Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 18 juin 2021, 433315

  • Redevances de maintenance de logiciels·
  • Bénéfices industriels et commerciaux·
  • Impôts sur les revenus et bénéfices·
  • Revenus et bénéfices imposables·
  • Conventions internationales·
  • Contributions et taxes·
  • Notion de redevances·
  • Règles particulières·
  • Calcul de l'impôt·
  • Textes fiscaux

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Conventions fiscales franco-brésilienne du 10 septembre 1971 (art. 12 et 22), franco-espagnole du 10 octobre 1995 (art. 12 et 24), franco-thaïlandaise du 27 décembre 1974 (art. 12 et 23) et franco-marocaine du 29 mai 1970 (art. 12 et 25) ouvrant droit à un crédit d’impôt ou à une réduction d’impôt en cas de retenue à la source prélevée sur les revenus en provenance de ces Etats qui ont la nature de redevances et qui y ont supporté l’impôt…. ,,Société d’édition et de distribution de logiciels professionnels ayant fait l’objet de retenues à la source sur des rémunérations perçues au titre d’une activité de maintenance de logiciels réalisée dans ces Etats.,,,Prestations de maintenance n’étant pas accompagnées du transfert de procédés secrets ni du transfert d’un savoir-faire ni n’ayant pour objet la fourniture d’études techniques ou économiques au sens de la convention franco-marocaine mentionnée ci-dessus. Objet des prestations d’assistance technique fournies dans le cadre de l’activité de maintenance et objet de la concession du droit d’usage opéré par les contrats de licence étant distincts. Clients de la société n’étant pas tenus de recourir aux prestations de maintenance. Les deux types de prestations faisant l’objet d’une facturation séparée…. ,,Dans ces conditions, les rémunérations perçues en contrepartie des prestations de maintenance et celles reçues en contrepartie des licences de logiciels doivent être distinguées pour l’application des stipulations conventionnelles rappelées ci-dessus, alors même que les licences d’utilisation consenties par la société sont, d’un point de vue technique et économique, étroitement liées aux prestations de maintenance qui les accompagnent…. ,,Par conséquent, les rémunérations versées à la société en contrepartie de ses prestations de maintenance ne relèvent pas de la catégorie des redevances ouvrant droit à un crédit d’impôt ou à une réduction d’impôt en cas de retenue à la source prélevée sur ces revenus.

Chercher les extraits similaires

Commentaires sur cette affaire

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. En savoir plus

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

La société Sopra Steria Group a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des suppléments d’impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1506536 du 30 mars 2017, le tribunal administratif de Montreuil a, en premier lieu, constaté qu’il n’y avait plus lieu à statuer sur les conclusions de la société Sopra Steria Group à concurrence des dégrèvements partiels auxquels l’administration avait procédé en cours d’instance, en deuxième lieu, déchargé la société des suppléments d’impôt sur les sociétés auxquels elle avait été assujettie au titre de ses exercices clos en 2009 et 2010 à raison de la déduction de son résultat imposable d’abandons de créance et de montants de retenue à la source acquittés à l’étranger en 2009 et 2010 sur des prestations de maintenance de logiciels, en troisième lieu, mis à la charge de l’État une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et, en dernier lieu, rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par un arrêt n°s 17VE01685, 17VE02481 du 4 juin 2019, la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté les appels formés par la société Sopra Steria Group et par le ministre de l’action et des comptes publics contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 août, 5 novembre 2019 et le 28 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Sopra Steria Group demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – la convention fiscale franco-marocaine signée le 29 mai 1970 ;

 – la convention fiscale franco-brésilienne signée le 10 septembre 1971 ;

 – la convention fiscale franco-thaïlandaise signée le 27 décembre 1974 ;

 – la convention fiscale franco-espagnole signée le 10 octobre 1995 ;

 – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Olivier Guiard, maître des requêtes,

— les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la Société Sopra Steria Group ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Axway Software, qui exerce une activité d’édition et de distribution de logiciels professionnels et qui est membre du groupe fiscalement intégré dont la société Sopra Steria Group est la société mère, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur ses exercices clos en 2009 et 2010, à l’issue de laquelle l’administration a remis en cause l’imputation sur l’impôt sur les sociétés afférent à ces deux exercices, de crédits d’impôt correspondant aux montants de retenues à la source prélevées par le Brésil, l’Espagne, le Maroc et la Thaïlande sur des rémunérations perçues au titre d’une activité de maintenance de logiciels réalisée dans ces Etats. La société Sopra Steria Group se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 4 juin 2019 par lequel la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté son appel, ainsi que celui formé par le ministre de l’action et des comptes publics, dirigés contre le jugement du 30 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a refusé de reconnaître la qualité de redevances aux rémunérations en cause et, par suite, a rejeté les prétentions de la société tendant, à titre principal, au bénéfice des crédits d’impôt remis en cause par l’administration, mais a admis à titre subsidiaire, sur le fondement du 4° de l’article 39 du code général des impôts, que les retenues à la source prélevées sur ces rémunérations soient déduites du résultat de la société imposable en France.

2. D’une part, aux termes de l’article 12 de la convention fiscale franco-brésilienne du 10 septembre 1971 : « 1. Les redevances provenant d’un Etat contractant et payées à un résident de l’autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. / 2. Toutefois, ces redevances peuvent être imposées dans l’Etat contractant dont elles proviennent et selon la législation de cet Etat (…). 3. Le terme » redevances « employé dans le présent article désigne les rémunérations de toute nature payées pour l’usage ou la concession de l’usage d’un droit d’auteur sur une oeuvre littéraire, artistique ou scientifique, y compris (…) d’une formule ou d’un procédé secrets, ainsi que pour l’usage ou la concession de l’usage d’un équipement industriel, commercial ou scientifique et pour des informations ayant trait à une expérience acquise dans le domaine industriel, commercial ou scientifique. » Aux termes de l’article 12 de la convention fiscale franco-espagnole du 10 octobre 1995 : « 1. Les redevances provenant d’un État contractant et payées à un résident de l’autre État contractant sont imposables dans cet autre Etat. / a) Sous réserve des dispositions du b, les redevances mentionnées au paragraphe 1 sont aussi imposables dans l’Etat contractant d’où elles proviennent, et selon la législation de cet État, mais si la personne qui reçoit les redevances en est le bénéficiaire effectif, l’impôt ainsi établi ne peut excéder 5 pour cent du montant brut des redevances. (…) / 2. Le terme » redevances « employé dans le présent article désigne les rémunérations de toute nature payées pour l’usage ou la concession de l’usage d’un droit d’auteur sur une oeuvre littéraire, artistique ou scientifique, y compris (…) d’une formule ou d’un procédé secrets, ainsi que pour l’usage ou la concession de l’usage d’un équipement industriel, commercial ou scientifique, et pour des informations ayant trait à une expérience acquise dans le domaine industriel, commercial ou scientifique. » Aux termes de l’article 12 de la convention fiscale franco-thaïlandaise du 27 décembre 1974 : " 1. Les redevances provenant d’un Etat contractant et payées à un résident de l’autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. / 2. Toutefois, ces redevances peuvent être imposées dans l’Etat contractant d’où elles proviennent, mais l’impôt ainsi établi ne peut excéder : – 5 pour cent du montant brut des redevances si elles ont été payées pour l’aliénation, ou pour l’usage ou la concession de l’usage, d’un droit d’auteur sur une oeuvre littéraire, artistique ou scientifique ; – 15 p. cent du montant brut des autres redevances. (…) / 4. Le terme « redevances » employé dans le présent article désigne les rémunérations de toute nature payées pour l’aliénation, ou pour l’usage ou la concession de l’usage, d’un droit d’auteur sur une oeuvre littéraire, artistique ou scientifique, y compris (…) d’une formule ou d’un procédé secrets, ainsi que pour l’usage ou la concession de l’usage d’informations ayant trait à une expérience acquise dans le domaine industriel, commercial ou scientifique. « Aux termes de l’article 16 de la convention fiscale franco-marocaine du 29 mai 1970 : » (…) / 2. Les redevances non visées au paragraphe 1 provenant d’un Etat contractant et payées à une personne domiciliée dans l’autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. Toutefois, ces redevances peuvent être imposées dans l’Etat contractant d’où elles proviennent, si la législation de cet Etat le prévoit, dans les conditions et sous les limites ci-après : / a) Les redevances versées en contrepartie de l’usage ou du droit à l’usage de droits d’auteur sur des oeuvres littéraires, artistiques ou scientifiques (…) qui sont payées dans l’un des Etats contractants à une personne ayant son domicile fiscal dans l’autre Etat contractant, peuvent être imposées dans le premier Etat, mais l’impôt ainsi établi ne peut excéder 5 pour cent du montant brut des redevances ; / b) Les redevances provenant de la concession de licences d’exploitation de (…) formules ou procédés secrets, provenant de sources situées sur le territoire de l’un des Etats contractants et payées à une personne domiciliée sur le territoire de l’autre Etat peuvent être imposées dans le premier Etat, mais l’impôt ainsi établi ne peut excéder 10 pour cent du montant brut des redevances ; / c) Sont traitées comme les redevances visées à l’alinéa b ci-dessus (…) les rémunérations analogues pour la fourniture d’informations concernant des expériences d’ordre industriel, commercial ou scientifique ainsi que les rémunérations pour des études techniques ou économiques. "

3. D’autre part, selon les stipulations respectives des articles 22, 24 et 23 des conventions fiscales franco-brésilienne, franco-espagnole et franco-thaïlandaise relatives à l’élimination des doubles impositions, lorsqu’un résident fiscal de France perçoit des revenus en provenance de ces Etats qui ont la nature de redevances et qui ont supporté l’impôt brésilien, espagnol ou thaïlandais, la France accorde au bénéficiaire de ces revenus un crédit d’impôt imputable sur l’impôt français, égal au montant de l’impôt prélevé dans l’Etat d’origine mais qui ne peut excéder le montant de l’impôt français correspondant à ces revenus. Les stipulations de l’article 25 de la convention fiscale franco-marocaine prévoient également, en ce qui concerne les revenus mentionnés à son article 16, que la France accorde au bénéficiaire de redevances qui a son domicile fiscal en France, une réduction d’impôt correspondant au montant des impôts prélevés au Maroc sur ces mêmes revenus.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, en particulier des documents produits par la société Sopra Steria Group, que sa filiale Axway Software concède à ses clients un droit d’utilisation des progiciels professionnels qu’elle conçoit et leur propose par ailleurs d’en assurer la maintenance. Il ressort également des documents produits par la société Sopra Steria Group devant les juges du fond que la société Axway Software ne concède à ses clients aucun autre droit de propriété intellectuelle attaché à sa qualité d’auteur des progiciels, ni ne leur transfère des connaissances techniques en dehors de la documentation portant sur l’utilisation des produits qu’elle fournit et de l’accompagnement qu’elle assure pour favoriser leur mise en oeuvre. Dès lors, la cour administrative d’appel de Versailles n’a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en retenant que les prestations de maintenance assurées par la société Axway Software n’étaient pas accompagnées du transfert de procédés secrets ni du transfert d’un savoir-faire.

5. Il résulte des éléments soumis à la cour que celle-ci a également porté sur les faits de l’espèce une appréciation exempte de dénaturation en relevant que les prestations de maintenance assurées par la société Axway Software n’avaient pas pour objet la fourniture d’études techniques ou économiques au sens des stipulations précitées de la convention franco-marocaine.

6. La cour n’a pas non plus dénaturé les pièces qui lui étaient présentées en retenant que l’objet des prestations d’assistance technique fournies dans le cadre de l’activité de maintenance et celui de la concession du droit d’usage opéré par les contrats de licence sont distincts, ni en relevant que les clients de la société Axway Software ne sont pas tenus de recourir aux prestations de maintenance et que ces deux types de prestations font l’objet d’une facturation séparée. Dans ces conditions, en jugeant au vu de ces éléments que les rémunérations perçues en contrepartie des prestations de maintenance et celle reçues en contrepartie des licences de logiciels devaient être distinguées pour l’application des stipulations conventionnelles rappelées aux points 2 et 3 ci-dessus, alors même que les licences d’utilisation consenties par la société Axway Software sont, d’un point de vue technique et économique, étroitement liées aux prestations de maintenance qui les accompagnent, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n’a pas commis d’erreur de droit.

7. Enfin, en déduisant de ces considérations que les rémunérations versées à la société Axway Software en contrepartie de ses prestations de maintenance ne relevaient pas de la catégorie des redevances au sens des stipulations précitées des conventions fiscales franco-brésilienne, franco-espagnole, franco-thaïlandaise et franco-marocaine ouvrant droit à un crédit d’impôt ou à une réduction d’impôt en cas de retenue à la source prélevée sur ces revenus, la cour administrative d’appel de Versailles n’a pas entaché son arrêt d’erreur de qualification juridique des faits.

8. Il résulte de ce qui précède que la société Sopra Steria Group n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué. Ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être rejetées.

D E C I D E :

--------------


Article 1er : Le pourvoi de la société Sopra Steria Group est rejeté.


Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Sopra Steria Group et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.



Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 18 juin 2021, 433315