Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 17 avril 2019, 428749

  • 744-36 du ceseda)·
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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

) Si l’article D. 744-36 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) prévoit que le bénéfice de l’allocation pour demandeur d’asile peut être retiré en cas de fraude, ces dispositions ne sauraient fonder le retrait de l’allocation que dans le cas où sont établies des manoeuvres frauduleuses pour l’obtention des conditions matérielles d’accueil…. ,,2) La circonstance que le demandeur d’asile ait pu, parallèlement à l’introduction de sa demande d’asile en France, chercher à obtenir l’asile dans un autre Etat membre de l’Union européenne ne caractérise pas, par elle-même, une fraude aux conditions matérielles d’accueil susceptible de justifier que leur bénéfice lui soit retiré.,,Demandeur d’asile dont la demande d’asile a été enregistrée en France en mai 2018 et s’étant rendu en Belgique au début du mois de juin. De retour en France, ayant été reçu par les services de la préfecture, l’intéressé est demeuré titulaire d’une attestation de sa demande d’asile qui avait été enregistrée le 31 mai 2018, valable jusqu’au 17 juin 2019, mentionnant, en application de l’article L. 742-1 du CESEDA, la procédure de transfert en Belgique dont il a fait l’objet. S’il n’est pas contesté que l’intéressé s’est déplacé quelques jours en Belgique au mois de juin 2018, cette circonstance ne caractérise pas une fraude visant à l’obtention des conditions matérielles d’accueil auxquelles il pouvait prétendre en France.

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Commentaires7

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Me Grégoire Hervet · consultation.avocat.fr · 30 novembre 2020

Les conditions matérielles d'accueil de ressortissants européens leurs sont refusés lorsqu'ils déposent une demande d'asile en France. Pour mémoire, les CMA désignent un dispositif destiné aux demandeurs d'asile. Ils bénéficient, en théorie, de ses conditions dès l'enregistrement de leur demande, et ce pendant toute sa durée de traitement. L'accès aux CMA est déterminé par la seule possession de l'attestation de demande d'asile. Dès lors, en principe, tous les demandeurs d'asile pourraient bénéficier des CMA, peu importe la nature de la procédure suivie (normale ou accélérée). …

 

Me Grégoire Hervet · consultation.avocat.fr · 9 avril 2020

Les conditions matérielles d'accueil désignent un dispositif destiné aux demandeurs d'asile dont ils bénéficient, en théorie, pendant toute la durée de traitement de leur demande. C'est l'OFII qui se prononce sur la reconnaissance des CMA au profit des demandeurs, qui est conditionnée à la possession de l'attestation de demande d'asile. Ainsi, en principe, tous les demandeurs d'asile ont le droit au bénéficier des CMA, peu importe la nature de la procédure suivie (normale ou accélérée) et peu importe le pays compétent pour l'examen de la demande. Cela dit, en pratique, tel n'est pas le …

 

Me Claire Lachaux · consultation.avocat.fr · 12 septembre 2019

En France, lors de l'enregistrement de la demande d'asile en Préfecture, l'Office Français de l'Immigration et de l'Intégration (OFII) propose au demandeur d'asile des conditions matérielles d'accueil, c'est-à-dire un hébergement et l'allocation pour demandeur d'asile (ADA). Le Conseil d'Etat a sanctionné l'OFII , en avril dernier, pour avoir retiré le bénéficie des conditions matérielles d'accueil à un demandeur au motif que ce dernier se serait rendu quelques jours en Belgique pour tenter d'y obtenir l'asile. Ainsi, le Conseil d'Etat précise que « si l'article D. 744-36 du code de …

 
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Sur la décision

Référence :
CE, 2e - 7e ch. réunies, 17 avr. 2019, n° 428749, Lebon T.
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 428749
Importance : Mentionné aux tables du recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Limoges, 4 mars 2019, N° 1900383
Dispositif : Satisfaction partielle
Identifiant Légifrance : CETATEXT000038388030
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2019:428749.20190417

Sur les parties

Texte intégral

Vu les procédures suivantes :

1°) Sous le n° 428749, M. B… A… a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Limoges, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’ordonner à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) de lui rétablir le versement de l’allocation pour demandeur d’asile, avec effet rétroactif à compter du 1er janvier 2019, dans les 24 heures suivant la notification de l’ordonnance, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par une ordonnance n° 1900382 du 2 mars 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a fait droit à sa demande.

Par une requête enregistrée le 12 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’Office français de l’immigration et de l’intégration demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d’annuler cette ordonnance ;

2°) de rejeter la demande de M. A….

2°) Sous le n° 428751, M. B… A… a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Limoges, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’enjoindre à l’Office français de l’immigration et de l’intégration et à l’HUDA-ARSL de le réadmettre au sein de l’hébergement dont il bénéficiait, dans les 24 heures suivant la notification de l’ordonnance, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par une ordonnance n° 1900383 du 5 mars 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a fait droit à sa demande.

Par une requête enregistrée le 12 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’Office français de l’immigration et de l’intégration demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d’annuler cette ordonnance ;

2°) de rejeter la demande de M. A….

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

 – la directive (UE) n° 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

 – le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

 – le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003, tel que modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 du 30 janvier 2014 ;

 – le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

 – le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Stéphanie Vera, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Haas, avocat de M. A…, et à la SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, avocat de la Cimade, du Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s (GISTI), de l’association « Avocats pour la défense des droits des étrangers », de la Ligue des droits de l’Homme et de la Fédération des associations des solidarités avec tou-te-s les immigré-e-s ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 avril 2019, présentée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ».

2. Sur le fondement de ces dispositions, M. A… a demandé, le 1er mars 2019, au juge des référés du tribunal administratif de Limoges d’enjoindre sous astreinte au directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) de lui verser l’allocation pour demandeur d’asile avec effet au 1er janvier 2019. Il a, en outre, saisi le juge des référés du tribunal administratif, le 3 mars, d’une demande tendant à ce qu’il soit enjoint à l’Office de le réadmettre en hébergement d’urgence. L’OFII fait appel des ordonnances rendues par le juge des référés sur ces demandes les 2 et 5 mars 2019. Il y a lieu de joindre ces deux appels pour statuer par une seule décision.

Sur les interventions :

3. La Cimade, le Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI), l’association « Avocats pour la défense des droits des étrangers », la Ligue des droits de l’Homme et la Fédération des associations des solidarités avec tou-te-s les immigré-e-s justifient, eu égard à l’objet et à la nature du litige, d’un intérêt suffisant pour intervenir dans le sens du maintien des ordonnances attaquées. Leurs interventions sont, par suite, recevables.

Sur les dispositions applicables :

4. D’une part, aux termes de l’article L. 744-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Les conditions matérielles d’accueil du demandeur d’asile, au sens de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, sont proposées à chaque demandeur d’asile par l’Office français de l’immigration et de l’intégration après l’enregistrement de la demande d’asile par l’autorité administrative compétente, en application du présent chapitre. Les conditions matérielles d’accueil comprennent les prestations et l’allocation prévues au présent chapitre. (…) ». L’article L. 742-1 du même code prévoit que : « Lorsque l’autorité administrative estime que l’examen d’une demande d’asile relève de la compétence d’un autre Etat qu’elle entend requérir, l’étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu’à la fin de la procédure de détermination de l’Etat responsable de l’examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu’à son transfert effectif à destination de cet Etat. L’attestation délivrée en application de l’article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l’objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l’Etat responsable et, le cas échéant, jusqu’à son transfert effectif à destination de cet Etat ». L’article L. 744-5 de ce code dispose que : « Les lieux d’hébergement mentionnés à l’article L. 744-3 accueillent les demandeurs d’asile pendant la durée d’instruction de leur demande d’asile ou jusqu’à leur transfert effectif vers un autre Etat européen. Cette mission prend fin à l’expiration du délai de recours contre la décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ou à la date de la notification de la décision de la Cour nationale du droit d’asile ou à la date du transfert effectif vers un autre Etat, si sa demande relève de la compétence de cet Etat ». L’article L. 744-9 de ce code prévoit que « Le demandeur d’asile qui a accepté les conditions matérielles d’accueil proposées en application de l’article L. 744-1 bénéficie d’une allocation pour demandeur d’asile s’il satisfait à des conditions d’âge et de ressources. L’Office français de l’immigration et de l’intégration ordonne son versement dans l’attente de la décision définitive lui accordant ou lui refusant une protection au titre de l’asile ou jusqu’à son transfert effectif vers un autre Etat responsable de l’examen de sa demande d’asile (…) ».

5. D’autre part, aux termes de l’article L. 744-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dans sa rédaction résultant de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile " Le bénéfice des conditions matérielles d’accueil peut être : / 1° Suspendu si, sans motif légitime, le demandeur d’asile a abandonné son lieu d’hébergement déterminé en application de l’article L. 744-7, n’a pas respecté l’obligation de se présenter aux autorités, n’a pas répondu aux demandes d’informations ou ne s’est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d’asile ; (…) ". Si les termes de cet article ont été modifiés par différentes dispositions du I de l’article 13 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, il résulte du III de l’article 71 de cette loi que ces modifications, compte tenu de leur portée et du lien qui les unit, ne sont entrées en vigueur ensemble qu’à compter du 1er janvier 2019 et ne s’appliquent qu’aux décisions initiales, prises à compter de cette date, relatives au bénéfice des conditions matérielles d’accueil proposées et acceptées après l’enregistrement de la demande d’asile. Les décisions relatives à la suspension et au rétablissement de conditions matérielles d’accueil accordées avant le 1er janvier 2019 restent régies par les dispositions antérieures à la loi du 10 septembre 2018.

6. Enfin, l’article D. 744-36 du même code, applicable au litige, dispose que : « Le bénéfice de l’allocation pour demandeur d’asile peut être retiré par l’Office français de l’immigration et de l’intégration en cas de fraude ou si le bénéficiaire a dissimulé tout ou partie de ses ressources, au sens de l’article D. 744-21, a fourni des informations mensongères relatives à sa situation familiale, a eu un comportement violent ou a commis des manquements graves au règlement du lieu d’hébergement. (…). L’interruption du versement de l’allocation prend effet à compter de la date de la décision de retrait ».

Sur l’office du juge des référés :

7. D’une part, les dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative confèrent au juge administratif des référés le pouvoir d’ordonner toute mesure dans le but de faire cesser une atteinte grave et manifestement illégale portée à une liberté fondamentale par une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public. Il résulte tant des termes de cet article que du but dans lequel la procédure qu’il instaure a été créée que doit exister un rapport direct entre l’illégalité relevée à l’encontre de l’autorité administrative et la gravité de ses effets au regard de l’exercice de la liberté fondamentale en cause.

8. D’autre part, si la privation du bénéfice des mesures prévues par la loi afin de garantir aux demandeurs d’asile des conditions matérielles d’accueil décentes, jusqu’à ce qu’il ait été statué sur leur demande, est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit d’asile, le caractère grave et manifestement illégal d’une telle atteinte s’apprécie en tenant compte des moyens dont dispose l’autorité administrative compétente et de la situation du demandeur. Ainsi, le juge des référés ne peut faire usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 521-2 du code de justice administrative en adressant une injonction à l’administration que dans le cas où, d’une part, le comportement de celle-ci fait apparaître une méconnaissance manifeste des exigences qui découlent du droit d’asile et où, d’autre part, il résulte de ce comportement des conséquences graves pour le demandeur d’asile, compte tenu notamment de son âge, de son état de santé ou de sa situation familiale. Il incombe au juge des référés d’apprécier, dans chaque situation, les diligences accomplies par l’administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l’âge, de l’état de santé et de la situation familiale de la personne intéressée

Sur les ordonnances attaquées :

9. Il résulte de l’instruction que M. A…, ressortissant afghan, a présenté une demande d’asile, enregistrée le 31 mai 2018, dont il est apparu que son examen relevait de la Belgique. En septembre 2018, l’Office français de l’immigration et de l’intégration l’a informé de son intention de mettre fin au bénéfice des conditions matérielles d’accueil au motif qu’il aurait tenté d’en obtenir frauduleusement le bénéfice par le biais d’une nouvelle demande d’asile après un déplacement en Belgique. A compter du 1er janvier 2019, l’OFII a mis fin au versement de l’allocation pour demandeur d’asile et, par un courrier du 1er mars 2019, lui a enjoint de quitter son lieu d’hébergement.

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

10. Aux termes de l’article L. 5 du code de justice administrative : « L’instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l’urgence » et aux termes de l’article L. 522-1 du même code : « Le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire écrite ou orale / Lorsqu’il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d’y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l’heure de l’audience publique ». Il ressort des pièces du dossier que la demande présentée par M. A… le vendredi 1er mars a été enregistrée à 14h50 et communiquée à l’OFII à 17h46. Au regard du délai imparti au juge pour statuer et à la situation d’urgence en cause, le juge des référés a pu, dans les circonstances de l’espèce, convoquer sans irrégularité une audience pour le samedi 2 mars à 10h00.

En ce qui concerne les demandes en référé :

11. En premier lieu, il résulte de l’instruction que M. A…, âgé de 29 ans, célibataire et sans enfant, ne dispose d’aucune ressource et ne bénéficie d’un hébergement qu’en exécution de l’ordonnance attaquée prise par le juge des référés du tribunal administratif de Limoges le 5 mars 2019. Il justifie ainsi de la condition d’urgence requise par les dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.

12. En deuxième lieu, si l’article D. 744-36 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit que le bénéfice de l’allocation pour demandeur d’asile peut être retiré en cas de fraude, ces dispositions ne sauraient fonder le retrait de l’allocation que dans le cas où sont établies des manoeuvres frauduleuses pour l’obtention des conditions matérielles d’accueil. La circonstance que le demandeur d’asile ait pu, parallèlement à l’introduction de sa demande d’asile en France, chercher à obtenir l’asile dans un autre Etat membre de l’Union européenne ne caractérise pas, par elle-même, une fraude aux conditions matérielles d’accueil susceptible de justifier que leur bénéfice lui soit retiré.

13. Il résulte de l’instruction que M. A…, dont la demande d’asile a été enregistrée en France en mai 2018 s’est rendu en Belgique au début du mois de juin. De retour en France, ayant été reçu par les services de la préfecture de Haute-Vienne, M. A… est demeuré titulaire d’une attestation de sa demande d’asile qui avait été enregistrée le 31 mai 2018, valable jusqu’au 17 juin 2019, mentionnant, en application de l’article L. 742-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la procédure de transfert en Belgique dont il a fait l’objet. S’il n’est pas contesté que M. A… s’est déplacé quelques jours en Belgique au mois de juin 2018, cette circonstance ne caractérise pas une fraude visant à l’obtention des conditions matérielles d’accueil auxquelles il pouvait prétendre en France. Par ailleurs, alors même que la demande d’asile de M. A… a fait l’objet d’un examen en Belgique et aurait été rejetée définitivement par les autorités de ce pays, la demande présentée par l’intéressé en France ne pouvait, dans les circonstances de l’espèce, être regardée par l’OFII comme une demande de réexamen susceptible de justifier un refus sur le fondement des dispositions de l’article L. 744-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

14. Il résulte de ce qui précède que l’OFII ne pouvait, sans porter une atteinte manifestement illégale au droit d’asile, se fonder sur la fraude ou sur l’existence d’une demande de réexamen d’une demande d’asile pour retirer à M. A… le bénéfice des conditions matérielles d’accueil.

15. S’agissant de l’allocation pour demandeur d’asile, le retrait manifestement illégal de cette allocation, alors que M. A… est dépourvu de ressources, est de nature à porter une atteinte grave au droit d’asile, qui justifie qu’il soit enjoint à l’Office français de l’immigration et de l’intégration de rétablir le versement de cette allocation à l’intéressé pour l’avenir. En revanche, il n’appartient en principe pas au juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’enjoindre le versement de cette allocation à titre rétroactif pour une période écoulée.

16. S’agissant du bénéfice d’un hébergement d’urgence, eu égard à la saturation actuelle du dispositif d’hébergement des demandeurs d’asile et à la situation personnelle de M. A…, son absence d’hébergement ne peut être regardée comme ayant eu pour lui des conséquences d’une gravité telle qu’elles justifient que soit ordonnée en l’espèce une mesure au titre de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.

17. Il résulte de tout ce qui précède que l’Office français de l’immigration et de l’intégration est fondé à demander l’annulation de l’ordonnance du 2 mars 2019 en tant qu’elle lui a enjoint de verser l’allocation pour demandeur d’asile avec effet rétroactif au 1er janvier 2019 et de l’ordonnance du 5 mars 2019 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Limoges lui enjoint de proposer à M. A… un lieu d’hébergement pour demandeur d’asile.

D E C I D E :

--------------


Article 1er : Les interventions de La Cimade, du Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s (GISTI), de l’association « Avocats pour la défense des droits des étrangers », de la Ligue des droits de l’Homme et de la Fédération des associations des solidarités avec tou-te-s les immigré-e-s sont admises.


Article 2 : L’ordonnance n° 1900382 du 2 mars 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Limoges est annulée en tant qu’elle a enjoint à l’Office français de l’immigration et de l’intégration de verser à M. A… l’allocation pour demander d’asile, à titre rétroactif, du 1er janvier au 2 mars 2019.


Article 3 : L’ordonnance n° 1900383 du 5 mars 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Limoges est annulée.


Article 4 : Le surplus des conclusions de l’Office français de l’immigration et de l’intégration est rejeté.


Article 5 : Le surplus des conclusions de M. A… devant le tribunal administratif de Limoges est rejeté.


Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B… A…, à l’Office français de l’immigration et de l’intégration, à la Cimade et à l’association « Avocats pour la défense des droits des étrangers », premiers désignés de chaque intervention. Copie en sera adressée au ministre de l’intérieur.

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