CEDH, 43438/07 Exposé des faits et Questions aux Parties, 23 mai 2011, 43438/07

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, 23 mai 2011, n° 43438/07
Numéro(s) : 43438/07
Type de document : Affaire communiquée
Opinion(s) séparée(s) : Non
Identifiant HUDOC : 003-3524379-3976955
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Sur les parties

Texte intégral

Mai 2011

CINQUIÈME SECTION

Requête no 43438/07
présentée par Jalal et Nabil BOUKNETER
contre la France
introduite le 19 septembre 2007

EXPOSÉ DES FAITS

EN FAIT

Les requérants, M. Jalal Boukneter (« le premier requérant ») et M. Nabil Boukneter (« le second requérant »), sont des ressortissants français, nés respectivement en 1981 et 1983 et résidant à Toulouse. Ils sont représentés devant la Cour par Me Morisset, avocate à Villeneuve-sur-Lot.

A. Les circonstances de l'espèce

Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.

Entre juin et juillet 2005, les requérants firent l'objet d'écoutes téléphoniques.

Le 15 juillet 2005, une information judiciaire fut ouverte contre X pour infractions à la législation sur les stupéfiants.

Le 12 décembre 2005, vers 6 heures, les requérants, suspectés d'être impliqués dans un trafic de stupéfiants, furent interpellés et placés en garde à vue au commissariat de Villeneuve-sur-Lot.

Au début de la garde à vue, ils furent informés de leurs droits mentionnés aux articles 63-1 à 63-4 et 706-88 du code de procédure pénale. Ils firent savoir qu'ils souhaitaient rencontrer Me Morisset. Le procès-verbal dressé par l'officier de police judiciaire se lit comme suit :

« (...) Je prends acte que je pourrai m'entretenir avec un avocat à l'issue de la soixante-douzième heure de cette mesure, en cas de prolongations (...) Je désire m'entretenir avec un avocat à l'issue de la soixante-douzième heure, en cas de prolongations (...) Mon avocat est Maître Morisset (...) Au cas où l'avocat désigné ne peut être contacté, je désire qu'un avocat soit commis d'office (...) »

Le même jour, de 10 h 15 à 11 h 35, après avoir prêté le serment « de dire toute la vérité, rien que la vérité », le premier requérant fut interrogé sur les faits pour lesquels il avait été interpellé. De 19 h 30 à 20 h 25, ce fut au tour du second requérant d'être entendu.

Le 13 décembre 2005, vers 6 heures, la garde à vue des requérants fut prolongée de vingt-quatre heures.

Le même jour, de 16 h 10 à 17 h 35, le second requérant fut interrogé sur l'affaire. De 17 h 45 à 18 h 15, ce fut au tour du premier requérant d'être entendu.

Celui-ci fut examiné par un médecin.

Le 14 décembre 2005, vers 6 heures, la garde à vue des requérants fut prolongée de quarante-huit heures. Ils réitérèrent leur souhait de rencontrer Me Morisset à la soixante-douzième heure de la mesure.

Le même jour, de 9 h 50 à 11 h 35 puis de 21 h 40 à 22 h 50, le second requérant fut interrogé sur l'affaire. De 11 h 45 à 13 h 30 puis de 22 h 55 à minuit quarante-cinq, ce fut au tour du premier requérant d'être entendu.

Le 15 décembre 2005, de 10 h 55 à 11 h 10, le premier requérant rencontra un avocat. De 11 h 10 à 11 h 15, ce fut au tour du second requérant d'en rencontrer un.

Le même jour, les requérants furent mis en examen du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants et placés en détention provisoire.

Le 27 avril 2006, ils déposèrent une requête en annulation des procès-verbaux de garde à vue, dénonçant une atteinte à leur droit d'être assisté d'un avocat.

Le 22 novembre 2006, la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Agen rejeta leur demande. Sur les arguments du requérant, l'arrêt était motivé comme suit :

« (...) Dans ces conditions, aucune nullité ne peut être déduite d'emblée de l'application des articles 63-4 et 706-73 du code de procédure pénale relatives au délai d'intervention de l'avocat en garde à vue, alors que le conseil constitutionnel en a vérifié la constitutionnalité par une décision tenant nécessairement compte des engagements conventionnels internationaux de la République Française, puisque prise notamment au visa de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée adoptée à New York le 11 novembre 2000 (...) »

Les requérants se pourvurent en cassation, dénonçant une violation de l'article 6 de la Convention.

Le 20 mars 2007, la Cour de cassation rejeta leur pourvoi, jugeant que les dispositions du dernier alinéa de l'article 63-4 et de l'article 706-73 du code de procédure pénale ne sont pas incompatibles avec l'article 6 de la Convention.

Par une ordonnance du 13 mai 2008, les requérants furent renvoyés devant le tribunal correctionnel d'Agen pour infractions à la législation sur les stupéfiants.

Par un jugement définitif du 25 mars 2009, ils furent condamnés à la peine d'un an d'emprisonnement.

B. Les dispositions pertinentes du code de procédure pénale telles qu'en vigueur au moment des faits

Article 63-1

(abrogé par Décision no 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010)

« Toute personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire, ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, de la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête, des droits mentionnés aux articles 63-2, 63-3 et 63-4 ainsi que des dispositions relatives à la durée de la garde à vue prévues par l'article 63.

Mention de cet avis est portée au procès-verbal et émargée par la personne gardée à vue ; en cas de refus d'émargement, il en est fait mention.

Les informations mentionnées au premier alinéa doivent être communiquées à la personne gardée à vue dans une langue qu'elle comprend, le cas échéant au moyen de formulaires écrits.

(...)

NOTA:

Dans sa décision no 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 (NOR CSCX1020678S), le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution l'article 63-1 du code de procédure pénale. Cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet le 1er juillet 2011 dans les conditions fixées au considérant 30. »

Article 63-2

« Toute personne placée en garde à vue peut, à sa demande, faire prévenir dans le délai prévu au dernier alinéa de l'article 63-1, par téléphone, une personne avec laquelle elle vit habituellement ou l'un de ses parents en ligne directe, l'un de ses frères et sœurs ou son employeur de la mesure dont elle est l'objet. (...) »

Article 63-3

« Toute personne placée en garde à vue peut, à sa demande, être examinée par un médecin désigné par le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire. En cas de prolongation, elle peut demander à être examinée une seconde fois. (...) »

Article 63-4

« Dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à s'entretenir avec un avocat. Si elle n'est pas en mesure d'en désigner un ou si l'avocat choisi ne peut être contacté, elle peut demander qu'il lui en soit commis un d'office par le bâtonnier.

Le bâtonnier est informé de cette demande par tous moyens et sans délai.

L'avocat désigné peut communiquer avec la personne gardée à vue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l'entretien. Il est informé par l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire de la nature et de la date présumée de l'infraction sur laquelle porte l'enquête.

A l'issue de l'entretien dont la durée ne peut excéder trente minutes, l'avocat présente, le cas échéant, des observations écrites qui sont jointes à la procédure.

L'avocat ne peut faire état de cet entretien auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue.

Lorsque la garde à vue fait l'objet d'une prolongation, la personne peut également demander à s'entretenir avec un avocat dès le début de la prolongation, dans les conditions et selon les modalités prévues aux alinéas précédents.

Si la personne est gardée à vue pour une infraction mentionnée aux 4o, 6o, 7o, 8o et 15o de l'article 706-73, l'entretien avec un avocat ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de quarante-huit heures. Si elle est gardée à vue pour une infraction mentionnée aux 3o et 11o du même article, l'entretien avec un avocat ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de soixante-douze heures. Le procureur de la République est avisé de la qualification des faits retenue par les enquêteurs dès qu'il est informé par ces derniers du placement en garde à vue. »

Article 706-73

« La procédure applicable à l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des crimes et des délits suivants est celle prévue par le présent code, sous réserve des dispositions du présent titre :

(...)

3o Crimes et délits de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-34 à 222-40 du code pénal ;

4o Crimes et délits d'enlèvement et de séquestration commis en bande organisée prévus par l'article 224-5-2 du code pénal (...) »

Article 706-88

« Pour l'application des articles 63, 77 et 154, si les nécessités de l'enquête ou de l'instruction relatives à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, la garde à vue d'une personne peut, à titre exceptionnel, faire l'objet de deux prolongations supplémentaires de vingt-quatre heures chacune.

Ces prolongations sont autorisées, par décision écrite et motivée, soit, à la requête du procureur de la République, par le juge des libertés et de la détention, soit par le juge d'instruction.

La personne gardée à vue doit être présentée au magistrat qui statue sur la prolongation préalablement à cette décision. La seconde prolongation peut toutefois, à titre exceptionnel, être autorisée sans présentation préalable de la personne en raison des nécessités des investigations en cours ou à effectuer.

Lorsque la première prolongation est décidée, la personne gardée à vue est examinée par un médecin désigné par le procureur de la République, le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire. Le médecin délivre un certificat médical par lequel il doit notamment se prononcer sur l'aptitude au maintien en garde à vue, qui est versé au dossier. La personne est avisée par l'officier de police judiciaire du droit de demander un nouvel examen médical. Ces examens médicaux sont de droit. Mention de cet avis est portée au procès-verbal et émargée par la personne intéressée ; en cas de refus d'émargement, il en est fait mention.

Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, si la durée prévisible des investigations restant à réaliser à l'issue des premières quarante-huit heures de garde à vue le justifie, le juge des libertés et de la détention ou le juge d'instruction peuvent décider, selon les modalités prévues au deuxième alinéa, que la garde à vue fera l'objet d'une seule prolongation supplémentaire de quarante-huit heures.

La personne dont la garde à vue est prolongée en application des dispositions du présent article peut demander à s'entretenir avec un avocat, selon les modalités prévues par l'article 63-4, à l'issue de la quarante-huitième heure puis de la soixante-douzième heure de la mesure ; elle est avisée de ce droit lorsque la ou les prolongations lui sont notifiées et mention en est portée au procès-verbal et émargée par la personne intéressée ; en cas de refus d'émargement, il en est fait mention. Toutefois, lorsque l'enquête porte sur une infraction entrant dans le champ d'application des 3o et 11o de l'article 706-73, l'entretien avec un avocat ne peut intervenir qu'à l'issue de la soixante-douzième heure. »

GRIEFS

Les requérants estiment que le droit interne, qui prévoit l'intervention de l'avocat après la soixante-douzième heure de garde à vue en matière de trafic de stupéfiants, ne répond pas aux exigences de l'article 6 de la Convention. Ils ajoutent que l'impossibilité pour une personne placée en garde à vue de rencontrer un avocat dès son interpellation, et ce pendant trois jours, désavantage la défense et viole le principe de l'égalité des armes.

QUESTION AUX PARTIES

La cause des requérants a-t-elle été entendue équitablement, comme l'exige l'article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention, dans la mesure où ils n'ont pas bénéficié de l'assistance d'un avocat dès le début de leur garde à vue et durant les interrogatoires (voir, notamment, Salduz c. Turquie [GC], no 36391/02, §§ 50-63, 27 novembre 2008, Dayanan c. Turquie, no 7377/03, §§ 30-34, CEDH 2009‑..., et Brusco c. France, no 1466/07, §§ 44-55, 14 octobre 2010) ?

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