudices résultant du défaut de scolarisation de leur fille. Par un jugement n° 110970 du 19 novembre 2014, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 15BX00309 du 16 mai 2017, la cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé le jugement du tribunal administratif en tant qu’il s’est prononcé sur la responsabilité de l’Etat à raison des décisions de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées de la Vienne, déclaré la juridiction administrative incompétente pour connaître des conclusions tendant à la condamnation de l’Etat à réparer le préjudice causé par ces décisions et rejeté le surplus des conclusions d’appel de M. A… et Mme C….

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juillet et 10 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. A… et Mme C…, agissant en leur nom propre et au nom de leur fille, demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – le code de l’action sociale et des familles ;

 – le code de l’éducation ;

 – le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Françoise Tomé, conseiller d’Etat,

— les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A… et de Mme C….

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’enfant B… A…, en situation de handicap, a été scolarisée de 2005 à 2010 à l’Institut régional de jeunes sourds de Poitiers. Par une décision du 12 juillet 2010, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de la Vienne a décidé l’orientation de l’enfant, alors âgée de douze ans, en établissement d’éducation sensorielle pour déficients auditifs pour une durée de deux ans, sans toutefois désigner aucun établissement d’accueil. Après avoir ultérieurement, par une décision du 8 juillet 2011, à nouveau décidé d’orienter Camille A… en établissement d’éducation sensorielle, la CDAPH a, par une décision du 13 octobre 2011, rejeté la demande de M. A… et de Mme C… tendant à ce que leur fille soit orientée en unité localisée d’inclusion scolaire. M. A… et Mme C… ont saisi le tribunal administratif de Poitiers d’une demande tendant à ce que l’Etat soit condamné à les indemniser tant de leurs préjudices propres que des préjudices subis par leur fille à raison du défaut de scolarisation de celle-ci pendant deux ans, de la rentrée scolaire 2010 jusqu’à la rentrée scolaire 2012. Par un jugement du 19 octobre 2014, le tribunal administratif a rejeté leur demande. La cour administrative d’appel de Bordeaux, par un arrêt du 16 mai 2017, a déclaré la juridiction administrative incompétente pour connaître des conclusions tendant à la condamnation de l’Etat à réparer le préjudice causé par ces décisions et rejeté le surplus des conclusions d’appel de M. A… et Mme C…, qui se pourvoient en cassation.

Sur le cadre juridique du litige :

En ce qui concerne le droit de chaque enfant à l’éducation :

2. Aux termes de l’article L. 111-1 du code de l’éducation : « (…) Le droit à l’éducation est garanti à chacun (…) » et aux termes de l’article L. 112-1 du même code : « Pour satisfaire aux obligations qui lui incombent en application des articles L. 111-1 et L. 111-2, le service public de l’éducation assure une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap (…). Dans ses domaines de compétence, l’Etat met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ou adultes handicapés. / Tout enfant, tout adolescent présentant un handicap (…) est inscrit dans l’école ou dans l’un des établissements mentionnés à l’article L. 351-1, le plus proche de son domicile, qui constitue son établissement de référence (…) ». Aux termes de l’article L. 351-1 du code de l’éducation, dans sa rédaction alors applicable : « Les enfants et adolescents présentant un handicap ou un trouble de santé invalidant sont scolarisés dans les écoles maternelles et élémentaires et les établissements visés aux articles L. 213-2, L. 214-6, L. 422-1, L. 422-2 et L. 442-1 du présent code et aux articles L. 811-8 et L. 813-1 du code rural et de la pêche maritime, si nécessaire au sein de dispositifs adaptés, lorsque ce mode de scolarisation répond aux besoins des élèves. Les parents sont étroitement associés à la décision d’orientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix. La décision est prise par la commission mentionnée à l’article L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles, en accord avec les parents ou le représentant légal. A défaut, les procédures de conciliation et de recours prévues aux articles L. 146-10 et L. 241-9 du même code s’appliquent (…) ». Aux termes de l’article L. 351-2 du même code, dans sa rédaction alors applicable : « La commission mentionnée à l’article L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles désigne les établissements ou les services ou à titre exceptionnel l’établissement ou le service correspondant aux besoins de l’enfant ou de l’adolescent en mesure de l’accueillir. / La décision de la commission s’impose aux établissements scolaires ordinaires et aux établissements ou services mentionnés au 2° et au 12° du I de l’article L.312-1 du code de l’action sociale et des familles dans la limite de la spécialité au titre de laquelle ils ont été autorisés ou agréés (…) ».

3. Il résulte de l’ensemble de ces dispositions, d’une part, que, le droit à l’éducation étant garanti à chacun quelles que soient les différences de situation, et, d’autre part, que l’obligation scolaire s’appliquant à tous, les difficultés particulières que rencontrent les enfants handicapés ne sauraient avoir pour effet ni de les priver de ce droit, ni de faire obstacle au respect de cette obligation. Ainsi, il incombe à l’Etat, au titre de sa mission d’organisation générale du service public de l’éducation, de prendre l’ensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour les enfants handicapés, un caractère effectif. La carence de l’Etat dans l’accomplissement de cette mission est constitutive d’une faute de nature à engager sa responsabilité, sans que l’administration puisse utilement se prévaloir de l’insuffisance des structures d’accueil existantes ou du fait que des allocations compensatoires sont allouées aux parents d’enfants handicapés, celles-ci n’ayant pas un tel objet.

En ce qui concerne les décisions prises par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées en vue d’assurer le droit à l’éducation des enfants en situation de handicap :

4. Aux termes de l’article L. 146-3 du code de l’action sociale et des familles : « (…) il est créé dans chaque département une maison départementale des personnes handicapées. (…) », laquelle, en vertu de l’article L. 146-4 du même code, « est un groupement d’intérêt public, dont le département assure la tutelle (…) ». Aux termes de l’article L. 146-9 du même code, dans sa rédaction alors applicable : « Une commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées prend, sur la base de l’évaluation réalisée par l’équipe pluridisciplinaire mentionnée à l’article L. 146-8, des souhaits exprimés par la personne handicapée ou son représentant légal dans son projet de vie et du plan de compensation proposé dans les conditions prévues aux articles L. 114-1 et L. 146-8, les décisions relatives à l’ensemble des droits de cette personne, notamment en matière d’attribution de prestations et d’orientation, conformément aux dispositions des articles L. 241-5 à L. 241-11 ». Aux termes de l’article L. 241-6 du même code : " I. – La commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées est compétente pour : / 1° Se prononcer sur l’orientation de la personne handicapée et les mesures propres à assurer son insertion scolaire ou professionnelle et sociale ; / 2° Désigner les établissements ou les services correspondant aux besoins de l’enfant ou de l’adolescent ou concourant à la rééducation, à l’éducation, au reclassement et à l’accueil de l’adulte handicapé et en mesure de l’accueillir ; (…)/ III. (…) La décision de la commission prise au titre du 2° du I s’impose à tout établissement ou service dans la limite de la spécialité au titre de laquelle il a été autorisé ou agréé (…) « . L’article L. 241-9 du même code, dans sa rédaction alors applicable, prévoit que : » Les décisions relevant du 1° du I de l’article prises à l’égard d’un enfant ou un adolescent handicapé, ainsi que celles relevant des 2°, 3° et 5° du I du même article peuvent faire l’objet de recours devant la juridiction du contentieux technique de la sécurité sociale « . Enfin, aux termes de l’article R. 241-31 du même code : » Les décisions de la commission (…) sont prises au nom de la maison départementale des personnes handicapées (…) ".

5. ll résulte des dispositions citées au point 4 que les décisions mentionnées à l’article L. 241-9 du code de l’action sociale et des familles prises par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées sont susceptibles de recours devant l’autorité judiciaire, laquelle est également compétente pour connaître d’éventuelles actions en responsabilité engagées à l’encontre de la maison départementale des personnes handicapées, groupement d’intérêt public, à raison de telles décisions.

Sur les moyens du pourvoi :

En ce qui concerne la responsabilité de l’Etat à raison des décisions de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées de la Vienne :

6. ll résulte des dispositions citées au point 4 et de ce qui vient d’être dit au point 5 que la responsabilité de l’Etat ne saurait être recherchée à raison des décisions par lesquelles la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées se prononce sur l’orientation et l’accueil des personnes handicapées, dès lors que ces décisions sont prises au nom de la maison départementale des personnes handicapées. Par suite, les conclusions de M. A… et de Mme C… ne pouvaient qu’être rejetées comme mal dirigées, en tant qu’elles tendaient à la condamnation de l’Etat à réparer les préjudices résultant des décisions de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées de la Vienne relatives à l’orientation de leur fille, alors même que la juridiction judiciaire est seule compétente pour connaître de toute contestation relative aux décisions des commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées concernant l’orientation et la désignation d’établissements correspondant aux besoins d’un enfant ou d’un adolescent handicapé, y compris les demandes indemnitaires fondées sur l’illégalité dont seraient entachées ces décisions. Ce motif, dont l’examen n’implique l’appréciation d’aucune circonstance de fait et qui justifie le rejet des conclusions correspondantes par l’arrêt attaqué, doit être substitué au motif retenu par la cour administrative d’appel.

En ce qui concerne la responsabilité de l’Etat à raison de son éventuelle carence dans l’exercice de la mission qui lui incombe en vue d’assurer le droit de chaque enfant à l’éducation :

7. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d’une part, que la CDAPH de la Vienne s’est abstenue de désigner nominativement au moins un établissement adapté aux besoins de Camille A…, compte tenu de l’orientation qu’elle avait décidée – sans que cette abstention soit imputable à une insuffisance de places dans les structures d’accueil existantes-, d’autre part que, si les parents souhaitaient que leur enfant soit accueillie à l’Institut régional de jeunes sourds de Poitiers, aucun protocole d’accueil n’a pu être signé. Dès lors, en jugeant qu’aucune carence ne pouvait, en l’espèce, être reprochée aux services de l’Etat, lesquels, ne tenaient d’aucun texte compétence pour prendre une décision d’orientation vers un établissement ou service donné à la place de la commission ou remettre en cause l’orientation décidée par celle-ci, ni pour imposer à l’Institut régional de jeunes sourds de Poitiers, après l’échec de la médiation entre les parents et la direction de l’établissement, d’accueillir Camille A…, la cour administrative d’appel de Bordeaux n’a pas commis d’erreur de droit ni inexactement qualifié les faits de l’espèce. Par suite, le moyen tiré de ce que la cour aurait inexactement qualifié les faits et dénaturé les pièces du dossier en refusant de reconnaître l’existence d’un lien direct entre le défaut de scolarisation de leur fille et la carence des services de l’Etat ne peut qu’être écarté. Enfin, l’arrêt attaqué n’est entaché, à ce titre, d’aucune insuffisance de motivation ni d’aucune contradiction de motifs.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A… et Mme C… ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux. Leurs conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être rejetées.

D E C I D E :

--------------


Article 1er : Le pourvoi de M. A… et de Mme C… est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. D… A… et à Mme E… C…, à la ministre des solidarités et de la santé et au ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 8 novembre 2019, 412440