CEDH, BERLUSCONI c. ITALIE, 26 avril 2021, 8683/14

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Sur la décision

Référence :
CEDH, 26 avr. 2021, n° 8683/14
Numéro(s) : 8683/14
Type de document : Affaire communiquée
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Affaire communiquée
Identifiant HUDOC : 001-210148
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Sur les parties

Texte intégral

 
Publié le 17 mai 2021

PREMIÈRE SECTION

Requête no 8683/14
Silvio BERLUSCONI
contre l’Italie
introduite le 28 décembre 2013
communiquée le 26 avril 2021

EXPOSÉ DES FAITS

Le requérant, M. Silvio Berlusconi, est un ressortissant italien né en 1936 et résidant à Rome. Il est représenté devant la Cour par Mes B. Nascimbene, A. Saccucci, F. Coppi, N. Ghedini, K. Starmer et S. Powles, avocats exerçant à Milan, Rome, Padoue et Londres.

Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

Le 22 avril 2005, le parquet près le tribunal de Milan demanda au juge de l’audience préliminaire (« le GUP ») de renvoyer en jugement le requérant auquel il reprochait la commission, avec d’autres personnes, des faits délictuels suivants :

a) appropriation indue (article 645 du code pénal) pour avoir soustrait de 1988 à 1999 des ressources économiques aux sociétés Fininvest S.p.A. et Mediaset S.p.A. en transférant ces ressources sur les comptes bancaires de sociétés appartenant à un tiers et sur ceux de sociétés « écran » ;

b) fraude fiscale (article 2 du décret législatif no 74/2000) grâce à un système frauduleux, mis en place dans les années 1980 et utilisé constamment jusqu’en 1995, d’achat de droits de télévision par Mediaset S.p.A. de 1994 à 1995 à travers des sociétés « offshore » contrôlées de manière occulte par le requérant ;

c) falsification de comptes (article 2622 du code civil) pour avoir lésé les actionnaires en entrainant la diminution de la valeur des actions.

Le 27 juillet 2006, le GUP renvoya en jugement le requérant. Le 21 novembre de la même année, il rejeta les demandes de l’intéressé visant à obtenir la traduction en italien d’une série de documents en langue étrangère figurant parmi les éléments de preuve produits par le parquet, et ce au motif que le requérant n’avait pas démontré la pertinence de la traduction sollicitée.

Le 26 janvier 2007, le tribunal de Milan repoussa la demande du requérant de dépaysement de la procédure.

Le 13 février 2007, le même tribunal rejeta la contestation du requérant du refus de la traduction vers l’italien des documents en langue étrangère et ce en raison de l’absence de la preuve d’un quelconque préjudice pouvant résulter du refus.

Par deux jugements du 15 janvier et du 3 avril 2007, le tribunal prononça un non-lieu pour prescription intervenue quant aux faits délictuels relatifs aux trois chefs d’inculpation prétendument commis jusqu’en 1999.

Le 1er mars et le 5 octobre 2007, le tribunal rejeta aussi les demandes de renvoi des audiences introduites par l’intéressé qui alléguait être empêché d’y participer en raison de la survenance d’engagements institutionnels qui ne pouvaient être reportés. Le requérant était à l’époque Président du Conseil des ministres italien.

Deux autres non-lieu pour prescription furent prononcés le 28 mai et le 19 novembre 2007 quant au restant des faits reprochés au requérant des chefs d’inculpation sous a) et c).

Au cours des débats, le parquet formula deux nouveaux chefs d’accusation : le premier, soulevé lors de l’audience du 8 octobre 2007, pour falsification de comptes pour les années 1999 et 2000 ; le second, contesté à l’audience du 19 novembre 2007, pour déclarations fiscales frauduleuses relativement aux années 2000 à 2003.

Le 26 octobre 2012, le tribunal de Milan, tout en prononçant un non-lieu pour prescription pour les faits relatifs à l’année 2001, reconnut le requérant coupable (avec trois autres personnes) de fraude fiscale pour les années 2002 et 2003 et le condamna à quatre ans de réclusion (peine réduite à un an en application d’une remise - condono - résultant de l’application de la loi no 241/2006), assortie de la peine accessoire de l’interdiction d’exercer des fonctions publiques pendant cinq ans.

Selon le tribunal, les chefs d’inculpation avaient mis en évidence un mécanisme frauduleux de fausses déclarations au fisc systématiquement et scientifiquement conduit depuis la seconde moitié des années 1980 dans le cadre du groupe Fininvest, lié au « tour des droits de télévision ». Droits acquis par des sociétés du secteur étranger et réservé (comparto estero e riservato) de Fininvest qui faisaient ensuite l’objet de plusieurs passages à l’intérieur du groupe ou vers des sociétés en apparence tierces, puis vers une société maltaise qui, à son tour, les cédait enfin à des prix très majorés aux mêmes sociétés qui les avaient acquis à l’origine. Ces majorations des coûts avaient permis de réaliser une grande évasion fiscale et en même temps garanti la mise à disposition de fonds des sociétés anonymes Fininvest et Mediaset au bénéfice du requérant. Clairement pensé, mis en place et développé par l’intéressé, ce système avait alimenté illicitement en fonds occultes des comptes courants de sociétés basées à l’étranger et gérées par des personnes de confiance du requérant. Selon le tribunal, bien que l’intéressé n’exerçât aucune fonction directive depuis 1994, « sa qualité d’actionnaire majoritaire et d’indiscutable dominus du groupe lui conférait toute latitude d’intervention même en l’absence de pouvoir de gestion. »

Le 8 novembre 2012, le requérant interjeta appel du jugement en réitérant ses arguments, en soulevant des exceptions et en demandant le renouvellement de l’instruction afin de procéder à l’audition de témoins à décharge refusée en première instance.

Par un arrêt du 8 mai 2013, la cour d’appel de Milan confirma intégralement la décision entreprise.

Le 19 juin 2013, le requérant se pourvu en cassation. Par un arrêt du 1er août 2013, déposé au greffe le 28 août, la Cour de cassation confirma l’arrêt d’appel quant à la peine principale et renvoya devant la cour d’appel de Milan la question de la détermination de la peine accessoire. La décision fut adoptée par la section spéciale (Sezione feriale) chargée par ordonnance présidentielle du traitement notamment d’affaires pour lesquelles la prescription se réalise pendant la période allant de mi-juillet à mi-septembre ou au cours des quarante-cinq jours qui suivent cette période.

Le 5 aout 2013, A. E., président de ladite section spéciale de la Cour de cassation, donna une interview téléphonique sur l’issue de la procédure du requérant à un journaliste du quotidien « Il Mattino ». Selon le requérant, au cours de l’entretien le haut magistrat avait révélé les motifs de l’arrêt avant qu’ils ne soient rédigés et approuvés par la juridiction.

Le 19 octobre 2013, la cour d’appel fixa à deux ans la peine accessoire. La décision fut confirmée par la Cour de cassation le 18 mars 2014.

GRIEFS

Le requérant se plaint :

- du rejet de sa demande de dépaysement de la procédure (article 6 § 1 de la Convention) ;

- de la violation du droit à un tribunal impartial en raison des déclarations faites à la presse par le juge A.E. (article 6 § 1) et de l’absence d’un recours effectif pour dénoncer la violation de ce droit (article 13) ;

- de ne pas avoir pu participer à cinq audiences à cause du rejet de ses demandes de renvoi pour empêchement légitime et rasions de santé (article 6 §§ 1 et 3) ;

- de ne pas avoir obtenu la traduction en italien de certaines pièces du dossier (article 6 §§ 1 et 3 a)) ;

- de ne pas avoir bénéficié du temps nécessaire pour préparer sa défense (article 6 §§ 1 et 3 b)) ;

- du rejet de ses demandes de convocation de certains témoins à décharge et d’établissement d’une nouvelle expertise (article 6 §§ 1 et 3 d)) ;

- de l’utilisation des déclarations du témoin A. G. (article 6 §§ 1 et 3 d)) ;

- de l’application rétroactive du décret législatif no 92/2008 (article 7) ;

- d’avoir été poursuivi pour des faits ayant déjà fait l’objet de deux procédures pénales précédentes (article 4 du Protocole no 7).

QUESTIONS AUX PARTIES

1.  Le requérant a-t-il bénéficié d’une procédure devant un tribunal indépendant et établi par la loi, comme l’exige l’article 6 § 1 de la Convention, et ce en raison :

a) du rejet de sa demande de dépaysement du procès ;

b) de ce que le président du tribunal de Milan exerça ses fonctions au-delà du terme fixé par le Conseil Supérieur de la Magistrature ;

c) de l’attribution de l’affaire à la Section spéciale (Sezione Feriale) de la Cour de cassation ?

2.  Le requérant a-t-il été jugé par un tribunal impartial compte tenu des déclarations faites à la presse par le président de la Sezione Feriale peu de temps après la lecture du dispositif et avant le dépôt au greffe des motifs de l’arrêt qui confirmait sa condamnation pour fraude fiscale (article 6 § 1) ?

3.  Le requérant avait-il à sa disposition un recours interne effectif au travers duquel il aurait pu formuler, au sens de l’article 13, son grief de méconnaissance du droit à un tribunal impartial ?

4.  Le rejet de cinq demandes de report d’audience pour empêchement légitime et pour raisons de santé a-t-il privé l’intéressé du droit de participer à son procès (article 6 §§ 1 et 3) ?

5.  Le rejet de la demande de traduction de certaines pièces du dossier a-t-il privé le requérant du droit à être informé, dans une langue qu’il comprend, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui comme l’exige l’article 6 §§ 1 et 3 a) ?

6.  Le requérant a-t-il disposé du temps nécessaire à la préparation de sa défense, comme l’exige l’article 6 §§ et 1 et 3 b) ?

7.  Le requérant a-t-il eu droit à un procès équitable, comme l’exige l’article 6 §§ 1 et 3 d), compte tenu de la prétendue méconnaissance du principe de l’égalité des armes à raison de l’impossibilité d’interroger ou de faire interroger un témoin à charge et d’obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ?

8.  L’action pour laquelle le requérant a été condamné constituait-elle une infraction d’après le droit national au moment où elle a été commise, au sens de l’article 7 ?

9.  Le requérant s’est-il vu infliger, en violation de l’article 7, une peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise à raison de la non-application de circonstances atténuantes ?

10.  Le requérant a-t-il, au mépris de l’article 4 § 1 du Protocole no 7, été jugé deux fois pour la même infraction sur le territoire de l’État défendeur eu égard à ce que, selon ses dires, les faits du procès litigieux étaient « en substance identiques à ceux de deux procédures judiciaires à l’issue desquelles il a bénéficié d’un non-lieu » ?

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