CEDH, Cour (deuxième section), IVANOV c. la LETTONIE, 7 juin 2001, 55933/00

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Deuxième Section), 7 juin 2001, n° 55933/00
Numéro(s) : 55933/00
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 12 janvier 2000
Jurisprudence de Strasbourg : Arrêt Maaouia c. France [GC], n° 39652/98, §§ 38-41, CEDH 2000-X - (5.10.00)
No 16698/90, déc. 13.2.92, non publiée
Sisojeva et autres c. Lettonie (déc.), no 60654/00, 9.11.2000, non publiée Comm. Eur. D.H. No 12068/86, déc. 1.12.86, D.R.. 51, p. 237
Pancenko c. Lettonie (déc.), no. 40772/98, 28.10.1999, non publiée
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Partiellement irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-32464
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2001:0607DEC005593300
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Sur les parties

Texte intégral

DEUXIEME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête n° 55933/00
présentée par Aleksandr IVANOV
contre la Lettonie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 7 juin 2001 en une chambre composée de

MM.C.L. Rozakis, président,
A.B. Baka,
P. Lorenzen,
MmeM. Tsatsa-Nikolovska,
MM.E. Levits,
A. Kovler,
V. Zagrebelsky, juges,
et de M. E. Fribergh, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 12 janvier 2000 et enregistrée le 24 mars 2000,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant est né en 1963 et réside à Jēkabpils (Lettonie). De nationalité soviétique avant l’éclatement de l’URSS, il n’a actuellement aucune nationalité.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

A. Circonstances particulières de l’affaire

Né dans la famille d’un militaire soviétique, le requérant entra sur le territoire letton en 1976, à l’âge de treize ans. Depuis lors, il y vit en permanence.

En octobre 1981, le requérant fut appelé à faire son service militaire obligatoire au sein de l’armée soviétique. Après l’écoulement du délai de deux ans, durée réglementaire du service militaire obligatoire à l’époque, le requérant s’enrôla dans l’armée à titre permanent. Pendant toute la durée de son service, il fut affecté aux bases de l’armée soviétique situées sur le territoire letton.

Après 1991, l’ancienne armée soviétique étant devenue armée de la Fédération de Russie, le requérant continua son service dans les bases de cette armée situées en Lettonie. Le 8 août 1993, il fut démobilisé. Peu après, sa mère et son père, démobilisé en 1987, furent inscrits sur le registre des résidents (Iedzīvotāju reģistrs) en tant que résidents permanents.

Le 18 août 1995, un chef d’unité du Département de nationalité et d’immigration du ministère de l’Intérieur (Iekšlietu ministrijas Pilsonības un imigrācijas departaments, ci-dessous le « Département ») délivra un arrêté d’expulsion contre le requérant. Après avoir tenté, en vain, d’attaquer cet arrêté par voie de recours hiérarchique devant le directeur du Département, le requérant introduisit un recours en annulation devant le tribunal de première instance de l’arrondissement du Centre de la ville de Riga, en faisant valoir que, conformément à la loi relative au statut des ressortissants de l’ex-URSS ne possédant pas la nationalité lettonne ou celle d’un autre Etat (ci-dessous la « loi sur les non-citoyens »), il avait le droit d’obtenir le statut de « non-citoyen résident permanent » et d’être inclus sur le registre des résidents. A cet égard, le requérant soutint notamment qu’ayant eu son domicile sur le territoire letton au moment de son enrôlement, il relevait de la loi susmentionnée en vertu de son article 1er.

Par un jugement contradictoire du 2 avril 1998, le tribunal de première instance rejeta le recours, au motif que, le requérant relevant de l’accord russo-letton relatif aux conditions, délais et ordre du retrait complet du territoire de la République de Lettonie des troupes militaires de la Fédération de Russie et à leur statut pendant le retrait, signé à Moscou le 30 avril 1994 (ci-dessous « l’accord russo-letton »), la loi sur les non-citoyens lui était inapplicable.

Contre ce jugement, le requérant interjeta appel devant la cour régionale de Riga, qui, par un arrêt contradictoire du 1er octobre 1998, annula le jugement entrepris. Elle releva notamment qu’au moment de l’enrôlement du requérant, en 1981, son domicile officiellement enregistré (propiska en russe, pieraksts ou dzīvesvietas reģistrācija en letton) se trouvait sur le territoire letton. Par conséquent, selon la cour régionale, son cas correspondait à l’article 1 § 3 sous 2) de la loi sur les non-citoyens, permettant aux anciens militaires soviétiques ou russes démobilisés après le 28 janvier 1992, qui, avant leur recrutement, avaient été domiciliés sur le territoire letton, d’acquérir le statut de « non-citoyen résident permanent ». En outre, la cour releva que l’arrêté d’expulsion en litige était entaché d’excès de pouvoir, seul le directeur du Département et non un chef d’unité étant autorisé à le délivrer dans le cas d’espèce. Par conséquent, la cour régionale annula l’arrêté d’expulsion et enjoignit à la Direction des affaires de nationalité et de migration du ministère de l’Intérieur (Iekšlietu ministrijas Pilsonības un migrācijas lietu pārvalde, ci-dessous la « Direction »), ayant succédé au Département, d’inclure le requérant sur le registre des résidents en tant que « non-citoyen résident permanent ».

Contre cet arrêt, la Direction se pourvut en cassation devant le Sénat de la Cour suprême, qui, par un arrêt du 16 décembre 1998, cassa et annula l’arrêt entrepris et renvoya l’affaire devant la cour régionale de Riga. Aux termes de l’arrêt, la juridiction d’appel avait fait une interprétation erronée de l’article 1er de la loi sur les non-citoyens, en estimant qu’au moment de son recrutement, le requérant avait son domicile en Lettonie. Selon le Sénat, le requérant ayant été membre de famille à charge d’un militaire soviétique actif à l’époque, son séjour sur le territoire letton ne pouvait pas être assimilé à un « domicile » ou à une « résidence permanente » au sens de cette disposition. Le Sénat en conclut que, n’ayant pas le droit au statut de « non-citoyen résident permanent », le requérant était obligé de régulariser son séjour en sollicitant un permis de séjour conformément à la loi relative à l’entrée et au séjour des étrangers et des apatrides en République de Lettonie (ci-dessous « loi sur les étrangers »), ce qu’il n’avait pas fait. Dès lors, l’arrêté d’expulsion contre le requérant était justifié par les dispositions de la loi.

Par un arrêt contradictoire du 10 septembre 1999, la cour régionale de Riga rejeta le recours du requérant, en se ralliant en substance aux constats et aux arguments du Sénat. Le pourvoi en cassation du requérant fut déclaré irrecevable par une ordonnance du Sénat du 25 octobre 1999, au motif que son mémoire de cassation ne contenait pas d’exposé clair de moyens de droit, se limitant à contester les constats factuels faits par les juridictions inférieures.

Il ressort des pièces du dossier que, l’arrêté d’expulsion n’ayant pas été exécuté, le requérant continue de vivre au foyer de ses parents en Lettonie.

B. Le droit interne pertinent

Les dispositions pertinentes de l’accord russo-letton relatif aux conditions, délais et ordre du retrait complet du territoire de la République de Lettonie des troupes militaires de la Fédération de Russie et à leur statut pendant le retrait, signé à Moscou le 30 avril 1994, publié dans « Latvijas Vēstnesis » (le journal officiel) le 10 décembre 1994, et entré en vigueur le 27 février 1995, sont rédigées comme suit :

Article 2

« Les troupes militaires de la Fédération de Russie quitteront le territoire de la République de Lettonie avant le 31 août 1994.

Le retrait des troupes militaires de la Fédération de Russie concerne toutes les personnes étant dans les rangs des forces armées de la Fédération de Russie, les membres de leurs familles et leur propriété mobilière.

La fermeture des bases militaires et la démobilisation des militaires sur le territoire de la République de Lettonie postérieurement au 28 janvier 1992 n’est pas considérée comme le retrait des troupes militaires. (...) »

Article 3

« (...) 5. La Fédération de Russie informera la République de Lettonie de l’effectif de son personnel militaire se trouvant sur le territoire letton, ainsi que des membres des familles de ce personnel. Dorénavant, elle fournira régulièrement, et au moins trimestriellement, des informations sur le retrait et l’évolution quantitative de chacun des groupes susmentionnés pris séparément. (...) »

Article 15

« Le présent accord (...) sera provisoirement appliqué dès la date de sa signature et entrera en vigueur le jour de l’échange des instruments de ratification. (...) »

Les modalités de mise en œuvre de l’accord susmentionné par la partie lettonne sont régies par le règlement n° 118 du 22 avril 1995, dont les parties pertinentes sont ainsi libellées :

Article 2

« Le ministère de l’Intérieur : (...)

2.2.délivre des permis de séjour conformément à la liste vérifiée des militaires (...) à ceux des militaires russes démobilisés, qui, au 28 janvier 1992, avaient leur domicile sur le territoire letton et qui se sont enregistrés auprès du Département de nationalité et d’immigration (...) ;

2.3. prend des arrêtés d’expulsion contre les militaires séjournant illégalement en République en Lettonie, et contrôle l’exécution desdits arrêtés ; (...) »

Les dispositions pertinentes de la loi du 12 avril 1995 relative au statut des citoyens de l’ex-URSS n’ayant pas la nationalité lettonne ou celle d’un autre Etat (Likums « Par to bijušo PSRS pilsoņu statusu, kuriem nav Latvijas vai citas valsts pilsonības »), sont rédigées comme suit :

Article 1er

« [§ 1 – Rédaction en vigueur avant le 25 septembre 1998] Sont sujets à la présente loi les citoyens de l’ancienne URSS résidant en Lettonie (...), ayant résidé sur le territoire letton avant le 1er juillet 1992 et y ayant été enregistrés à domicile, indépendamment du statut de leur logement, lorsqu’ils n’ont pas la nationalité lettonne ou celle d’un autre Etat ; ainsi que les enfants mineurs desdites personnes, lorsqu’ils n’ont pas la nationalité lettonne ou celle d’un autre Etat. » 

« [§ 1 – Rédaction en vigueur depuis le 25 septembre 1998] Les personnes sujettes à la présente loi, les « non-citoyens », sont les citoyens de l’ancienne URSS résidant en Lettonie (...) ainsi que leurs enfants, répondant aux conditions cumulatives suivantes :

1) au 1er juillet 1992, ils étaient enregistrés à domicile sur le territoire letton indépendamment du statut de leur logement ; ou leur dernier domicile enregistré jusqu’au 1er juillet 1992 se trouvait en République de Lettonie ; ou bien il existe un jugement constatant qu’avant ladite date, ils ont résidé sur le territoire letton pendant dix ans au moins ;

2) ils n’ont pas la nationalité lettonne ;

3) ils n’ont pas et n’ont pas eu la nationalité d’un autre Etat. (...) »

« (3) La présente loi ne s’applique pas : (...)

2) aux personnes démobilisées du service militaire actif postérieurement au 28 janvier 1992, si au moment de leur recrutement elles n’avaient pas de résidence permanente sur le territoire letton ou si elles ne sont pas membres de la famille de citoyens lettons ;

3) aux conjoints des personnes susvisées (...), ainsi qu’aux membres de leur famille résidant avec eux, à savoir les enfants et les autres personnes à leur charge, lorsque, indépendamment de la date de leur entrée, ils sont entrés en Lettonie en liaison avec le service du militaire dans l’armée de la Fédération de la Russie (de l’URSS) ; (...) »

La situation des personnes n’ayant pas la nationalité lettonne et ne relevant pas de la loi sur les non-citoyens, est régie par la loi du 9 juin 1992 relative à l’entrée et au séjour des étrangers et des apatrides en République de Lettonie (Likums « Par ārvalstnieku un bezvalstnieku ieceļošanu un uzturēšanos Latvijas Republikā »), dont la disposition pertinente est ainsi libellée :

Article 11 (rédaction en vigueur à l’époque des faits critiqués par le requérant, et ce, jusqu’au 25 mai 1999)

« Tout étranger ou apatride peut séjourner en République de Lettonie pour une durée supérieure à trois mois, après avoir obtenu un permis de séjour conformément à la présente loi. (...) »

Article 12

« Il peut être délivré à un étranger ou à un apatride :

1) un permis de séjour temporaire ;

2) un permis de séjour permanent. (...) »

La décision du Conseil suprême de la République de Lettonie du 10 juin 1992 sur les modalités d’entrée en vigueur et d’application de la loi susmentionnée précise le champ de son application. Elle obligeait notamment tous les étrangers et les apatrides séjournant en Lettonie sans enregistrement permanent de domicile à la date de l’entrée en vigueur de la loi à solliciter un permis de séjour dans un délai d’un mois à partir de cette date, sous peine d’un arrêté d’expulsion.

Au moment de l’entrée en vigueur de la loi sur les étrangers, aucune disposition excluant les membres actifs de l’armée russe démobilisés après le 28 janvier 1992 n’y était incluse. Le règlement n° 297 du 6 août 1996, confirmé par la loi du 18 décembre 1996, inséra dans ce texte un article 23‑1 stipulant que ces personnes n’avaient pas le droit d’obtenir un permis de séjour permanent, si au moment de leur recrutement elles n’avaient pas de résidence permanente sur le territoire letton ou si elles ne sont pas membres de la famille des citoyens lettons. 

L’article 35 de la même loi énumère les hypothèses dans lesquelles la délivrance d’un permis de séjour, même temporaire, est exclue. Cependant, le fait d’être membre actif de l’armée russe après le 28 janvier 1992 ne figure pas sur cette liste.

GRIEFS

Invoquant l’article 8 § 1 de la Convention, le requérant se plaint que son expulsion du territoire letton, où il a vécu en permanence depuis l’âge de treize ans et où vivent ses parents, constitue une atteinte injustifiée à son droit au respect de la vie privée et familiale.

Invoquant l’article 2 §§ 1 et 2 du Protocole n° 4 à la Convention, le requérant soutient qu’en refusant de régulariser son séjour en Lettonie et en le privant ainsi de toute possibilité de quitter le pays et de se déplacer sur le territoire letton, les autorités lettonnes ont violé son droit à la liberté de circulation.

Le requérant allègue également une violation de l’article 6 § 1 de la Convention relatif au droit à un procès équitable. A cet égard, il dénonce une interprétation incorrecte, par les juridictions nationales, de la législation interne en matière de « non-citoyens résidents permanents ».

De même, sous l’angle de l’article 13 de la Convention, le requérant se plaint de l’absence d’un recours effectif lui permettant de faire valoir ses droits devant une instance nationale.

Enfin, le requérant soutient que la situation dans laquelle il se trouve et, notamment, l’impossibilité de bénéficier de l’assistance de divers services sociaux, constitue une source de violation des articles 2, 3, 4 et 12 de la Convention.

EN DROIT

1.Grief tiré de l’article 8 de la Convention

Le requérant soutient que le fait, pour les autorités lettonnes, de prendre un arrêté d’expulsion à son égard, constitue une ingérence injustifiée et disproportionnée dans l’exercice de son droit au respect de la vie privée et familiale, garanti par l’article 8 de la Convention. Les parties pertinentes de l’article 8 sont ainsi libellées :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...).

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 3 b) de son règlement.

2. Grief tiré de l’article 2 du Protocole n° 4 à la Convention

Le requérant se plaint également qu’à cause de sa situation irrégulière en Lettonie, sa liberté de circulation se trouve considérablement restreinte. De ce fait, il estime être victime d’une violation de l’article 2 §§ 1 et 2 du Protocole n° 4 à la Convention, libellés comme suit :

« 1. Quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d’un Etat a le droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence.

2. Toute personne est libre de quitter n’importe quel pays, y compris le sien. »

La Cour rappelle que l’article 2 § 1 n’est applicable qu’à une personne qui se trouve régulièrement sur le territoire d’un Etat, les critères et les exigences de régularité du séjour relevant en premier lieu du droit interne (cf., mutatis mutandis, n° 12068/86, déc. 1.12.86, D.R. 51, p. 237). Elle rappelle également que l’article 2 § 1 du Protocole n° 4 ne concerne que le droit de circuler à l’intérieur d’un Etat et ne régit en aucune manière les conditions dans lesquelles une personne a le droit de résider dans un Etat (cf. n° 16698/90, déc. 13.2.92, non publiée). Par conséquent, à supposer même que l’article 2 § 1 soit applicable au cas d’espèce, aucune pièce du dossier du requérant ne montre que, du fait de son statut irrégulier en Lettonie, il aurait fait l’objet d’une restriction quelconque de son droit de se déplacer et de choisir sa résidence en Lettonie ou de quitter le territoire de cet Etat (cf. Sisojeva et autres c. Lettonie (déc.), n° 60654/00, 9.11.2000).

Il s’ensuit que ce grief doit également être rejeté comme étant manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

3. Grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention

Le requérant se plaint également d’une application erronée, par les juridictions lettonnes, de la législation nationale en matière de « non-citoyens résidents permanents ». Il allègue dès lors une violation de l’article 6 § 1 de la Convention, dont les parties pertinentes se lisent comme suit :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) et dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) »

La Cour rappelle que, conformément à la jurisprudence constante des organes de la Convention, les décisions relatives à l’entrée, au séjour et à l’éloignement des étrangers n’emportent pas contestation sur les droits ou obligations de caractère civil des requérants ni n’ont trait au bien-fondé d’une accusation en matière pénale dirigée à leur encontre. Partant, l’article 6 § 1 de la Convention ne s’y applique pas (cf., en dernier lieu, Maaouia c. France [GC], n° 39652/98, 5.10.2000, §§ 38-41, [à paraître dans le Recueil officiel de la Cour]).

Ce grief est donc incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 § 3, et doit être rejeté en application de l’article 35 § 4.

4. Grief tiré de l’article 13 de la Convention

De même, le requérant se plaint que le comportement des autorités et des juridictions lettonnes l’a privé de tout recours effectif devant les juridictions nationales, ce qui a constitué une violation de l’article 13 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

La Cour constate que le requérant a bénéficié d’une procédure contradictoire de recours devant tous les degrés des juridictions lettonnes, qui ont effectivement examiné sa cause et apprécié ses arguments et ses moyens. En outre, la Cour constate que les décisions des juridictions nationales dans l’affaire sont suffisamment motivées par des considérations tant de fait que de droit. Par conséquent, la Cour n’a décelé aucune apparence de violation des garanties procédurales de la Convention.

Ce grief doit dès lors être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

5. Griefs tirés des articles 2, 3, 4 et 12 de la Convention

Se référant à la situation difficile dans laquelle il se trouve du fait de sa situation irrégulière en Lettonie, le requérant allègue une violation de ses droits garantis par les articles 2, 3, 4 et 12 de la Convention. Dans la mesure où elles sont pertinentes en l’espèce, les dispositions précitées sont ainsi libellées :

Article 2

« 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. (...) »

Article 3

« Nul ne peut être soumis (...) à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

Article 4

« 1. Nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude.

2. Nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire.(...) »

Article 12

« A partir de l’âge nubile, l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit. »

Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, la Cour ne relève aucun indice d’atteinte aux droits garantis par ces dispositions au sens qui leur est donné par la jurisprudence constante des organes de la Convention. En particulier, pour ce qui est de l’article 3, la Cour rappelle qu’il ne garantit pas une certaine qualité de vie ou une protection contre les restrictions et les inconvénients inhérents à un séjour irrégulier dans un Etat dont on n’est pas ressortissant (cf. Pančenko c. Lettonie (déc.), n° 40772/98, 28.10.1999). Par conséquent, dans la mesure où le requérant se plaint des problèmes corollaires à son expulsion, la Cour estime qu’ils sont déjà couverts par le grief tiré de l’article 8 de la Convention (cf. supra). Quant aux articles 2, 4 et 12 de la Convention, la Cour ne voit pas en quoi les droits protégés par ces articles seraient atteints en l’espèce.

Il s’ensuit que cette partie de la requête doit elle aussi être rejetée comme manifestement mal fondée, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Ajourne l’examen du grief du requérant tiré de l’article 8 de la Convention.

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

Erik FriberghChristos Rozakis
GreffierPrésident

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Textes cités dans la décision

  1. Loi n°92-496 du 9 juin 1992
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CEDH, Cour (deuxième section), IVANOV c. la LETTONIE, 7 juin 2001, 55933/00