Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 20 septembre 2019, 420489

  • A) inapplicabilité de la prescription de l'article l·
  • B) application de la prescription quinquennale (art·
  • 93 du cpcmr en raison de l'omission de déclaration·
  • Application de la prescription de l'article l·
  • Pensions civiles et militaires de retraite·
  • Paiement des pensions·
  • 2224 du code civil)·
  • Questions communes·
  • Pensions·
  • Pension de réversion

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Veuve d’un fonctionnaire territorial touchant une pension de réversion et ayant omis de déclarer son remariage le 28 juin 1997, lequel, en application de l’article 1er du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003, a eu pour effet de lui faire perdre son droit à pension…. ,,Caisse de retraite regardée comme ayant eu connaissance du remariage à compter du 1er avril 2010 mais n’ayant intenté d’action en répétition que le 25 février 2016.,,,1) a) L’omission de l’intéressée de déclarer auprès de l’administration son changement de situation, alors même qu’elle ne révèle aucune intention frauduleuse ou mauvaise foi, fait obstacle à l’application de la prescription particulière prévue par l’article L. 93 du code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR) pour la période antérieure au 1er avril 2010.,,,b) Toutefois, l’action en répétition était prescrite pour la période en cause en application de l’article 2224 du code civil, cinq années s’étant écoulées depuis la date à laquelle la caisse a eu connaissance du changement de situation de l’intéressée.,,,2) La prescription de l’article L. 93 du CPCMR est en revanche applicable à la période postérieure au 1er avril 2010 et fait obstacle à ce que la caisse de retraite exige, en 2016, le remboursement des arrérages de la pension de réversion afférents aux années 2011 et 2012.

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Mme B… D…, épouse A…, a demandé au tribunal administratif de Rennes d’annuler la décision du 25 février 2016 par laquelle la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) lui a réclamé les sommes indûment versées au titre de sa pension de réversion pour la période du 28 juin 1997 au 31 mai 2014 ainsi que la décision du 29 juin 2016 de rejet de son recours gracieux contre cette décision. Par un jugement n° 1603864 du 9 mars 2018, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 25 février 2016 de la CNRACL, ensemble la décision du 29 juin 2016 portant rejet de son recours gracieux contre cette décision, d’une part, en tant qu’elles lui refusent le bénéfice d’une pension principale d’orphelin au titre de son fils jusqu’au 21 décembre 2003 et, d’autre part, en tant qu’elles portent sur le remboursement d’indu de pension pour la période allant du 1er avril au 31 décembre 2010 et rejeté le surplus de sa requête.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 9 mai et 9 août 2018 et le 12 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Mme D… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’article 3 de ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations une somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – le code civil ;

 – le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

 – la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

 – la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

 – le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 ;

 – le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;

 – le décret n° 2007-173 du 7 février 2007 ;

 – le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Thomas Pez-Lavergne, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de Mme D… et à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la Caisse des dépôts et consignations ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, depuis le 1er août 1984, Mme D…, épouse A…, a bénéficié d’une pension de réversion à la suite du décès, le 11 juillet 1984 de son premier époux, M. C…, fonctionnaire territorial. La Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) lui a adressé le 16 juillet 2013 un formulaire de déclaration sur l’honneur destiné à mettre à jour sa situation familiale. En l’absence de réponse de la part de Mme D…, la CNRACL a suspendu le paiement de sa pension de réversion à compter du 1er juin 2014. Par une décision du 25 février 2016, le directeur de la CNRACL, après avoir obtenu de la commune de Brasparts la copie intégrale de l’acte de naissance de Mme D… mentionnant son remariage le 28 juin 1997 avec M. A…, a annulé sa pension de réversion à compter du mois de juin 1997 et lui a indiqué que les sommes indûment versées pour la période du 28 juin 1997 au 31 mai 2014 lui seraient réclamées ultérieurement. Par une décision du 21 mars 2016, le directeur de la CNRACL a fixé à 68 146,37 euros le montant des sommes indûment versées à Mme D… au titre cette période. Par un courrier du 22 mars 2016, Mme D… a formé un recours gracieux à l’encontre de la décision du 25 février 2016 qui a été rejeté par un courrier du 29 juin 2016 du directeur de la CNRACL. Par un jugement du 9 mars 2018, le tribunal administratif de Rennes n’a que partiellement fait droit à ses conclusions en annulant la décision contestée, d’une part, en tant qu’elle lui refuse le bénéfice d’une pension principale d’orphelin au titre de son fils jusqu’au 21 décembre 2003 et, d’autre part, en tant qu’elle porte sur le remboursement d’indu de pension pour la période allant du 1er avril au 31 décembre 2010. Mme D… se pourvoit en cassation contre ce jugement en tant qu’il rejette le surplus de ses conclusions.

2. Si, en principe, le droit à pension de réversion est régi par les dispositions en vigueur à la date du décès de l’ayant cause, la restitution des sommes payées indûment au titre d’une pension est soumise, en l’absence de disposition contraire, aux dispositions en vigueur à la date à laquelle l’autorité compétente décide de procéder à la répétition des sommes indûment versées.

3. Aux termes de l’article 1er du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : « Les dispositions du présent décret s’appliquent aux fonctionnaires mentionnés à l’article 2 du décret n° 2007-173 du 7 février 2007 relatif à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et à leurs ayants cause ». L’article 2 du décret du 7 février 2007 relatif à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales dispose que : « Sont obligatoirement affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales les fonctionnaires soumis aux dispositions de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 (…) ». Aux termes de l’article 47 du décret du 26 décembre 2003 précité, qui reprend les dispositions de l’article 43 du décret du 9 septembre 1965 portant règlement d’administration publique relatif au régime de retraite des tributaires de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : « Le conjoint survivant ou divorcé qui contracte un nouveau mariage ou vit en état de concubinage notoire perd son droit à pension (…) ».

4. L’article 59 du décret du 26 décembre 2003 précité dispose que : « (…) La restitution des sommes payées indûment au titre des pensions, de leurs accessoires, d’avances provisoires sur pensions, attribués en application des dispositions du présent décret est réglée conformément aux dispositions de l’article L. 93 du code des pensions civiles et militaires de retraite (…) ». Aux termes de l’article L. 93 du code des pensions civiles et militaires de retraite : « Sauf le cas de fraude, omission, déclaration inexacte ou de mauvaise foi de la part du bénéficiaire, la restitution des sommes payées indûment au titre des pensions, de leurs accessoires ou d’avances provisoires sur pensions, attribués en application des dispositions du présent code, ne peut être exigée que pour celles de ces sommes correspondant aux arrérages afférents à l’année au cours de laquelle le trop-perçu a été constaté et aux trois années antérieures ».

5. L’époux de Mme D… était fonctionnaire territorial soumis aux dispositions de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. Par suite, compte tenu, ainsi qu’il a été dit au point 2, de la date à laquelle la CNRACL a décidé de procéder à la répétition des sommes indûment versées, les dispositions relatives aux règles de prescription applicables à la pension de réversion perçue par Mme D… sont celles du décret du 26 décembre 2003, qui renvoient au code des pensions civiles et militaires de retraite.

Sur l’action en répétition des sommes versées au titre de la pension de réversion pour la période antérieure à avril 2010 :

6. Ainsi que l’a relevé le tribunal administratif de Rennes dans son jugement, la perception par Mme D…, à compter du 28 juin 1997, de sa pension de réversion malgré son remariage est consécutive à une absence de déclaration avant le mois d’avril 2010 auprès de l’administration de son changement de situation. Cette omission, alors même qu’elle ne révèle aucune intention frauduleuse ou mauvaise foi, fait obstacle à l’application de la prescription particulière prévue par l’article L. 93 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

7. Toutefois, en vertu de l’article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, dont le débiteur peut invoquer le bénéfice s’il ne peut se prévaloir de la prescription de l’article L. 93 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

8. Il résulte des énonciations mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Rennes a estimé que la CNRACL avait eu connaissance en avril 2010, au plus tard, du remariage de Mme D…. Or celle-ci soutenait devant lui qu’à supposer qu’elle ne puisse bénéficier de la prescription de l’article L. 93 du code des pensions civiles et militaires de retraite pour la période allant du 28 juin 1997 au 1er avril 2010, l’action en répétition de la CNRACL, intentée le 25 février 2016, était prescrite pour la période en cause en application de l’article 2224 du code civil. En n’accueillant pas ce moyen, auquel il s’est abstenu de répondre, le tribunal administratif de Rennes a entaché son jugement d’insuffisance de motivation et d’erreur de droit.

Sur l’action en répétition des sommes versées au titre de la pension de réversion pour la période postérieure au 31 décembre 2010 :

9. Ainsi qu’il a été dit au point 8, le tribunal administratif a estimé que la CNRACL avait eu connaissance, dès le mois d’avril 2010, du remariage de Mme D… et que la caisse ne pouvait par conséquent soutenir ne pas avoir été informée par la bénéficiaire de la pension de réversion de son changement de situation maritale au plus tard en avril 2010. Le jugement relève également que ce n’est qu’en 2016 que la CNRACL a annulé la pension de réversion de l’intéressée et lui a demandé le remboursement des sommes indument perçues à ce titre. Par suite, le tribunal administratif de Rennes a commis une erreur de droit et entaché son jugement d’insuffisance de motivation en n’accueillant pas le moyen tiré de ce que l’article L. 93 du code des pensions civiles et militaires de retraite, qui était applicable dès lors que la CNRACL avait été informée du changement de situation matrimoniale de l’intéressée, faisait obstacle à ce que la CNRACL exige le remboursement des arrérages de la pension de réversion afférents aux années 2011 et 2012.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, que Mme D… est fondée à demander l’annulation du jugement qu’elle attaque en tant qu’il n’a pas fait droit à ses conclusions d’annulation pour la période antérieure au 1er avril 2010 et pour les années 2011 et 2012.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions du même article font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par la Caisse des dépôts et consignations.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 9 mars 2018 du tribunal administratif de Rennes est annulé en tant qu’il a rejeté les conclusions de Mme D… tendant à l’annulation de la décision de la CNRACL pour la période antérieure au 1er avril 2010 et pour les années 2011 et 2012.

Article 2 : L’affaire est renvoyée, dans la limite de la cassation ainsi prononcée, au tribunal administratif de Rennes.

Article 3 : La Caisse des dépôts et consignations versera à Mme D… une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi et les conclusions de la Caisse des dépôts et consignations tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B… D…, épouse A…, à la Caisse des dépôts et consignations et au ministre de l’action et des comptes publics.

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