CEDH, 51238/08 Exposé des faits et Questions aux Parties, 2 novembre 2011, 51238/08

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, 2 nov. 2011, n° 51238/08
Numéro(s) : 51238/08
Type de document : Affaire communiquée
Opinion(s) séparée(s) : Non
Identifiant HUDOC : 003-3709529-4226216
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Texte intégral

CINQUIÈME SECTION

Requête no 51238/08
présentée par Amirouche HAMOUR
contre la France
introduite le 8 octobre 2008

EXPOSÉ DES FAITS

EN FAIT

Le requérant, M. Amirouche Hamour, est un ressortissant algérien, né en 1962 et actuellement détenu à la maison d’arrêt de Fresnes.

A. Les circonstances de l’espèce

1. L’instruction

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

Le 22 novembre 2004, la famille de N.H., l’épouse du requérant, signala au commissariat de police de Sarcelles la disparition de la jeune femme, craignant que celle-ci n’ait été séquestrée par son conjoint en raison d’une instance de divorce dont le jugement devait être prononcé le 23 novembre 2004.

Une patrouille de police intervint au domicile du requérant. Le requérant indiqua avoir vu son épouse dans un magasin du quartier vers 17 h, puis avoir signalé sa disparition au commissariat du quartier une heure trente plus tard.

Le 23 novembre 2004, en raison du caractère inquiétant de la disparition de N.H., le procureur de la République de Pontoise saisit la brigade criminelle de la police judiciaire de Versailles. Lors d’un transport au domicile du couple, les enquêteurs trouvèrent dans la boîte aux lettres une lettre postée le 22 novembre 2004 depuis la gare du Nord faisant état de la volonté de N.H. de quitter le domicile conjugal pour aller chez une amie dans le nord de la France en raison de la mésentente avec son mari et le caractère désobéissant des enfants. La famille du requérant reçut la même lettre. Dans la maison, les enquêteurs trouvèrent du sang dans la chambre des enfants, sur la porte d’entrée, sur un blouson (sur lequel était posé un rouleau de sacs poubelle), dans la salle de bain, sur la porte d’entrée du salon et de la chambre conjugale. De nombreux objets furent saisis et le requérant fut immédiatement placé en garde à vue. Il se disait alors étranger à la disparition de sa femme et attribuait les traces de sang à une coupure qu’il s’était faite au doigt en bricolant un vélo d’enfant.

Le lendemain, d’autres traces suspectes furent retrouvées sur la porte d’accès aux caves de l’immeuble et sur le boîtier de commande de l’interrupteur électrique du local à vélos. Un transport ultérieur sur les lieux, le 17 février 2005, permit de mettre en évidence des traces de sang sur le cadre d’un vélo d’adulte.

Une enquête de voisinage permit de recueillir le témoignage de Mme B., une voisine du couple, qui indiqua que des disputes étaient fréquentes entre le requérant et son épouse sans pour autant déboucher sur des violences. Elle indiqua avoir entendu une dispute le 22 novembre 2004 vers 10 h 30 et avoir mis de la musique comme d’habitude pour couvrir les voix. Elle précisa avoir entendu un appel au secours de N.H. qui ne l’avait cependant pas alertée. Elle ajouta que N.H. aimait ses enfants et qu’elle ne les aurait pas laissés. D’autres témoignages des amies et connaissances féminines de N.H. furent recueillis par les enquêteurs. Les enquêteurs interrogèrent également les enfants du couple qui confirmèrent que les relations entre leurs parents étaient tendues à la veille du divorce. Un d’entre eux affirma que sa mère se sentait menacée par le requérant.

Le 25 novembre 2004, une information judiciaire du chef d’assassinat fut ouverte par le juge d’instruction du tribunal de grande instance (TGI) de Pontoise. Le requérant maintint l’ensemble de ses déclarations. Par une ordonnance du même jour, le juge des libertés et de la détention (JLD) du TGI de Pontoise ordonna la détention provisoire du requérant aux motifs que de nombreuses investigations étaient nécessaires afin de déterminer les circonstances dans lesquelles la femme du requérant avait disparu ; qu’il convenait d’éviter tout risque de déperdition des preuves, de pressions sur les témoins et de concertation avec d’éventuels complices ; que le fait que requérant était de nationalité algérienne offrait des garanties de représentation insuffisantes et, enfin, que la disparition d’une femme dans le contexte de violences familiales apportait un trouble grave et persistant à l’ordre public.

Le 22 décembre 2004, la fille du requérant, S., relata que, le 22 novembre 2004, son père était revenu de la gare vers 16 h 20 et qu’elle avait constaté des griffures sur l’une de ses mains.

Les 27 et 28 décembre 2004, l’avocat des parties civiles présenta deux demandes de mesures d’instruction complémentaire (un visionnage vidéo et une expertise graphologique).

Le 3 janvier 2005, le juge d’instruction du TGI de Pontoise, statuant sur les demandes des 27 et 28 décembre 2004, rendit une ordonnance de refus de mesure d’instruction complémentaire motivée par le fait que, depuis sa saisine, de nombreux actes (commissions rogatoires et expertises) avaient été entrepris et que le mis en examen devait être à nouveau entendu le lendemain.

Le 4 janvier 2005, le requérant fut réentendu et indiqua, au sujet de sa blessure au doigt, qu’il avait changé sa chemise bleue tachée de sang dans la chambre des garçons où il l’avait laissée. Sur les interrogations du juge d’instruction qui lui demanda pourquoi il n’avait pas indiqué cet élément plus tôt, le requérant élargit le périmètre parcouru par lui à la recherche du sparadrap pour indiquer qu’il s’était de plus rendu dans sa propre chambre et au salon. Le juge d’instruction lui demanda également des explications sur les traces de sang trouvées sur un vélo dans la cave.

Le juge d’instruction, pour confirmer les déclarations du mis en examen, procéda à un transport sur les lieux et fit saisir trois chemises et un tournevis.

Les enquêteurs entendirent M., cité par le requérant, qui indiqua avoir fait sa rencontre dans une association « SOS Papa » à Paris. Lors de contacts téléphoniques, le requérant lui avait avoué être déprimé par son divorce et, persuadé que sa femme le trompait, qu’il la faisait suivre. De plus, il relata que le requérant lui avait demandé de poster des lettres au bureau de poste de Paris Gare du Nord, ce qui fut confirmé par le visionnage de la vidéo surveillance du bureau de poste.

Un rapport d’expertise biologique confirma la présence de l’ADN du suspect sur les traces de sang prélevées au domicile du requérant ; la présence de l’ADN de l’épouse du requérant dans la chambre des enfants, sur la porte de la cave et sur le devant du blouson tâché ; un mélange des deux ADN sur la porte d’entrée de la chambre des enfants.

Le 7 avril 2005, le juge d’instruction procéda, en compagnie d’une équipe cynophile de la gendarmerie spécialisée dans la recherche de restes humains, à des recherches aux alentours du domicile afin de retrouver le corps de l’épouse du requérant.

Une nouvelle expertise biologique conclut à la présence du sang du requérant sur le rideau de la fenêtre de sa chambre ainsi que celui de son épouse sur le canapé du salon.

Le juge d’instruction, poursuivant ses investigations techniques, commit le professeur D. pour une expertise médico-légale destinée à déterminer la faisabilité du pliage et du transport d’un cadavre. L’expert conclut à la possibilité d’un tel pliage et d’un transport dans un sac poubelle de grande taille.

L’examen de comparaison d’écriture réalisé par la technicienne de laboratoire du service régional de l’institut judiciaire de Versailles conclut à la rédaction par la même personne des deux courriers postés depuis la gare du Nord, le rédacteur du corps de la lettre n’étant ni la victime ni le mis en examen. Le signataire des deux courriers fut toutefois identifié en la personne du requérant. Ceci fut confirmé par une seconde expertise. Le juge d’instruction diligenta également des investigations téléphoniques qui mirent en évidence des incohérences dans les déclarations du requérant sur lesquelles il ne s’expliqua pas.

Le 12 avril 2005, la fille du requérant, S., compléta sa déclaration du 22 décembre 2004, et indiqua qu’en rentrant de l’école, le 22 novembre 2004 vers 12 h 30, elle avait constaté que son père ne portait pas les mêmes chaussures que le matin et surtout qu’il en avait de vieilles pleines de terre. Aux alentours de 20 h, elle relata avoir vu son père au pied de l’immeuble en train de discuter avec C. Il avait alors dit qu’il descendait à la cave chercher des habits pour les donner à C. En regardant par la fenêtre, ce que son père lui avait interdit de faire, S. vit C. portant un sac à dos en bandoulière avec des manches en bois dépassant du sac. Le lendemain vers 8 h 45, en consultant la messagerie, elle entendit la voix d’un homme inconnu dire « tout est fait, t’inquiète pas Amar ». Elle informa son père qui ne réagit pas.

Le 28 juillet 2005, la fille du requérant, S., fut réentendue et changea sa déclaration sur certains détails, mais elle confirma avoir vu quatre sacs par la fenêtre, des sacs noirs semblables à des sacs poubelle. Elle appelait désormais son père « l’assassin ».

A la suite de la déclaration de S., C. fut entendu et relata que mi-novembre (il fut imprécis sur le jour), il avait accompagné le requérant à Villiers‑le‑Bel afin d’y déposer des vêtements à destination d’Algérie, vêtements qui devaient être récupérés par un bus. Il dit également avoir vu le requérant avec deux grands sacs fermés, dont l’un plus volumineux que l’autre. Après avoir déposé le requérant sur la place de Midi à Villiers‑le‑Bel, il était aussitôt reparti.

Le requérant confirma avoir demandé ce service à C. afin d’envoyer ces vêtements en Algérie où ils devaient être récupérés par un ami de son frère.

Des investigations ultérieures auprès de la famille du requérant en Algérie permirent d’établir qu’aucun colis de linge n’était arrivé dans ce pays de la part du mis en examen. Les recherches aux alentours de la place du Midi à Villiers‑le‑Bel ne permirent pas de retrouver le corps de N.H. Enfin, un transport destiné à visualiser le quartier fréquenté par le requérant et sa famille en France fut réalisé ainsi que des photographies aériennes pour examiner la cohérence des déclarations du requérant (en chronométrant ses parcours). Le requérant ajouta alors à ses précédentes déclarations certaines démarches accomplies qui lui revenaient soudain en mémoire.

Des recherches furent diligentées auprès de différents organismes (administrations, établissements bancaires) afin de retrouver la trace de l’épouse du requérant et dans les différents lieux de destination probable de l’épouse du requérant (autorités judiciaires algériennes, norvégiennes, belges et dans les différents pays mentionnés par le mis en examen) mais sans plus de succès.

Un courrier d’un codétenu du requérant adressé au juge d’instruction et daté du 20 septembre 2006 fit état d’un appel téléphonique de l’épouse du requérant qui avait été évoqué dans un café situé à la gare de Villiers‑le‑Bel. Entendu par le juge d’instruction, il n’apporta aucun élément de nature à établir la véracité de ses allégations.

En dernier lieu, le magistrat instructeur fut saisi d’un réquisitoire supplétif du procureur de la république visant à approfondir les recherches de la personne disparue par des investigations relatives au traitement des déchets sur la commune de Villiers‑le‑Bel. Aucun corps ou objet ne put être identifié et retrouvé une fois déversé le contenu des bonnes à ordures.

Durant l’année 2006, le requérant formula également plusieurs demandes d’instruction complémentaires (contre-expertise, confrontations avec sa fille, son beau-frère et sa belle-mère) qui furent toutes rejetées par le juge d’instruction par des ordonnances datées des 30 juin 2006, 12 juillet 2006, 20 juillet 2006, 23 août 2006 et 19 septembre 2006, dont certaines furent confirmées en appel.

Le 30 avril 2007, le juge d’instruction ordonna le renvoi du requérant devant la cour d’assises du Val d’Oise aux fins d’être jugé pour crime d’assassinat. Le 4 mai 2007, le requérant forma appel de cette ordonnance. Par un arrêt du 24 juillet 2007, la cour d’appel de Versailles débouta le requérant. Le requérant forma un pourvoi en cassation qui fut déclaré non admis le 14 novembre 2007 pour absence de moyen sérieux de cassation.

2. Le jugement

Par un arrêt du 14 mars 2008, la cour d’assises du Val-d’Oise, statuant en premier ressort, condamna le requérant à une peine de trente années de réclusion criminelle assortie d’une période de sûreté de vingt ans pour l’assassinat de son épouse le 22 novembre 2004.

Le requérant interjeta appel le 17 mars 2008. Désignée par la Cour de cassation pour statuer en appel, la cour d’assises des Yvelines, par un arrêt du 20 février 2009, condamna le requérant à trente années de réclusion criminelle assortie d’une période de sûreté de vingt ans et à une peine d’interdiction définitive du territoire national français.

Le requérant forma un pourvoi en cassation le 23 février 2009 à l’encontre de l’arrêt du 20 février 2009 en invoquant son innocence et affirmant qu’il avait été condamné à tort et sans preuve pour l’assassinat de son épouse, dont le corps n’a jamais été retrouvé et dont les conditions exactes de disparition n’ont pas été élucidées.

Par un arrêt du 2 septembre 2009, la Cour de cassation rejeta le pourvoi qui ne faisait que remettre en cause les réponses irrévocables de la cour et du jury aux questions régulièrement posées et « n’offrait à juger aucun moyen de droit ».

Le requérant saisit la commission de révision des condamnations pénales qui, par une décision du 22 novembre 2010, rejeta la requête car les éléments nouveaux mis en avant par le requérant n’étaient pas « de nature à faire naître un doute sur sa culpabilité ».

3. Les prolongations de détention provisoire et les demandes de mise en liberté du requérant antérieurement à sa condamnation

Le juge des libertés et de la détention (JLD) du TGI de Pontoise ordonna la prolongation de la détention provisoire du requérant à trois reprises, par des ordonnances datées des 16 novembre 2005, 15 mai 2006 (pour six mois à compter du 25 mai 2006) et 9 novembre 2006 (pour six mois à compter du 25 novembre 2006). Le requérant interjeta appel de chacune de ces ordonnances. Par des arrêts respectivement datés des 29 novembre 2005, 6 juin 2006 et 21 novembre 2006, la cour d’appel de Versailles confirma lesdites ordonnances.

Les motifs évoqués par le JLD à l’appui de sa décision du 16 novembre 2005 furent repris dans sa décision du 18 novembre 2005 rejetant la demande en mise en liberté du requérant (voir infra), à savoir que la détention provisoire du requérant était l’unique moyen d’empêcher une pression sur les témoins ou les victimes, de protéger le mis en examen, de garantir son maintien à la disposition de la justice, de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public en raison de sa gravité, de l’importance du préjudice causé et des circonstances de sa commission. Le JLD considérait, enfin, que la poursuite de l’information était nécessaire, compte tenu des investigations qui restaient à effectuer et estimait le délai prévisible d’achèvement de l’information à un an.

Par son arrêt du 6 juin 2006 statuant sur l’appel formé contre l’ordonnance du 15 mai 2006, la cour d’appel considéra que le requérant était en détention provisoire depuis bientôt dix-huit mois ; que le juge d’instruction poursuivait activement ses investigations ; que la recherche de la vérité exigeait que les risques de pression sur les témoins soient impérativement évités ainsi que le risque de concertation avec les personnes qui auraient pu aider le requérant lors des faits ; que du fait de ses attaches familiales en Algérie, le risque de fuite du requérant ne pouvait être écarté ; et enfin, que les faits reprochés au requérant étaient d’une gravité extrême et que par là-même, ils avaient causé un trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public. La cour d’appel estima que l’information devrait s’achever dans un délai de sept mois au regard des diligences qui restaient encore à effectuer.

L’ordonnance du 9 novembre 2006 évoqua les mêmes motifs que ceux notamment évoqués dans l’ordonnance du 16 novembre 2005, à savoir que la détention provisoire du requérant était l’unique moyen d’empêcher une pression sur les témoins ou les victimes, de protéger le mis en examen, de garantir son maintien à la disposition de la justice, de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public en raison de sa gravité, de l’importance du préjudice causé et des circonstances de sa commission. Elle précisait par ailleurs que l’information en voie d’achèvement appelait la réalisation d’actes supplémentaires sollicités tant par le mis en examen que par les parties civiles ; que ces actes devaient être accomplis à l’abri de toutes pressions notamment sur la fille du requérant, celle-ci devait être prochainement interrogée par le magistrat instructeur ; qu’en l’état du dossier, et même si un contrôle judiciaire strict devait être ordonné, de telles tensions existaient entre les parties et risquaient d’entraîner des déviances notables dans le cours de l’instruction entreprise et le bouleversement des éléments déjà recueillis dans le cadre du dossier ; qu’il convenait de prévenir, dans l’intérêt de tous, de tels risques, d’autant que le mis en examen continuait de nier les faits lui étant reprochés en dépit des indices troublants mis en exergue par l’information ; que le requérant n’offrait pas de garanties en justice sérieuses, ne disposant pas d’hébergement sûr et de projet d’insertion professionnelle fiable ; qu’il pouvait fuir ses responsabilités en se rendant en Algérie où il avait des attaches familiales ; enfin, que s’agissant de faits criminels particulièrement graves, en l’espèce de l’assassinat d’une épouse et mère de famille de cinq enfants, l’ordre public était encore vivement atteint, un climat de médiatisation étant de surcroît entretenu autour de cette affaire. Au vu des investigations restant à effectuer, le délai prévisible d’achèvement de la procédure pouvait être fixé à six mois.

Aussi, au cours de sa détention provisoire, le requérant forma plusieurs demandes de mise en liberté. Le JLD du TGI de Pontoise rejeta toutes les demandes du requérant par des ordonnances datées des 11 mai 2005, 18 novembre 2005, 6 septembre 2006, 5 octobre 2006, 8 janvier 2007 et 15 janvier 2007, invoquant les motifs précédemment invoqués par le JLD pour ordonner la prolongation de la détention provisoire du requérant, à savoir que le juge d’instruction poursuivait activement ses investigations ; que la recherche de la vérité exigeait que soient impérativement évités le risque de concertation entre le requérant et ses complices éventuels et celui de pression sur les témoins ; que le risque de fuite du requérant en Algérie ne pouvait être écarté ; que l’animosité entre le requérant et sa belle-famille faisait craindre des représailles en cas de mise en liberté ; enfin, que les faits reprochés au mis en examen étaient d’une gravité extrême.

Le requérant interjeta appel de chacune de ces décisions. Par des arrêts datés des 8 novembre 2005, 26 septembre 2006, 24 octobre 2006, 17 janvier 2007 et 23 janvier 2007, la cour d’appel de Versailles confirma lesdites ordonnances.

Le requérant se pourvut en cassation contre les arrêts de la cour d’appel de Versailles des 8 novembre 2005, 17 et 23 janvier 2007. La Cour de cassation déclara les pourvois du requérant non admis par des arrêts des 17 janvier 2006, 1er mars 2007 et 9 mai 2007.

B. Le droit interne pertinent

Les dispositions pertinentes du code de procédure pénale applicables au moment des faits se lisent comme suit :

Article 137-3

« Le juge des libertés et de la détention statue par ordonnance motivée. Lorsqu’il ordonne ou prolonge une détention provisoire ou qu’il rejette une demande de mise en liberté, l’ordonnance doit comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait sur le caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire et le motif de la détention par référence aux seules dispositions des articles 143-1 et 144. »

Article 144

« La détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que si elle constitue l’unique moyen :

1o De conserver les preuves ou les indices matériels ou d’empêcher soit une pression sur les témoins ou les victimes et leur famille, soit une concertation frauduleuse entre personnes mises en examen et complices ;

2o De protéger la personne mise en examen, de garantir son maintien à la disposition de la justice, de mettre fin à l’infraction ou de prévenir son renouvellement ;

3o De mettre fin à un trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public provoqué par la gravité de l’infraction, les circonstances de sa commission ou l’importance du préjudice qu’elle a causé. »

Article 144-1

« La détention provisoire ne peut excéder une durée raisonnable, au regard de la gravité des faits reprochés à la personne mise en examen et de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité.

Le juge d’instruction ou, s’il est saisi, le juge des libertés et de la détention doit ordonner la mise en liberté immédiate de la personne placée en détention provisoire, selon les modalités prévues par l’article 147, dès que les conditions prévues à l’article 144 et au présent article ne sont plus remplies. »

Article 145-2

« En matière criminelle, la personne mise en examen ne peut être maintenue en détention au-delà d’un an. Toutefois, sous réserve des dispositions de l’article 145-3, le juge des libertés et de la détention peut, à l’expiration de ce délai, prolonger la détention pour une durée qui ne peut être supérieure à six mois par une ordonnance motivée conformément aux dispositions de l’article 137-3 (...). Cette décision peut être renouvelée selon la même procédure.

La personne mise en examen ne peut être maintenue en détention provisoire au-delà de deux ans lorsque la peine encourue est inférieure à vingt ans de réclusion ou de détention criminelles et au-delà de trois ans dans les autres cas. Les délais sont portés respectivement à trois et quatre ans lorsque l’un des faits constitutifs de l’infraction a été commis hors du territoire national. Le délai est également de quatre ans lorsque la personne est poursuivie pour plusieurs crimes mentionnés aux livres II et IV du code pénal, ou pour trafic de stupéfiants, terrorisme, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour un crime commis en bande organisée.

A titre exceptionnel, lorsque les investigations du juge d’instruction doivent être poursuivies et que la mise en liberté de la personne mise en examen causerait pour la sécurité des personnes et des biens un risque d’une particulière gravité, la chambre de l’instruction peut prolonger pour une durée de quatre mois les durées prévues au présent article (...). Cette décision peut être renouvelée une fois sous les mêmes conditions et selon les mêmes modalités.

Les dispositions du présent article sont applicables jusqu’à l’ordonnance de règlement. »

GRIEF

Le requérant se plaint de la durée excessive de sa détention provisoire, à savoir trois ans, trois mois et vingt jours.

QUESTIONS AUX PARTIES

1. La durée de la détention provisoire subie par le requérant était-elle compatible avec la condition de jugement dans un « délai raisonnable », au sens de l’article 5 § 3 de la Convention ?

2. En particulier, l’instruction du dossier du requérant était-elle compatible avec l’obligation de « diligence particulière » que les autorités judiciaires doivent apporter à la poursuite de la procédure, de même que les motifs invoqués pour le maintien du requérant en détention provisoire étaient-ils « pertinents » et « suffisants » à tous les stades de la procédure (voir notamment Garriguenc c. France, no 21148/02, § 49, 10 juillet 2008 ; Paradysz c. France, no 17020/05, § 66, 29 octobre 2009) ?

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