Conseil d'État, 9 mai 2023, 473601, Inédit au recueil Lebon

  • Enfance·
  • Aide sociale·
  • Juge des référés·
  • Jeune·
  • Tribunaux administratifs·
  • Justice administrative·
  • Mineur émancipé·
  • Conseil·
  • Charges·
  • Mineur

Chronologie de l’affaire

Commentaire1

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Vulpi Avocats - Chronique de jurisprudence · 17 juillet 2023

Mai 2023 Actes et décisions - Procédure administrative non contentieuse 1 - Décision faisant grief - Courrier d'un maire à une préfète - Demande de communication d'analyses sanitaires - Refus - Annulation. Par un courrier du 16 novembre 2017 le maire de Maincy a interrogé la préfète de Seine-et-Marne sur les actions engagées par la préfecture pour évaluer la pollution persistante liée à la présence de poussières de dioxine sur le territoire de sa commune due à l'ancien incinérateur. Puis, par un second courrier, du 11 décembre 2017, le maire a demandé à la préfète de lui transmettre le …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CE, juge des réf., 9 mai 2023, n° 473601
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 473601
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Melun, 10 avril 2023, N° 2302890
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 11 mai 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000047623168
Identifiant européen : ECLI:FR:CEORD:2023:473601.20230509

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Mme C A B a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, de l’admettre au bénéfice de l’aide juridictionnelle ainsi que d’enjoindre au président du conseil départemental du Val-de-Marne de poursuivre sa prise en charge dans le cadre d’un « contrat jeune majeur » afin de lui permettre de poursuivre ses études, dans un délai de quarante-huit heures suivant la notification de l’ordonnance à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions d’astreinte et de délai.

Par une ordonnance n° 2302890 du 11 avril 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Melun, après avoir admis Mme A B à l’aide juridictionnelle provisoire, a suspendu l’exécution de la décision du 10 mars 2023 du président du conseil départemental du Val-de-Marne refusant à Mme A B la conclusion d’un « contrat jeune majeur » et a enjoint au président du conseil départemental du Val-de-Marne, dans un délai de huit jours à compter de la notification de son ordonnance, de réexaminer la situation de Mme A B, notamment en lui proposant un accompagnement comportant l’accès à une solution de logement adaptée, une prise en charge de ses besoins alimentaires et sanitaires ainsi qu’un suivi éducatif afin de lui permettre de poursuivre sa scolarité au moins jusqu’à la fin de l’année scolaire en cours.

Par une requête, enregistrée le 25 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le président du conseil départemental du Val-de-Marne demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d’annuler l’ordonnance du 11 avril 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A B devant le juge des référés du tribunal administratif de Melun.

Il soutient que :

— il n’a pas été porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ;

— l’obligation de continuité de la prise en charge des mineurs placés devenus majeurs qui pèse sur le conseil départemental du Val-de-Marne, conformément à la loi du 7 février 2022, ne peut être interprétée comme donnant nécessairement lieu, d’une part, à la conclusion d’un « contrat jeune majeur » dès lors que le comportement général du majeur vulnérable doit être pris en compte et, d’autre part, à l’octroi d’un hébergement ;

— rien n’obligeait le conseil départemental à conclure un « contrat jeune majeur » avec Mme A B dès lors que l’intéressée se désintéresse du projet éducatif proposé, que son placement a été émaillé d’incidents graves, et qu’elle a démontré un profond manque d’investissement dans le cadre de ses études ;

— Mme A B n’est pas isolée sur le territoire français dès lors que ses parents, résidant en Tunisie, et son frère, résidant en France, ainsi qu’un ami, peuvent la prendre en charge et lui apporter une aide financière.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— la Constitution ;

— le code de l’action sociale et des familles ;

— le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. () ». En vertu de l’article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d’urgence n’est pas remplie ou lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée.

2. Le département du Val-de-Marne fait appel de l’ordonnance en date du 11 avril 2023 par laquelle juge des référés du tribunal administratif de Melun a suspendu la décision du président du conseil départemental du Val-de-Marne refusant d’accorder à Mme A B la poursuite de sa prise en charge au titre d’un contrat « jeune majeur » et lui a enjoint de réexaminer sa situation notamment en lui proposant un accompagnement comportant l’accès à une solution de logement adaptée, la prise en charge de ses besoins alimentaires et sanitaires ainsi qu’un suivi éducatif pour lui permettre de poursuivre sa scolarité au moins jusqu’à la fin de l’année scolaire en cours.

3. Aux termes de l’article L. 221-1 du code de l’action sociale et des familles dispose : « Le service de l’aide sociale à l’enfance est un service non personnalisé du département chargé des missions suivantes : 1° Apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique tant aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l’autorité parentale, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social, qu’aux mineurs émancipés et majeurs de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre () ». Aux termes de l’article L. 222-5 du même code : « Sont pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance sur décision du président du conseil départemental : () 5° Les majeurs âgés de moins de vingt et un ans et les mineurs émancipés qui ne bénéficient pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants, lorsqu’ils ont été confiés à l’aide sociale à l’enfance avant leur majorité, y compris lorsqu’ils ne bénéficient plus d’aucune prise en charge par l’aide sociale à l’enfance au moment de la décision mentionnée au premier alinéa du présent article. / Peuvent être également pris en charge à titre temporaire, par le service chargé de l’aide sociale à l’enfance, les mineurs émancipés et les majeurs âgés de moins de vingt et un ans qui ne bénéficient pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants./ Un accompagnement est proposé aux jeunes mentionnés au 1° du présent article devenus majeurs et aux majeurs mentionnés au 5° et à l’avant-dernier alinéa, au-delà du terme de la mesure, pour leur permettre de terminer l’année scolaire ou universitaire engagée ».

4. Il résulte de l’instruction devant le juge des référés du tribunal administratif de Melun que Mme A B, ressortissante tunisienne née le 27 mars 2005 à Sousse, entrée en France en juillet 2020, a fait l’objet d’un placement provisoire à l’aide sociale à l’enfance du Val-de-Marne par une ordonnance du 4 août 2020 du procureur de la République du tribunal judiciaire de Créteil. Par un jugement en assistance éducative en date du 12 août 2020, le juge des enfants de ce tribunal l’a confiée à la direction de la protection de l’enfance et de la jeunesse du conseil départemental du Val-de-Marne pour une durée de quatre mois, et ce placement a été prolongé par une nouvelle ordonnance du 6 janvier 2021. Une procédure de tutelle d’Etat a été ouverte le 12 avril 2021 par le juge des tutelles des mineurs de ce tribunal, l’assistance éducative étant en conséquence déclarée sans objet le 16 avril 2021. La tutelle de Mme A B a fait l’objet d’une mainlevée le 25 octobre 2022. Par un nouveau jugement en assistance éducative du 3 janvier 2023, le juge des enfants du tribunal judicaire de Créteil a placé à nouveau Mme A B sous la responsabilité de la direction de la protection de l’enfance et de la jeunesse du conseil départemental du Val-de-Marne. Le 22 février 2023, Mme A B a demandé au président du conseil départemental la conclusion d’un « contrat jeune majeur » pour terminer ses études d’esthétique au lycée Armand Guillaumin à Orly (Val-de-Marne). Par une décision du 10 mars 2023, le président du conseil départemental a refusé de faire droit à sa demande et l’a informée de la fin de sa prise en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance à compter du 27 mars 2023.

5. Il résulte des dispositions précitées de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles que, depuis l’entrée en vigueur du I de l’article 10 de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, qui a modifié cet article sur ce point, les jeunes majeurs de moins de vingt-et-un ans ayant été pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance d’un département avant leur majorité bénéficient d’un droit à une nouvelle prise en charge par ce service, lorsqu’ils ne disposent pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants.

6. D’une part, le département du Val-de-Marne n’apporte en appel aucun élément de nature à remettre en cause le constat du juge des référés du tribunal de Melun selon lequel Mme A B ne bénéficie d’aucun soutien familial réel, d’aucune ressource, ni d’aucune solution d’hébergement stable à compter du 27 mars 2023. D’autre part, c’est à bon droit que le juge des référés a estimé que les réserves pouvant être exprimées concernant le comportement de Mme A B dans le cadre de l’accompagnement dont elle a bénéficié lorsqu’elle était mineure ainsi que son manque d’investissement dans ses études ne pouvaient suffire, pour l’application des dispositions du 5° de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles issues de la loi du 7 février 2022, à justifier qu’il soit mis fin à sa prise en charge par l’aide sociale à l’enfance. Ainsi, eu égard à l’ensemble des circonstances particulières de l’espèce, l’argumentation présentée en appel par le président du conseil départemental du Val-de-Marne ne conduit pas à remettre en cause l’appréciation du juge des référés du tribunal administratif de Melun ni sur l’existence d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale résultant du refus de prolonger la prise en charge de Mme A B, en sa qualité de jeune majeure, ni sur l’urgence de cette prise en charge.

7. Il résulte de ce qui précède que le département requérant n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a suspendu la décision du président du conseil départemental du Val-de-Marne refusant d’accorder à Mme A B la poursuite de sa prise en charge au titre d’un contrat « jeune majeur » et lui a enjoint de réexaminer sa situation notamment en lui proposant un accompagnement approprié. Il y a lieu dès lors de rejeter son appel selon la procédure prévue par l’article L. 522-3 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

— -----------------

Article 1er : La requête du Président du conseil départemental du Val-de-Marne est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au conseil départemental du Val-de-Marne.

Copie en sera adressée à Mme C A B.

Fait à Paris, le 9 mai 2023

Signé : Alban de Nervaux

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Conseil d'État, 9 mai 2023, 473601, Inédit au recueil Lebon