CEDH, L. c. FRANCE, 9 mai 2022, 46949/21

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Sur la décision

Référence :
CEDH, 9 mai 2022, n° 46949/21
Numéro(s) : 46949/21
Type de document : Affaire communiquée
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Affaire communiquée
Identifiant HUDOC : 001-217585
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Texte intégral

Publié le 30 mai 2022

CINQUIÈME SECTION

Requête no 46949/21
L.
contre la France
introduite le 17 septembre 2021
communiquée le 9 mai 2022

OBJET DE L’AFFAIRE

La requête concerne une jeune femme ayant dénoncé des relations sexuelles subies avec des pompiers alors qu’elle avait entre treize et quinze ans, dans un contexte de vulnérabilité psychologique ayant justifié des hospitalisations.

Le 31 août 2010, la requérante et sa mère se présentèrent au commissariat pour dénoncer des faits de viol commis par trois pompiers (P.C., J.C. et J.F.) en novembre 2009, alors que la requérante était âgée de quatorze ans.

En vertu d’un réquisitoire du 4 mars 2011, une information judiciaire fut ouverte à l’encontre de P.C., J.C. et J.F. des chefs de viols et agressions sexuelles en réunion sur mineure de quinze ans et sur personne vulnérable pour des faits commis entre le 1er février 2009 et le 31 août 2010. En vertu d’un réquisitoire supplétif du 24 septembre 2012, quatre autres pompiers (A.F., D.M., J.M. et S.G.) furent visés du chef d’abstention volontaire de porter assistance à une personne en péril. Le réquisitoire étendit également la saisine du juge d’instruction à des faits de viols sur mineure de quinze ans particulièrement vulnérable en réunion contre personne non dénommée et de corruption de mineure de quinze ans par utilisation d’un réseau de communication électronique contre personne non dénommée.

Par une ordonnance du 19 juillet 2019, le vice-président chargé de l’instruction du tribunal judiciaire de Versailles requalifia les faits de viols et agressions sexuelles sur mineure de quinze ans en réunion commis en novembre 2009 en atteinte sexuelle commise sans violence, contrainte, menace, ni surprise sur mineure de quinze ans, avec la circonstance que les faits ont été commis par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteurs ou de complices. Le magistrat constata que la réalité de la relation sexuelle n’était pas contestée. Néanmoins, il retint, d’une part, que les déclarations de la requérante quant à son consentement avaient fortement varié au cours de la procédure et que les expertises psychiatriques et son attitude visant à mettre en scène des agressions fictives conduisaient à prendre avec précaution ses affirmations. D’autre part, il releva que les trois pompiers mis en cause avaient constamment assuré que la requérante n’avait manifesté aucune réticence et s’était même montrée particulièrement entreprenante avec l’un d’entre eux. Il en conclut qu’aucun élément de violence, menace, contrainte ou surprise n’était caractérisé. Il estima néanmoins qu’existaient des charges suffisantes s’agissant des faits d’atteintes sexuelles sur mineure de moins de quinze ans et ordonna le renvoi de P.C., J.C. et J.F. devant le tribunal correctionnel. Il prononça enfin un non-lieu pour tous les autres faits. La requérante et ses parents interjetèrent appel.

Par un arrêt du 12 novembre 2020, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles confirma l’ordonnance. Elle se fonda notamment sur les motifs suivants :

« les initiatives prises par [la requérante] pour lier connaissance avec des pompiers dont le métier la fascinait et pour avoir avec eux des rapports sexuels, dans des lieux souvent publics choisis par elle et pour lesquels elle fournissait fréquemment des préservatifs, son comportement entreprenant et provocateur, sa participation active lors des ébats, notamment par la réalisation de fellations, sa dissimulation de son âge, sa morphologie établie par les photographies versées par sa mère à la procédure, sa capacité à refuser certains actes de nature sexuelle, comme la pénétration anale et le cunnilingus, et à repousser certains de ses partenaires, comme [J.F.], ne permettent pas de caractériser la violence, la contrainte physique ou morale, la menace ou la surprise nécessaire à la constitution des infractions de viols et d’agressions sexuelles visées à la procédure, et ce, nonobstant la différence d’âge entre la plaignante et les mis en cause ; (...) que la plaignante a concédé (...) que dans la mesure où elle n’avait pas opposé de refus lors de ses rapports sexuels avec les pompiers, ces derniers avaient pu la croire consentante ; que leur succès habituel auprès de la gent féminine et le comportement parfois débridé de celle-ci à leur endroit ne les ont pas incités à la réflexion. »

La requérante et ses parents formèrent un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Dans son arrêt du 17 mars 2021, la Cour de cassation estima que les motifs retenus par la chambre de l’instruction, selon lesquels la requérante disposait du discernement nécessaire pour les actes dénoncés, relevaient de l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des éléments de fait et de preuve recueillis au cours de l’information. Elle cassa et annula en revanche l’arrêt de la chambre de l’instruction en ses dispositions relatives au délit de corruption de mineur au motif qu’il n’était pas établi que la chambre de l’instruction avait recherché si les personnes incriminées savaient que la requérante était âgée de moins de dix-huit ans. Elle cassa et annula également l’arrêt en ses dispositions limitant le renvoi de P.C. du chef d’atteinte sexuelle aux seuls faits commis en réunion en novembre 2009 alors que les relations sexuelles entre la requérante et P.C. avaient débuté au printemps 2009 et s’étaient poursuivies bien que ce dernier eût appris que la requérante était âgée de quatorze ans. La Cour de cassation renvoya les parties devant la chambre de l’instruction de la même cour d’appel, autrement composée.

Invoquant les articles 3 et 8 de la Convention combinés, la requérante dénonce un manquement des autorités françaises aux obligations positives découlant de ces dispositions et se plaint de ce que la loi française, tout comme la jurisprudence de la Cour de cassation, sont inadéquates pour punir effectivement le viol et pour protéger les mineurs de moins de quinze ans contre les viols à raison de l’existence du délit d’atteinte sexuelle. Elle se plaint de l’interprétation par la jurisprudence des éléments pris en compte pour qualifier ou non le viol, dont la notion de consentement d’un mineur et les notions de violence, contrainte, menace et surprise. Elle se plaint enfin de l’absence d’évaluation objective par les juges de son consentement libre au regard de son âge et de sa vulnérabilité.

Par ailleurs, elle se plaint de la durée de la procédure, d’une prise en charge inadéquate lors de l’instruction au regard de son profil psychologique, d’une instruction lacunaire en ce qui concerne les faits et les personnes mises en cause, d’une absence d’enquête effective et d’une évaluation contextuelle non sincère lors de l’expertise psychiatrique. Elle se plaint également d’une victimisation secondaire liée au déroulement de l’instruction et de l’expertise psychiatrique.

Invoquant les articles 3, 8 et 14 combinés, elle se plaint des formulations sexistes et discriminatoires dont auraient usé les juridictions internes dans leurs décisions.

QUESTIONS AUX PARTIES

1.  La requérante a-t-elle épuisé les voies de recours internes, comme l’exige l’article 35 § 1 de la Convention, s’agissant des griefs tirés des articles 3 et 8 de la Convention ?

2.  L’État défendeur a-t-il respecté ses obligations positives, découlant des articles 3 et 8 de la Convention, d’adopter des dispositions en matière pénale qui sanctionnent effectivement le viol et de les appliquer en pratique au travers d’une enquête et de poursuites effectives (voir, parmi d’autres, M.C. c. Bulgarie, no 39272/98, § 153, CEDH 2003-XII) ?

En particulier, le cadre juridique interne est-il suffisamment efficace pour protéger les mineurs d’actes d’abus sexuels (M.C. c. Bulgarie, précité, §§ 148-168, et N.Ç. c. Turquie, no 40591/11, § 113, 9 février 2021) ?

La procédure menée par les juridictions internes à la suite des dénonciations de faits de viol par la requérante a-t-elle respecté les exigences procédurales qui découlent des articles 3 et 8 de la Convention (N.Ç. c. Turquie, précité, et J.L. c. Italie, no 5671/16, §§ 117-125, 27 mai 2021) ?

3.  La requérante a-t-elle subi une discrimination dans l’exercice des droits que lui confère la Convention en raison de son sexe, en violation de l’article 14 de la Convention lu conjointement avec les articles 3 et 8, du fait des motifs retenus par les juridictions internes (Carvalho Pinto de Sousa Morais c. Portugal, no 17484/15, 25 juillet 2017) ?

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