CEDH, Note d’information sur l'affaire 70133/16, 5 juillet 2022, 70133/16

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Communiqué de presse sur l'affaire 70133/16

 

CEDH

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Communiqué de presse sur les affaires 31029/15, 2303/19, 40462/16, 19750/13, 39028/17, 42907/17, 48762/19, 58359/12, 64725/19, 81292/17 et …

 
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Sur la décision

Référence :
CEDH, 5 juill. 2022, n° 70133/16
Numéro(s) : 70133/16
Type de document : Note d'information
Niveau d’importance : Importance moyenne
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Violation de l'article 14+P1-1 - Interdiction de la discrimination (Article 14 - Discrimination) (Article 1 du Protocole n° 1 - Protection de la propriété ; Obligations positives) ; Dommage matériel - demande rejetée (Article 41 - Dommage matériel ; Satisfaction équitable)
Identifiant HUDOC : 002-13735
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Texte intégral

Note d’information sur la jurisprudence de la Cour 264

Juillet 2022

Dimici c. Turquie - 70133/16

Arrêt 5.7.2022 [Section II]

Article 14

Discrimination

Tribunaux appliquant, au détriment d'une femme et de ses héritiers, le statut d'une fondation privée du 16e siècle réservant un revenu aux descendants masculins du fondateur : violation

En fait – Les juridictions nationales ont refusé de reconnaître à l’épouse et mère des requérants (leur de cujus) la qualité d’ayant droit à l’excédent de revenu d’une fondation privée instituée à l’époque ottomane, qui verse ces sommes aux descendants du fondateur en fonction du degré de parenté en ligne directe. Le refus était motivé uniquement par le sexe féminin de la de cujus des requérants. À cet égard, les tribunaux se sont fondés sur l’acte constitutif de la fondation datant du 16e siècle, selon lequel seuls les descendants de sexe masculin peuvent bénéficier de ce revenu.

En droit – Article 14 de la Convention combiné avec l’article 1 du Protocole no 1 :

1. Sur l’existence d’une différence de traitement fondée sur le sexe – En premier lieu, la de cujus des requérants s’est vu refuser le droit de bénéficier de l’excédent de revenu de la fondation alors que, parce qu’elle était une descendante en ligne directe, elle y aurait eu droit si elle avait été de sexe masculin.

En second lieu, elle a également été privée de la possibilité de « transmettre » à ses enfants la qualité de bénéficiaire de l’excédent de revenu (lorsque l’ordre générationnel le leur aurait permis), contrairement aux descendants de sexe masculin se trouvant dans une situation non pas simplement analogue mais strictement identique à la sienne.

Quant à l’affirmation du Gouvernement selon laquelle la situation dont se plaignent les requérants n’était pas préjudiciable à leur de cujus dans la mesure où les sommes versées aux descendants de sexe masculin sont celles qui restent après le versement de l’aide vestimentaire et de la pension alimentaire aux descendantes, la Cour estime, sachant que la fondation disposerait de plusieurs millions de livres turques de revenus, qu’elle est spéculative et qu’elle ne correspond aucunement à la situation ici en cause. L’éventualité que les sommes versées aux descendants au titre de l’excédent de revenu puissent éventuellement être inférieures à celles versées aux descendantes ne change rien à l’existence d’une discrimination.

Au demeurant, cette thèse n’a aucune incidence sur le second point de la différence de traitement. Et l’argument du Gouvernement à ce sujet est fallacieux. En effet, si certains hommes se trouvent privés de la qualité de bénéficiaire des revenus, c’est en raison non pas d’une absence de discrimination mais précisément de la discrimination subie par leurs mères.

Par conséquent, il ne fait aucun doute que la de cujus des requérants avait fait l’objet d’une différence de traitement fondée sur le sexe.

2. Sur l’observation de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 1 du Protocole no 1 –

a) Sur la nature des obligations en jeu – Pour le Gouvernement, le grief devrait être examiné sur le terrain des obligations positives, la fondation est administrée non pas par les autorités publiques mais par les descendants du fondateur et le différend en cause est d’ordre purement privé. Toutefois la mesure constitutive de la discrimination en cause n’est pas une décision adoptée par la fondation mais par un jugement du tribunal.

En vertu du droit interne, le pouvoir de reconnaître la qualité d’ayant droit appartient aux seules autorités judiciaires, les fondations n’ont pas compétence pour ce faire. L’atteinte au droit de la de cujus des requérants découle donc d’un acte de l’autorité judiciaire.

Les tribunaux ont fondé leur décision sur les dispositions de l’acte constitutif de la fondation. Les tribunaux n’ont pas écarté les dispositions discriminatoires de cet acte, c’est-à-dire une omission ou une passivité de leur part. Dès lors, la question soulevée doit être examinée sur le terrain des obligations positives (voir, a contrario, Molla Sali c. Grèce [GC]).

b) Sur le respect des obligations – La discrimination subie par l’intéressée ne reposait sur aucune justification autre que la volonté du fondateur, laquelle procède de considérations sociales et d’une vision de la femme qui prévalaient à l’époque de la création de la fondation au début du 16e siècle.

La circonstance que le litige relevait d’une relation entre personnes privées n’exonère pas l’État de ses obligations de prévenir et de sanctionner la discrimination entre des personnes privées.

Les tribunaux se sont contentés d’établir puis d’appliquer la volonté du fondateur, tel qu’exprimée dans l’acte constitutif, sans vérifier sa conformité à la Convention, à la Constitution ou aux lois, selon la hiérarchie des normes, alors même qu’elle soulevait manifestement une question au regard des principes de non-discrimination et de l’égalité entre hommes et femmes.

La légalité de la volonté du fondateur au droit en vigueur à l’époque ne saurait en soi garantir une quelconque primauté ou immunité face aux normes actuelles relatives à l’ordre public et à la Convention. Cela est d’autant plus que cette pratique procède de conceptions sociales et morales et d’une vision archaïque du rôle de la femme qui n’ont plus cours dans la société turque et plus largement dans les sociétés européennes.

Il n’y a aucun lien entre les modalités de répartition de l’excédent de revenus de la fondation découlant de la volonté du fondateur et la réalisation d’activités relevant de l’intérêt général. Si la fondation utilise ses revenus en priorité pour l’entretien de son patrimoine immobilier, dont des biens offerts à un usage commun du public, et pour la distribution de nourriture aux nécessiteux pendant une période donnée, et si ces activités relèvent de l’intérêt général, la répartition de l’excèdent de revenu n’a aucune incidence sur la capacité de la fondation à réaliser ces missions puisque qu’elle ne concerne que les sommes qui restent une fois ces missions accomplies.

Il découle de l’ensemble de ce qui précède que les autorités ne se sont pas dûment acquittées de leur obligation positive de protéger la de cujus des requérants contre une discrimination fondée sur le sexe.

La Cour estime utile de préciser la portée du présent arrêt dans le temps. Elle n’ignore pas que des différences de traitement entre descendants d’une fondation dans le domaine patrimonial ont durant de longues années passé pour licites en Turquie. Elle considère que le principe de sécurité juridique dispense l’État défendeur de remettre en cause des actes ou situations juridiques antérieurs au présent arrêt.

Conclusion : violation (unanimité).

Article 41 : demande de dommage matériel rejetée. Le redressement le plus adéquat serait une réouverture de la procédure.

(Voir aussi Molla Sali c. Grèce [GC], 20452/14, 19 décembre 2018, Résumé juridique)

© Conseil de l’Europe/Cour européenne des droits de l’homme
Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.

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