Conseil d'État, 5ème chambre, 16 février 2021, 417969, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CE, 5e chs, 16 févr. 2021, n° 417969
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 417969
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Conseil d'État, 18 décembre 2019
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000043147913
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHS:2021:417969.20210216

Sur les parties

Texte intégral

Vu les procédures suivantes :

I/ Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 417969, au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat les 7 février et 7 mai 2018, le Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté de la ministre des solidarités et de la santé du 8 décembre 2017 relatif à la mise en oeuvre du mécanisme d’alerte mentionné à l’article L. 4002-1 du code de la santé publique ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative

II/ Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés, sous le n° 418011, au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat les 9 février, 9 mai et 15 novembre 2018, le Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté de la ministre des solidarités et de la santé du 8 décembre 2017 relatif à la mise en oeuvre du mécanisme d’alerte mentionné à l’article L. 4002-1 du code de la santé publique ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, modifiée par la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 ;

 – le code de la santé publique ;

 – la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 ;

 – la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 ;

 – la loi n° 2018-132 du 26 février 2018 ;

 – l’ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 ;

 – l’ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 ;

 – le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Florian Roussel, maître des requêtes,

— les conclusions de Mme A… B…, rapporteure publique.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Hémery, Thomas-Raquin, Le Guerer, avocat du Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes du Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes et du Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes sont dirigées contre le même arrêté. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision.

2. Le « mécanisme d’alerte » a été introduit par la directive 2013/55/UE à l’article 56 bis de la directive 2005/36/CE pour prévoir entre les Etats membres de l’Union européenne une information mutuelle sur les professionnels relevant de certaines professions réglementées dont la capacité d’exercice professionnelle a été restreinte ou supprimée, même de façon temporaire, par les autorités ou juridictions nationales compétentes. Aux termes de l’article L. 4002-1 du code de la santé publique pris pour la transposition de cette directive : « Un professionnel relevant de la présente partie peut faire l’objet d’une alerte dans les conditions prévues aux articles 7 et 8 de l’ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles de professions réglementées. » Aux termes de l’article 7 de l’ordonnance du 22 décembre 2016 visée ci-dessus : " I. – L’autorité compétente française informe les autorités compétentes des autres Etats membres de l’Union européenne ou parties à l’accord sur l’Espace économique européen des restrictions ou interdictions, définitives ou temporaires, apportées en totalité ou en partie, au droit d’un professionnel établi en France d’exercer les activités d’une profession dont la liste est fixée par décret. / Elle leur transmet les informations suivantes : / 1° L’identité du professionnel ; / 2° La profession concernée ; / 3° L’autorité ou la juridiction nationale qui a pris la décision de restriction ou d’interdiction ; / 4° Le champ de la restriction ou de l’interdiction ; / 5° La période pendant laquelle s’applique la restriction ou l’interdiction ; / ° La date d’expiration de la restriction ou de l’interdiction. / II. – En cas de modification et à l’expiration d’une décision de restriction ou d’une décision d’interdiction, l’autorité compétente française en informe sans délai les autorités compétentes des autres Etats membres de l’Union européenne ou parties à l’accord sur l’Espace économique européen. / III. – L’autorité compétente française informe sans délai le professionnel de la transmission, aux autorités compétentes des autres Etats membres de l’Union européenne ou parties à l’accord sur l’Espace économique européen, des informations mentionnées aux I et II qui le concernent, de son droit au recours contre les décisions relatives à cette alerte ainsi que du droit d’en demander la rectification ou la réparation en cas de préjudice causé par une fausse alerte. Elle informe, le cas échéant, les autorités compétentes des autres Etats membres ou parties des recours intentés. / IV. – La transmission et la suppression des informations mentionnées aux I et II s’opèrent, dans un délai de trois jours à compter de la date d’effet de la décision définitive ou de sa date d’expiration, dans les conditions prévues par le règlement (UE) n° 1024/2012 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 susvisé. Lorsque la décision est assortie de l’exécution provisoire ou qu’elle a fait l’objet d’un recours qui n’a pas d’effet suspensif, le délai de trois jours court à compter de son adoption. « Selon l’article 8 de la même ordonnance : » I. – L’autorité compétente française informe les autorités compétentes des autres Etats membres de l’Union européenne ou parties à l’accord sur l’Espace économique européen, de l’identité du professionnel reconnu coupable par la justice d’avoir présenté de fausses preuves à l’appui d’une demande de reconnaissance de ses qualifications professionnelles, dans les trois jours à compter de la date d’effet de la décision définitive, sauf si elle est assortie de l’exécution provisoire. / La transmission de ces informations s’effectue dans les conditions prévues par le règlement (UE) n° 1024/2012 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 susvisé. / II. – L’autorité compétente française informe sans délai le professionnel visé au I de son droit au recours contre les décisions relatives à cette alerte ainsi que de son droit d’en demander la rectification ou la réparation en cas de préjudice causé par une fausse alerte. Elle informe, le cas échéant, les autorités compétentes des autres Etats membres ou parties des recours intentés. « Aux termes enfin de l’article R. 4002-1 du code de la santé publique : » Un arrêté du ministre chargé de la santé détermine : / 1° L’autorité chargée de coordonner la réception et l’envoi des alertes concernant les professionnels de santé prévues à l’article L. 4002-1 ; / 2° La liste des autorités compétentes pour émettre et recevoir ces alertes. " En application de ces dernières dispositions, la ministre des solidarités et de la santé a pris un arrêté du 8 décembre 2017 relatif à la mise en oeuvre du mécanisme d’alerte mentionné à l’article L. 4002-1 du code de la santé publique dont le Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes et le Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes demandent l’annulation pour excès de pouvoir.

Sur la recevabilité des requêtes :

3. En vertu des dispositions de l’article L. 4002-1 du code de la santé publique citées au point 2, le mécanisme d’alerte s’applique aux membres des « professions de santé » concernées par la quatrième partie de ce code. En outre, l’article 1er de l’arrêté attaqué dispose que : « Les professionnels de santé, les professionnels relevant d’un usage de titre et les décisions relevant du mécanisme d’alerte sont listés respectivement par les annexes I et II. » L’annexe I, intitulée « Professionnels pouvant faire l’objet d’une alerte », mentionne divers professionnels de santé relevant de la quatrième partie du code de la santé publique, dont les chirurgiens-dentistes et les masseurs-kinésithérapeutes, et mentionne en outre les « professionnels relevant d’un usage de titre » suivants : " – les psychologues ; / – les psychothérapeutes ; / – les ostéopathes ; / – les chiropracteurs. « L’article 11 de l’ordonnance du 19 janvier 2017 a, par ailleurs, ajouté après l’article 52 de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique un article 52-1 dont le IV prévoit que : » Les dispositions de l’article L. 4002-1 du code de la santé publique sont applicables aux psychothérapeutes. "

4. La circonstance que les dispositions rappelées ci-dessus concernent également des professionnels de santé ne relevant pas de la quatrième partie du code de la santé publique ne suffit pas à conférer au Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes ou au Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes un intérêt leur donnant qualité pour agir contre les dispositions de l’arrêté attaqué en tant qu’elles sont relatives à aux psychologues, ostéopathes, chiropracteurs et psychothérapeutes. Leurs conclusions tendant à l’annulation de l’arrêté attaqué sur ce point, qui sont donc irrecevables, ne peuvent qu’être rejetées.

Sur la légalité externe :

5. Il ressort des pièces du dossier que l’arrêté attaqué a été signé le jour même où le Haut Conseil des professions paramédicales, saisi compte tenu des missions qu’il exerce en vertu des articles D. 4381-1 et D. 4381-2 du code de la santé publique, a rendu son avis à la ministre des solidarités et de la santé. Néanmoins, eu égard notamment à la circonstance que le Haut conseil des professions paramédicales n’a proposé aucun amendement au projet de texte qui lui était soumis, la ministre a disposé d’un délai suffisant, quelque bref qu’il ait été, pour procéder, au vu de son avis, à un examen définitif et complet de la situation. La procédure n’est dès lors, en tout état de cause, entachée d’aucune irrégularité sur ce point.

6. Les moyens tirés de ce que la consultation du Haut Conseil des professions paramédicales a été irrégulière en ce que cette instance était irrégulièrement composée, que le quorum n’était pas atteint et que l’avis était incomplet, faute de porter sur l’ensemble des questions posées par l’arrêté attaqué, ne sont pas assortis des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé et ne peuvent, par suite, qu’être écartés.

Sur la légalité interne :

7. En premier lieu, par une décision du 19 décembre 2019, le Conseil d’Etat statuant au contentieux, sur des recours enregistrés sous les numéros 416964, 417078, 417937, 417963, 418010, 418013, 419746, tendant à l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 2 novembre 2017 relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé et de divers arrêtés pris en application de ce décret, a, après avoir écarté les autres moyens de ces requêtes, sursis à statuer et saisi la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle relative à la question de savoir si le 6 de l’article 4 septies de la directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005 exclut qu’un Etat membre instaure la possibilité d’un accès partiel à l’une des professions auxquelles s’applique le mécanisme de la reconnaissance automatique des qualifications professionnelles prévu par les dispositions du chapitre III du titre III de la même directive. Le Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes soutient que l’arrêté attaqué relatif à la mise en oeuvre du mécanisme d’alerte mentionné à l’article L. 4002-1 du code de la santé publique, qui a également été pris en application du décret du 2 novembre 2017, doit être annulé par voie de conséquence de l’annulation pour excès de pouvoir de ce décret. Toutefois, eu égard à leurs conclusions et aux moyens soulevés, ces recours dirigés contre ce décret, toujours pendants, ne sont plus de nature à entraîner, le cas échéant, son annulation qu’en tant que ses dispositions sont relatives à l’accès partiel aux professions de santé. Ces dispositions étant étrangères aux dispositions du décret relatives au mécanisme d’alerte, le moyen doit, par suite, et en tout état de cause, être écarté.

8. En deuxième lieu, le Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes fait également valoir que le choix de faire courir le délai de trois jours imparti pour activer le mécanisme d’alerte à compter de la date d’effet de la décision définitive relative à l’inscription au tableau de l’ordre du professionnel concerné, et non de l’adoption de toute décision en la matière, méconnaît l’objectif de la directive 2005/36/CE d’assurer un niveau élevé de protection de la santé. Il résulte toutefois des dispositions citées au point 2 ci-dessus que ce choix résulte des articles 7 et 8 de l’ordonnance du 22 décembre 2016. Le moyen doit dès lors être analysé comme remettant en cause, par la voie de l’exception, la conformité de cette ordonnance aux dispositions de la directive 2006-36/CE dont le 2 de l’article 56 bis dispose que  : « (…) Les autorités compétentes transmettent, au moyen d’une alerte via l’IMI, les informations visées au paragraphe 1 au plus tard dans un délai de trois jours à compter de la date d’adoption de la décision restreignant ou interdisant au professionnel concerné l’exercice en totalité ou en partie de l’activité professionnelle. (…) » et dont le 3 du même article dispose que : « Les autorités compétentes de l’État membre concerné informent, au plus tard dans un délai de trois jours à compter de la date d’adoption de la décision de justice, les autorités compétentes de tous les autres États membres, au moyen d’une alerte via l’IMI, de l’identité des professionnels qui ont demandé la reconnaissance d’une qualification en vertu de la présente directive et qui par la suite ont été reconnus coupables par la justice d’avoir présenté de fausses preuves à l’appui de leurs qualifications professionnelles ».

9. Toutefois, il résulte des dispositions du IV de l’article 7 et de celles de l’article 8 de l’ordonnance du 22 décembre 2016 que le délai de trois jours imparti pour activer le mécanisme d’alerte court à compter de « l’adoption » de la décision relative à l’inscription au tableau de l’ordre du professionnel concerné sauf lorsque cette décision fait l’objet d’un recours suspensif ou n’est pas assorti de l’exécution provisoire. En effet, dans ces deux dernières hypothèses, la décision n’est pas susceptible d’être exécutée immédiatement. En faisant mention d’une « décision définitive », l’ordonnance a entendu renvoyer à l’existence d’une décision rendue exécutoire, le cas échéant après l’exercice des voies de recours. Par suite, les dispositions du IV de l’article 7 et de celles de l’article 8 de l’ordonnance du 22 décembre 2016 ne sont pas contraires à celles de la directive qui viennent citées au point précédent qui tendent à assurer un niveau élevé de protection de la santé.

10. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 4112-1 du code de la santé publique : « Les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes qui exercent dans un département sont inscrits sur un tableau établi et tenu à jour par le conseil départemental de l’ordre dont ils relèvent. (…) / Nul ne peut être inscrit sur ce tableau s’il ne remplit pas les conditions requises par le présent titre et notamment les conditions nécessaires de moralité, d’indépendance et de compétence. / La décision d’inscription ne peut être retirée que si elle est illégale et dans un délai de quatre mois. Passé ce délai, la décision ne peut être retirée que sur demande explicite de son bénéficiaire. (…) »

11. Si le Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes soutient que l’annexe II de l’arrêté attaqué, qui mentionne les décisions faisant l’objet d’une alerte, est incomplète faute de mentionner les décisions de retrait d’inscription au tableau de l’ordre auxquelles ces dispositions font référence, cette annexe n’a aucun caractère limitatif et les décisions faisant l’objet d’une alerte peuvent, au demeurant, être rattachées aux décisions de « refus d’inscription » qui y sont mentionnées.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes et le Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêté qu’ils attaquent.

Sur les frais d’instance :

13. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans les présentes instances, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------


Article 1er : Les requêtes du Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes et du Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes sont rejetées.


Article 2 : La présente décision sera notifiée au Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes, au Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes et au ministre des solidarités et de la santé.

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