Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 22 décembre 2022, 461800, Inédit au recueil Lebon

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Conclusions du rapporteur public · 30 juin 2023

N°s 461962 Union syndicale Solidaires et autres 462013 Ligue des droits de l'homme et autres 462015 Greenpeace France et autres 10ème et 9ème chambres réunies Séance du 19 juin 2023 Décision du 30 juin 2023 CONCLUSIONS M. Laurent DOMINGO, Rapporteur public Au début de l'année 2021, le gouvernement a présenté au Parlement un projet de loi confortant le respect des principes de la République, dont l'exposé des motifs dressait un constat et présentait clairement l'objectif poursuivi : « Un entrisme communautariste, insidieux mais puissant, gangrène lentement les fondements de notre société …

 
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Sur la décision

Référence :
CE, 10e et 9e ch. réunies, 22 déc. 2022, n° 461800
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 461800
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 23 décembre 2022
Identifiant Légifrance : CETATEXT000046888796
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2022:461800.20221222

Sur les parties

Texte intégral

Vu les procédures suivantes :

I. Sous le numéro 461800, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 février, 23 mai et 6 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’Union des associations diocésaines de France, la Conférence des évêques de France, la Fédération protestante de France, l’Union nationale des associations cultuelles de l’Eglise protestante unie de France et l’Assemblée des évêques orthodoxes de France demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1789 du 23 décembre 2021 pris pour l’application de la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que le décret attaqué est entaché :

— d’incompétence négative faute de définir les « activités en relation avec l’exercice public d’un culte » ;

— d’absence de base légale en ce qu’il fait application des articles 4, 4-1 et 4-2 de la loi du 2 janvier 1907 modifiée qui sont incompatibles avec les articles 9 et 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, du fait des atteintes injustifiées, disproportionnées et sans adéquation avec le but poursuivi portées à la liberté d’association et la liberté de religion du fait des contraintes et contrôles imposées aux associations cultuelles « mixtes » ainsi qu’en l’absence de définition de la notion « d’activités en lien avec l’exercice public d’un culte ».

II. Sous le numéro 461803, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 février, 23 mai et 6 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’Union des associations diocésaines de France, la Conférence des évêques de France, la Fédération protestante de France, l’Union nationale des associations cultuelles de l’Eglise protestante unie de France et l’Assemblée des évêques orthodoxes de France demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1844 du 27 décembre 2021 relatif aux associations cultuelles régies par la loi du 9 décembre 1905 ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— la loi du 1er juillet 1901 ;

— la loi du 9 décembre 1905 ;

— la loi du 2 janvier 1907 ;

— la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 ;

— la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 ;

— le décret du 16 mars 1906 ;

— la décision n° 2022-1004 QPC du Conseil constitutionnel du 22 juillet 2022 ;

— le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Alexandra Bratos, auditrice,

— les conclusions de Mme F de Moustier, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de l’Union des associations diocesaines de France, de la Conférence des évêques de France, de la Fédération protestante de France, de l’Union nationale des associations cultuelles de l’Eglise protestante unie de France et de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes de l’Union des associations diocésaines de France, de la Conférence des évêques de France, de la Fédération protestante de France, de l’Union nationale des associations cultuelles de l’Eglise protestante unie de France et de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Les requérants demandent d’annuler pour excès de pouvoir, sous le n° 461800, le décret du 23 décembre 2021 pris pour l’application de la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes, dans sa version résultant de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République et, sous le n° 461803, le décret du 27 décembre 2021 relatif aux associations cultuelles régies par la loi du 9 décembre 1905, dans sa version résultant de la même loi du 24 août 2021.

Sur les conclusions dirigées contre le décret du 23 décembre 2021 pris pour l’application de la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes :

3. L’article 2 du décret attaqué du 23 décembre 2021 dispose que « La déclaration préalable prévue au deuxième alinéa de l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901 susvisée, ou la déclaration complémentaire prévue au cinquième alinéa du même article faite par une association qui modifie ses statuts pour préciser qu’elle accomplit des activités en relation avec l’exercice public d’un culte, est accompagnée de la liste des lieux où est organisé habituellement l’exercice public du culte. Les modifications ultérieures de cette liste font l’objet d’une déclaration complémentaire dans le délai prévu au cinquième alinéa de l’article 5 mentionné ci-dessus. ». Aux termes de son article 3, « Les associations ayant fait appel à la générosité du public afin de soutenir l’exercice du culte établissent un compte d’emploi annuel des ressources ainsi collectées lorsque leur montant excède 50 000 euros. Ce compte d’emploi des ressources figure à l’annexe des comptes annuels. » et aux termes de son article 4, « Les associations sont soumises à l’obligation de certification des comptes prévue au troisième alinéa de l’article 4-1 de la loi du 2 janvier 1907 susvisée lorsque le montant des subventions publiques reçues annuellement dépasse 23 000 euros ou lorsque leur budget annuel dépasse 100 000 euros. ». L’article 5 du même décret prévoit que « Lorsqu’il envisage de faire usage de la procédure prévue au premier alinéa de l’article 4-2 de la loi du 2 janvier 1907 susvisée, le préfet en informe l’association en portant à sa connaissance les éléments établissant qu’elle accomplit des activités en relation avec l’exercice public d’un culte soit de manière non strictement accessoire, soit de manière non occasionnelle. / Il invite l’association à présenter ses observations dans un délai qu’il fixe et qui ne peut être inférieur à quinze jours. /Si, à l’issue de cette procédure, le préfet décide de mettre en demeure l’association de mettre son objet en conformité avec ses activités, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La décision fixe le délai, qui ne peut être inférieur à un mois, dont dispose l’association pour procéder à la modification de ses statuts. /Le préfet peut assortir la mise en demeure qu’il adresse à l’association d’une astreinte, dont le montant journalier ne peut excéder 100 euros, courant à compter de l’expiration du délai mentionné au précédent alinéa () ».

4. En premier lieu, la notion d’activités en relation avec l’exercice public d’un culte recouvre les activités telles que l’acquisition, la location, la construction, l’aménagement et l’entretien des édifices servant au culte, ainsi que l’entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l’exercice du culte. Il s’ensuit que les moyens tirés de ce que, faute de définition de cette notion, le décret serait entaché d’incompétence négative et dépourvu de base légale ne peuvent qu’être écartés.

5. En second lieu, l’article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales stipule que " 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. / 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui « . Aux termes de l’article 11 de la même convention, » 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts. / 2. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’Etat ". Il résulte de ces dispositions qu’une atteinte portée à la liberté d’association, la liberté de pensée, de conscience et de religion n’est justifiée que lorsque celle-ci est prévue par la loi, qu’elle poursuit un but légitime, qu’elle est nécessaire dans une société démocratique et est proportionnée au but poursuivi.

6. Les articles 3 à 5 du décret attaqué, cités au point 3, précisent les nouvelles obligations applicables aux associations régies par la loi du 1er juillet 1901 assurant l’exercice public d’un culte et soumises à ce titre aux dispositions de la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes. Si les dispositions législatives de cette loi du 2 janvier 1907 dont le décret attaqué fait application constituent une ingérence dans la liberté de constitution et d’exercice de ces associations et dans le libre exercice des cultes, elles poursuivent un but légitime dès lors que les nouvelles obligations qu’elles imposent visent à assurer la transparence financière des activités cultuelles de ces associations, dans un objectif de préservation de l’ordre public. Elles sont nécessaires dans une société démocratique et, eu égard à leur champ d’application, qui est limité aux associations dont les ressources, le budget ou les subventions publiques annuelles dépassent un seuil défini par décret en Conseil d’Etat, elles sont proportionnées au but poursuivi. Il s’ensuit que le moyen tiré de l’absence de base légale du décret attaqué en ce qu’il ferait application de dispositions législatives incompatibles avec les articles 9 et 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur les conclusions dirigées contre le décret du 27 décembre 2021 relatif aux associations cultuelles régies par la loi du 9 décembre 1905 :

7. Aux termes des deuxième et troisième alinéas de l’article 31 du décret du 16 mars 1906, dans sa version résultant de l’article 2 du décret attaqué du 27 décembre 2021, « La déclaration préalable prévue au deuxième alinéa de l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901 est accompagnée de la liste des lieux où est organisé habituellement l’exercice public du culte. / A cette déclaration est jointe une liste comprenant un nombre minimum de sept membres majeurs et domiciliés ou résidant dans la circonscription religieuse définie par les statuts ». Aux termes des articles 32-1 à 32-5 du décret du 16 mars 1906, dans leur version résultant de l’article 4 du décret du 27 décembre 2021, " Art. 32-1 .- La déclaration de la qualité cultuelle prévue à l’article 19-1 de la loi du 9 décembre 1905 est accompagnée des documents suivants : / 1° Les statuts de l’association ; / 2° Les nom, prénom (s), profession, domicile et nationalité des personnes qui, à un titre quelconque, sont chargées de son administration ; / 3° Le budget prévisionnel de l’exercice en cours ; / 4° Les comptes annuels des trois derniers exercices clos ou, si l’association a été créée depuis moins de trois ans, les comptes des exercices clos depuis sa création ; / 5° Toute justification tendant à établir que l’association réunit les conditions requises pour être qualifiée d’association cultuelle en application des articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 susvisée ; / 6° La liste des lieux où est organisé habituellement l’exercice public du culte ; / 7° Pour les unions, la liste des associations membres. / Art. 32-2 .- Le préfet accuse réception de la déclaration dans les conditions prévues par les articles L. 114-3, L. 114-5 et R. 112-5 du code des relations entre le public et l’administration. / La déclaration produit ses effets à compter de sa réception et pour une durée de cinq ans, sauf décision d’opposition ou de retrait dans les conditions prévues aux articles 32-3 et 32-4. / L’absence de notification d’une décision expresse d’opposition dans les deux mois suivant la réception de la déclaration ou, en cas de dossier incomplet, suivant la réception de la dernière pièce manquante vaut constatation implicite que l’association remplit les conditions mentionnées au 5° de l’article 32-1. / Le préfet adresse à l’association, sur demande de celle-ci, un document attestant qu’elle réunit les conditions requises pour être qualifiée d’association cultuelle. / Art. 32-3 .- Lorsque le préfet envisage de faire usage du droit d’opposition prévu au deuxième alinéa de l’article 19-1 de la loi du 9 décembre 1905 susvisée au motif que l’association ne réunit pas les conditions requises, il en informe celle-ci par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout autre moyen permettant d’attester de la date de sa réception et l’invite à présenter ses observations dans le délai d’un mois. / Le délai prévu au troisième alinéa de l’article 32-2 est interrompu par l’information mentionnée à l’alinéa ci-dessus. L’absence de notification d’une décision expresse d’opposition dans le délai d’un mois suivant la réception des observations de l’association ou, en l’absence d’observations, à l’expiration du délai d’un mois imparti pour produire vaut constatation implicite que l’association remplit les conditions mentionnées au 5° de l’article 32-1. / Lorsque le préfet décide de s’opposer à la demande, il notifie sa décision motivée à l’association par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout autre moyen permettant d’attester de la date de sa réception. / Art. 32-4 .- Lorsque le préfet envisage, en application du quatrième alinéa de l’article 19-1 de la loi du 9 décembre 1905 susvisée, de retirer à l’association le bénéfice des avantages propres à la catégorie des associations cultuelles au motif qu’elle ne réunit plus les conditions requises, il l’en informe par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout autre moyen permettant d’attester de la date de sa réception et l’invite à présenter ses observations dans un délai d’un mois. / En cas de retrait, le préfet notifie sa décision motivée à l’association, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout autre moyen permettant d’attester de la date de sa réception dans le délai d’un mois suivant la réception des observations de l’association ou, en l’absence d’observations, avant l’expiration du délai d’un mois prévu à cette fin. / Art. 32-5 .- L’association renouvelle la déclaration de la qualité cultuelle dans les conditions prévues à l’article 32-1. / Toutefois, si le renouvellement est effectué au plus tard six mois après l’expiration de la période de cinq années couverte par la précédente déclaration, l’association est dispensée de produire les documents mentionnés aux 1°, 2°, 3° et 6° de l’article 32-1 dès lors qu’elle a satisfait aux obligations prévues à l’article 32. / Si l’association a satisfait aux obligations de dépôt de comptes prévues au dernier alinéa de l’article 4-1 de la loi du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, elle est dispensée de produire les documents indiqués au 4° de l’article 32-1. « . Aux termes des deux premiers alinéas de l’article 33 du même décret, dans sa version résultant de l’article 5 du décret attaqué, » Les seules recettes de l’association sont celles prévues à l’article 19-2 de la loi du 9 décembre 1905. / Les recettes sont exclusivement affectées aux besoins du culte ainsi qu’à l’entretien et à la rénovation des immeubles acquis à titre gratuit mentionnés au quatrième alinéa de l’article 19-2 de la loi du 9 décembre 1905 « . Aux termes de l’article 38 du même décret, dans sa version résultant de l’article 6 du décret attaqué, » L’association cultuelle est soumise à l’obligation de certification des comptes prévue au quatrième alinéa de l’article 21 de la loi du 9 décembre 1905 lorsque le montant total des avantages et ressources mentionnés au I de l’article 19-3 de la même loi dépasse le seuil de 50 000 euros ".

8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des travaux préparatoires de la loi du 24 août 2021, dont le décret attaqué fait application, que la notion « d’avantages propres à la catégorie des associations cultuelles » renvoie à l’ensemble des avantages à caractère patrimonial et fiscal dont bénéficient ces associations. Il s’ensuit que les moyens tirés de ce qu’en l’absence de définition de cette notion, le décret serait entaché d’incompétence négative et dépourvu de base légale ne peuvent qu’être écartés.

9. En deuxième lieu, les articles 2, 4 et 5 du décret attaqué visent à préciser les règles statutaires, la procédure de déclaration de la qualité cultuelle et les modalités de contrôle du financement applicables aux associations cultuelles mises en place par les articles 19, 19-1, 19-2 et 21 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat, dans leur version résultant de la loi du 24 août 2021. Si les dispositions législatives dont le décret attaqué fait application constituent une ingérence dans la liberté de constitution et d’exercice des associations cultuelles ainsi que dans le libre exercice des cultes, elles poursuivent un but légitime dès lors qu’elles instaurent un contrôle de l’autorité administrative visant d’une part, à assurer que les associations cultuelles reçoivent des avantages en lien direct avec leur objet exclusivement cultuel et, d’autre part, à garantir la transparence de leur financement et le bon emploi de leurs ressources. Elles sont nécessaires dans une société démocratique et proportionnées au but poursuivi dès lors qu’elles n’instaurent qu’un régime déclaratif fondé sur des critères objectifs, rationnels et précisément définis n’impliquant pas de reconnaissance d’un culte de la part de l’Etat. Par ailleurs, elles n’imposent l’obligation de certification des comptes qu’à partir d’un certain seuil. Si les articles 2 et 4 du décret attaqué imposent aux associations cultuelles de produire la liste des lieux où est organisé habituellement l’exercice public des cultes au moment, à la fois, de leur constitution et de la déclaration de leur activité cultuelle, ces dispositions, qui poursuivent un but légitime de préservation de l’ordre public, sont aussi proportionnées au regard de l’objectif poursuivi. Il s’ensuit que le moyen tiré de l’absence de base légale du décret attaqué en ce qu’il ferait application de dispositions législatives incompatibles avec les articles 9 et 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. L’article 5 du décret attaqué régit la possibilité d’affecter les recettes des associations cultuelles à l’entretien et à la rénovation des immeubles acquis à titre gratuit, tels qu’ils sont mentionnés au quatrième alinéa de l’article 19-2 de la loi du 9 décembre 1905 dans sa version résultant de la loi du 24 août 2021, qui introduit une nouvelle modalité de financement de celles-ci en les autorisant à posséder et administrer des immeubles acquis à titre gratuit. Si ces dispositions législatives instaurent une différence de traitement entre les associations cultuelles et les autres associations, et notamment les associations reconnues d’utilité publique, en plafonnant pour les premières la part de ressources qu’elles tirent de tels immeubles, cette différence de traitement est justifiée par la différence de situation tenant à leur objet exclusivement cultuel. En revanche, les associations cultuelles ne font pas l’objet d’une différence de traitement en fonction de leur niveau de ressources au regard des dispositions en cause. Il s’ensuit que le moyen tiré de ce que les dispositions de l’article 19-2 de la loi du 24 août 2021 introduiraient une discrimination incompatible avec les stipulations combinées de l’article 14 et des articles 9 et 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne peut qu’être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l’annulation des décrets qu’ils attaquent. Leurs conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être rejetées, ces dispositions faisant obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de l’Etat qui n’est pas la partie perdante dans les présentes instances.

D E C I D E :

— -------------

Article 1er : Les requêtes de l’Union des associations diocésaines de France, de la Conférence des évêques de France, de la Fédération protestante de France, de l’Union nationale des associations cultuelles de l’Eglise protestante unie de France et de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’Union des associations diocésaines de France, première dénommée, pour l’ensemble des requérants et au ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la Première ministre.

Délibéré à l’issue de la séance du 12 décembre 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux présidant ; M. I G, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme K E, M. H B, Mme C N, M. Vincent Daumas, conseillers d’Etat et Mme M D, auditrice-rapporteure.

Rendu le 23 décembre 202Le président :

Signé : M. A L

La rapporteure :

Signé : Mme M D

La secrétaire :

Signé : Mme J O

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