Conseil d'État, Juge des référés, formation collégiale, 23 décembre 2020, 447698, Inédit au recueil Lebon

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Sur la décision

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

I. Sous le n° 447698, par une requête, enregistrée le 15 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. C…-BI… X…, M. AF… AH…, M. E… AH…, M. C…-BE… S… et M. AA… AD… demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’enjoindre au gouvernement de modifier les dispositions de l’article 45 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 en permettant la réouverture de toutes les salles de spectacles, des théâtres et des cinémas.

Ils soutiennent que :

 – la condition d’urgence est satisfaite eu égard, en premier lieu, à la dégradation économique du secteur culturel et, en second lieu, à la détresse psychologique tant de la population en demande d’une vie culturelle que des acteurs de ce secteur dont l’essentiel connaît du fait de cette situation une très grande précarité ;

 – il est porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales prévues par le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

 – la fermeture contestée des salles de spectacles, des théâtres et des cinémas méconnaît les exigences constitutionnelles, notamment l’accès à la culture, et n’a pas fait l’objet d’un vote au Parlement ;

 – le décret contesté du 29 octobre 2020 est à l’origine d’une rupture d’égalité dès lors que d’autres secteurs bénéficient d’une autorisation d’ouverture qui n’est pas permise au secteur culturel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient qu’il n’est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées.

II. Sous le n° 447783, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 et 19 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association Le Monfort demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l’exécution du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire en ce qu’il entraîne la fermeture des théâtres ;

2°) à titre subsidiaire, de définir les modalités dans lesquelles une réouverture est envisageable ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et le paiement des entiers dépens.

Elle soutient que :

 – la condition d’urgence est satisfaite eu égard, en premier lieu, aux conséquences irrémédiables sur l’équilibre économique de l’association et, en second lieu, au caractère décisif de la période de fin d’année pour les acteurs du milieu culturel ;

 – il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du commerce et de l’industrie ainsi qu’à la liberté d’entreprendre dès lors, en premier lieu, que la fermeture des théâtres prive ce secteur de la possibilité d’ouvrir à une période économiquement déterminante, en deuxième lieu, que le maintien de cette fermeture aggrave les manques à gagner de billetterie supportés au titre de l’année 2020 et, en dernier lieu, que des dépenses ont été engagées par les théâtres dans la perspective d’une réouverture comme cela été décidé pour les lieux de culte ;

 – il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté artistique dès lors que la fermeture des théâtres empêche toute représentation et ce alors même que les horaires pourraient être adaptés afin de prendre en considération le couvre-feu et de procéder à une réouverture dans le strict respect des conditions sanitaires ;

 – il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’association dès lors que la fermeture contestée prive l’association de la possibilité de réaliser son objet social ;

 – il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au principe d’égalité dès lors, en premier lieu, que les théâtres ont pris des mesures afin de pouvoir recevoir du public, en deuxième lieu, que leur fermeture a été maintenue et ce alors même que les lieux de culte et certains commerces jugés non-essentiels ont pu rouvrir et, en dernier lieu, que le nouveau protocole sanitaire mis en place dans les lieux de culte est transposable aux lieux culturels.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient qu’il n’est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées.

Par des mémoires en intervention, enregistrés les 18, 19 et 20 décembre 2020, Mme AQ… Q…, M. AJ… AY…, Mme Y… BG…, M. AE… AB…, Mme AR… AC…, Mme AT… BC…, Mme AK… U…, M. BH… A… AN…, M. F… AM…, Mme AX… H…, Mme J… I…, Mme AQ… AG…, Mme M… V…, M. AP… BF…, Mme AS… AI…, M. AO… K…, M. G… L…, Mme B… AZ…, M. C… Z…, M. D… AV…, M. C…-BJ… N…, M. BK… BA…, Mme BE…-BL… BB…, M. AU… AW…, Mme W… O… et Mme P… AL…, demandent au juge des référés du Conseil d’Etat de faire droit aux conclusions de la requête présentée par l’association Le Monfort. Ils soutiennent que leurs interventions sont recevables, que les dispositions contestées portent atteinte au droit d’accès à la culture et s’associent aux moyens de la requête.

III. Sous le n° 447784, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 et 19 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association Le Théâtre 13 demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l’exécution du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire en ce qu’il entraîne la fermeture des théâtres ;

2°) à titre subsidiaire, de définir les modalités dans lesquelles une réouverture est envisageable ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et le paiement des entiers dépens.

Elle soutient que :

 – la condition d’urgence est satisfaite eu égard, en premier lieu, aux conséquences irrémédiables sur l’équilibre économique de l’association et, en second lieu, au caractère décisif de la période de fin d’année notamment pour la vente de spectacles et l’organisation des tournées ;

 – il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du commerce et de l’industrie ainsi qu’à la liberté d’entreprendre dès lors, en premier lieu, que la fermeture des théâtres prive ce secteur de la possibilité d’ouvrir à une période économiquement déterminante, en deuxième lieu, que le maintien de cette fermeture aggrave les manques à gagner de billetterie, et, en dernier lieu, que des dépenses ont été engagées par les théâtres dans la perspective d’une réouverture comme cela été décidé pour les lieux de culte ;

 – il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’association dès lors que la fermeture contestée prive l’association de la possibilité de réaliser son objet social ;

 – il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté artistique dès lors que la fermeture des théâtres empêche toute représentation et ce alors même que les horaires pourraient être adaptés afin de prendre en considération le couvre-feu ;

 – il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au principe d’égalité dès lors, en premier lieu, que les théâtres ont pris des mesures afin de pouvoir recevoir du public, en deuxième lieu, que leur fermeture a été maintenue et ce alors même que les lieux de culte et certains commerces jugés non-essentiels ont pu rouvrir et, en dernier lieu, que le nouveau protocole sanitaire mis en place dans les lieux de culte est transposable aux lieux culturels.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient qu’il n’est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées.

Par des mémoires en intervention, enregistrés les 18, 19 et 20 décembre 2020, Mme AQ… Q…, M. AJ… AY…, Mme Y… BG…, M. AE… AB…, Mme AR… AC…, Mme AT… BC…, Mme AK… U…, M. BH… A… AN…, M. F… AM…, Mme AX… H…, Mme J… I…, Mme AQ… AG…, Mme M… V…, M. AP… BF…, Mme AS… AI…, M. AO… K…, M. G… L…, Mme B… AZ…, M. C… Z…, M. D… AV…, M. C…-BJ… N…, M. BK… BA…, Mme BE…-BL… BB…, M. AU… AW…, M. R… T…, Mme W… O… et Mme P… AL…, demandent au juge des référés du Conseil d’Etat de faire droit aux conclusions de la requête présentée par l’association Le Théâtre 13. Ils soutiennent que leurs interventions sont recevables, que les dispositions contestées portent atteinte au droit d’accès à la culture et s’associent aux moyens de la requête.

IV. Sous le n° 447785, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 et 19 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association L’Etoile du Nord demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l’exécution du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire en ce qu’il entraîne la fermeture des théâtres ;

2°) à titre subsidiaire, de définir les modalités dans lesquelles une réouverture est envisageable ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et le paiement des entiers dépens.

Elle soutient que :

 – la condition d’urgence est satisfaite eu égard, en premier lieu, aux conséquences irrémédiables sur l’équilibre économique de l’association et, en second lieu, au caractère décisif de la période de fin d’année pour les acteurs du milieu culturel ;

 – il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du commerce et de l’industrie ainsi qu’à la liberté d’entreprendre dès lors, en premier lieu, que la fermeture des théâtres prive ce secteur de la possibilité d’ouvrir à une période économiquement déterminante, en deuxième lieu, que le maintien de cette fermeture aggrave les manques à gagner de billetterie, et, en dernier lieu, que des dépenses ont été engagées par les théâtres dans la perspective d’une réouverture comme cela été décidé pour les lieux de culte ;

 – il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté artistique dès lors que la fermeture des théâtres empêche toute représentation et ce alors même que les horaires pourraient être adaptés afin de prendre en considération le couvre-feu et de procéder à une réouverture dans le strict respect des conditions sanitaires ;

 – il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’association dès lors que la fermeture contestée prive l’association de la possibilité de réaliser son objet social ;

 – il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au principe d’égalité dès lors, en premier lieu, que les théâtres ont pris des mesures afin de pouvoir recevoir du public, en deuxième lieu, que leur fermeture a été maintenue et ce alors même que les lieux de culte et certains commerces jugés non-essentiels ont pu rouvrir et, en dernier lieu, que le nouveau protocole sanitaire mis en place dans les lieux de culte est transposable aux lieux culturels.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient qu’il n’est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées.

Par des mémoires en intervention, enregistrés les 18, 19 et 20 décembre 2020, Mme AQ… Q…, M. AJ… AY…, Mme Y… BG…, M. AE… AB…, Mme AR… AC…, Mme AT… BC…, Mme AK… U…, M. BH… A… AN…, M. F… AM…, Mme AX… H…, Mme J… I…, Mme AQ… AG…, Mme M… V…, M. AP… BF…, Mme AS… AI…, M. AO… K…, M. G… L…, Mme B… AZ…, M. C… Z…, M. D… AV…, M. C…-BJ… N…, M. BK… BA…, Mme BE…-BL… BB…, M. AU… AW…, M. R… T…, Mme W… O… et Mme P… AL…, demandent au juge des référés du Conseil d’Etat de faire droit aux conclusions de la requête présentée par l’association L’Etoile du Nord. Ils soutiennent que leurs interventions sont recevables, que les dispositions contestées portent atteinte au droit d’accès à la culture et s’associent aux moyens de la requête.

V. Sous le n° 447786, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 et 19 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association Les Plateaux Sauvages demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l’exécution du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire en ce qu’il entraîne la fermeture des théâtres ;

2°) à titre subsidiaire, de définir les modalités dans lesquelles une réouverture est envisageable ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et le paiement des entiers dépens.

Elle soutient que :

 – la condition d’urgence est satisfaite eu égard, en premier lieu, aux conséquences irrémédiables sur l’équilibre économique de l’association et, en second lieu, au caractère décisif de la période de fin d’année pour les acteurs du milieu culturel ;

 – il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du commerce et de l’industrie ainsi qu’à la liberté d’entreprendre dès lors, en premier lieu, que la fermeture des théâtres prive ce secteur de la possibilité d’ouvrir à une période économiquement déterminante, en deuxième lieu, que le maintien de cette fermeture aggrave les manques à gagner de billetterie, et, en dernier lieu, que des dépenses ont été engagées par les théâtres dans la perspective d’une réouverture comme cela été décidé pour les lieux de culte ;

 – il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté artistique dès lors que la fermeture des théâtres empêche toute représentation et ce alors même que les horaires pourraient être adaptés afin de prendre en considération le couvre-feu et de procéder à une réouverture dans le strict respect des conditions sanitaires ;

 – il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’association dès lors que la fermeture contestée prive l’association de la possibilité de réaliser son objet social ;

 – il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au principe d’égalité dès lors, en premier lieu, que les théâtres ont pris des mesures afin de pouvoir recevoir du public, en deuxième lieu, que leur fermeture a été maintenue et ce alors même que les lieux de culte et certains commerces jugés non-essentiels ont pu rouvrir et, en dernier lieu, que le nouveau protocole sanitaire mis en place dans les lieux de culte est transposable aux lieux culturels.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient qu’il n’est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées.

Par des mémoires en intervention, enregistrés les 18, 19 et 20 décembre 2020, Mme AQ… Q…, M. AJ… AY…, Mme Y… BG…, Mme AR… AC…, Mme AT… BC…, Mme AK… U…, M. BH… A… AN…, M. F… AM…, Mme AX… H…, Mme J… I…, Mme AQ… AG…, Mme M… V…, M. AP… BF…, Mme AS… AI…, M. AO… K…, M. G… L…, Mme B… AZ…, M. C… Z…, M. D… AV…, M. C…-BJ… N…, M. BK… BA…, Mme BE…-BL… BB…, M. AU… AW…, M. R… T…, Mme W… O… et Mme P… AL…, demandent au juge des référés du Conseil d’Etat de faire droit aux conclusions de la requête présentée par l’association Les Plateaux Sauvages. Ils soutiennent que leurs interventions sont recevables, que les dispositions contestées portent atteinte au droit d’accès à la culture et s’associent aux moyens de la requête.

VI. Sous le n° 447787, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 et 19 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association Le Théâtre Paris-Villette demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l’exécution du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire en ce qu’il entraîne la fermeture des théâtres ;

2°) à titre subsidiaire, de définir les modalités dans lesquelles une réouverture est envisageable ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et le paiement des entiers dépens.

Elle soutient que :

 – la condition d’urgence est satisfaite eu égard, en premier lieu, aux conséquences irrémédiables sur la pérennité de l’association déjà fortement fragilisée par les périodes de confinement et, en second lieu, au caractère décisif de la période de fin d’année pour les acteurs du milieu culturel ;

 – il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du commerce et de l’industrie ainsi qu’à la liberté d’entreprendre dès lors, en premier lieu, que la fermeture des théâtres prive ce secteur de la possibilité d’ouvrir à une période économiquement déterminante, en deuxième lieu, que le maintien de cette fermeture aggrave les manques à gagner de billetterie, et, en dernier lieu, que des dépenses ont été engagées par les théâtres dans la perspective d’une réouverture comme cela été décidé pour les lieux de culte ;

 – il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté artistique dès lors que la fermeture des théâtres empêche toute représentation et ce alors même que les horaires pourraient être adaptés pour prendre en considération le couvre-feu ;

 – il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’association dès lors que la fermeture contestée prive l’association de la possibilité de réaliser son objet social ;

 – il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au principe d’égalité dès lors, en premier lieu, que les théâtres ont pris des mesures afin de pouvoir recevoir du public, en deuxième lieu, que leur fermeture a été maintenue et ce alors même que les lieux de culte et certains commerces jugés non-essentiels ont pu rouvrir et, en dernier lieu, que le nouveau protocole sanitaire mis en place dans les lieux de culte est transposable aux lieux culturels.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient qu’il n’est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées.

Par des mémoires en intervention, enregistrés les 18, 19 et 20 décembre 2020, Mme AQ… Q…, M. AJ… AY…, Mme Y… BG…, M. AE… AB…, Mme AR… AC…, Mme AT… BC…, Mme AK… U…, M. BH… A… AN…, M. F… AM…, Mme AX… H…, Mme J… I…, Mme M… V…, M. AP… BF…, Mme AS… AI…, M. AO… K…, M. G… L…, Mme B… AZ…, M. C… Z…, M. D… AV…, M. C…-BJ… N…, M. BK… BA…, Mme BE…-BL… BB…, M. AU… AW…, M. R… T…, Mme W… O… et Mme P… AL…, demandent au juge des référés du Conseil d’Etat de faire droit aux conclusions de la requête présentée par l’association Le Théâtre Paris-Villette. Ils soutiennent que leurs interventions sont recevables, que les dispositions contestées portent atteinte au droit d’accès à la culture et s’associent aux moyens de la requête.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 18 décembre 2020, l’association Théâtre 14 demande au juge des référés du Conseil d’Etat, en premier lieu, de suspendre l’exécution des dispositions de l’article 45 du décret attaqué du 29 octobre 2020, en deuxième lieu, d’enjoindre au Gouvernement dans un délai de trois jours à compter de la notification de l’ordonnance à venir, de prendre toutes les mesures strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu, en troisième lieu, d’enjoindre au Gouvernement dans un délai de trois jours à compter de la notification de l’ordonnance à venir, de rechercher des protocoles sanitaires différenciés permettant à certains spectacles, dans certains lieux et à certaines conditions de se produire et, en dernier lieu, de prendre toute autre mesure qu’il estimerait utile pour mettre fin aux atteintes graves et manifestement illégales que ces dispositions portent aux libertés fondamentales invoquées. L’association Théâtre 14 soutient qu’il est porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées par la requête de l’association théâtre Paris-Villette.

VII. Sous le n° 447791, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 et 19 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la Fédération nationale des cinémas français et autres demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) A titre principal, d’enjoindre au Premier ministre, dans un délai d’un jour à compter de la notification de l’ordonnance à venir, d’édicter par décret les conditions dans lesquelles les salles de cinéma seront à nouveau ouvertes, après concertation avec les représentants des salles de cinéma et de la filière ;

2°) A titre subsidiaire, d’enjoindre au Premier ministre, dans un délai de trois jours à compter de la notification de l’ordonnance à venir, de réexaminer la décision de report d’ouverture des salles de cinéma et de fixer définitivement, en concertation avec les représentants des salles de cinéma et de la filière, la date et les conditions de cette réouverture ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

 –  la condition d’urgence est satisfaite dès lors, en premier lieu, que le report de l’ouverture des salles de cinéma cause un préjudice grave aux distributeurs qui ont financé des campagnes de promotion suite aux annonces présidentielles du 24 novembre dernier, en deuxième lieu, que la spécificité de l’économie du cinéma est incompatible avec la décision prise par le Premier ministre qui ne fixe ni les conditions ni la date pour une reprise de l’activité et, en dernier lieu, que les cinémas constituent des lieux culturels nécessaires à la vitalité de certains centres-villes mais également au bien-être des personnes isolées ou fragilisées par les mesures prises depuis le mois de mars 2020 ;

 – la décision prise de report sine die de la réouverture des salles de cinéma porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’entreprendre et à la liberté d’expression dès lors, en premier lieu, qu’elle présente un caractère général et absolu méconnaissant ainsi les efforts consentis par la filière notamment dans l’application d’un protocole sanitaire très strict, en deuxième lieu, qu’elle méconnaît la spécificité de l’économie du cinéma qui ne saurait repartir que si les distributeurs disposent d’un calendrier clair et stable et, en dernier lieu, qu’elle est disproportionnée et ne tient pas compte de la décélération du virus ;

 – elle est disproportionnée et porte ainsi atteinte au principe d’égalité dès lors que sont inintelligibles les critères pris en compte pour justifier la fermeture des salles de cinéma et le traitement hétéroclite entre les lieux culturels et les commerces non-essentiels.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 16 décembre 2020, la société des auteurs et compositeurs dramatiques et autres demandent au juge des référés du Conseil d’Etat de faire droit aux conclusions de la requête présentée par la Fédération nationale des cinémas français et autres. Ils soutiennent que leur intervention est recevable et s’associent aux moyens de la requête.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient qu’il n’est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées.

VIII. Sous le n° 447799, par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 et 18 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le Syndicat des cirques et compagnies de création demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l’exécution de l’article 45 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, en tant qu’il interdit aux établissements de type L et CTS de recevoir du public ;

2°) A titre subsidiaire, d’enjoindre à l’Etat de modifier, dans un délai de trois jours à compter de la notification de l’ordonnance à venir, les dispositions du I de l’article 45 du décret du 29 octobre 2020 en prenant les mesures strictement proportionnées d’encadrement des rassemblements dans les établissements de type L et CTS ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

 – la condition d’urgence est satisfaite eu égard, en premier lieu, à la déclaration du Premier ministre selon laquelle les salles d’auditions, de conférences, de réunions, de spectacles ainsi que les chapiteaux, tentes et structures demeureront fermés après la date du 15 décembre 2020, et, en second lieu, au caractère déterminant de la période des fêtes de fin d’année pour les acteurs du secteur culturel ;

 – il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression, à la liberté de création artistique, à la liberté de réunion, au droit d’exercer une activité professionnelle et à la liberté d’entreprendre ;

 – la fermeture au public non professionnel des ERP de type L et CTS est illégale dès lors, en premier lieu, qu’elle est générale, absolue et concerne tous les adhérents du syndicat requérant et, en second lieu, qu’elle n’est assortie d’aucune date de fin ;

 – elle n’est pas proportionnée au but poursuivi dès lors, en premier lieu, qu’elle ne tient pas compte des circonstances de lieux et du respect des mesures sanitaires qui peuvent être mises oeuvre, en deuxième lieu, qu’elle n’est assortie d’aucune preuve de l’existence de risques sanitaires propres à la tenue de spectacles, en troisième lieu, que les risques de contamination sont bien plus faibles dans les ERP de type L et CTS que dans les lieux de culte et les grands magasins et, en dernier lieu, que des mesures moins restrictives peuvent être mises en oeuvre ;

 – elle expose les intéressés, et ce malgré les mesures de compensation économique, au risque financier très élevé de ne plus pouvoir exercer leur activité professionnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient qu’il n’est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées.

IX. Sous le n° 447839, par une requête, enregistrée le 16 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société des auteurs et compositeurs dramatiques et autres demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l’exécution de l’article 45 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020, en ce qu’il interdit aux établissements de types L, CTS et P d’accueillir du public ;

2°) d’enjoindre au Premier ministre de modifier les dispositions en vigueur, en prenant les mesures strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu, afin de permettre la réouverture immédiate des établissements de types L, CTS et P dans le strict respect des protocoles sanitaires établis ;

3°) de prendre toute autre mesure qu’il estimerait utile pour mettre fin aux atteintes graves et manifestement illégales que ces dispositions portent aux libertés fondamentales invoquées ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme globale de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

 – la condition d’urgence est satisfaite eu égard aux conséquences qu’ont eues les annonces du Premier ministre du 10 décembre 2020 consistant, contrairement à ce qui avait été dit par le Président de la République le 24 novembre 2020, à maintenir la fermeture des salles au-delà de la date du 15 décembre 2020 ;

 – l’article 45 du décret contesté du 29 octobre 2020 porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression et à la liberté de création dès lors, en premier lieu, qu’il prive l’ensemble des intervenants du secteur du spectacle vivant, sur tout le territoire et quelles que soient les caractéristiques du lieu de représentation, de la possibilité de présenter leur travail créatif au public et, en second lieu, que la fermeture prolongée des salles a des conséquences économiques et sociales dramatiques pour les intervenants du secteur ;

 – il porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du commerce et de l’industrie ainsi qu’à la liberté d’entreprendre dès lors, en premier lieu, que la fermeture s’oppose à ce que les entreprises intervenant dans ce secteur exercent dans des conditions économiquement viables et, en deuxième lieu, que cette fermeture entraîne une discrimination à l’égard d’autres activités économiques ;

 – la fermeture des lieux culturels, d’une part, porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression, à la liberté individuelle et à l’accès à la culture de chacun et, d’autre part, génère un appauvrissement de la vie culturelle ;

 – la mesure de fermeture est disproportionnée dès lors, en premier lieu, que l’objectif de préservation de la santé publique peut être atteint sans qu’il soit besoin de sacrifier les spectacles, en deuxième lieu, que cette mesure n’est pas justifiée par l’existence de risques sanitaires propres aux spectacles, en troisième lieu, que ces risques sont bien plus faibles dans les salles de spectacles que dans les lieux de culte et les grands magasins et, en dernier lieu, que la fermeture s’applique sur l’ensemble du territoire métropolitain, sans tenir compte du fait que la situation sanitaire n’est pas la même dans les différentes régions.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 17 décembre 2020, la Fédération CFE-CGC de la culture, de la communication et du spectacle et la Fédération des syndicats des arts, des spectacles, de l’audiovisuel, de la presse, de la communication et du multimédia demandent au juge des référés du Conseil d’Etat de faire droit aux conclusions de la requête présentée par la société des auteurs et compositeurs dramatiques et autres. Ils soutiennent que leur intervention est recevable et s’associent aux moyens de la requête.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient qu’il n’est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 20 décembre 2020, l’association Coronavictimes demande au juge des référés du Conseil d’Etat de rejeter la requête. Elle soutient, eu égard à la situation sanitaire, qu’il n’est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées.

Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, M. X… et autres, les associations Le Monfort, Le Théâtre 13, L’Etoile du nord, Les Plateaux Sauvages et Le Théâtre Paris-Villette, la Fédération nationale des cinémas français et autres, le Syndicat des cirques et compagnies de création, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques et autres, ainsi que les intervenants et, d’autre part, le Premier ministre, la ministre de la culture et le ministre des solidarités et de la santé ;

Ont été entendus lors de l’audience publique du 21 décembre 2020 à 9 heures :

— Me Valdelievre, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. X… et autres ;

— le représentant de M. X… et autres ;

— M. AF… AH… ;

— les représentants des associations Le Monfort, Le Théâtre 13, L’Etoile du Nord, Les Plateaux Sauvages et Le Théâtre Paris-Villette ;

— Me Briard, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Fédération nationale des cinémas français et autres ;

— le représentant de la Fédération nationale des cinémas français et autres ;

— Me Tapie, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat du Syndicat des cirques et compagnies de création ;

— la représentante du Syndicat des cirques et compagnies de création ;

— Me Le Guerer, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques et autres ;

— M. C…-BJ… N… ;

— Me Hannotin, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de l’association Coronavictimes ;

— le représentant de l’association Coronavictimes ;

— les représentants du ministre de la solidarité et de la santé ;

à l’issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l’instruction au 22 décembre 2020 à 12h00, puis à 17 heures.

Par un nouveau mémoire, enregistré le 22 décembre 2020, le ministre des solidarités et de la santé reprend ses conclusions par les mêmes moyens.

Par un nouveau mémoire, enregistré le 22 décembre 2020, le Syndicat des cirques et compagnies de création reprend les conclusions de sa requête par les mêmes moyens.

Vu les notes en délibéré, enregistrées le 23 décembre 2020, après la clôture de l’instruction, présentées par les associations Le Monfort, Le Théâtre 13, L’Etoile du Nord, Les Plateaux Sauvages et Le Théâtre Paris-Villette.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

 – la Constitution, et notamment son préambule ;

 – la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

 – le code de la construction et de l’habitation ;

 – le code de la santé publique ;

 – la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

 – le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 ;

 – le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ;

 – le décret n° 2020-1582 du 14 décembre 2020 ;

 – le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes présentées par M. X… et autres, l’association Le Monfort, l’association Le Théâtre 13, l’association L’Etoile du Nord, l’association Les Plateaux Sauvages, l’association Le Théâtre Paris-Villette, la Fédération nationale des cinémas français et autres, le Syndicat des cirques et compagnies de création et la Société des auteurs et compositeurs dramatiques et autres présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (…). »

Sur les interventions :

3. Mme Q…, M. AY…, Mme BG…, M. AB…, Mme AC…, Mme BC…, Mme U…, M. A… AN…, M. AM…, Mme H…, Mme I…, Mme AG…, Mme V…, M. BF…, Mme AI…, M. K…, M. L…, Mme AZ…, M. Z…, M. AV…, M. N…, M. BA…, Mme BB…, M. AW…, M. T…, Mme O… et Mme AL… justifient d’un intérêt suffisant pour intervenir au soutien des requêtes n° 447783, 447784, 447785, 447786 et 447787. L’association Le Théâtre 14 justifie d’un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la requête n° 447787. La société des auteurs et compositeurs dramatiques et autres justifient d’un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la requête n° 447791. La Fédération CFE-CGC de la culture, de la communication et du spectacle et la Fédération des syndicats des arts, des spectacles, de l’audiovisuel, de la presse, de la communication et du multimedia justifient d’un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la requête n° 447839. L’association Coronavictimes justifie d’un intérêt suffisant pour intervenir en défense au soutien de l’Etat sous le n° 447839. Leurs interventions sont donc recevables.

Sur l’office du juge des référés :

4. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 511-1, L. 521-2 et L. 521-4 du code de justice administrative qu’il appartient au juge des référés, lorsqu’il est saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 précité et qu’il constate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté fondamentale, de prendre les mesures qui sont de nature à faire disparaître les effets de cette atteinte. Ces mesures doivent en principe présenter un caractère provisoire, sauf lorsqu’aucune mesure de cette nature n’est susceptible de sauvegarder l’exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte. Le juge des référés peut, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, ordonner à l’autorité compétente de prendre, à titre provisoire, une mesure d’organisation des services placés sous son autorité lorsqu’une telle mesure est nécessaire à la sauvegarde d’une liberté fondamentale. Toutefois, le juge des référés ne peut, au titre de la procédure particulière prévue par l’article L. 521-2 précité, qu’ordonner les mesures d’urgence qui lui apparaissent de nature à sauvegarder, dans un délai de quarante-huit heures, la liberté fondamentale à laquelle il est porté une atteinte grave et manifestement illégale. Eu égard à son office, il peut également, le cas échéant, décider de déterminer dans une décision ultérieure prise à brève échéance les mesures complémentaires qui s’imposent et qui peuvent également être très rapidement mises en oeuvre. Dans tous les cas, l’intervention du juge des référés dans les conditions d’urgence particulière prévues par l’article L. 521-2 précité est subordonnée au constat que la situation litigieuse permette de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires. Compte tenu du cadre temporel dans lequel se prononce le juge des référés saisi sur le fondement de l’article L. 521-2, les mesures qu’il peut ordonner doivent s’apprécier en tenant compte des moyens dont dispose l’autorité administrative compétente et des mesures qu’elle a déjà prises.

Sur les circonstances et le cadre du litige :

5. Aux termes de l’article L. 3131-12 du code de la santé publique, issu de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 : « L’état d’urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ainsi que du territoire des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ». L’article L. 3131-13 du même code dispose que : « L’état d’urgence sanitaire est déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé. Ce décret motivé détermine la ou les circonscriptions territoriales à l’intérieur desquelles il entre en vigueur et reçoit application. Les données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire qui ont motivé la décision sont rendues publiques. / (…) / La prorogation de l’état d’urgence sanitaire au-delà d’un mois ne peut être autorisée que par la loi, après avis du comité de scientifiques prévu à l’article L. 131-19. » Aux termes du I de l’article L. 3131-15 du même code : « Dans les circonscriptions territoriales où l’état d’urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique : (…) 5° Ordonner la fermeture provisoire et réglementer l’ouverture, y compris les conditions d’accès et de présence, d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, en garantissant l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité. » Ce même article précise à son III que les mesures prises en application de ses dispositions « sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu » et « qu’il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires ».

6. L’émergence d’un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou Covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d’urgence de santé publique de portée internationale par l’Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre chargé de la santé puis le Premier ministre à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Pour faire face à l’aggravation de l’épidémie, la loi du 23 mars 2020 a créé un régime d’état d’urgence sanitaire, défini aux articles L. 3131-12 à L. 3131-20 du code de la santé publique, et a déclaré l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020. La loi du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ces dispositions a prorogé cet état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet 2020.

7. Une nouvelle progression de l’épidémie a conduit le Président de la République à prendre le 14 octobre dernier, sur le fondement des articles L. 3131-12 et L. 3131-13 du code de la santé publique, un décret déclarant l’état d’urgence sanitaire à compter du 17 octobre sur l’ensemble du territoire national. L’article 1er de la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire a prorogé l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 16 février 2021 inclus. Le Premier ministre a pris, sur le fondement de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, le décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’urgence sanitaire, modifié en dernier lieu par un décret du 20 décembre 2020. Aux termes du I de l’article 45 de ce décret, dans sa rédaction actuellement applicable : " Les établissements relevant des catégories mentionnées par le règlement pris en application de l’article R. 123-12 du code de la construction et de l’habitation figurant ci-après ne peuvent accueillir du public : 1° Etablissements de type L : Salles d’auditions, de conférences, de réunions, de spectacles ou à usage multiple, sauf pour : – les salles d’audience des juridictions ; / – les salles de vente ;/ – les crématoriums et les chambres funéraires ;/ – l’activité des artistes professionnels ; / – les groupes scolaires et périscolaires, uniquement dans les salles à usage multiple ; / la formation continue ou professionnelle, ou des entraînements nécessaires pour le maintien des compétences professionnelles, uniquement dans les salles à usage multiple ;/ 2° Etablissements de type CTS : Chapiteaux, tentes et structures, sauf pour l’activité des artistes professionnels (…)/ 3° Etablissements de type P : Salles de danse et salles de jeux ". Le Premier ministre a annoncé, le 10 décembre 2020, que les cinémas, théâtres, salles de spectacle et musées resteraient fermés au moins trois semaines supplémentaires après la fin de la période de confinement, fixée au 15 décembre 2020.

Sur la demande en référé :

8. Ainsi que le relèvent les requérants, la fermeture au public des cinémas, théâtres et salles de spectacle porte une atteinte grave aux libertés fondamentales que constituent la liberté d’expression et la libre communication des idées, la liberté de création artistique, la liberté d’accès aux oeuvres culturelles, la liberté d’entreprendre et la liberté du commerce et de l’industrie ainsi que le droit au libre exercice d’une profession. La seule circonstance qu’une partie des activités concernées pourrait demeurer accessible au public à travers d’autres supports ou de manière dématérialisée ne saurait faire disparaître cette atteinte.

9. L’administration fait valoir, pour justifier le maintien de la fermeture de ces établissements, qu’il s’agit de lieux clos, à forte densité d’occupation, dans lesquels les personnes se retrouvent en contact prolongé, avec des regroupements en différents points, notamment à l’entrée et à la sortie. Ces caractéristiques sont associées, selon elle, à un risque important de contamination, d’autant plus élevé que s’y manifestent des comportements à risque de projection de gouttelettes, en particulier lors des représentations de spectacles vivants, et qu’en outre plus le public est nombreux dans un espace clos, plus est importante la probabilité d’une transmission de ce virus par aérosols.

10. Il résulte toutefois de l’instruction que les exploitants des établissements concernés ont conçu et mis en oeuvre, entre les mois de mai et octobre 2020, en lien avec les services de l’Etat, des aménagements des pratiques professionnelles et des protocoles sanitaires particulièrement stricts qui sont de nature, au moins pour une partie de ces établissements, à diminuer de manière significative le risque lié à l’existence de rassemblements dans un espace clos. Ces protocoles, outre le port obligatoire du masque, prévoient, en particulier, des limitations du nombre de spectateurs, des nettoyages réguliers et une ventilation des locaux, une adaptation du rythme des spectacles, des systèmes de réservation exclusivement en ligne, l’obligation d’utiliser des solutions hydro-alcooliques avant d’entrer dans la salle, des espaces entre les spectateurs ou groupes de spectateurs et entre les rangs, la fermeture de tous les services annexes, notamment de vente de boissons et de restauration, une organisation des circulations permettant un étalement des entrées et des sorties et une information des spectateurs sur l’ensemble des contraintes à respecter.

11. Par ailleurs, l’administration ne produit pas d’éléments relatifs à des cas de contamination qui seraient survenus lors de spectacles à l’occasion desquels de tels protocoles sanitaires auraient été mis en place.

12. Il apparaît ainsi, en l’état des informations dont dispose le juge des référés, et comme le relève le conseil scientifique Covid-19 dans une note du 26 octobre 2020, que le risque de transmission du virus, dans les établissements accueillant les spectacles vivants comme dans les cinémas, est plus faible que pour d’autres événements rassemblant du public en lieu clos, dès lors que de tels protocoles sont effectivement institués et appliqués.

13. Au vu de l’ensemble de ces circonstances, et en l’absence de perspective d’éradication du virus dans un avenir proche, le maintien d’une interdiction générale et absolue d’ouverture au public des cinémas, théâtres et salles de spectacles, mesure qui, ainsi qu’il a été dit, porte une atteinte grave aux libertés mentionnées au point 8, constituerait une illégalité manifeste si elle était justifiée par la seule persistance d’un risque de contamination de spectateurs par le virus SARS-CoV-2. Le maintien d’une telle interdiction, sur l’ensemble du territoire national ou sur une partie de celui-ci, ne peut être regardé comme une mesure nécessaire et adaptée, et, ce faisant, proportionnée à l’objectif de préservation de la santé publique qu’elle poursuit qu’en présence d’un contexte sanitaire marqué par un niveau particulièrement élevé de diffusion du virus au sein de la population susceptible de compromettre à court terme la prise en charge, notamment hospitalière, des personnes contaminées et des patients atteints d’autres affections.

14. En l’espèce, il résulte des données scientifiques disponibles qu’à la date du 22 décembre 2020, 2 490 946 cas ont été confirmés positifs au virus covid-19, en augmentation de 11 795 dans les dernières vingt-quatre heures, le taux de positivité des tests se situe à 4,4 % et 61 702 décès liés à l’épidémie sont à déplorer, en hausse de 386 personnes dans les dernières vingt-quatre heures. Le taux de reproduction du virus est de 1,03 et le taux d’incidence de 139,62. Le taux d’occupation des lits en réanimation par des patients atteints de la covid-19 demeure à un niveau élevé avec une moyenne nationale de 54,1 %, mettant sous tension l’ensemble du système de santé. Ces données qui, montrent une dégradation de la situation sanitaire au cours de la période récente à partir d’un plateau épidémique déjà très élevé, pourraient se révéler encore plus préoccupantes au début du mois de janvier. En outre, la détection d’un nouveau variant du SARS-CoV-2 au Royaume-Uni, avec un taux de transmission plus important, qui a conduit à fermer provisoirement les frontières avec ce pays, est de nature à accroître l’incertitude. Dans ces conditions, compte tenu du caractère très évolutif de cette situation, avec un risque d’augmentation de l’épidémie à court terme, et alors qu’il n’est pas contesté qu’une décision de réouverture des cinémas, théâtres et salles de spectacles implique généralement une période préalable de redémarrage d’au moins deux semaines, la décision du Premier ministre, à la date de la présente ordonnance, ne porte pas une atteinte manifestement illégale aux libertés fondamentales dont se prévalent les requérants.

15. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la condition d’urgence, que les requêtes présentées par M. X… et autres, l’association Le Monfort, l’association Le Théâtre 13, l’association L’Etoile du Nord, l’association Les Plateaux Sauvages, l’association Le Théâtre Paris-Villette, la Fédération nationale des cinémas français et autres, le Syndicat des cirques et compagnies de création et la Société des auteurs et compositeurs dramatiques et autres doivent être rejetées, y compris les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

------------------


Article 1er: Les interventions de Mme Q…, M. AY…, Mme BG…, M. AB…, Mme AC…, Mme BC…, Mme U…, M. A… AN…, M. AM…, Mme H…, Mme I…, Mme AG…, Mme V…, M. BF…, Mme AI…, M. K…, M. L…, Mme AZ…, M. Z…, M. AV…, M. N…, M. BA…, Mme BB…, M. AW…, M. T…, Mme O… et Mme AL…, de l’association Le Théâtre 14, de la société des auteurs et compositeurs dramatiques et autres, de la Fédération CFE-CGC de la culture, de la communication et du spectacle, de la Fédération des syndicats des arts, des spectacles, de l’audiovisuel, de la presse, de la communication et du multimedia et de l’association Coronavictimes sont admises.

Article 2 : Les requêtes présentées, sous le n° 447698 par M. X… et autres, sous le n° 447783 par l’association Le Monfort, sous le n° 447784 par l’association Le Théâtre 13, sous le n° 47785 par l’association L’Etoile du Nord, sous le n° 447786 par l’association Les Plateaux Sauvages, sous le n° 447787 par l’association Le Théâtre Paris-Villette, sous le n° 447791 par la Fédération nationale des cinémas français et autres, sous le n° 447799 par le Syndicat des cirques et compagnies de création et, sous le n° 447839, par la Société des auteurs et compositeurs dramatiques et autres sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C…-BI… X…, à M. AF… AH…, à M. E… AH…, à M. C…-BE… S…, à M. AA… AD…, à l’association Le Monfort, à l’association Le Théâtre 13, à l’association L’Etoile du Nord, à l’association Les Plateaux Sauvages, à l’association Le Théâtre Paris-Villette, à Mme AQ… Q…, M. AJ… AY…, Mme Y… BG…, M. AE… AB…, Mme AR… AC…, Mme AT… BC…, Mme AK… U…, M. BH… A… AN…, M. F… AM…, Mme AX… H…, Mme J… I…, Mme AQ… AG…, Mme M… V…, M. AP… BF…, Mme AS… AI…, M. AO… K…, M. G… L…, Mme B… AZ…, M. C… Z…, M. D… AV…, M. C…-BJ… N…, M. BK… BA…, Mme BD… BB…, M. AU… AW…, M. R… T…, Mme W… O… et Mme P… AL…, à l’association Le Théâtre 14, à la Fédération nationale des cinémas français, premier dénommé sous le n° 447791, à la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, premier intervenant dénommé sous le n° 447791, au Syndicat des cirques et compagnies de création, à la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, premier dénommé sous le n° 447839, à la Fédération CFE-CGC de la culture, de la communication et du spectacle, premier intervenant dénommé sous le n° 447839, à l’association Coronavictimes et au ministre de la santé et des solidarités.

Copie en sera adressée au Premier ministre et à la ministre de la culture.

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Conseil d'État, Juge des référés, formation collégiale, 23 décembre 2020, 447698, Inédit au recueil Lebon