Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 20 septembre 2019, 420406

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Veuve d’un fonctionnaire territorial touchant une pension de réversion et ayant omis de déclarer son remariage le 2 avril 1991 qui, en application de l’article 1er du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003, a eu pour effet de lui faire perdre son droit à pension…. ,,1) Cette omission, alors même qu’elle ne révèle aucune intention frauduleuse ou mauvaise foi, fait obstacle à l’application de la prescription prévue par l’article L. 93 du code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR).,,,2) Si l’article 2277 du code civil, dans sa rédaction applicable avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, instituait une prescription par cinq ans des actions relatives aux créances périodiques, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon qu’il s’agissait d’une action en paiement ou en restitution de ce paiement, cette prescription ne courait pas lorsque la créance, même périodique, dépendait d’éléments qui n’étaient pas connus du créancier et devaient résulter de déclarations que le débiteur était tenu de faire.,,,3) a) En vertu de l’article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La prescription quinquennale ainsi prévue ne porte que sur le délai pour exercer l’action, non sur la détermination de la créance elle-même…. ,,b) Ainsi, dès lors que l’action est introduite dans le délai de cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, la seule limite à l’exercice de ce droit résulte de l’article 2232 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, aux termes duquel le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit…. ,,c) Cependant, en application du II de son article 26, les dispositions de la loi du 17 juin 2008 qui réduisent la durée d’une prescription s’appliquent à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Il en résulte que lorsque l’exercice d’une action n’était enserré, avant l’intervention de la loi du 17 juin 2008, que par la prescription trentenaire, cette prescription continue à s’appliquer.

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Sur la décision

Référence :
CE, 7-2 chr, 20 sept. 2019, n° 420406, Lebon T.
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 420406
Importance : Mentionné aux tables du recueil Lebon
Type de recours : Contentieux des pensions
Décision précédente : Tribunal administratif de Caen, 7 mars 2018, N° 1700061
Précédents jurisprudentiels : [RJ1] Cf., sur l'inapplicabilité de cet article du fait de l'omission de déclaration, CE, 28 janvier 2019, Caisse des dépôts et consignations c/,, n° 414805, à mentionner aux Tables
CE, décision du même jour,,, n° 420489, à mentionner aux Tables.,,[RJ2] Cf., sur l'application de la prescription quinquennale de droit civil de l'article 2232 du code civil, CE, décision du même jour,,, n° 420489, à mentionner aux Tables. Rappr., sur l'application de la prescription quinquennale de droit civil de l'article 2277 du code civil, CE, 15 mars 2019,,et,, n°s 411790 411799, à mentionner aux Tables.,,[RJ3] Rappr., sur le maintien, à titre transitoire, d'une prescription trentenaire après l'intervention de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, Cass. civ. 1ère, 30 avril 2014,,c/ Société BNP Paribas Wealth Management Monaco, n° 13-11.032, inédit au Bulletin.
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000039120970
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2019:420406.20190920

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Mme A… B… a demandé au tribunal administratif de Caen d’annuler la décision du 14 novembre 2016 par laquelle la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) a rejeté son recours gracieux dirigé contre la décision du 8 septembre 2016 lui notifiant la décision de recouvrer le versement indu de sa pension de réversion sur la période du 1er aout 1994 au 31 juillet 2014 pour un montant de 110 787,43 euros. Par un jugement n° 1700061 du 8 mars 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 mai et 17 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Mme B… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations la somme de 4 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;

 – le code civil ;

 – le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

 – la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

 – la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

 – le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 ;

 – le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;

 – le décret n° 2007-173 du 7 février 2007 ;

 – le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Thomas Pez-Lavergne, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de Mme B… et à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la Caisse des dépôts et consignations ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme B… a bénéficié, à la suite du décès, de son époux, M. C… B…, d’une pension de réversion à compter du 1er juillet 1988. Dans le cadre d’une enquête de la CNRACL sur la situation des bénéficiaires de ses fonds, Mme B… a déclaré, le 23 juin 2014, vivre en concubinage notoire depuis le 2 avril 1991. A la suite de cette déclaration, la CNRACL a avisé l’intéressée, le 18 septembre 2014, que le versement de sa pension était interrompu au motif que le conjoint survivant qui vit en concubinage notoire perd le bénéfice de sa pension de réversion. Par lettre du 8 septembre 2016, la CNRACL a notifié à Mme B… sa décision de recouvrer une somme de 110 787,43 euros correspondant au versement indu de la pension de réversion pour la période du 1er août 1994 au 31 juillet 2014. Par une lettre du 4 novembre 2016, Mme B… a contesté cette décision. Le 14 novembre 2016, la CNRACL a rejeté son recours gracieux. Mme B… a demandé au tribunal administratif de Caen l’annulation de cette décision. Par un jugement du 8 mars 2018, contre lequel Mme B… se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, si, en principe, le droit à pension de réversion est régi par les dispositions en vigueur à la date du décès de l’ayant cause, la restitution des sommes payées indûment au titre d’une pension est soumise, en l’absence de disposition contraire, aux dispositions en vigueur à la date à laquelle l’autorité compétente décide de procéder à la répétition des sommes indûment versées.

3. Aux termes de l’article 1er du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : « Les dispositions du présent décret s’appliquent aux fonctionnaires mentionnés à l’article 2 du décret n° 2007-173 du 7 février 2007 relatif à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et à leurs ayants cause ». L’article 2 du décret du 7 février 2007 relatif à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales dispose que : « Sont obligatoirement affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales les fonctionnaires soumis aux dispositions de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 (…) ». Aux termes de l’article 47 du décret du 26 décembre 2003, qui reprend les dispositions de l’article 43 du décret du 9 septembre 1965 portant règlement d’administration publique relatif au régime de retraite des tributaires de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : « Le conjoint survivant ou divorcé qui contracte un nouveau mariage ou vit en état de concubinage notoire perd son droit à pension (…) ».

4. L’article 59 du décret du 26 décembre 2003 dispose que : « (…) La restitution des sommes payées indûment au titre des pensions, de leurs accessoires, d’avances provisoires sur pensions, attribués en application des dispositions du présent décret est réglée conformément aux dispositions de l’article L. 93 du code des pensions civiles et militaires de retraite (…) ». Aux termes de l’article L. 93 du code des pensions civiles et militaires de retraite : « Sauf le cas de fraude, omission, déclaration inexacte ou de mauvaise foi de la part du bénéficiaire, la restitution des sommes payées indûment au titre des pensions, de leurs accessoires ou d’avances provisoires sur pensions, attribués en application des dispositions du présent code, ne peut être exigée que pour celles de ces sommes correspondant aux arrérages afférents à l’année au cours de laquelle le trop-perçu a été constaté et aux trois années antérieures ».

5. L’époux de Mme B… était fonctionnaire territorial soumis aux dispositions de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. Par suite, compte tenu, ainsi qu’il a été dit au point 2, de la date à laquelle la CNRACL a décidé de procéder à la répétition des sommes indûment versées, les dispositions relatives aux règles de prescription applicables à la pension de réversion perçue par Mme B… sont celles du décret du 26 décembre 2003, qui renvoient au code des pensions civiles et militaires de retraite.

6. La perception par Mme B…, à compter du 2 avril 1991, de sa pension de réversion malgré son concubinage notoire est consécutive à une absence de déclaration auprès de l’administration de son changement de situation. Cette omission, alors même qu’elle ne révèle aucune intention frauduleuse ou mauvaise foi, fait obstacle à l’application de la prescription prévue par l’article L. 93 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Dès lors, Mme B… n’est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Caen a commis une erreur de droit ou de qualification juridique des faits, ou dénaturé les pièces du dossier, en estimant qu’elle ne pouvait bénéficier de cette prescription.

7. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’a pas été invoqué devant le tribunal administratif de Caen. Ce moyen n’est pas né du jugement attaqué et n’est pas d’ordre public. Par suite, Mme B… ne peut le soulever utilement pour contester le bien-fondé du jugement qu’elle attaque.

8. Mme B… soutient, en dernier lieu, que le tribunal administratif de Caen aurait méconnu les règles de prescription, au motif que les sommes indument perçues avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile étaient prescrites par application de l’article 2277 du code civil et que, pour les sommes perçues postérieurement à cette date, l’article 2224 du code civil s’opposait à ce que les versements opérés plus de cinq ans avant le 8 septembre 2016 fassent l’objet d’une action en répétition.

9. Toutefois, d’une part, si, l’article 2277 du code civil, dans sa rédaction applicable avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, instituait une prescription par cinq ans des actions relatives aux créances périodiques, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon qu’il s’agissait d’une action en paiement ou en restitution de ce paiement, cette prescription ne courait pas lorsque la créance, même périodique, dépendait d’éléments qui n’étaient pas connus du créancier et devaient résulter de déclarations que le débiteur était tenu de faire.

10. D’autre part, en vertu de l’article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La prescription quinquennale ainsi prévue ne porte que sur le délai pour exercer l’action, non sur la détermination de la créance elle-même. Ainsi, dès lors que l’action est introduite dans le délai de cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, la seule limite à l’exercice de ce droit résulte de l’article 2232 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, aux termes duquel « le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit ». Cependant, en application des dispositions du II de son article 26, les dispositions de la loi du 17 juin 2008 qui réduisent la durée d’une prescription s’appliquent à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Il en résulte que lorsque l’exercice d’une action n’était enserré, avant l’intervention de la loi du 17 juin 2008, que par la prescription trentenaire, cette prescription continue à s’appliquer.

11. Ainsi qu’il a été dit au point 1, il ressort des pièces produites devant le juge du fond que Mme B… n’a déclaré que le 23 juin 2014 vivre en concubinage notoire depuis le 2 avril 1991. Dès lors, le tribunal administratif de Caen n’a pas entaché son jugement d’erreur de droit ou d’erreur de qualification juridique des faits en estimant que l’action de la CNRACL en répétition des sommes indûment versées à Mme B… du 1er août 1994 au 31 juillet 2014, engagée dans le délai de cinq ans à compter de la date à laquelle elle avait été informée du changement de situation familiale de l’intéressée, n’était prescrite ni sur le fondement de l’ancien article 2277 du code civil, ni sur celui du nouvel article 2224 du même code.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de Mme B… doit être rejeté.

13. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de Mme B… est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A… B… et à la Caisse des dépôts et consignations.

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