Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 20 octobre 2021, 448563, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Transports du Val d’Oise a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge de la cotisation de taxe annuelle sur les surfaces de stationnement à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 2015 en raison de locaux situés 18, rue Jean Poulmarch à Argenteuil (Val d’Oise). Par une ordonnance n° 1905736 du 22 octobre 2019, le président de la 8ème chambre de ce tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 19VE04168 du 10 novembre 2020, la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté l’appel formé par la SASU Transports du Val d’Oise contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 janvier et 12 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Transports du Val d’Oise demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code général des impôts ;

— le code de commerce ;

— le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. François-René Burnod, auditeur,

— les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Transports du Val d’Oise ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Transports du Val d’Oise, qui est propriétaire d’un ensemble immobilier situé 18, rue Jean Poulmarch à Argenteuil (Val d’Oise), a été assujettie à raison de ce bien à une cotisation de taxe annuelle sur les surfaces de stationnement au titre de l’année 2015. Par une ordonnance du 22 octobre 2019, le président de la 8ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette imposition. Par un arrêt du 10 novembre 2020, contre lequel la société se pourvoit, la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté l’appel formé par la société contre ce jugement.

Sur la qualité pour agir de la directrice fiscale du groupe Transdev :

2. Aux termes de l’article L. 227-6 du code du commerce, relatif aux sociétés par actions simplifiées, « La société est représentée à l’égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l’objet social. / Dans les rapports avec les tiers, la société est engagée même par les actes du président qui ne relèvent pas de l’objet social, à moins qu’elle ne prouve que le tiers savait que l’acte dépassait cet objet ou qu’il ne pouvait l’ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve. / Les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article. / Les dispositions statutaires limitant les pouvoirs du président sont inopposables aux tiers ». Aux termes du premier alinéa de l’article R. 197-4 du livre des procédures fiscales : « Toute personne qui introduit ou soutient une réclamation pour autrui doit justifier d’un mandat régulier. Le mandat doit à peine de nullité, être produit en même temps que l’acte qu’il autorise ou enregistré avant l’exécution de cet acte ».

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la requête introductive d’instance de la société Transports du Val d’Oise devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise était signée par Mme N C en qualité de « Directrice fiscale de Transdev Group », société mère du groupe dont fait partie la requérante. Invitée par le tribunal à produire les pièces justifiant que la signataire de la demande avait qualité pour la représenter, la société Transports du Val d’Oise a produit l’extrait de son K-Bis, le pouvoir accordé par son directeur général à Mme C pour se pourvoir de manière permanente devant les tribunaux compétents en matière fiscale, ainsi que la copie de ses statuts, qui stipulent à leur article 18 que « les Directeurs Généraux disposent, à l’égard des tiers, des mêmes pouvoirs de représentation que le Président » et à leur article 17 que le président ne peut, sans l’autorisation préalable du conseil de direction, « engager aucune action devant les juridictions administratives, judiciaires ou spéciales hors celles nécessitées par l’urgence ».

4. En premier lieu, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que la cour administrative d’appel aurait commis une erreur de droit en jugeant que Mme C ne justifiait pas, du seul fait de ses fonctions de directrice fiscale du groupe dont cette société fait partie, de sa qualité pour la représenter devant la juridiction administrative statuant sur un litige fiscal.

5. En second lieu, il résulte des dispositions précitées de l’article L. 227-6 du code de commerce, d’une part, que le directeur général d’une société par actions simplifiée ne peut exercer les pouvoirs accordés par cet article au président, lui-même investi par la loi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l’objet social, que si les statuts de cette société le prévoient et, d’autre part, que les éventuelles limitations prévues par les statuts aux pouvoirs du président, et par suite du directeur général, si elles ne sont pas opposables aux tiers, le sont à la société.

6. Après avoir relevé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, qu’il résultait de l’article 17 des statuts de la société Transports du Val d’Oise que son président, et par suite son directeur général, ne pouvaient agir en justice au nom de la société, sauf urgence, sans l’autorisation préalable du conseil de direction et que la société n’avait pas produit devant le tribunal administratif de délibération de son conseil de direction autorisant son président ou son directeur général à ester en justice pour demander la décharge des impositions en litige, la cour administrative d’appel a pu en déduire, sans erreur de droit ni erreur de qualification juridique des faits, que la demande de première instance était manifestement irrecevable, sans que la production, pour la première fois devant elle, d’une telle délibération du conseil de direction, même prise antérieurement à l’ordonnance du tribunal administratif, soit de nature à la régulariser.

Sur l’application de l’article R. 351-4 du code de justice administrative :

7. Aux termes de l’article R. 811-1 du code de justice administrative, « le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : / () 4° Sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l’audiovisuel public, à l’exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale () ». Aux termes de l’article R. 351-4 du code de justice administrative : « Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi un tribunal administratif, une cour administrative d’appel ou le Conseil d’Etat relève de la compétence d’une de ces juridictions administratives, le tribunal administratif, la cour administrative d’appel ou le Conseil d’Etat, selon le cas, est compétent, nonobstant les règles de répartition des compétences entre juridictions administratives, pour rejeter les conclusions entachées d’une irrecevabilité manifeste insusceptible d’être couverte en cours d’instance, pour constater qu’il n’y a pas lieu de statuer sur tout ou partie des conclusions ou pour rejeter la requête en se fondant sur l’irrecevabilité manifeste de la demande de première instance ».

8. La taxe annuelle sur les surfaces de stationnement étant perçue, au titre de l’année 2015, par la région d’Ile-de-France, elle constitue un impôt local au sens du 4° de l’article R. 811-1 du code de justice administrative. Par suite, l’ordonnance par laquelle le président de la 8ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de la société visant à la décharge d’une cotisation de cette taxe n’était, en principe, susceptible d’être contestée que par un pourvoi en cassation formé devant le Conseil d’Etat. Toutefois, dès lors que la demande de première instance de la société Transports du Val d’Oise était, ainsi que la cour administrative d’appel de Versailles l’avait relevé à bon droit, entachée d’une irrecevabilité manifeste insusceptible d’être couverte en cours d’instance, celle-ci pouvait, en vertu des dispositions de l’article R. 351-4 du code de justice administrative, statuer sur l’appel de la société pour le rejeter.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Transports du Val d’Oise n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

— -------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Transports du Val d’Oise est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée unipersonnelle Transports du Val d’Oise et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.

Délibéré à l’issue de la séance du 6 octobre 2021 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. K F, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. I L, M. B E, M. J H, M. A M, Mme Françoise Tomé, conseillers d’Etat et M. François-René Burnod, auditeur-rapporteur.

Rendu le 20 octobre 2021.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. François-René Burnod

La secrétaire :

Signé : Mme D G448563

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