CEDH, Note d’information sur l'affaire 14277/04, 12 février 2008, 14277/04

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Chronologie de l’affaire

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Roseline Letteron · Liberté, Libertés chéries · 3 juillet 2016

Le statut juridique des lanceurs d'alerte ressemble à un chantier en construction, auquel la décision rendue par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 30 juin 2016 vient apporter une nouvelle pierre. Elle a saisi l'occasion d'un contentieux ignoré de tous, parfaitement à l'écart des scandales financiers qui font les délices des médias. L'action ne se passe pas au Luxembourg, ni au siège social d'une grande banque, mais à Basse-Terre, au sein de l'"association guadeloupéenne de gestion et de réalisation des examens de santé et de promotion de la santé". En 2009, M. X. est …

 

CEDH

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Sur la décision

Référence :
CEDH, 12 févr. 2008, n° 14277/04
Numéro(s) : 14277/04
Type de document : Note d'information
Niveau d’importance : Publiée au Recueil
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Exception préliminaire rejetée (applicabilité) ; Violation de l'art. 10 ; Dommage matériel et préjudice moral - réparation (globale)
Identifiant HUDOC : 002-2266
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Texte intégral

Note d’information sur la jurisprudence de la Cour No 105

Février 2008

Guja c. Moldova [GC] - 14277/04

Arrêt 12.2.2008 [GC]

Article 10

Article 10-1

Liberté de communiquer des informations

Renvoi d’un fonctionnaire du parquet général pour avoir laissé filtrer dans la presse des éléments indiquant une ingérence apparente du Gouvernement dans l’administration de la justice pénale: violation

En fait : En janvier 2003, le président moldave fit une déclaration dans laquelle il soulignait la nécessité de lutter contre la corruption et demandait aux agents chargés de l’application de la loi d’ignorer toute tentative de pression abusive de responsables publics. Sa déclaration fut diffusée par les médias. Quelques jours plus tard, le requérant, qui dirigeait le service de presse du parquet général, adressa à un journal national deux lettres que le parquet général avait reçues. Ces documents ne comportaient aucune mention de confidentialité. Le premier était une note du vice-président du Parlement au procureur général, accompagnée de la lettre de quatre policiers qui, accusés de détention illégale et de mauvais traitements à détenus, avaient demandé à bénéficier d’une immunité de poursuites. La note était critique envers le parquet général et rendait hommage aux policiers, précisant qu’ils appartenaient à l’une des « meilleures équipes » du ministère. Le vice-président terminait en demandant au procureur « d’intervenir personnellement dans cette affaire et de la résoudre dans le strict respect de la loi ». La seconde lettre adressée par un vice-ministre à un procureur général adjoint révélait que l’un des policiers avait déjà été condamné d’actes de violence sur des détenus mais avait par la suite été amnistié. Après avoir reçu les lettres, le journal publia un article qui décrivait la campagne contre la corruption lancée par le Président et indiquait que l’abus de pouvoir était un problème largement répandu en Moldova. Le journal citait à titre d’exemple les tentatives apparentes du vice-président du Parlement pour protéger les quatre policiers et reproduisait des copies des deux lettres. Le requérant reconnut par la suite avoir communiqué les deux lettres au journal, mais déclara avoir agi en réaction aux déclarations du Président sur la lutte contre la corruption pour donner une image positive du parquet, ajoutant que les lettres n’étaient pas confidentielles. Toutefois, il fut révoqué au motif qu’il n’avait pas consulté ses collègues et qu’il avait divulgué des documents secrets. Il intenta en vain au civil une action en réintégration.

En droit : Jusqu’ici la Cour n’a encore eu à connaître d’aucune affaire dans laquelle un fonctionnaire aurait divulgué des informations internes. En ce qui concerne les agents de la fonction publique, qu’ils soient contractuels ou statutaires, la Cour observe qu’ils peuvent être amenés, dans l’exercice de leur mission, à prendre connaissance d’informations internes, éventuellement de nature secrète, que les citoyens ont un grand intérêt à voir divulguer ou publier. Dans ces conditions, la dénonciation par de tels agents de conduites ou d’actes illicites constatés sur leur lieu de travail doit être protégée dans certaines circonstances. Pareille protection peut s’imposer lorsque l’agent concerné est seul à savoir – ou fait partie d’un petit groupe dont les membres sont seuls à savoir – ce qui se passe sur son lieu de travail et est donc le mieux placé pour agir. En pareil cas, la personne concernée doit procéder à la divulgation d’abord auprès de son supérieur ou d’une autre autorité ou instance compétente. La divulgation au public ne doit être envisagée qu’en dernier ressort, en cas d’impossibilité manifeste d’agir autrement.

Pour apprécier la proportionnalité d’une atteinte portée à la liberté d’expression d’un fonctionnaire en pareil cas, il y a lieu de tenir compte de divers facteurs. Premièrement, il faut examiner si l’intéressé disposait d’autres moyens effectifs de faire porter remède à la situation qu’il jugeait critiquable. La Cour relève que ni la législation moldave ni le règlement intérieur du parquet général ne contenaient de dispositions concernant la divulgation par des salariés d’irrégularités. Il apparaît donc que le requérant ne pouvait faire part de ses préoccupations qu’à ses supérieurs et qu’aucune procédure n’était prévue en la matière. Le procureur général n’avait manifesté aucune intention de réagir à la lettre du vice-président du Parlement, donnant plutôt l’impression d’avoir succombé aux pressions politiques. Dans ces circonstances, une divulgation à l’extérieur du parquet, même à un journal, pouvait se justifier. Deuxièmement, il faut accorder une attention à l’intérêt public que présentait l’information divulguée. Sur ce point, la Cour ne saurait admettre que la note adressée par le vice-président du Parlement au procureur général avait pour seul objet de transmettre la lettre des policiers à l’organe compétent et on ne saurait exclure que la note visait à exercer une pression sur le parquet général, nonobstant la mention selon laquelle l’affaire devait être « examinée dans le strict respect de la loi ». La Cour constate au demeurant que le président moldave a fait campagne contre la pratique des ingérences politiques dans la justice pénale et que le sujet a largement défrayé la chronique des médias moldaves. Les lettres divulguées par le requérant avaient un rapport avec des questions très importantes dans une société démocratique – telles que la séparation des pouvoirs, l’abus de fonctions de la part de personnalités politiques de haut rang et l’attitude du gouvernement à l’égard des brutalités policières – dont l’opinion publique a un intérêt légitime à être informée. Il y avait donc un intérêt public à la divulgation. Le troisième point, à savoir l’authenticité des informations divulguées ne fait l’objet d’aucune controverse entre les parties. Quant au préjudice causé à l’autorité publique concernée, la Cour considère que, malgré les effets négatifs sur la confiance du public dans l’indépendance du parquet général, l’intérêt général à ce que soient divulguées les informations faisant état de pressions et d’agissements illicites au sein de cette institution est si important qu’il l’emporte sur l’intérêt qu’il y a à maintenir la confiance du public dans son indépendance. En ce qui concerne la bonne foi du requérant, la Cour n’aperçoit aucune raison de penser que le requérant était motivé par le désir de tirer un avantage personnel de son acte, qu’il nourrissait un grief personnel, ou qu’il était mû par une quelconque autre intention cachée. Enfin, l’évaluation de la proportionnalité passe par une analyse de la peine imposée au requérant. La Cour note que le requérant s’est vu infliger la sanction la plus lourde possible (révocation). Non seulement cette sanction a eu des répercussions très négatives sur la carrière de l’intéressé, mais elle risquait également d’avoir un effet dissuasif sur d’autres  fonctionnaires et salariés, compte tenu de l’écho donné par les médias à l’affaire du requérant. L’imposition d’une sanction aussi sévère ne risquait que de décourager le signalement d’agissements irréguliers et était difficilement justifiable. La Cour, après avoir pesé les divers intérêts en jeu, conclut que l’atteinte portée au droit à la liberté d’expression du requérant, en particulier à son droit de communiquer des informations, n’était pas « nécessaire dans une société démocratique ».

Conclusion : violation (unanimité).

Article 41 – 10 000 EUR pour préjudice moral.

© Conseil de l’Europe/Cour européenne des droits de l’homme
Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.

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CEDH, Note d’information sur l'affaire 14277/04, 12 février 2008, 14277/04