Conseil d'État, 27 avril 2020, 440150, Inédit au recueil Lebon

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blog.landot-avocats.net · 12 novembre 2020

Le reconfinement actuel a, pour base juridique, le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020, modifié. Voir : Voir aussi, cette courte vidéo (6 mn 58) : S'est très vite posée la question de savoir si ce reconfinement est légal. Les arguments d'éventuels requérants, tirés du principe de proportionnalité qui s'impose en matière de pouvoirs de police, surtout face à une liberté aussi fondamentale que la liberté d'aller et de venir, ne manquent pas : lors du premier confinement, il y avait des zones peu touchées et des zones très touchées. Donc les trajets infranationaux pouvaient …

 

Vulpi Avocats - Chronique de jurisprudence · 28 mai 2020

Avril 2020 Du Covid-19 et de la gloire du référé : des difficultés de la fonction de juger. La présente chronique de jurisprudence est tout entière dominée par le double effet de l'épidémie de Covid-19 et de l'utilisation massive des deux référés urgents, le référé liberté, très largement prédominant, et le référé suspension, moins fréquent. Elle révèle l'aspect Janus de ces référés, d'une part, remarquables par leur aptitude à permettre une justice rapide, et d'autre part, faiblement adaptés à des contentieux très techniques et complexes. D'où un certain sentiment d'inconfort …

 
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Sur la décision

Référence :
CE, 27 avr. 2020, n° 440150
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 440150
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000041834253
Identifiant européen : ECLI:FR:CEORD:2020:440150.20200427

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 et 22 avril 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la Fédération des personnels des services publics et des services de santé Force ouvrière demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d’ordonner la suspension de l’exécution de l’ordonnance n° 2020-430 du 15 avril 2020 relative à la prise de jours de réduction du temps de travail ou de congés dans la fonction publique de l’Etat et la fonction publique territoriale au titre de la période d’urgence sanitaire ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 500 euros à verser au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – la condition d’urgence est remplie dès lors que les agents concernés peuvent être placés en congé d’office à compter du 18 avril 2020 ;

 – l’ordonnance attaquée porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée et au droit au repos et aux loisirs des agents publics en ce qu’elle permet aux chefs de service de placer d’office leurs agents en congés annuels à des dates qu’ils fixent unilatéralement, excédant ainsi l’habilitation qui a été conférée au gouvernement par la loi du 23 mars 2020 et méconnaissant l’article 21 de la loi du 13 juillet 1983.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2020, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d’urgence n’est pas remplie et qu’il n’est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

La requête a été communiquée au Premier ministre, qui n’a pas produit d’observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – la Constitution ;

 – la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

 – la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

 – le code de justice administrative ;

Les parties ont été informées, sur le fondement de l’article 9 de l’ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif, de ce qu’aucune audience ne se tiendrait et de ce que la clôture de l’instruction serait fixée le jeudi 23 avril 2020 à 15 heures.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 521-2 du même code : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. »

Sur le cadre juridique :

2. L’émergence d’un nouveau coronavirus (covid-19), de caractère pathogène et particulièrement contagieux, et sa propagation sur le territoire français ont conduit les pouvoirs publics à prendre diverses mesures de lutte contre l’épidémie. Par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, a été déclaré l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois sur l’ensemble du territoire national.

3. L’article 11 de la même loi du 23 mars 2020 a habilité le Gouvernement, pendant trois mois, à prendre par ordonnances, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, toute mesure relevant du domaine de la loi, dans de nombreux domaines, afin de faire face aux conséquences de la situation.

4. En particulier, le Gouvernement a été autorisé, en vertu du 1° du I de l’article 11 de cette loi, « afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation » à prendre « toute mesure, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, relevant du domaine de la loi (…) en matière de droit du travail, de droit de la sécurité sociale et de droit de la fonction publique ayant pour objet (…) – de permettre à tout employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates des jours de réduction du temps de travail, des jours de repos prévus par les conventions de forfait et des jours de repos affectés sur le compte épargne temps du salarié, en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités d’utilisation définis au livre Ier de la troisième partie du code du travail, par les conventions et accords collectifs ainsi que par le statut général de la fonction publique ». En vertu de cette habilitation, a été prise l’ordonnance n° 2020-430 du 15 avril 2020 relative à la prise de jours de réduction du temps de travail ou de congés dans la fonction publique de l’Etat et la fonction publique territoriale au titre de la période d’urgence sanitaire.

Sur la demande en référé :

5. L’article 1er de cette ordonnance fait obligation en particulier aux fonctionnaires, agents contractuels de droit public et personnels ouvriers de l’Etat en autorisation spéciale d’absence entre le 16 mars 2020 et le terme de l’état d’urgence sanitaire ou, si elle est antérieure, la date de reprise par l’agent de son service dans des conditions normales, de prendre " dix jours de réduction du temps de travail ou de congés annuels au cours de cette période, dans les conditions suivantes: 1o Cinq jours de réduction du temps de travail entre le 16 mars 2020 et le 16 avril 2020; 2o Cinq autres jours de réduction du temps de travail ou de congés annuels entre le 17 avril 2020 et le terme de [cette] période ". L’article 2 permet en outre au chef de service d’imposer aux personnels appartenant à ces catégories mais étant en télétravail ou assimilé entre le 17 avril 2020 et le terme de l’état d’urgence sanitaire ou, si elle est antérieure, la date de reprise de l’agent dans des conditions normales, de prendre cinq jours de réduction du temps de travail ou, à défaut, de congés annuels au cours de cette période.

6. La Fédération des personnels des services publics et des services de santé Force ouvrière demande au juge des référés du Conseil d’Etat, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’ordonner la suspension de l’exécution de ces dispositions. Elle fait valoir qu’en ce qu’elles permettent de placer d’office les agents en congés annuels à des dates fixées unilatéralement, ces dispositions portent une atteinte grave au droit au respect de la vie privée et au droit au repos et aux loisirs et qu’une telle atteinte est manifestement illégale, notamment faute pour le législateur d’avoir habilité le Gouvernement à fixer des règles relatives aux congés des agents publics.

7. Les dispositions de la loi du 23 mars 2020 citées plus haut habilitent le Gouvernement, s’agissant de la fonction publique, à prendre toute mesure permettant d’imposer ou de modifier unilatéralement, y compris de manière rétroactive, les dates des jours de réduction du temps de travail et non les dates des congés annuels. Toutefois, si l’article 34 de la Constitution donne compétence au seul législateur pour fixer les règles concernant « les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l’Etat (…) » et qu’il lui appartient ainsi d’instituer les différents droits à congés des fonctionnaires civils et militaires de l’État, ne relèvent pas de sa compétence à ce titre les autres éléments du régime de ces congés, en particulier les périodes au cours desquelles les congés annuels peuvent être pris ainsi que la possibilité de ne pas tenir compte, à cet égard, en particulier en raison des nécessités du service, des demandes des agents. Le Président de la République pouvait dès lors compétemment, sans habilitation du législateur, fixer les règles litigieuses, en faisant obligation aux agents de prendre des jours de congés pendant une période déterminée, cette période débutant le lendemain de l’entrée en vigueur de l’ordonnance. Ne peuvent en outre utilement être invoquées, en l’espèce, les dispositions de l’article 21 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires selon lesquelles les autorisations d’absence liées à la parentalité et à l’occasion de certains évènements familiaux n’entrent pas en compte dans le calcul des congés annuels alors que les règles litigieuses ont pour seul effet de rendre possible la transformation en jours de congés des jours d’autorisation spéciale d’absence dont bénéficient, en raison de l’épidémie, les agents.. Ainsi, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres conditions posées par l’article L. 521-2 du code justice administrative, la demande de suspension des dispositions litigieuses n’est pas fondée.

8. Il résulte de ce qui précède que la requête de la Fédération des personnels des services publics et des services de santé Force ouvrière doit être rejetée.


O R D O N N E :

------------------

Article 1er : La requête de la Fédération des personnels des services publics et des services de santé Force ouvrière est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la Fédération des personnels des services publics et des services de santé Force ouvrière et au ministre de l’action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au Premier ministre.



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