Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 1 juin 2022, 441760, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Vulpi Avocats - Chronique de jurisprudence · 19 juillet 2022

Juin 2022 Actes et décisions - Procédure administrative non contentieuse 1 - Communication de documents administratifs - Détermination des documents ayant cette nature - Correspondances (courriels) entre le maire et des élus municipaux relatives à des affaires soumises à délibération du conseil municipal - Distinction à opérer - Annulation. Les échanges de correspondances (ici des courriels) entre un maire et des élus municipaux portant sur des sujets faisant l'objet de délibérations du conseil municipal ne sont communicables que si elles sont reçues ou adressées dans le cadre …

 
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Sur la décision

Référence :
CE, 4e et 1re ch. réunies, 1er juin 2022, n° 441760
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 441760
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 3 juin 2022
Identifiant Légifrance : CETATEXT000045863471
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2022:441760.20220601

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 juillet et 9 octobre 2020 et le 19 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la Fédération nationale de l’enseignement privé (FNEP) demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2020-553 du 11 mai 2020 relatif à l’expérimentation des modalités permettant le renforcement des échanges entre les formations de santé, la mise en place d’enseignements communs et l’accès à la formation par la recherche ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— la Constitution ;

— le code de l’éducation ;

— le code de la santé publique ;

— la loi n° 2013-660 du 23 juillet 2013 ;

— la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 ;

— la décision du 18 mai 2021 par laquelle le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, n’a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la FNEP ;

— le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes,

— les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de la Fédération nationale de l’enseignement privé ;

Considérant ce qui suit :

1. L’article 39 de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dans sa rédaction issue de la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, dispose que : « L’Etat peut, à titre expérimental et pour une durée de six ans à compter de la rentrée universitaire 2020, autoriser l’organisation des formations relevant du titre III du livre VI du code de l’éducation selon des modalités permettant de renforcer les échanges entre les formations, la mise en place d’enseignements en commun et l’accès à la formation par la recherche. / Les conditions de mise en œuvre du premier alinéa du présent article sont définies par voie réglementaire. Elles précisent notamment les conditions d’évaluation des expérimentations en vue d’une éventuelle généralisation () ». La Fédération nationale de l’enseignement privé (FNEP) demande au Conseil d’Etat l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 11 mai 2020 relatif à l’expérimentation des modalités permettant le renforcement des échanges entre les formations de santé, la mise en place d’enseignements communs et l’accès à la formation par la recherche. L’article 1er de ce décret prévoit, d’une part, que" [à] compter de la rentrée universitaire 2020, les universités comportant une unité de formation et de recherche de médecine, de pharmacie, d’odontologie, une structure de formation en maïeutique ou une composante qui assure ces formations au sens de l’article L. 713-4 du code de l’éducation peuvent, dans les conditions prévues aux articles 2 à 4, organiser des formations relevant du titre III du livre VI du code de l’éducation selon des modalités permettant de renforcer les échanges entre les formations de santé, l’acquisition par les étudiants de connaissances et de compétences dans des champs disciplinaires transversaux à plusieurs métiers de la santé, leur capacité à travailler au sein d’équipes pluridisciplinaires et leur formation par et à la recherche pour participer à la production du savoir « et, d’autre part, que » [c]es universités peuvent s’associer par voie de convention, en fonction de la nature de l’expérimentation, avec d’autres universités ainsi qu’avec des établissements délivrant des formations relevant du livre I au livre III de la partie IV du code de la santé publique ", à savoir des formations paramédicales pouvant être délivrées, le cas échéant, par des établissements d’enseignement supérieur privés. Son article 2 précise le contenu du dossier devant être constitué par les universités mentionnées à l’article 1er souhaitant mettre en place une demande d’expérimentation, et prévoit que les projets d’expérimentation sont autorisés par arrêté des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé. Son article 3 prévoit les conditions dans lesquelles les étudiants, les agences régionales de santé et les conseils régionaux sont informés des objectifs et conditions de mise en œuvre des expérimentations. Son article 4 fixe les modalités d’évaluation de l’expérimentation prévue par l’article 39 de la loi du 22 juillet 2013 et prévoit qu’elle prend fin au terme de l’année universitaire 2025-2026.

Sur la légalité externe du décret attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l’article L. 231-1 du code de l’éducation : « Le Conseil supérieur de l’éducation est obligatoirement consulté et peut donner son avis sur toutes les questions d’intérêt national concernant l’enseignement ou l’éducation quel que soit le département ministériel intéressé. () ».

3. Le décret attaqué a pour objet d’organiser, dans le seul champ des études de santé, les conditions de mise en œuvre de l’expérimentation prévue par l’article 39 de la loi du 22 juillet 2013. Il ne soulève pas de question d’intérêt national concernant l’enseignement ou l’éducation au sens des dispositions de l’article L. 231-1 du code de l’éducation. La FNEP n’est dès lors pas fondée à soutenir qu’il aurait dû être soumis à la consultation du Conseil supérieur de l’éducation.

4. En second lieu, aux termes de l’article L. 732-3 du code de l’éducation, le comité consultatif pour l’enseignement supérieur privé « a pour mission de formuler toute recommandation concernant les relations de partenariat entre les établissements d’enseignement supérieur privés et l’Etat. Il examine les formations dispensées et leur degré de participation à une mission de service public. () Il peut être saisi, à la demande du ministre chargé de l’enseignement supérieur, de toute question concernant l’enseignement supérieur privé ». Le décret attaqué n’affecte pas les missions des établissements d’enseignement supérieur privés et les formations qu’ils dispensent. Par suite, le moyen tiré de ce qu’il aurait dû être soumis à l’avis du comité consultatif pour l’enseignement supérieur privé ne peut en tout état de cause qu’être écarté.

Sur la légalité interne du décret attaqué :

5. En premier lieu, la FNEP soutient que le dispositif de conventionnement entre les universités porteuses de l’expérimentation et d’autres universités ou établissements prévu par les dispositions de l’article 1er du décret attaqué aurait pour effet de placer les établissements d’enseignement supérieur associés à une expérimentation dans un lien de subordination à l’égard des universités, et porterait ainsi atteinte à la liberté de l’enseignement. Les dispositions du décret, si elles réservent aux universités le soin de prendre l’initiative d’une telle expérimentation, ne sont toutefois pas de nature à porter atteinte au caractère propre des établissements privés ou à les empêcher de créer, de gérer ou de financer de tels établissements. Elles n’ont en outre pas pour effet d’interdire à ces établissements de délivrer des formations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de la liberté d’enseignement ne peut qu’être écarté.

6. En deuxième lieu, le décret attaqué ne crée aucune obligation, pour les établissements d’enseignement supérieur délivrant des formations dans le domaine de la santé, de faire partie d’une expérimentation et de conclure, par voie de conséquence, une convention dans ce cadre. Il n’a ni pour objet ni pour effet de limiter le nombre d’établissements pouvant conclure une telle convention ou de restreindre le droit des établissements non parties à une expérimentation d’organiser des formations dans le cadre des lois et règlements en vigueur. En outre, il résulte de son article 2 que l’accord des établissements associés à une expérimentation est requis préalablement à la transmission d’un projet d’expérimentation aux ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé aux fins d’autorisation. Par suite, les moyens tirés de ce que ce décret méconnaîtrait le principe de liberté d’entreprendre et le principe de liberté de la concurrence, en ce qu’il instaurerait une distorsion entre les établissements ayant signé une convention et les autres établissements sans prévoir de procédure encadrée de mise en concurrence, ainsi que la liberté contractuelle, qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ne peuvent en tout état de cause qu’être écartés.

7. En troisième lieu, aux termes du treizième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère celui de la Constitution du 4 octobre 1958 : « La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture () ». Si la FNEP soutient que les étudiants ne bénéficieront pas des mêmes modalités de formation selon que les établissements d’enseignement auront conclu ou non une convention dans le cadre de l’expérimentation, le décret attaqué n’a en lui-même ni pour objet ni pour effet de limiter l’accès aux formations dans le domaine de la santé. Le moyen tiré d’une méconnaissance du principe d’égal accès à l’instruction dans l’enseignement supérieur et d’égal accès à la formation professionnelle résultant du treizième alinéa du Préambule de la Constitution du 24 octobre 1946 ne peut dès lors qu’être écarté.

8. En quatrième lieu, il résulte des travaux préparatoires à la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, dont sont issues les dispositions mentionnées au point 1, que l’objectif des expérimentations litigieuses est de renforcer les échanges entre les formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique, ainsi qu’entre ces formations et les formations paramédicales relevant des livres I à III de la quatrième partie du code de la santé publique. Ainsi, en prévoyant que seules les universités organisant des formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie ou de maïeutique peuvent être porteuses d’un projet d’expérimentation, le cas échéant en s’associant par voie de convention avec d’autres établissements publics ou privés, le pouvoir réglementaire n’a pas méconnu l’article 39 de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche dans sa rédaction applicable au litige.

9. En cinquième lieu, le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un comme l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la norme qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

10. Aux termes de l’article L. 631-1 du code de l’éducation dans sa rédaction applicable à compter de la rentrée universitaire 2020, à partir de laquelle peuvent être mis en œuvre les projets d’expérimentation : « Les formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique relèvent, par dérogation à l’article L. 611-1, de l’autorité ou du contrôle des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé et donnent lieu à la délivrance de diplômes au nom de l’Etat. () / Les capacités d’accueil des formations en deuxième et troisième années de premier cycle sont déterminées annuellement par les universités () ». En outre, aux termes de l’article L. 632-1 du même code : « Les études médicales théoriques et pratiques sont organisées par les unités de formation et de recherche de médecine ». Aux termes de l’article L. 633-1 du même code : « Les études pharmaceutiques théoriques et pratiques sont organisées par les unités de formation et de recherche de sciences pharmaceutiques ou, le cas échéant, par les unités de formation et de recherche médicales et pharmaceutiques ». Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu confier aux universités l’organisation des formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique.

11. D’une part, si la FNEP soutient que le décret qu’elle attaque méconnaît le principe d’égalité en ce qu’il confie le portage des projets d’expérimentation aux seules universités organisant les formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique, et non à l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur publics et privés du domaine de la santé, il résulte de ce qui est dit aux points 8 et 10 que le décret a pris en compte une différence de situation justifiant une différence de traitement en rapport direct avec l’objectif de l’expérimentation, sans être manifestement disproportionnée. Il en est de même, contrairement à ce que soutient la FNEP, de la différence entre les établissements d’enseignement supérieur privés délivrant des formations paramédicales et ayant conclu une convention, auxquels pourront s’appliquer à ce titre les adaptations prévues par l’article 2 du décret attaqué quant aux formations dispensées, et les autres établissements d’enseignement supérieur privés, ainsi qu’entre les étudiants de ces établissements.

12. D’autre part, il ne résulte pas du décret attaqué que ces conventions, prévues dans le cadre d’une coopération volontaire entre établissements d’enseignement supérieur, puissent être assimilées à une prestation de service au bénéfice exclusif des universités selon des besoins définis unilatéralement par celles-ci. La FNEP n’est par suite pas fondée à soutenir que le décret porterait atteinte à l’égalité de traitement entre les établissements d’enseignement supérieur en ne précisant pas de critères objectifs pour le choix des établissements pouvant conclure de telles conventions.

13. En sixième lieu, aux termes du II de l’article 4 du décret attaqué : « Quelle que soit l’année universitaire à laquelle elle a débuté, l’expérimentation s’achève au terme de l’année universitaire 2025-2026 ». Contrairement à ce que soutient la FNEP, cette disposition, qui est suffisamment claire, ne méconnaît, en tout état de cause, ni l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la norme, ni le principe de sécurité juridique en ce qu’elle ne prévoirait pas de dispositions transitoires applicables à la fin de l’expérimentation, alors au demeurant que l’article 3 du décret attaqué prévoit que les étudiants sont informés, avant le début de chaque rentrée universitaire, des conditions de mise en œuvre de l’expérimentation et des conditions de délivrance des diplômes.

14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, que la FNEP n’est pas fondée à demander l’annulation du décret qu’elle attaque. Ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être rejetées.

D E C I D E :

— -------------

Article 1er : La requête de la Fédération nationale de l’enseignement privé est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale de l’enseignement privé, au Premier ministre, à la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche et à la ministre de la santé et de la prévention.

Délibéré à l’issue de la séance du 9 mai 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; Mme Carine Soulay, Mme Fabienne Lambolez, M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, conseillers d’Etat ; M. Edouard Solier, maître des requêtes et M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 1er juin 2022.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :

Signé : M. Sylvain Monteillet

La secrétaire :

Signé : Mme Sylvie Alleil

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