Conseil d'État, Assemblée, 16 décembre 2020, 440258, Publié au recueil Lebon

  • Ordonnances ayant rétroactivement valeur législative·
  • Conseil d'État tenu d'en tirer les conséquences·
  • Ordonnances de l'article 38 de la constitution·
  • B) normes auxquelles elles sont soumises·
  • 2) contestation par voie d'exception·
  • Actes législatifs et administratifs·
  • 1) contestation par voie d'action·
  • Validité des actes administratifs·
  • Conseil d'État par voie d'action·
  • Différentes catégories d'actes

Résumé de la juridiction

Une habilitation donnée par le Parlement sur le fondement de l’article 38 de la Constitution élargit de façon temporaire le pouvoir réglementaire dont le Gouvernement dispose, en l’autorisant à adopter des mesures qui relèvent du domaine normalement réservé à la loi, que ce soit en vertu de l’article 34 de la Constitution ou d’autres dispositions de celle-ci.,,,I) 1) a) Alors même que les mesures ainsi adoptées ont la même portée que si elles avaient été prises par la loi, les ordonnances prises en vertu de l’article 38 de la Constitution conservent le caractère d’actes administratifs, aussi longtemps qu’elles n’ont pas fait l’objet d’une ratification, qui ne peut être qu’expresse, par le Parlement…. ,,b) A ce titre, elles doivent respecter, outre les règles de compétence, de forme et de procédure qui leur sont applicables, les règles et principes de valeur constitutionnelle et les engagements internationaux de la France, elles ne peuvent intervenir dans le domaine de la loi, abroger ou modifier des lois ou y déroger que dans la limite de l’habilitation conférée par le législateur et, sauf à ce que cette habilitation ait permis d’y déroger, elles sont soumises au respect des principes généraux du droit (PGD) s’imposant à toute autorité administrative…. ,,c) Leur légalité peut être contestée par voie d’action, au moyen d’un recours pour excès de pouvoir formé dans le délai de recours contentieux devant le Conseil d’Etat, compétent pour en connaître en premier et dernier ressort, qui peut en prononcer l’annulation rétroactive, ou par la voie de l’exception, à l’occasion de la contestation d’un acte ultérieur pris sur leur fondement, devant toute juridiction, qui peut en écarter l’application, sous réserve, le cas échéant, d’une question préjudicielle.,,,2) Toutefois, celles de leurs dispositions qui relèvent du domaine de la loi ne peuvent plus, après l’expiration du délai de l’habilitation conférée au Gouvernement, être modifiées ou abrogées que par le législateur ou sur le fondement d’une nouvelle habilitation qui serait donnée au Gouvernement. L’expiration du délai fixé par la loi d’habilitation fait ainsi obstacle à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire fasse droit à une demande d’abrogation portant sur les dispositions d’une ordonnance relevant du domaine de la loi, quand bien même celles-ci seraient illégales. Par sa décision n° 2020-851/852 QPC du 3 juillet 2020, le Conseil constitutionnel en a déduit que les dispositions d’une ordonnance qui relèvent du domaine législatif entrent, dès l’expiration du délai d’habilitation, dans les prévisions de l’article 61-1 de la Constitution et que leur conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit ne peut ainsi être contestée que par une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).,,,a) Il suit de là que, lorsque le délai d’habilitation est expiré, la contestation, au regard des droits et libertés que la Constitution garantit, des dispositions d’une ordonnance relevant du domaine de la loi n’est recevable qu’au travers d’une QPC, qui doit être transmise au Conseil constitutionnel si les conditions fixées par les articles 23-2, 23-4 et 23 5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 sont remplies. Si le Conseil constitutionnel, jugeant que ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, les déclare inconstitutionnelles, elles sont, en vertu de l’article 62 de la Constitution, abrogées à compter de la publication de sa décision ou d’une date ultérieure qu’elle fixe, le Conseil constitutionnel pouvant en outre déterminer les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause.,,,b) Conformément au but poursuivi par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008, qui entendait accorder aux citoyens des droits nouveaux, en ouvrant au justiciable la faculté de contester, par voie d’exception, la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de dispositions législatives, et faire progresser l’Etat de droit en prévoyant la sortie de vigueur des dispositions déclarées inconstitutionnelles à cette occasion, la circonstance qu’une QPC puisse, dans une telle hypothèse, être soulevée, ne saurait cependant faire obstacle à ce que le juge annule l’ordonnance dont il est saisi par voie d’action ou écarte son application au litige dont il est saisi, si elle est illégale pour d’autres motifs, y compris du fait de sa contrariété avec d’autres règles de valeur constitutionnelle que les droits et libertés que la Constitution garantit…. ,,i) A ce titre, en premier lieu, le requérant a le choix des moyens qu’il entend soulever, en particulier lorsque des principes voisins peuvent trouver leur source dans la Constitution, dans des engagements internationaux ou dans des PGD. A défaut de précision quant à la source du principe invoqué, il appartient au juge d’opérer son contrôle au regard de la norme de référence la plus conforme à l’argumentation dont il est saisi et à la forme de sa présentation…. ,,ii) En deuxième lieu, lorsqu’il est saisi, par voie d’action, d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une ordonnance, le Conseil d’Etat peut, alors même que le délai d’habilitation est expiré et qu’une QPC a été soulevée, annuler cette ordonnance, avant l’expiration du délai de trois mois à compter de la présentation de la question, sans se prononcer sur son renvoi au Conseil constitutionnel, si un motif autre que la méconnaissance des droits et libertés garantis par la Constitution ou les engagements internationaux de la France est de nature à fonder cette annulation et que l’intérêt d’une bonne administration de la justice commande qu’il ne soit pas sursis à statuer…. ,,iii) En troisième lieu, si le Conseil constitutionnel déclare inconstitutionnelle une disposition d’une ordonnance dont le Conseil d’Etat est saisi par voie d’action, il appartient à ce dernier de tirer les conséquences, sur les conclusions de la requête, de la décision du Conseil constitutionnel, puis d’accueillir ou de rejeter le surplus des conclusions, en fonction du bien-fondé des moyens autres que ceux tirés de la méconnaissance des droits et libertés garantis par la Constitution.,,,II) Enfin, la loi par laquelle le Parlement ratifie une ordonnance lui donne rétroactivement valeur législative…. ,,1) Il suit de là, d’une part, qu’un recours pour excès de pouvoir tendant à son annulation devient, à compter de cette ratification, sans objet…. ,,2) D’autre part, à compter de cette même date, elle ne peut plus être utilement contestée par voie d’exception qu’au regard des droits et libertés que la Constitution garantit, par le moyen d’une QPC, et des engagements internationaux de la France produisant des effets directs dans l’ordre juridique interne.

Les dispositions d’une ordonnance de l’article 38 de la Constitution qui relèvent du domaine de la loi ne peuvent plus, après l’expiration du délai de l’habilitation conférée au Gouvernement, être modifiées ou abrogées que par le législateur ou sur le fondement d’une nouvelle habilitation qui serait donnée au Gouvernement. L’expiration du délai fixé par la loi d’habilitation fait ainsi obstacle à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire fasse droit à une demande d’abrogation portant sur les dispositions d’une ordonnance relevant du domaine de la loi, quand bien même celles-ci seraient illégales. Par sa décision n° 2020-851/852 QPC du 3 juillet 2020, le Conseil constitutionnel en a déduit que les dispositions d’une ordonnance qui relèvent du domaine législatif entrent, dès l’expiration du délai d’habilitation, dans les prévisions de l’article 61-1 de la Constitution et que leur conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit ne peut ainsi être contestée que par une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).,,,Il suit de là que, lorsque le délai d’habilitation est expiré, la contestation, au regard des droits et libertés que la Constitution garantit, des dispositions d’une ordonnance relevant du domaine de la loi n’est recevable qu’au travers d’une QPC, qui doit être transmise au Conseil constitutionnel si les conditions fixées par les articles 23-2, 23-4 et 23 5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 sont remplies. Si le Conseil constitutionnel, jugeant que ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, les déclare inconstitutionnelles, elles sont, en vertu de l’article 62 de la Constitution, abrogées à compter de la publication de sa décision ou d’une date ultérieure qu’elle fixe, le Conseil constitutionnel pouvant en outre déterminer les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause.

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 440258, par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 25 avril, 21 août et 25 août 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la Fédération CFDT des Finances, la Fédération Interco CFDT, l’Union des fédérations de fonctionnaires et assimilés (UFFA-CFDT) et le syndicat CFDT affaires étrangères (CFDT-MAE) demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’ordonnance n° 2020-430 du 15 avril 2020 relative à la prise de jours de réduction du temps de travail ou de congés dans la fonction publique de l’Etat et la fonction publique territoriale au titre de la période d’urgence sanitaire ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 440289, par une requête, enregistrée le 27 avril 2020, la Confédération générale du travail (CGT), la Fédération des services publics – CGT et l’Union fédérale des syndicats de l’Etat – CGT demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la même ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………………………………………………………………………

3° Sous le n° 440457, par une requête, enregistrée le 7 mai 2020, la Fédération des personnels des services publics et des services de santé Force ouvrière demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la même ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

 – la Constitution, notamment son Préambule ;

 – la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

 – la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

 – la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;

 – l’ordonnance organique n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

 – la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

 – la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

 – la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

 – le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 ;

 – le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Arnaud Skzryerbak, maître des requêtes,

— les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de la Fédération CFDT des Finances, de la Fédération Interco CFDT, de l’Union des fédérations de fonctionnaires et assimilés (UFFA-CFDT) et du syndicat CFDT affaires étrangères (CFDT-MAE), à la SARL Didier, Pinet, avocat de la Confédération générale du travail (CGT), de la Fédération des services publics – CGT et de l’Union fédérale des syndicats de l’Etat – CGT et à Me Haas, avocat de la Fédération des personnels des services publics et des services de santé Force Ouvrière ;

Considérant ce qui suit :

1. L’émergence d’un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, et sa propagation sur le territoire français à compter du début de l’année 2020 ont conduit les pouvoirs publics à prendre diverses mesures de lutte contre l’épidémie. Par un décret du 16 mars 2020 motivé par les circonstances exceptionnelles découlant de l’épidémie de covid-19, le Premier ministre a interdit, à compter du lendemain midi, le déplacement de toute personne hors de son domicile, sous réserve d’exceptions limitativement énumérées et devant être dûment justifiées. Dans le même temps, l’activité de nombreuses administrations a été réduite aux missions les plus essentielles dans le cadre de la mise en oeuvre de plans de continuité d’activité, les agents dont la présence sur leur lieu de travail n’était pas nécessaire à cette fin étant invités à télétravailler ou, en cas d’impossibilité, placés en autorisation spéciale d’absence. Par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, a été déclaré l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois sur l’ensemble du territoire national. L’article 11 de la même loi a autorisé le Gouvernement, pendant trois mois, à prendre par ordonnances, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, diverses mesures relevant du domaine de la loi afin de faire face aux conséquences de l’épidémie.

2. Sur le fondement de cette habilitation, le Gouvernement a pris l’ordonnance du 15 avril 2020 relative à la prise de jours de réduction du temps de travail ou de congés dans la fonction publique de l’Etat et la fonction publique territoriale au titre de la période d’urgence sanitaire. Par trois requêtes qu’il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, la Fédération CFDT des Finances, la Fédération Interco CFDT, l’Union des fédérations de fonctionnaires et assimilés et le syndicat CFDT affaires étrangères, la Confédération générale du travail, la Fédération des services publics – CGT et l’Union fédérale des syndicats de l’Etat – CGT et, enfin, la Fédération des personnels des services publics et des services de santé Force ouvrière demandent l’annulation pour excès de pouvoir de cette ordonnance.

Sur le régime contentieux des ordonnances :

3. D’une part, l’article 38 de la Constitution dispose, dans la rédaction que lui a donnée la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, que : « Le Gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. / Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis du Conseil d’Etat. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse. / A l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif ».

4. D’autre part, aux termes du premier alinéa de l’article 61-1 de la Constitution, issu de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ». Le deuxième alinéa de l’article 62, issu de la même loi, prévoit qu’une disposition déclarée inconstitutionnelle sur ce fondement « est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause ». En vertu des articles 23-2, 23-4 et 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, la question prioritaire de constitutionnalité est renvoyée au Conseil constitutionnel si la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites, si elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et si la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux. Si elle est saisie de moyens contestant la conformité d’une disposition législative, d’une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d’autre part, aux engagements internationaux de la France, la juridiction saisie doit se prononcer par priorité sur la question de constitutionnalité.

5. Une habilitation donnée par le Parlement sur le fondement de l’article 38 de la Constitution élargit de façon temporaire le pouvoir réglementaire dont le Gouvernement dispose, en l’autorisant à adopter des mesures qui relèvent du domaine normalement réservé à la loi, que ce soit en vertu de l’article 34 de la Constitution ou d’autres dispositions de celle-ci. Alors même que les mesures ainsi adoptées ont la même portée que si elles avaient été prises par la loi, les ordonnances prises en vertu de l’article 38 de la Constitution conservent le caractère d’actes administratifs, aussi longtemps qu’elles n’ont pas fait l’objet d’une ratification, qui ne peut être qu’expresse, par le Parlement. A ce titre, elles doivent respecter, outre les règles de compétence, de forme et de procédure qui leur sont applicables, les règles et principes de valeur constitutionnelle et les engagements internationaux de la France, elles ne peuvent intervenir dans le domaine de la loi, abroger ou modifier des lois ou y déroger que dans la limite de l’habilitation conférée par le législateur et, sauf à ce que cette habilitation ait permis d’y déroger, elles sont soumises au respect des principes généraux du droit s’imposant à toute autorité administrative. Leur légalité peut être contestée par voie d’action, au moyen d’un recours pour excès de pouvoir formé dans le délai de recours contentieux devant le Conseil d’Etat, compétent pour en connaître en premier et dernier ressort, qui peut en prononcer l’annulation rétroactive, ou par la voie de l’exception, à l’occasion de la contestation d’un acte ultérieur pris sur leur fondement, devant toute juridiction, qui peut en écarter l’application, sous réserve, le cas échéant, d’une question préjudicielle.

6. Toutefois, celles de leurs dispositions qui relèvent du domaine de la loi ne peuvent plus, après l’expiration du délai de l’habilitation conférée au Gouvernement, être modifiées ou abrogées que par le législateur ou sur le fondement d’une nouvelle habilitation qui serait donnée au Gouvernement. L’expiration du délai fixé par la loi d’habilitation fait ainsi obstacle à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire fasse droit à une demande d’abrogation portant sur les dispositions d’une ordonnance relevant du domaine de la loi, quand bien même celles-ci seraient illégales. Par sa décision n° 2020-851/852 QPC du 3 juillet 2020, le Conseil constitutionnel en a déduit que les dispositions d’une ordonnance qui relèvent du domaine législatif entrent, dès l’expiration du délai d’habilitation, dans les prévisions de l’article 61-1 de la Constitution et que leur conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit ne peut ainsi être contestée que par une question prioritaire de constitutionnalité.

7. Il suit de là que, lorsque le délai d’habilitation est expiré, la contestation, au regard des droits et libertés que la Constitution garantit, des dispositions d’une ordonnance relevant du domaine de la loi n’est recevable qu’au travers d’une question prioritaire de constitutionnalité, qui doit être transmise au Conseil constitutionnel si les conditions fixées par les articles 23-2, 23-4 et 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel sont remplies. Si le Conseil constitutionnel, jugeant que ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, les déclare inconstitutionnelles, elles sont, en vertu de l’article 62 de la Constitution, abrogées à compter de la publication de sa décision ou d’une date ultérieure qu’elle fixe, le Conseil constitutionnel pouvant en outre déterminer les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause.

8. Conformément au but poursuivi par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, qui entendait accorder aux citoyens des droits nouveaux, en ouvrant au justiciable la faculté de contester, par voie d’exception, la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de dispositions législatives, et faire progresser l’Etat de droit en prévoyant la sortie de vigueur des dispositions déclarées inconstitutionnelles à cette occasion, la circonstance qu’une question prioritaire de constitutionnalité puisse, dans une telle hypothèse, être soulevée, ne saurait cependant faire obstacle à ce que le juge annule l’ordonnance dont il est saisi par voie d’action ou écarte son application au litige dont il est saisi, si elle est illégale pour d’autres motifs, y compris du fait de sa contrariété avec d’autres règles de valeur constitutionnelle que les droits et libertés que la Constitution garantit.

9. A ce titre, en premier lieu, le requérant a le choix des moyens qu’il entend soulever, en particulier lorsque des principes voisins peuvent trouver leur source dans la Constitution, dans des engagements internationaux ou dans des principes généraux du droit. A défaut de précision quant à la source du principe invoqué, il appartient au juge d’opérer son contrôle au regard de la norme de référence la plus conforme à l’argumentation dont il est saisi et à la forme de sa présentation.

10. En deuxième lieu, lorsqu’il est saisi, par voie d’action, d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une ordonnance, le Conseil d’Etat peut, alors même que le délai d’habilitation est expiré et qu’une question prioritaire de constitutionnalité a été soulevée, annuler cette ordonnance, avant l’expiration du délai de trois mois à compter de la présentation de la question, sans se prononcer sur son renvoi au Conseil constitutionnel, si un motif autre que la méconnaissance des droits et libertés garantis par la Constitution ou les engagements internationaux de la France est de nature à fonder cette annulation et que l’intérêt d’une bonne administration de la justice commande qu’il ne soit pas sursis à statuer.

11. En troisième lieu, si le Conseil constitutionnel déclare inconstitutionnelle une disposition d’une ordonnance dont le Conseil d’Etat est saisi par voie d’action, il appartient à ce dernier de tirer les conséquences, sur les conclusions de la requête, de la décision du Conseil constitutionnel, puis d’accueillir ou de rejeter le surplus des conclusions, en fonction du bien-fondé des moyens autres que ceux tirés de la méconnaissance des droits et libertés garantis par la Constitution.

12. Enfin, la loi par laquelle le Parlement ratifie une ordonnance lui donne rétroactivement valeur législative. Il suit de là, d’une part, qu’un recours pour excès de pouvoir tendant à son annulation devient, à compter de cette ratification, sans objet. D’autre part, à compter de cette même date, elle ne peut plus être utilement contestée par voie d’exception qu’au regard des droits et libertés que la Constitution garantit, par le moyen d’une question prioritaire de constitutionnalité, et des engagements internationaux de la France produisant des effets directs dans l’ordre juridique interne.

Sur la loi d’habilitation et la portée de l’ordonnance attaquée :

13. Par le I de l’article 11 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, le Gouvernement a été habilité à prendre par ordonnance « toute mesure, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, relevant du domaine de la loi (…) : / 1° Afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation, et notamment afin de prévenir et limiter la cessation d’activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique et des associations ainsi que ses incidences sur l’emploi (…) / b) En matière de droit du travail, de droit de la sécurité sociale et de droit de la fonction publique ayant pour objet : / (…) – de permettre à tout employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates des jours de réduction du temps de travail, des jours de repos prévus par les conventions de forfait et des jours de repos affectés sur le compte épargne temps du salarié, en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités d’utilisation définis au livre Ier de la troisième partie du code du travail, par les conventions et accords collectifs ainsi que par le statut général de la fonction publique (…) ». Cette habilitation est arrivée à son terme le 23 juin 2020.

14. L’article 1er de l’ordonnance attaquée prévoit que les fonctionnaires et agents contractuels de droit public de la fonction publique de l’Etat, les personnels ouvriers de l’Etat ainsi que les magistrats de l’ordre judiciaire en autorisation spéciale d’absence entre le 16 mars 2020 et le terme de l’état d’urgence sanitaire déclaré par la loi du 23 mars 2020 ou, si elle est antérieure, la date de reprise par l’agent de son service dans des conditions normales, prennent dix jours de réduction du temps de travail ou de congés annuels, dont cinq jours de réduction du temps de travail au cours d’une première période allant du 16 mars au 16 avril 2020 et cinq autres jours de réduction du temps de travail ou de congés annuels au cours d’une seconde période allant du 17 avril 2020 au terme de l’état d’urgence sanitaire ou à la date, si elle est antérieure, de reprise du service dans des conditions normales. Il précise que s’ils ne disposent pas de cinq jours de réduction du temps de travail pouvant être pris au cours de la première période, ces jours sont complétés à due concurrence par la prise d’un ou plusieurs jours de congés au cours de la seconde période, dans la limite totale de six jours de congés annuels au titre des deux périodes. Son article 2 prévoit que le chef de service peut, pour tenir compte des nécessités de service, imposer aux mêmes catégories d’agents, lorsqu’ils sont « en télétravail ou assimilé » au cours de la seconde période, de prendre cinq jours de réduction du temps de travail ou, à défaut, de congés annuels au cours de cette période. Son article 4 prévoit une proratisation en fonction du nombre de jours accomplis en autorisation spéciale d’absence et « en télétravail ou assimilé ». Son article 5 donne au chef de service la possibilité de réduire le nombre de jours de réduction du temps de travail ou de congés annuels imposés au titre des articles 1er et 2 pour tenir compte du nombre de jours pendant lesquels la personne a été placée en congés de maladie pendant la période considérée. Enfin, son article 7 prévoit que ses dispositions peuvent être appliquées aux agents publics relevant de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, par décision de l’autorité territoriale, dans les conditions définies par celle-ci.

Sur la légalité externe de l’ordonnance :

15. En premier lieu, l’habilitation donnée au Gouvernement par la loi du 23 mars 2020 ne porte que sur les jours de réduction du temps de travail, les jours de repos prévus par les conventions de forfait et les jours de repos affectés sur le compte épargne temps, et non sur les jours de congés annuels. Toutefois, s’il appartient au seul législateur d’instituer les différents droits à congés des fonctionnaires civils et militaires de l’État, comme des collectivités territoriales, les dispositions de l’ordonnance attaquée relatives aux congés annuels, qui n’ont pas de caractère rétroactif, ne dérogent à aucune disposition législative et ne fixent pas une règle relative au statut des magistrats ou aux garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires ou touchant aux principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources, au sens de l’article 34 de la Constitution. Par suite, la circonstance que ces dispositions excèdent l’étendue de l’habilitation consentie par le législateur est sans incidence sur la compétence du Gouvernement pour les adopter.

16. En second lieu, aux termes du II de l’article 11 de la loi du 23 mars 2020 : « Les projets d’ordonnance pris sur le fondement du présent article sont dispensés de toute consultation obligatoire prévue par une disposition législative ou réglementaire ». Il en résulte que l’ordonnance attaquée n’avait pas à être soumise pour avis au conseil commun de la fonction publique en application de l’article 9 ter de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, non plus, en tout état de cause, qu’au conseil supérieur de la fonction publique de l’Etat et au conseil supérieur de la fonction publique territoriale, ni pour celles de ses dispositions relatives aux jours de réduction du temps de travail, ni pour celles relatives aux jours de congés annuels, applicables à défaut d’un nombre suffisant de jours de réduction du temps de travail, de façon à assurer un traitement équitable entre agents publics, qui présentent ainsi un lien étroit avec les précédentes.

Sur la légalité interne de l’ordonnance :

En ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité :

17. L’ordonnance attaquée intervient dans le domaine de la loi en ce qu’elle impose aux agents en autorisation spéciale d’absence, à titre rétroactif, de prendre cinq jours de réduction du temps de travail au titre de la période comprise entre le 16 mars et le 16 avril 2020. Ce faisant, elle ne modifie pas le nombre des jours de réduction du temps de travail auxquels ont droit les agents concernés, qui, au cours de la période considérée, ont été rémunérés en l’absence de service fait. Si les requérants font valoir que cette mesure n’est pas nécessaire pour garantir la disponibilité des agents lors de la reprise d’activité dans des conditions normales, dès lors que l’autorité administrative peut toujours refuser des congés dans l’intérêt du service, l’ordonnance vise à tenir compte des besoins du service au cours de la période d’état d’urgence sanitaire et à diminuer le nombre de jours susceptibles d’être pris à la reprise. Elle n’assure pas une conciliation manifestement déséquilibrée entre l’intérêt du service et le droit au droit au repos et aux loisirs garanti par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Par suite, le moyen tiré de ce que l’ordonnance attaquée porterait atteinte au droit au repos et aux loisirs, ainsi qu’au droit au respect de la vie privée et de la liberté personnelle, qui ne soulève pas une question nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Ainsi, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de cette question prioritaire de constitutionnalité ni de la renvoyer au Conseil constitutionnel, le moyen tiré de ce que l’ordonnance attaquée porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.

En ce qui concerne les autres moyens de légalité interne :

18. En premier lieu, l’ordonnance attaquée intervient dans le domaine réglementaire en ce qui concerne la période allant du 17 avril 2020 au terme de l’état d’urgence sanitaire ou à la date, si elle est antérieure, de reprise du service dans des conditions normales. Elle ne modifie pas le nombre de jours de réduction du temps de travail et de congés annuels auxquels ont droit les agents concernés mais se borne, durant l’état d’urgence sanitaire, à leur imposer de prendre un congé au cours de la période pendant laquelle ils sont rémunérés en l’absence de service fait et à permettre au chef de service, pour tenir compte des nécessités de service, de leur imposer de prendre un congé au cours de la période pendant laquelle ils sont en télétravail. Par suite, et alors même que l’ordonnance attaquée ne prévoit pas que le chef de service consulte les agents concernés avant de fixer les dates de ces congés, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui garantissent le droit au repos et aux loisirs, doit être écarté. Il en va de même, en tout état de cause, du moyen tiré de ce que l’ordonnance méconnaîtrait, pour les mêmes motifs, le droit au respect de la vie privée des agents publics et leur liberté personnelle.

19. En deuxième lieu, l’imposition de dix jours de congés aux agents en autorisation spéciale d’absence au cours de la période d’état d’urgence sanitaire, alors qu’ils étaient déchargés de leurs obligations de service les jours restants tout en continuant à percevoir leur rémunération, ne caractérise pas un traitement défavorable par rapport aux agents en télétravail et à ceux présents sur leur lieu de travail. Par suite, et à supposer même qu’un nombre beaucoup plus élevé de femmes que d’hommes aient demandé des autorisations spéciales d’absence pour pouvoir s’occuper de leurs enfants, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu’il résulterait de l’ordonnance attaquée une discrimination indirecte en raison du sexe dans le droit au respect de la vie familiale, en méconnaissance des stipulations des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

20. En troisième lieu, aux termes de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes ».

21. Ainsi qu’il a été dit aux points 17 et 18, l’ordonnance attaquée ne modifie pas le nombre de jours de réduction du temps de travail et de congés annuels auxquels ont droit les agents concernés. D’une part, la seule circonstance qu’il leur est imposé de prendre des congés à des dates qu’ils n’ont pas choisies ne caractérise pas une atteinte à un bien au sens des stipulations de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. D’autre part, le décompte rétroactif de cinq jours de réduction du temps de travail en lieu et place de jours au cours desquels les agents bénéficiaient d’autorisations spéciales d’absence ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect des biens. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté.

22. En quatrième lieu, aux termes du deuxième paragraphe de l’article 31 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : « Tout travailleur a droit (…) à une période annuelle de congés payés ». Aux termes de l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail : « 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales / 2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail ».

23. Tout d’abord, l’ordonnance attaquée prévoit, à son article 2, que le chef de service peut, à compter du lendemain de sa publication, imposer aux agents en télétravail de prendre des jours de réduction du temps de travail ou, à défaut, de congés annuels. Elle ne permet pas, contrairement à ce que soutiennent les requérants, que des journées au cours desquelles l’agent a exercé ses fonctions en télétravail soient décomptées comme des jours de congés annuels. Ensuite, l’article 4 de l’ordonnance attaquée prévoit que le nombre de jours de congés imposés au titre de l’article 1er ou susceptibles de l’être au titre de l’article 2 est proratisé en fonction du nombre de jours accomplis en autorisation spéciale d’absence ou en télétravail. Si l’article 5 ajoute que le chef de service a la faculté, et non l’obligation, de réduire le nombre de jours de réduction de temps de travail ou de congés annuels imposés à un agent en autorisation spéciale d’absence ou en télétravail pour tenir compte du nombre de jours pendant lesquels l’intéressé a été placé en congés de maladie au cours de la période prise en considération, il résulte en tout état de cause des dispositions de l’article 4 de l’ordonnance que des journées pendant lesquelles l’intéressé a été placé en congé de maladie ne sauraient être décomptées comme des jours de congés annuels. Enfin, la circonstance que les déplacements hors du domicile aient été interdits au cours de la période en cause, sous réserve d’exceptions limitativement énumérées et devant être dûment justifiées, ne conduit pas à considérer que les jours de congés annuels pris au cours de cette période n’étaient pas des jours consacrés au repos, à la détente et aux loisirs. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 31 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et de l’article 7 de la directive 2003/88/CE, qui ne peuvent être utilement invoqués que dans la mesure où les dispositions attaquées sont susceptibles d’avoir une incidence sur des jours de congé annuel inclus dans la période minimale de quatre semaines régie par la directive, doit être écarté.

24. En cinquième lieu, aux termes de l’article 6 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : « Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leur sexe (…) ». Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit, pour les motifs indiqués au point 19, et à supposer même qu’un nombre beaucoup plus élevé de femmes que d’hommes aient demandé des autorisations spéciales d’absence pour pouvoir s’occuper de leurs enfants, être écarté.

25. En sixième lieu, l’article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat prévoit seulement que : « Le fonctionnaire en activité a droit : / 1° A un congé annuel avec traitement dont la durée est fixée par décret en Conseil d’Etat (…) ». Contrairement à ce que soutiennent les requérants, l’ordonnance attaquée, qui ne remet aucunement en cause le droit à un congé annuel avec traitement, ne méconnaît pas ces dispositions.

26. En septième lieu, ainsi qu’il a été dit, l’ordonnance attaquée ne modifie pas le nombre de jours de réduction du temps de travail et de congés annuels auxquels ont droit les agents concernés mais se borne à leur imposer de prendre un congé au cours de la période d’état d’urgence sanitaire. Si les requérants font valoir que cette mesure n’est pas nécessaire pour garantir la disponibilité des agents lors de la reprise d’activité dans des conditions normales, dès lors que l’autorité administrative peut toujours refuser des congés dans l’intérêt du service, l’ordonnance vise à tenir compte des besoins du service au cours de la période d’état d’urgence sanitaire et à diminuer le nombre de jours susceptibles d’être pris au moment de la reprise. Par suite, le moyen tiré de ce qu’elle serait entachée d’erreur manifeste d’appréciation doit être écarté.

27. En huitième lieu, l’article 11 de la loi du 23 mars 2020 habilitait le Gouvernement à prendre des mesures « pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020 ». L’article 1er de l’ordonnance attaquée prévoit ainsi que cinq jours de réduction du temps de travail sont imposés au titre de la période allant du 16 mars au 16 avril 2020. Cette mesure rétroactive ne concerne que les agents en autorisation spéciale d’absence, qui ont été déchargés de leurs obligations de service au cours de la période considérée tout en continuant à percevoir leur rémunération. Elle permet d’assurer un même traitement des agents sur toute la période d’état d’urgence sanitaire, alors que des incertitudes pesaient sur la date de reprise d’activité dans des conditions normales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par l’article 1er de l’ordonnance attaquée, du principe de non-rétroactivité des actes administratifs ne peut qu’être écarté.

28. En dernier lieu, si les organisations requérantes invoquent la violation du principe d’égalité, les différences faites par l’ordonnance attaquée entre les agents en télétravail et ceux présents sur leur lieu de travail sont en rapport direct avec l’objectif poursuivi, consistant à adapter le calendrier des congés des agents aux conditions dans lesquelles ils ont exercé leurs fonctions au cours de la période d’état d’urgence sanitaire, et ne sont pas manifestement disproportionnées au regard des différences de situation susceptibles de les justifier. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ce principe général du droit doit être écarté.

29. Il résulte de tout ce qui précède que les organisations requérantes ne sont pas fondées à demander l’annulation de l’ordonnance qu’elles attaquent.

Sur les frais liés au litige :

30. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Fédération des personnels des services publics et des services de santé Force ouvrière.

Article 2 : Les requêtes de la Fédération CFDT des Finances, de la Fédération Interco CFDT, de l’Union des fédérations de fonctionnaires et assimilés et du syndicat CFDT affaires étrangères, de la Confédération générale du travail, de la Fédération des services publics – CGT et de l’Union fédérale des syndicats de l’Etat – CGT et de la Fédération des personnels des services publics et des services de santé Force ouvrière sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Fédération CFDT des Finances, première dénommée, pour l’ensemble des organisations ayant présenté la requête n° 440258, à la Confédération générale du travail, première dénommée, pour celles ayant présenté la requête n° 440289, à la Fédération des personnels des services publics et des services de santé Force ouvrière, au Premier ministre et à la ministre de la transformation et de la fonction publiques.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.

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Conseil d'État, Assemblée, 16 décembre 2020, 440258, Publié au recueil Lebon