Conseil d'État, 10ème chambre, 22 juillet 2022, 458849, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, deux mémoires complémentaires et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 et 28 novembre 2021, et les 11 avril et 22 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. A B demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le b) du 1° de l’article 1er du décret n° 2021-1521 du 25 novembre 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— la Constitution, notamment son Préambule ;

— le code de la santé publique ;

— la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;

— la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

— la loi n° 2021-1465 du 10 novembre 2021 ;

— le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

— la décision n° 458849 du 8 avril 2022 par laquelle le Conseil d’Etat statuant au contentieux n’a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B ;

— le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Dominique Agniau-Canel, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 7 juillet 2022, présentée par M. B ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B a demandé l’annulation du b) du 1° de l’article 1er du décret du 25 novembre 2021, pris pour application de la loi du 31 mai 2021 modifiée relative à la gestion de la sortie de la crise sanitaire, en tant qu’il conditionne le maintien du « passe sanitaire » des personnes âgées de soixante-cinq ans et plus à l’injection d’une troisième dose de vaccin contre la covid-19 à compter du 15 décembre 2021.

2. En vertu du A du paragraphe II de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de la crise sanitaire, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l’intérêt de la santé publique, aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 et si la situation sanitaire le justifie au regard de la circulation virale ou de ses conséquences sur le système de santé, appréciées en tenant compte des indicateurs sanitaires tels que le taux de vaccination, le taux de positivité des tests de dépistage, le taux d’incidence ou le taux de saturation des lits de réanimation, subordonner à la présentation soit du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d’un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19, l’accès à certains lieux, établissements, services ou évènements.

3. Aux termes de l’article 2-2 du décret du 1er juin 2021, dans sa version applicable au litige : « Pour l’application du présent décret : / 1° Sont de nature à justifier de l’absence de contamination par la covid-19 un examen de dépistage RT-PCR ou un test antigénique d’au plus 72 heures dans les conditions prévues par le présent décret. Le type d’examen admis peut être circonscrit aux seuls examens de dépistage RT-PCR ou à certains tests antigéniques si la situation sanitaire, et notamment les variants du SARS-CoV-2 en circulation, l’exige. / 2° Un justificatif du statut vaccinal est considéré comme attestant d’un schéma vaccinal complet : / a) De l’un des vaccins contre la covid-19 ayant fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché délivrée par la Commission européenne après évaluation de l’Agence européenne du médicament ou dont la composition et le procédé de fabrication sont reconnus comme similaires à l’un de ces vaccins par l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé : / – s’agissant du vaccin »COVID-19 Vaccine Janssen", 28 jours après l’administration d’une dose ()/ – s’agissant des autres vaccins, 7 jours après l’administration d’une deuxième dose, sauf en ce qui concerne les personnes ayant été infectées par la covid-19, pour lesquelles ce délai court après l’administration d’une dose ; Pour l’application de l’article 47-1, les personnes de soixante-cinq ans ou plus ayant reçu le vaccin mentionné au présent alinéa doivent, pour que leur schéma vaccinal reste reconnu comme complet à partir du 15 décembre 2021, avoir reçu une dose complémentaire d’un vaccin à acide ribonucléique (ARN) messager remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa du présent a entre 5 et 7 mois suivant l’injection de la dernière dose requise. Pour celles ayant reçu cette dose complémentaire au-delà du délai de 7 mois mentionné à la phrase précédente, le schéma vaccinal est reconnu comme complet 7 jours après son injection. Pour celles ayant reçu cette dose complémentaire avant le 15 décembre 2021, le schéma vaccinal est reconnu comme complet à cette date, ou 7 jours après son injection si elle a été réalisée entre le 10 et le 14 décembre 2021 () « . L’article 47-1 du même décret, relatif au passe sanitaire, prévoit que les personnes qu’il mentionne doivent, pour être accueillies dans les établissements, lieux, services et évènements qu’il énumère, présenter le résultat d’un examen de dépistage ou d’un test dans les conditions qu’il prévoit, un » justificatif du statut vaccinal délivré dans les conditions mentionnées au 2° de l’article 2-2 " ou un certificat de rétablissement délivré dans les conditions mentionnées au 3° de l’article 2-2.

4. En premier lieu, le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un comme l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la norme qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

5. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l’avis de la Haute autorité de santé du 18 novembre 2021, rendu sur le projet de décret, et des observations présentées en défense par la ministre de la santé et de la prévention, qu’à la date de l’acte attaqué, le 25 novembre 2021, seules les personnes vulnérables, parmi lesquelles les personnes âgées de soixante-cinq ans et plus, pouvaient bénéficier d’une dose de rappel du vaccin contre la covid-19 autre que le vaccin « COVID-19 Vaccine Janssen », depuis le 1er septembre 2021, les autres majeurs éligibles n’y ayant eu accès, en fonction des doses et créneaux disponibles, qu’à compter du 27 novembre 2021, ce qui a d’ailleurs amené le Gouvernement à subordonner le maintien du passe sanitaire pour ces personnes à l’injection d’une dose de rappel par le décret n° 2022-27 du 13 janvier 2022. Dans ces conditions, en prévoyant, à la date du décret attaqué, pour les seules personnes de soixante-cinq ans et plus, que le justificatif de statut vaccinal ne serait maintenu, à compter du 15 décembre 2021, qu’aux personnes âgées de soixante-cinq ans et plus ayant reçu une dose de rappel dans les conditions qu’il détermine, permettant de renforcer leurs défenses immunitaires et de réduire leur contagiosité, le Premier ministre a instauré une différence de traitement qui est en rapport direct avec l’objet de la norme qui l’établit et qui n’est pas manifestement disproportionnée, alors que le passe sanitaire était également valide sur présentation d’un test de dépistage RT-PCR ou antigénique négatif de moins de soixante-douze heures ou d’un certificat de rétablissement de plus de onze jours et de moins de six mois.

6. En deuxième lieu, et ainsi qu’il vient d’être dit, le Premier ministre ne s’est pas fondé, pour prendre la disposition attaquée, sur la nécessité de protéger prioritairement les personnes de soixante-cinq ans et plus et de prévenir la saturation des hôpitaux en leur imposant une contrainte supplémentaire pour l’accès aux lieux et services pour lesquels le passe sanitaire est exigé, compte tenu des risques accrus qu’elles encourent si elles contractent la maladie, mais sur la circonstance que ces personnes, à la différence des personnes plus jeunes, avaient accès depuis le 1er septembre 2021 à une dose de rappel de vaccin, nécessaire pour assurer leur protection immunitaire et réduire en conséquence leur contagiosité. Par suite, le moyen tiré de ce que l’auteur du décret ne pouvait légalement fonder sa décision sur l’objectif de protection des personnes vulnérables et de prévention de la saturation des hôpitaux ne peut qu’être écarté.

7. En troisième et dernier lieu, le moyen tiré de ce que les dispositions attaquées sont dépourvues de base légale et méconnaissent pour ce motif l’article 5 de la Déclaration de 1789 ne peut, en tout état de cause, qu’être écarté dès lors que celles-ci ont été prises sur le fondement des dispositions législatives mentionnées au point 2.

8. Il résulte de ce qui précède que la demande de M. B doit être rejetée.

D E C I D E :

— -------------

Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A B et au ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera adressée à la Première ministre et au ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l’issue de la séance du 7 juillet 2022 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; M. Alexandre Lallet, conseiller d’Etat et Mme Dominique Agniau-Canel, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 22 juillet 2022.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

La rapporteure :

Signé : Mme Dominique Agniau-Canel

La secrétaire :

Signé : Mme Sylvie Leporcq

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