Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 15 janvier 2020, 433296, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 433296, par un mémoire distinct et un nouveau mémoire, enregistrés les 5 novembre et 20 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) demande au Conseil d’État, en application de l’article 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l’appui de son pourvoi tendant à l’annulation de l’ordonnance n° 1900062 du 17 juin 2019 par laquelle le président de la 2e chambre du tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet née le 22 novembre 2018 du silence gardé par l’université de La Réunion sur sa demande tendant à ce que lui soient communiqués les procédés algorithmiques utilisés localement dans le cadre du traitement des candidatures d’entrée en licence via la plateforme Parcoursup ainsi que les codes sources correspondants, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du dernier alinéa du I de l’article L. 612-3 du code de l’éducation.

2° Sous le n° 433297, par un mémoire distinct et un nouveau mémoire, enregistrés les 5 novembre et 20 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) demande au Conseil d’État, en application de l’article 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l’appui de son pourvoi tendant à l’annulation de l’ordonnance n° 1900066 du 20 juin 2019 par laquelle le président de la 1re chambre du tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 15 novembre 2018 par laquelle le président de l’université de Corse a refusé de lui communiquer les procédés algorithmiques utilisés localement dans le cadre du traitement des candidatures d’entrée en licence via la plateforme Parcoursup ainsi que les codes sources correspondants, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du dernier alinéa du I de l’article L. 612-3 du code de l’éducation.

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

 – la Constitution, notamment son article 61-1 ;

 – l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

 – le code de l’éducation ;

 – le code des relations entre le public et l’administration ;

 – la loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Yaël Treille, auditeur,

— les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l’Union nationale des étudiants de France et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l’université de Corse ;

Vu, sous le numéro 433296, la note en délibéré, enregistrée le 13 janvier 2020, présentée par la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ;

Vu, sous le numéro 433297, la note en délibéré, enregistrée le 13 janvier 2020, présentée par la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ;

Vu, sous le numéro 433297, la note en délibéré, enregistrée le 14 janvier 2020, présentée par l’université de Corse ;

Considérant ce qui suit :

1. Les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées portent sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des mêmes dispositions du code de l’éducation. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (…) à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’Etat (…) ». Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. D’une part, aux termes de l’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration : « Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l’article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues au présent livre ». Aux termes de l’article L. 311-3-1 du même code : « Sous réserve de l’application du 2° de l’article L. 311-5, une décision individuelle prise sur le fondement d’un traitement algorithmique comporte une mention explicite en informant l’intéressé. Les règles définissant ce traitement ainsi que les principales caractéristiques de sa mise en oeuvre sont communiquées par l’administration à l’intéressé s’il en fait la demande ». Aux termes de l’article L. 312-1-3 de ce même code : « Sous réserve des secrets protégés en application du 2° de l’article L. 311-5, les administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300-2 (…) publient en ligne les règles définissant les principaux traitements algorithmiques utilisés dans l’accomplissement de leurs missions lorsqu’ils fondent des décisions individuelles (…) ».

4. D’autre part, le I de l’article L. 612-3 du code de l’éducation, issu de la loi du 8 mars 2018 d’orientation et réussite des étudiants, dispose que : « (…) L’inscription dans une formation du premier cycle dispensée par un établissement public est précédée d’une procédure nationale de préinscription qui permet aux candidats de bénéficier d’un dispositif d’information et d’orientation (…) ». Le II du même article prévoit, pour la plateforme nationale mise en place dans le cadre de cette procédure nationale de préinscription – dite « Parcoursup » – le droit à la communication de son code source, de son cahier des charges et de l’algorithme du traitement qu’elle utilise. Par ailleurs, au titre de l’examen, par les établissements d’enseignement supérieur, des demandes d’inscription formulées sur la plateforme nationale « Parcoursup », le IV de l’article L. 612-3 du code de l’éducation, issu de la même loi du 8 mars 2018, dispose, s’agissant des formations de premier cycle dites « non sélectives », que : « (…) lorsque le nombre de candidatures excède les capacités d’accueil d’une formation, les inscriptions sont prononcées par le président ou le directeur de l’établissement dans la limite des capacités d’accueil, au regard de la cohérence entre, d’une part, le projet de formation du candidat, les acquis de sa formation antérieure et ses compétences et, d’autre part, les caractéristiques de la formation ». S’agissant de cet examen comparatif, par chaque établissement, des candidatures rassemblées par la plateforme nationale, le dernier alinéa du I du même article dispose : « Afin de garantir la nécessaire protection du secret des délibérations des équipes pédagogiques chargées de l’examen des candidatures présentées dans le cadre de la procédure nationale de préinscription prévue au même deuxième alinéa, les obligations résultant des articles L. 311-3-1 et L. 312-1-3 du code des relations entre le public et l’administration sont réputées satisfaites dès lors que les candidats sont informés de la possibilité d’obtenir, s’ils en font la demande, la communication des informations relatives aux critères et modalités d’examen de leurs candidatures ainsi que des motifs pédagogiques qui justifient la décision prise ». Il résulte des termes mêmes de ces dernières dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi dont elles sont issues, que ces dispositions spéciales ont entendu déroger, notamment, aux dispositions de l’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration, en réservant le droit d’accès à ces documents aux seuls candidats qui en font la demande, une fois la décision les concernant prise, et pour les seules informations relatives aux critères et modalités d’examen de leur candidature.

5. A l’appui de ses questions prioritaires de constitutionnalité, l’Union nationale des étudiants de France soutient que les dispositions du dernier alinéa du I de l’article L. 612-3 du code de l’éducation, en ce qu’elles n’autorisent qu’une communication très limitée des traitements algorithmiques utilisés, le cas échéant, par les établissements d’enseignement supérieur, pour l’examen des candidatures présentées dans le cadre de la procédure nationale de préinscription en vue d’une inscription en licence, méconnaissent, d’une part, en ce qu’elles portent atteinte au droit d’accès aux documents administratifs, l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et, d’autre part, le droit au recours effectif garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789.

6. Les dispositions du dernier alinéa du I de l’article L. 612-3 du code de l’éducation citées au point 4 sont applicables aux litiges par lesquels la requérante demande l’annulation de l’ordonnance n° 1900062 du 17 juin 2019 du président de la 2e chambre du tribunal administratif de La Réunion et de l’ordonnance n° 1900066 du 20 juin 2019 du président de la 1re chambre du tribunal administratif de Bastia.

7. En outre, ces dispositions n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.

8. Enfin, le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient « le droit de demander compte à tout Agent public de son administration » garanti par l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 soulève une question qui peut être regardée comme présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité invoquées.


D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les questions prioritaires de constitutionnalité mettant en cause la conformité à la Constitution du dernier alinéa du I de l’article L. 612-3 du code de l’éducation sont renvoyées au Conseil constitutionnel.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur les pourvois de l’Union nationale des étudiants de France jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché les questions de constitutionnalité ainsi soulevées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l’Union nationale des étudiants de France, à l’université de La Réunion, à l’université de Corse, à la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et au Premier ministre.



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