Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 12 février 2020, 424653, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CE, 9-10 chr, 12 févr. 2020, n° 424653
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 424653
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Lyon, 29 août 2018, N° 17LY02898
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000041569418
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2020:424653.20200212

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

M. et Mme A… ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la restitution des cotisations de prélèvement de solidarité et de contribution additionnelle au prélèvement social mises à leur charge respectivement au titre des années 2012 et 2014 et au titre des années 2012 à 2014, ainsi que du surplus de cotisations de contribution sociale généralisée et de prélèvement social laissées à leur charge respectivement au titre des années 2012 à 2014 et des années 2013 et 2014. Par un jugement n° 1606439 du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 17LY02898 du 30 août 2018, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel formé par M. et Mme A… contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et des observations complémentaires, enregistrés les 2 octobre et 11 décembre 2018 et le 22 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. et Mme A… demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle ;

3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 8 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – l’accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, fait à Luxembourg le 21 juin 1999, son annexe II, ensemble les décisions n° 2/2003 du 15 juillet 2003 et n° 1/2012 du 31 mars 2012 du comité mixte ;

 – le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

 – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – le code de la sécurité sociale ;

 – le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Nicolas Agnoux, maître des requêtes,

— les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Balat, avocat de M. et Mme A… ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A…, qui, au titre des années 2012 à 2014, étaient fiscalement domiciliés en France et travaillaient en Suisse, ont été assujettis aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine qu’ils ont perçus au cours de ces trois années. Ils ont saisi l’administration fiscale d’une demande de restitution de ces impositions, à laquelle cette dernière n’a fait que partiellement droit, en maintenant à leur charge une fraction des cotisations de contribution sociale généralisée et de prélèvement social ainsi que l’intégralité des cotisations de prélèvement de solidarité et de contribution additionnelle au prélèvement social. M. et Mme A… se pourvoient en cassation contre l’arrêt du 30 août 2018 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté leur appel contre le jugement du 30 mai 2017 du tribunal administratif de Lyon rejetant leur demande tendant à la décharge de ces impositions.

2. En vertu de l’article 11 du règlement n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, les personnes auxquelles ce règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation sociale d’un seul Etat membre. Conformément à ce principe d’unicité de législation, ce règlement prévoit que l’exercice d’une activité salariée ou non salariée dans un Etat membre implique normalement l’application de la législation sociale de cet État.

3. Depuis le 1er avril 2012, en vertu de la décision n° 1/2012 du 31 mars 2012 du comité mixte qui a modifié l’annexe II de l’accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999, l’annexe XI du règlement n° 883/2004 a été complétée par des dispositions prévoyant que les personnes exerçant une activité en Suisse sont soumises à la législation de cet Etat en matière d’assurance maladie alors même qu’elles n’y résideraient pas, mais que les résidents de certains Etats, dont la France depuis la décision n° 2/2003 du 15 juillet 2003 du comité mixte, peuvent demander à être exemptées de cette affiliation obligatoire sous réserve de prouver qu’elles bénéficient dans l’Etat de résidence d’une couverture en cas de maladie.

4. Aux termes de l’article L. 380-3-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, qui définit en droit interne les conditions de l’exemption présentée au point 3 ci-dessus : « I. – Les travailleurs frontaliers résidant en France et soumis obligatoirement à la législation suisse de sécurité sociale au titre des dispositions de l’accord du 21 juin 1999 entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, mais qui, sur leur demande, sont exemptés d’affiliation obligatoire au régime suisse d’assurance maladie en application des dispositions dérogatoires de cet accord, sont affiliés obligatoirement au régime général dans les conditions fixées par l’article L. 380-1. / II. – Toutefois, les travailleurs frontaliers occupés en Suisse et exemptés d’affiliation obligatoire au régime suisse d’assurance maladie peuvent demander à ce que les dispositions du I ne leur soient pas appliquées, ainsi qu’à leurs ayants droit, jusqu’à la fin des dispositions transitoires relatives à la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’Union européenne, soit douze ans à partir de l’entrée en vigueur de l’accord du 21 juin 1999 précité, à condition d’être en mesure de produire un contrat d’assurance maladie les couvrant, ainsi que leurs ayants droit, pour l’ensemble des soins reçus sur le territoire français (…) ». Il résulte de ces dispositions que, par dérogation à la règle de rattachement définie par le règlement n° 883/2004 et rappelée au point 2 ci-dessus, les personnes résidant en France et exerçant une activité en Suisse, qui ont demandé à bénéficier de la clause d’exemption ouverte par l’annexe II de l’accord du 21 juin 1999, relèvent, pour la couverture maladie, de la seule législation française, qui prescrit leur affiliation au régime général et, pendant une période transitoire s’achevant le 31 mai 2014, les autorisait, sur demande, à souscrire un contrat d’assurance auprès d’un opérateur privé en lieu et place de leur affiliation au régime général.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A… ont fait usage de la faculté d’exemption ouverte par l’annexe II de l’accord du 21 juin 1999 et souscrit, ainsi que le permettait alors le II de l’article L. 380-3-1 du code de la sécurité sociale, un contrat auprès d’un assureur privé pour la couverture du risque maladie.

6. En premier lieu, en jugeant que la faculté d’exemption à l’assurance obligatoire suisse était constitutive d’une exception au principe d’unicité de législation et que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ce principe était inopérant, alors que cette faculté d’exemption a pour seul objet et pour seul effet de déroger à la règle de rattachement de la législation sociale applicable et non au principe d’unicité de législation, la cour a suffisamment motivé son arrêt mais l’a entaché d’erreur de droit. Toutefois, dès lors que l’exercice de cette faculté par les requérants conduisait seulement à rendre applicable la législation sociale française, quand bien même cette législation prévoyait, durant les années d’imposition en litige, l’exercice d’une option entre l’affiliation au régime général et la souscription d’un contrat d’assurance auprès d’un opérateur privé, ceux-ci n’étaient pas fondés à soutenir que les impositions restant en litige auraient été prélevées en méconnaissance du principe d’unicité de législation. Ce motif, qui n’appelle l’appréciation d’aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif retenu par l’arrêt attaqué, dont il justifie légalement le dispositif.

7. En deuxième lieu, M. et Mme A… ne sont pas fondés à soutenir que la cour aurait insuffisamment motivé son arrêt et commis d’erreur de droit en jugeant que ni la circonstance que le point 4 du chapitre « Suisse » de l’annexe XI du règlement n° 883/2004, issu de l’annexe II de l’accord du 21 juin 1999, prévoit, s’agissant des personnes ayant exercé la faculté d’exemption, que l’assureur suisse compétent pour les accidents professionnels et non professionnels et les maladies professionnelles prend à sa charge l’intégralité des coûts en cas d’accident professionnel, d’accident sur le chemin du travail ou de maladie professionnelle, ni la circonstance que ces mêmes assurés ainsi que les membres de leur famille bénéficient des dispositions de l’article 19 du règlement n° 883/2004 qui leur garantit le versement des prestations en nature qui s’avèrent nécessaires du point de vue médical au cours de leur séjour en Suisse, ne permettaient de les regarder comme soumis à la législation suisse de sécurité sociale au titre de leur couverture maladie.

8. En troisième lieu, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir du règlement n° 883/2004 pour contester les motifs de l’arrêt, suffisamment précis, par lesquels la cour a jugé que leur absence d’affiliation à un régime obligatoire d’assurance maladie français ne faisait pas obstacle à leur assujettissement à des prélèvements ayant en droit interne le caractère d’impositions de toute nature. Leur moyen tiré de ce que leur assujettissement aux impositions en litige créerait une inégalité de traitement à leur détriment est par ailleurs nouveau en cassation et, par suite, inopérant.

9. En quatrième et dernier lieu, M. et Mme A… ne sont pas fondés à soutenir que la cour aurait commis une erreur de droit en jugeant qu’aucune des prestations financées par les trois fonds auxquels est spécifiquement affecté le prélèvement de solidarité défini à l’article 1600-0 S du code général des impôts dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2015 n’entrait dans le champ d’application du règlement n° 883/2004.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle, que M. et Mme A… ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêt qu’ils attaquent. Par suite, leurs conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme A… est rejeté.


Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C… et Mme B… A… et au ministre de l’action et des comptes publics.

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