Conseil d'État, 9ème chambre, 22 avril 2021, 445671, Inédit au recueil Lebon

  • Propagande électorale·
  • Maire·
  • Scrutin·
  • Justice administrative·
  • Tract·
  • Candidat·
  • Tribunaux administratifs·
  • Campagne électorale·
  • Commune·
  • Électeur

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CE, 9e chs, 22 avr. 2021, n° 445671
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 445671
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Lille, 23 septembre 2020, N° 2002505, 2002507, 2002584
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000043415698
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHS:2021:445671.20210422

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Mme C… E… et M. A… G… ont demandé au tribunal administratif de Lille d’annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 en vue de l’élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Lallaing (Nord).

Par un jugement n°s 2002505, 2002507, 2002584 du 24 septembre 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté ces protestations.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 octobre et 30 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Mme E… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler ce jugement;

2°) de faire droit à sa protestation ;

3°) de mettre à la charge de M. F… la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – le code électoral ;

 – le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Cécile Viton, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. A l’issue du premier tour des opérations électorales qui se sont déroulées le 20 mars 2020 dans la commune de Lallaing (Nord), la liste conduite par M. F…, maire sortant, a obtenu 1 135 voix soit 51,85 % des suffrages exprimés, tandis que les trois autres listes conduites par Mme E…, M. B… et M. D… rassemblaient respectivement 694, 202 et 158 voix sur les 2 189 suffrages exprimés. Mme E… relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa protestation et celle de son colistier, M. G…, contre ces opérations électorales.

2. En premier lieu, l’article R. 741-7 du code de justice administrative dispose que « dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d’audience ». Il ressort des pièces de la procédure que le jugement attaqué a été signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d’audience. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait irrégulier, faute pour la minute d’être revêtue des signatures requises, ne peut qu’être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 52-1 du code électoral : « (…) A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s’applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l’organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu’il détient ou qu’il a détenus (…) ».

4. Il ne résulte pas de l’instruction que la cérémonie des voeux organisée le 24 janvier 2020, qui revêt un caractère traditionnel dans la commune de Lallaing, aurait présenté, par sa durée, son déroulé et son organisation, une différence notable par rapport aux éditions précédentes, ni que les affiches exposées dans la salle, le répertoire choisi par l’harmonie municipale ou encore le badge et le gobelet remis, selon l’usage, aux participants et revêtus de mentions et de symboles faisant seulement référence à la commune, puissent être regardés comme des éléments de propagande électorale ni comme ayant entretenu une confusion dans l’esprit des électeurs. Si le maire s’est livré dans son discours, comme les années précédentes, à un exposé des réalisations de l’équipe municipale au titre de l’année 2019 et des projets en cours, c’est sans les valoriser dans des conditions relevant de la propagande électorale, et en s’abstenant d’évoquer tout élément de son programme de candidat. Pour regrettables qu’ils soient, les propos polémiques tenus à cette occasion au sujet des différends ayant divisé l’équipe municipale participaient de la rétrospective des événements de l’année passée et ne comportaient aucune allusion au débat électoral. Par ailleurs, il résulte de l’instruction que si des invitations pour un match du club de football ont été remises, dans le cadre de cette cérémonie, à des élèves de la commune, c’est en récompense de leur travail et de leurs initiatives en matière de transition énergétique et écologique et à l’initiative du conseil régional des Hauts-de-France. Cette cérémonie ne peut donc pas être regardée comme ayant constitué une campagne de promotion publicitaire au sens de l’article L. 52-1 du code électoral. La circonstance qu’un élu régional, présent lors de cette cérémonie, ait postérieurement à celle-ci, sur sa page Facebook personnelle, formulé un message en faveur du maire pour les élections à venir, est, à cet égard, sans incidence.

5. En troisième lieu, aux termes du second alinéa de l’article L. 52-8 du code électoral : « Les personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ». Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la requérante n’est pas fondée à soutenir que la cérémonie des voeux aurait revêtu un caractère électoral en violation des dispositions précitées de l’article L. 52-8. Il ne résulte pas de l’instruction que M. F… aurait utilisé pour ses supports de propagande électorale des photographies ou une charte graphique dont la commune était propriétaire.

6. En quatrième lieu, il résulte de l’instruction que Mme E… a sollicité du maire sortant, par courrier du 17 février 2020, la mise à disposition d’une salle municipale pour organiser une réunion électorale, à laquelle il n’est pas sérieusement contesté que le maire a répondu dès le lendemain en proposant la date du 26 février, en l’absence de disponibilité de la salle aux deux dates souhaitées par l’intéressée. La requérante n’est donc pas fondée à soutenir que le maire aurait procédé à des manoeuvres frauduleuses en la privant du délai nécessaire pour organiser sa réunion électorale.

7. En cinquième lieu, Mme E… soutient que le maire sortant aurait usé de plusieurs manoeuvres frauduleuses destinées à entretenir la confusion dans l’esprit des électeurs entre sa propagande électorale et la communication institutionnelle de la commune de Lallaing. Toutefois, ni la diffusion conjointe d’un tract de propagande électorale du maire sortant et d’un document de la municipalité explicitant les mesures sanitaires prévues lors du scrutin pour prévenir la propagation du coronavirus et dépourvu de toute référence au maire sortant, ni les critiques émises par ce dernier à l’encontre du programme de Mme E… au cours de la séance du conseil municipal du 2 mars 2020, ni l’utilisation de photographies le représentant dans l’exercice de ses fonctions de maire sur certains documents de propagande eux-mêmes insusceptibles d’être confondus avec une communication institutionnelle de la commune, ni les similitudes existant entre certains tracts électoraux et des supports utilisés à l’occasion d’un bilan de mi-mandat soit bien antérieurement au début de la campagne, ni le contenu de la page Facebook du candidat dont l’intitulé et la présentation ne laissaient place à aucune ambigüité quant à leur contenu, ne peuvent être regardés comme des manoeuvres ayant altéré la sincérité du scrutin.

8. En sixième lieu, aux termes de l’article L. 48-2 du code électoral : « Il est interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n’aient pas la possibilité d’y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale. » Mme E… fait grief au maire sortant d’avoir, en méconnaissance de ces dispositions, diffusé l’avant-veille du scrutin, à 15 heures, un tract de campagne auquel elle n’aurait pas été mise à même de répondre utilement avant la fin de la campagne électorale. Toutefois, il résulte de l’instruction que ce tract, dont les termes n’excèdent pas les limites de la polémique électorale et dont le caractère mensonger n’est pas établi, répondait aux attaques émises par les adversaires du maire sortant et critiquait certaines propositions du programme de Mme E…, notamment au regard de leur coût, sans introduire dans le débat électoral aucun élément nouveau de polémique électorale. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 48-2 du code électoral doit être écarté.

9. En septième lieu, aux termes de l’article L. 49 du code électoral : « A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de : / (…) 2° Diffuser ou faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale ». La requérante n’est pas fondée à soutenir que M. F… aurait méconnu ces dispositions en s’abstenant, la veille et le jour même du scrutin, de fermer au public l’accès à son site internet de campagne ou aux divers comptes ouverts pour sa campagne sur les réseaux sociaux, dont elle n’établit ni même n’allègue qu’ils auraient été enrichis de nouveaux éléments au cours de ces 48 heures.

10. En huitième lieu, il ne résulte pas de l’instruction, notamment de la photographie et des trois attestations de produites par Mme E…, que les colistiers et les partisans de M. F… auraient exercé des pressions sur les électeurs par une présence prolongée ou des attroupements aux abords, à l’entrée ou à l’intérieur des bureaux de vote.

11. En neuvième et dernier lieu, aux termes du premier alinéa de l’article L. 63 du code électoral : « L’urne électorale est transparente. Cette urne n’ayant qu’une ouverture destinée à laisser passer l’enveloppe contenant le bulletin de vote doit, avant le commencement du scrutin, avoir été fermée à deux serrures dissemblables, dont les clefs restent, l’une entre les mains du président, l’autre entre les mains d’un assesseur tiré au sort parmi l’ensemble des assesseurs ». Si Mme E… fait valoir que, dans plusieurs bureaux de vote, des colistiers de M. F… auraient détenu les deux clés de l’urne, en méconnaissance de l’article L. 63 du code électoral et auraient été désignés comme assesseurs sans tirage au sort, de telles irrégularités sont restées sans influence sur la régularité du scrutin, dès lors que la requérante n’apporte aucun élément de nature à caractériser l’existence d’une quelconque fraude ou d’une atteinte au secret du vote.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E… n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa protestation.

13. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. F… au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de M. F…, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------


Article 1er : La requête de Mme E… est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. F… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C… E…, à M. H… F… et au ministre de l’intérieur.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Conseil d'État, 9ème chambre, 22 avril 2021, 445671, Inédit au recueil Lebon