CEDH, Note d’information sur l'affaire 4907/18, 7 mai 2021, 4907/18

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Chronologie de l’affaire

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1Communiqué de presse sur l'affaire 4907/18
CEDH

Communiqué de presse sur l'affaire 4907/18

 

2Note d’information sur l'affaire 43572/18
CEDH

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3Communiqué de presse sur les affaires 10103/20 et 4907/18
CEDH

Communiqué de presse sur les affaires 10103/20 et 4907/18

 
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Sur la décision

Référence :
CEDH, 7 mai 2021, n° 4907/18
Numéro(s) : 4907/18
Type de document : Note d'information
Niveau d’importance : Importance élevée
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Violation de l'article 6 - Droit à un procès équitable (Article 6 - Procédure civile ; Article 6-1 - Droits et obligations de caractère civil ; Procès équitable) ; Violation de l'article 6 - Droit à un procès équitable (Article 6 - Procédure constitutionnelle ; Article 6-1 - Droits et obligations de caractère civil ; Tribunal établi par la loi) ; Dommage matériel - demande rejetée (Article 41 - Dommage matériel ; Satisfaction équitable)
Identifiant HUDOC : 002-13247
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Texte intégral

Note d’information sur la jurisprudence de la Cour 251

Mai 2021

Xero Flor w Polsce sp. z o.o. c. Pologne - 4907/18

Arrêt 7.5.2021 [Section I]

Article 6

Procédure constitutionnelle

Article 6-1

Tribunal établi par la loi

Graves irrégularités qui ont entaché l’élection à la Cour constitutionnelle d’un juge ayant siégé dans le collège chargé d’examiner le recours constitutionnel formé par la société requérante : violation

En fait – La société requérante – un important producteur de gazon – engagea une action en réparation pour des dégâts causés sur son gazon par des animaux sauvages venus d’un domaine boisé qui était la propriété de l’État. Dans le droit interne (la loi sur la chasse), la procédure d’évaluation du préjudice et de paiement de l’indemnité pour les cultures relevait du ministre de l’Environnement, et l’arrêté applicable édicté par le ministre limitait l’indemnité à un pourcentage de la valeur totale du préjudice. Les parties étaient en désaccord sur le montant de l’indemnité qui était due. Devant les juridictions internes, la société requérante argua notamment, sans succès, de l’inconstitutionnalité de la législation et de l’application de l’arrêté. Elle introduisit ultérieurement un recours constitutionnel : un collège de cinq juges de la Cour constitutionnelle, dont M.M., décida à la majorité de clore cette procédure.

Devant la Cour, la société requérante allègue que l’élection de M.M., l’un des juges ayant siégé dans le collège de la Cour constitutionnelle qui a examiné son recours constitutionnel, n’avait pas été conforme au droit interne.

Lors de sa dernière session en octobre 2015, la Diète (ou Sejm, c’est-à-dire la chambre basse du Parlement polonais) de la septième législature avait adopté des résolutions élisant cinq juges en remplacement de ceux dont le mandat arrivait à son terme (le mandat de trois d’entre eux devait expirer pendant la septième législature de la Diète). Les juges élus n’avaient pas prêté serment devant le président de la République. En novembre 2015, la Diète de la nouvelle (huitième) législature avait adopté, entre autres, des résolutions sur « l’absence d’effet juridique » de l’élection de ces cinq juges par la Diète précédente (« les résolutions de novembre »), et en décembre, elle avait élu cinq nouveaux juges à la Cour constitutionnelle, dont M.M. Ces juges avaient prêté serment devant le président.

Dans un arrêt du 3 décembre 2015, qui fut confirmé par une série de décisions ultérieures, la Cour constitutionnelle avait constaté diverses incompatibilités avec la Constitution et conclu à l’invalidité de l’élection par la Diète de la nouvelle (huitième) législature de trois des juges, dont le juge M.M., à des sièges qui avaient déjà été pourvus en octobre par la Diète précédente.

La Diète de la huitième législature avait par la suite adopté une législation comportant une disposition qui prévoyait que les juges en question devaient intégrer une formation de jugement et se voir attribuer des affaires. La Cour constitutionnelle avait déclaré cette disposition inconstitutionnelle. Un texte de loi renfermant des dispositions similaires fut ultérieurement adopté, il entra en vigueur en 2017 et M.M. fut admis à siéger à la Cour constitutionnelle. Dans un arrêt d’octobre 2017, la Cour constitutionnelle déclara que ces nouvelles dispositions législatives étaient compatibles avec la Constitution.

En droit – Article 6 § 1 :

a) Applicabilité – La procédure devant la Cour constitutionnelle a été directement décisive pour le droit de caractère civil que la société requérante revendiquait. De fait, si la Cour constitutionnelle avait conclu que la disposition de l’arrêté, qui avait constitué la base de la décision définitive dans l’affaire, avait porté atteinte au droit de propriété garanti par la Constitution dans le chef de la société requérante, celle-ci aurait été en mesure de prier la juridiction compétente de rouvrir la procédure civile en vertu de la Constitution et du code de procédure civile. Dans leur nouvel examen de l’affaire, les juridictions auraient été tenues d’ignorer l’acte normatif qui avait été déclaré inconstitutionnel et d’examiner la demande d’indemnité formée par la société requérante sous le seul angle de la loi sur la chasse, tout en respectant le principe général de droit civil voulant qu’un préjudice soit entièrement indemnisé. L’article 6 § 1 trouve donc à s’appliquer à la procédure devant la Cour constitutionnelle en l’espèce.

b) Fond – La Cour recherche si les irrégularités observées dans la procédure d’élection des juges en décembre 2015 ont eu pour effet de priver la société requérante de son droit à un « tribunal établi par la loi » et retient pour ce faire la démarche en trois étapes exposées dans l’arrêt Guðmundur Andri Ástráðsson :

i) Y a-t-il eu une violation manifeste du droit interne ? – En premier lieu, dans son arrêt du 3 décembre 2015, la Cour constitutionnelle a conclu que les résolutions de novembre n’avaient pas produit d’effet juridique sur les résolutions prises par la Diète de la septième législature aux fins de l’élection des juges étant donné que ni cette Diète ni la suivante n’avaient le pouvoir de modifier une décision antérieure relative à l’élection d’un juge à la Cour constitutionnelle. Dans une décision ultérieure, la Cour constitutionnelle a ajouté qu’il n’existait aucune règle juridique autorisant un organe de l’État, y compris la Diète, à déclarer invalide une résolution de la Diète portant sur l’élection d’un juge à la Cour constitutionnelle. À la lumière de ces constats, l’adoption des résolutions de novembre a méconnu le droit interne.

En deuxième lieu, en accord avec la série de décisions pertinentes prises par la Cour constitutionnelle, la Cour conclut que le déroulement de l’élection des trois juges, dont le juge M.M., à la Cour constitutionnelle a méconnu l’article 194 § 1 de la Constitution, qui dispose qu’un juge doit être élu par la Diète dont la législature couvre la date à laquelle son siège devient vacant. De plus, comme l’a établi la Cour constitutionnelle, l’élection de ces trois juges concernait des sièges qui avaient déjà été pourvus par les juges dûment élus par la Diète de la septième législature. Par conséquent, les résolutions prises par la Diète de la huitième législature concernant l’élection des trois juges en question ont constitué une deuxième infraction au droit interne régissant la procédure d’élection des juges à la Cour constitutionnelle. 

En troisième lieu, la Cour constitutionnelle a dit que le président de la République était tenu par l’obligation de recueillir immédiatement le serment d’un juge constitutionnel élu par la Diète. Le président a refusé de recevoir la prestation de serment des trois juges qui avaient été dûment élus par la Diète de la septième législature mais en revanche, il a immédiatement recueilli le serment des juges élus par la Diète de la huitième législature. Ces actes et omissions doivent être considérés comme contrevenant au droit interne s’agissant du processus électoral des juges à la Cour constitutionnelle.

La Cour ne saurait admettre l’argument exposé par le Gouvernement selon lequel ces décisions de la Cour constitutionnelle étaient dénuées de toute incidence sur la validité de l’élection du juge M.M. En particulier, faisant référence à l’arrêt de la Cour constitutionnelle d’octobre 2017, le Gouvernement affirme que la dernière vérification concernant l’élection d’un juge à la Cour constitutionnelle a lieu au stade de la prestation de serment devant le président, et il souligne l’importance de cet acte. Cependant, cet arrêt, sans s’appuyer sur le moindre motif de fond, a ignoré et/ou contredit les arrêts antérieurs de la Cour constitutionnelle. Dans ces conditions, l’arrêt d’octobre 2017 ne pouvait pas remédier aux vices fondamentaux qui entachaient l’élection de ces trois juges, dont M.M., tels qu’ils avaient été décrits en termes clairs par les décisions antérieures de la Cour constitutionnelle, pas plus qu’il ne pouvait légitimer leur élection. De plus, le collège de cinq juges qui avait rendu ce dernier arrêt comptait deux juges (dont M.M.) élus par la Diète de la huitième législature dont la situation était en jeu dans la procédure en question. Compte tenu de ce qui précède, l’arrêt d’octobre 2017 ne pèse pas d’un grand poids, voire pas du tout, dans l’appréciation de la validité de l’élection litigieuse des juges à la Cour constitutionnelle.

Aux fins de la première étape de cette démarche, les trois infractions en cause doivent être considérées comme des violations manifestes du droit interne.

ii) Les violations du droit interne touchent-elles une règle fondamentale de la procédure de nomination des juges ? – Ces violations du droit interne concernaient une règle fondamentale de la procédure électorale, à savoir la règle voulant qu’un juge que la Cour constitutionnelle soit élu pendant la législature de la Diète durant laquelle son siège devient vacant. La Cour constitutionnelle a reconnu cette règle fondamentale découlant de la Constitution dans son arrêt du 3 décembre 2015 et elle l’a confirmée dans ses quatre décisions ultérieures.

L’élection des trois juges en décembre 2015 et leur prestation de serment sont intervenues juste avant que la Cour constitutionnelle rendît son arrêt. La précipitation avec laquelle la Diète de la huitième législature et le président ont agi, alors qu’ils savaient que le prononcé de la décision de la Cour constitutionnelle était imminent, conduit à douter du caractère régulier de l’ingérence de ces autorités dans le processus d’élection des juges constitutionnels.

Ces manquements à une règle fondamentale ont été aggravés, en premier lieu, par la Diète de la huitième législature et par le président, lorsqu’ils ont persisté à passer outre le constat dressé par la Cour constitutionnelle dans ses décisions pertinentes, et, en second lieu, par le pouvoir législatif, lorsqu’il a essayé, au moyen d’actes législatifs, de faire passer en force l’élection des trois juges, dont le juge M.M., à la Cour constitutionnelle. À cet égard, la Cour est particulièrement préoccupée par le fait que la Cour constitutionnelle avait, dans deux arrêts, déclaré l’inconstitutionnalité de dispositions législatives visant à faire passer en force la nomination des juges et que le Premier ministre avait refusé de publier ces arrêts, au mépris de la disposition constitutionnelle commandant que les arrêts de la Cour constitutionnelle soient publiés immédiatement. De plus, la Diète de la huitième législature a continué de passer outre les décisions de la Cour constitutionnelle pour finir par adopter une législation ayant conduit à faire admettre les trois juges à la Cour constitutionnelle.

En manquant à leur obligation de se conformer aux arrêts pertinents de la Cour constitutionnelle, les autorités législatives et exécutives ont agi de manière incompatible avec l’État de droit. En outre, leur manquement à cet égard prouve leur mépris pour le principe de légalité, qui commande que l’action de l’État soit prévue et autorisée par la loi. De surcroît, le non-respect par les autorités des arrêts pertinents de la Cour constitutionnelle est également lié à la contestation par ces autorités du rôle d’arbitre ultime que joue la Cour constitutionnelle dans des affaires impliquant une interprétation de la Constitution et portant sur la constitutionnalité de la loi. Cet aspect de l’affaire doit également être considéré comme entravant la réalisation du but visé par la règle voulant que tout tribunal soit « établi par la loi », et ce constat vaut également pour le refus par le Premier ministre de publier les arrêts en question.

Les actes des pouvoirs législatif et exécutif ont par conséquent été constitutifs d’une influence extérieure irrégulière exercée sur la Cour constitutionnelle. Les infractions à la procédure d’élection des trois juges, dont M.M., à la Cour constitutionnelle étaient d’une gravité telle qu’elles ont compromis la légitimité du processus électoral et vidé de sa substance même le droit à un « tribunal établi par la loi ».

iii) Les violations alléguées du droit à un « tribunal établi par la loi » ont-elles fait l’objet d’un contrôle et d’un redressement effectifs par les juridictions internes ? – Le droit polonais ne prévoyait pas de procédure par laquelle la société requérante aurait pu contester les vices allégués dans le processus d’élection des juges à la Cour constitutionnelle. Par conséquent, aucune voie de recours n’a été offerte.

Conclusion : violation (unanimité).

Article 41 : demande de dommage matériel rejetée ; pas de demande pour préjudice moral.

La Cour dit également, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 concernant le droit à un procès équitable à raison du caractère insuffisant des motifs énoncés par les juridictions internes pour justifier le refus de saisir la Cour constitutionnelle d’une question juridique.

(Voir aussi Guðmundur Andri Ástráðsson c. Islande [GC], 26374/18, 1er décembre 2020, Résumé juridique)

© Conseil de l’Europe/Cour européenne des droits de l’homme
Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.

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