CEDH, 43631/09 Exposé des faits et Questions aux Parties, 4 octobre 2010, 43631/09

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, 4 oct. 2010, n° 43631/09
Numéro(s) : 43631/09
Type de document : Affaire communiquée
Opinion(s) séparée(s) : Non
Identifiant HUDOC : 003-3270068-3647004
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Texte intégral

CINQUIÈME SECTION

Requête no 43631/09
présentée par Katya HARROUDJ
contre la France
introduite le 10 août 2009

EXPOSÉ DES FAITS

EN FAIT

La requérante, Mme Katya Harroudj, est une ressortissante française, née en 1962 et résidant à Villeurbanne. Elle est représentée devant la Cour par Me J. Debray, avocat à Lyon.

A. Les circonstances de l'espèce

Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par la requérante, peuvent se résumer comme suit.

Née le 3 novembre 2003 en Algérie, Zina Hind fut abandonnée à sa naissance par sa mère biologique qui accoucha sous X. Son père étant également inconnu, Zina Hind devint pupille de l'Etat algérien le 3 décembre 2003. Le directeur de l'action sociale de Bourmedes fut désigné comme tuteur.

Par un acte de recueil légal du 13 janvier 2004, le président du tribunal de Bourmedes (Algérie) accorda à la requérante, alors âgée de quarante‑deux ans et célibataire, le droit de recueil légal, dit kafala, sur l'enfant Zina Hind. Il autorisa également Zina Hind à sortir du territoire algérien et à s'établir en France.

Par une ordonnance du 19 janvier 2004, le président du tribunal de Bordj Menaiel (Algérie) accueillit la requête en concordance des noms et autorisa le changement de nom de Zina Hind en Hind Harroudj.

Hind Harroudj entra en France le 1er février 2004. Elle réside depuis lors avec la requérante et la mère de celle-ci.

Le 8 novembre 2006, la requérante déposa une requête en adoption plénière concernant l'enfant Hind. A l'appui de cette demande, elle fit valoir que permettre à Hind d'être adoptée était la solution la plus conforme à « l'intérêt supérieur de l'enfant » au sens des articles 3 – 1 de la Convention sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989 et 1er de la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur le protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale. Elle invoqua également le droit au respect de la vie familiale de Hind, tel que garanti par l'article 8 de la Convention, alléguant qu'il était dans l'intérêt de l'enfant qu'un lien de filiation soit établi avec la requérante.

Par un jugement du 21 mars 2007, le tribunal de grande instance de Lyon rejeta sa demande d'adoption. La requérante interjeta appel de ce jugement.

Par un arrêt du 23 octobre 2007, la cour d'appel de Lyon confirma le jugement. La requérante forma un pourvoi en cassation.

Par un arrêt du 25 février 2009, la Cour de cassation rejeta le pourvoi. Elle s'exprima comme suit :

« Mais attendu qu'après avoir relevé que la règle de conflit de l'article 370-3, alinéa 2, du code civil, renvoyant à la loi personnelle de l'adopté, était conforme à la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, celle-ci n'ayant vocation à s'appliquer qu'aux seuls enfants adoptables, excluant ceux dont le pays d'origine interdit l'adoption, c'est sans établir de différence de traitement au regard de la vie familiale de l'enfant et sans méconnaître le droit au respect de celle-ci, que la cour d'appel, constatant que l'article 46 du code de la famille algérien prohibe l'adoption mais autorise la kafala, a rejeté la requête en adoption, dès lors que la kafala est expressément reconnue par l'article 20, alinéa 3, de la Convention de New York du 26 janvier 1990 [adoptée le 20 novembre 1989] relative aux droits de l'enfant, comme préservant, au même titre que l'adoption, l'intérêt supérieur de celui-ci ; que le moyen ne peut être accueilli ; »

B. Le droit et la pratique pertinents

1. Code de la famille algérien

Article 116

« Le recueil légal (kafala) est l'engagement de prendre bénévolement en charge l'entretien, l'éducation et la protection d'un enfant mineur au même titre que le ferait un père pour son fils. Il est établi par acte légal. »

2. Code civil français

La loi no 2001-111 du 6 février 2001 a inséré dans le code civil de nouvelles dispositions relatives à l'adoption internationale, aux articles 370‑3 à 370-5.

Article 370-3 (issu de la loi du 6 février 2001)

« Les conditions de l'adoption sont soumises à la loi nationale de l'adoptant ou, en cas d'adoption par deux époux, par la loi qui régit les effets de leur union. L'adoption ne peut toutefois être prononcée si la loi nationale de l'un et l'autre époux la prohibe.

L'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France. (...) »

3. Jurisprudence française

La jurisprudence de la Cour de cassation est très abondante sur le sujet. Par exemple, par un arrêt du 28 janvier 2009, la première chambre civile de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi d'une ressortissante française ayant recueilli son neveu au titre de la kafala, aux motifs suivants :

« (...) Attendu que Mme X... fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que si la législation marocaine ne connaît pas l'institution de l'adoption, il n'en reste pas moins que la kafala donnée dans le respect de la législation marocaine doit être reconnue dans ses effets qui ne sont pas contraires à l'ordre public français ; qu'en déboutant l'exposante, au motif que la kafala ne contient rien qui ressemble à un consentement à l'adoption, la cour d'appel a violé l'article 370-3, alinéa 2, du code civil ;

Mais attendu que l'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France ; qu'ayant retenu que le droit marocain ne connaissait pas cette institution et que l'acte de kafala produit ne s'apparentait pas à une adoption créatrice d'un lien de filiation, la cour d'appel a, à bon droit, rejeté la requête dont elle était saisie ; »

4. Le médiateur de la République

Le médiateur de la République, autorité administrative indépendante, souhaite faire reconnaître l'adoption des enfants recueillis au titre de la kafala. Sur son site Internet (juin 2010), il énonce comme suit :

« En France, l'article 370-3 du code civil interdit l'adoption des enfants de statut prohibitif et la kafala n'étant pas véritablement reconnue, ces enfants sont privés de tout statut protecteur et leur famille d'accueil soumise à de nombreuses difficultés et frustrations. Dans le prolongement du groupe de travail que j'ai constitué sur cette problématique, j'ai soumis aux pouvoirs publics une proposition de réforme préconisant les mesures suivantes : ( ...) inviter le législateur à reconsidérer l'interdiction d'adopter un enfant étranger lorsque la loi de son pays d'origine n'autorise pas l'adoption pour, a minima, ouvrir l'accès à l'adoption simple pour les enfants recueillis par kafala judiciaire. (...) seule la possibilité d'accéder à l'adoption permettrait une résolution globale des problèmes évoqués. Le juge serait alors en mesure de s'assurer que l'adoption est conforme à l'intérêt supérieur de l'enfant et que le représentant légal du mineur y a consenti. »

C. Le droit international pertinent

Convention de New York relative aux droits de l'enfant

Cette Convention fut adoptée le 20 novembre 1989 par l'Assemblée générale des Nations Unies, puis ouverte à signatures le 26 janvier 1990.

Article 3

« 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) »

Article 20

« Tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l'Etat.

Les Etats parties prévoient pour cet enfant une protection de remplacement conforme à leur législation nationale.

Cette protection de remplacement peut notamment avoir la forme du placement dans une famille, de la kafalah de droit islamique, de l'adoption ou, en cas de nécessité, du placement dans un établissement pour enfants approprié. Dans le choix entre ces solutions, il est dûment tenu compte de la nécessité d'une certaine continuité dans l'éducation de l'enfant, ainsi que de son origine ethnique, religieuse, culturelle et linguistique. »

GRIEFS

Invoquant les articles 8 et 14 de la Convention, la requérante se plaint de l'impossibilité d'adopter l'enfant algérienne, Hind, recueillie au titre de la kafala. Elle estime que l'absence de reconnaissance d'un lien de filiation entre elle et Hind, qu'elle considère comme sa propre fille, porte une atteinte disproportionnée à sa vie familiale. La requérante allègue qu'en se fondant sur la loi personnelle de l'enfant, laquelle ne permet pas l'adoption, les dispositions du code civil opèrent une discrimination injustifiée fondée sur l'origine nationale.

QUESTIONS AUX PARTIES

1. L'article 8 de la Convention est-il applicable ?

2. Dans l'affirmative, l'impossibilité pour la requérante d'adopter une fille algérienne recueillie au titre de la « kafala », au motif que selon l'article 370-3, alinéa 2 du code civil l'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, constitue‑t-elle une ingérence ou un manquement à des obligations positives dans l'exercice du droit au respect de la vie familiale de la requérante ? Cette impossibilité d'adopter est-elle compatible avec les dispositions de l'article 8 de la Convention ?

En particulier, quel poids faut-il attacher au fait que le lien juridique entre la requérante et cet enfant résulte de la « kafala » accordée à la requérante par une juridiction algérienne ?

3. Cette impossibilité d'adopter une enfant algérienne au motif que sa loi personnelle l'interdit est-elle constitutive d'une discrimination fondée sur l'origine nationale au sens de l'article 14 de la Convention dont la requérante pourrait se prétendre victime ?

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Textes cités dans la décision

  1. Loi n° 2001-111 du 6 février 2001
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