CEDH, D. ET R. c. BELGIQUE, 19 novembre 2013, 29176/13

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, 19 nov. 2013, n° 29176/13
Numéro(s) : 29176/13
Type de document : Affaire communiquée
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Identifiant HUDOC : 001-139544
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Texte intégral

CINQUIÈME SECTION

Requête no 29176/13
D. et R.

contre la Belgique
introduite le 30 avril 2013

EXPOSÉ DES FAITS

EN FAIT

Les requérants, M. D. et Mme R., sont des ressortissants belges nés respectivement en 1960 et en 1968 et résidant en Belgique. Les requérants introduisent la présente requête également au nom de l’enfant A. Le président de la section a accédé à la demande de non‑divulgation de leur identité formulée par les requérants (article 47 § 3 du règlement). Ils sont représentés devant la Cour par Me C. Verbrouck, avocate à Bruxelles.

A.  Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.

Les requérants, un couple marié, se rendirent en Ukraine afin de procéder à une gestation pour autrui (« GPA »). De cette GPA est né A. le 26 février 2013 en Ukraine.

Les requérants déclarèrent la naissance d’A. auprès des autorités ukrainiennes et furent mis en possession d’un acte de naissance ukrainien. Le premier requérant fut inscrit comme étant le père de A., la deuxième requérante comme étant sa mère. L’acte de naissance ne fait pas mention du recours à la GPA.

Le 15 mars 2013, les requérants demandèrent à l’ambassade belge à Kiev la délivrance d’un passeport belge pour A.

Le 18 mars 2013, l’ambassade informa les requérants du refus de leur délivrer un passeport au motif que les requérants n’étaient pas en mesure de présenter certains documents visant à établir la filiation de l’enfant A., notamment une attestation de grossesse de la deuxième requérante faite par son médecin en Belgique et une attestation d’hospitalisation de la deuxième requérante à l’hôpital de Kharkov.

Le 19 mars 2013, les requérants par l’intermédiaire de leur avocat saisirent le président du tribunal de première instance de Bruxelles en référé, lui demandant d’ordonner aux autorités belges de leur délivrer un titre de voyage pour permettre à A. de venir en Belgique.

Le 22 mars 2013, les requérants par l’intermédiaire de leur avocat déposèrent également une requête fondée sur l’article 27 du code de droit international privé visant à faire reconnaître la validité de l’acte de naissance ukrainien de l’enfant. Cette procédure est pendante devant le tribunal de première instance de Bruxelles.

Le 25 mars 2013, les requérants ainsi que leur fils A. tentèrent un voyage par la voie aérienne, munis de l’acte de naissance d’A. La compagnie aérienne refusa l’embarquement de la famille à l’aéroport de Kiev.

Le 5 avril 2013, le président du tribunal de première instance de Bruxelles déclara la demande en référé recevable mais non fondée. Le juge reconnut l’urgence et le caractère provisoire de la demande mais considéra que les requérants n’avaient pas apporté assez d’éléments démontrant un lien de filiation entre les requérants et A. Concernant la mère, la maternité découle de l’accouchement en droit belge et la première requérante ne pouvait donc pas établir un lien de filiation avec l’enfant. Quant au père, aucune information n’avait été communiquée concernant la méthode de procréation ou le contrat de gestation, et les résultats du test ADN réalisé via un site Internet n’avaient aucune valeur probante « étant donné que la provenance des prélèvements analysés [n’était] d’aucune manière certifiée ». Les requérants firent appel de cette ordonnance.

Le 8 avril 2013, le premier requérant déclara reconnaître A. comme son fils devant un notaire à Bruxelles.

Le 25 avril 2013, les requérants durent rentrer en Belgique sans A. étant donné que leur droit de séjour en Ukraine touchait à sa fin. Ils engagèrent alors une nourrice pour s’occuper d’A. en Ukraine en leur absence et ils firent le voyage vers l’Ukraine autant que faire se peut.

Le 31 juillet 2013, la cour d’appel de Bruxelles, statuant en référé, déclara l’appel interjeté par les requérants fondé au motif que la paternité biologique du premier requérant à l’égard de A. était apparemment établie. La cour d’appel ordonna à l’Etat belge de délivrer au premier requérant un laissez-passer ou tout autre document administratif approprié au nom de A. pour lui permettre de venir en Belgique auprès du premier requérant.

Les requérants se rendirent en Ukraine afin de réceptionner le document de voyage le 5 août 2013.

Le 6 août 2013, A. arriva en Belgique avec les requérants. Ils résident ensemble tous les trois en Belgique depuis lors.

B.  Le droit et la pratique internes pertinents

À ce jour, la maternité de substitution ou gestation pour autrui n’est encadrée par aucune disposition légale en droit belge.

La reconnaissance d’actes authentiques étrangers est régie par l’article 27 du code de droit international privé qui, en son paragraphe 1, stipule :

« Un acte authentique étranger est reconnu en Belgique par toute autorité sans qu’il faille recourir à aucune procédure si sa validité est établie conformément au droit applicable en vertu de la présente loi, en tenant spécialement compte des articles 18 et 21.

L’acte doit réunir les conditions nécessaires à son authenticité selon le droit de l’Etat dans lequel il a été établi.

L’article 24 est, pour autant que de besoin, applicable.

Lorsque l’autorité refuse de reconnaître la validité de l’acte, un recours peut être introduit devant le tribunal de première instance, sans préjudice de l’article 121, conformément à la procédure visée à l’article 23. »

Les juridictions civiles ont déjà été amenées à se prononcer sur la reconnaissance d’actes de naissance établis à l’étranger au profit de parents intentionnels ayant eu recours à une mère porteuse, et ont parfois accueilli la demande (voir, par exemple, Trib. Anvers, 19 décembre 2008, Cour d’appel Liège, 6 septembre 2010, Journal des tribunaux, 2010, p. 634, Trib. Bruxelles, 15 février 2011).

GRIEFS

Les requérants allèguent que le refus des autorités belges de délivrer un document de voyage à A. pour rentrer avec les requérants sur le territoire belge, ayant entraîné la séparation effective entre les requérants et l’enfant A., a emporté violation des articles 3 et 8 de la Convention.

Invoquant l’article 13 de la Convention, les requérants allèguent qu’ils ne disposent pas d’un recours effectif pour faire valoir leurs griefs eu égard à la longueur de la procédure nationale visant à permettre à A. de venir en Belgique.

QUESTIONS AUX PARTIES

1.  Le refus des autorités belges de délivrer un document de voyage à A., ayant entraîné la séparation effective entre les requérants et l’enfant A. entre le 25 avril 2013 et le 5 août 2013, a-t-il emporté violation de l’article 3 de la Convention ? En particulier, les souffrances endurées par les requérants du fait de cette séparation ont-elles atteint le seuil de gravité requis pour constituer une violation de cette disposition ?

2.  Le refus des autorités belges de délivrer un document de voyage à A., ayant entraîné la séparation effective entre les requérants et l’enfant A. entre le 25 avril 2013 et le 5 août 2013, a-t-il emporté violation de l’article 8 de la Convention ? En particulier, les requérants sont-ils fondés à soutenir qu’il existait une vie familiale entre eux et l’enfant A. à l’époque en cause ?

3.  Les requérants ont-ils eu à leur disposition un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention pour faire valoir leurs griefs tirés de la violation des articles 3 et 8 de la Convention ?

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