CEDH, Cour (deuxième section), OTTOMANI c. la FRANCE, 5 mars 2002, 49857/99

  • Gouvernement·
  • Voies de recours·
  • Partie civile·
  • Juge d'instruction·
  • Examen·
  • Commission rogatoire·
  • Plainte·
  • Constitution·
  • Ordonnance·
  • Commission

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Deuxième Section), 5 mars 2002, n° 49857/99
Numéro(s) : 49857/99
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 30 mars 1999
Jurisprudence de Strasbourg : Bar c. France (déc.), n° 37863/97, 7.9.1999
Arrêt Beljanski c. France, n° 44070/98 - (7.2.02)
Arrêt Cardot c. France du 9 mars 1991, série A n° 200, p. 19, § 36
Arrêt Dalia c. France du 19 février 1998, Recueil 1998-I, pp. 87-88, § 38
Arrêt Fressoz et Roire c. France [GC], n° 29183/95, p. 67, § 37, CEDH 1999-I - (21.1.99)
Arrêt Vernillo c. France du 20 février 1991, série A n° 198, pp. 11-12, § 27
C.P., J.F.P., E.P., C.P., T.P. et A.P. c. France, n° 36009/97, 12.10.1999
G.B. c. France (déc.), n° 44069/98, 16.5.2000
Giummarra et autres c. France (déc.), n° 61166/00, 12.6.2001
Van der Kar et Lissaur van West c. France (déc.), n° 44952/98, 44953/98, 7.11.2000
Zutter c. France (déc.), n° 30197/96, 27.6.2000
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Recevable
Identifiant HUDOC : 001-43329
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2002:0305DEC004985799
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

DEUXIÈME SECTION

DÉCISION FINALE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête n° 49857/99
présentée par Henri OTTOMANI
contre la France
 

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 5 mars 2002 en une chambre composée de

MM.A.B. Baka, président,
J.-P. Costa,
Gaukur Jörundsson,
L. Loucaides,
C. Bîrsan,
M. Ugrekhelidze,
MmeA. Mularoni, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 30 mars 1999,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, Henri Ottomani, est un ressortissant français, né en 1951 et résidant à Saint Cyr sur Mer.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

En mai et juin 1991, à la suite de plusieurs plaintes déposées auprès des services de gendarmerie de Belfort, le Parquet du tribunal de grande instance de Belfort prit le 8 janvier 1992 un réquisitoire introductif contre X. pour escroquerie.

Le 24 février 1992, le magistrat délivra une commission rogatoire au SRPJ de Dijon.

Le 15 juin 1992, le procureur prit un réquisitoire supplétif à l’encontre du requérant, marchand de biens et gérant de sociétés, et une autre personne.

Le 16 juin 1992, le requérant fut placé sous mandat dépôt et mis en examen pour escroquerie ; il en alla de même pour un co-mis en examen.

Le 25 juin 1992, une plainte avec constitution de partie civile fut déposée.

Le 30 juin 1992, une troisième personne fut mise en examen pour complicité d’escroquerie.

Le 2 juillet 1992, une plainte avec constitution de partie civile fut déposée par cinq personnes.

La demande de remise en liberté du requérant en date du 7 juillet 1992, fut rejetée par ordonnance du 10 juillet 1992.

Entre-temps, le 8 juillet 1992, deux nouvelles plaintes avec constitution de partie civile furent déposées.

Le 15 juillet 1992, le requérant interjeta appel de l’ordonnance de rejet de sa demande de remise en liberté.

Les 20 et 27 juillet 1992, deux autres plaintes avec constitution de partie civile furent déposées.

Par un arrêt du 29 juillet 1992, la chambre d’accusation confirma l’ordonnance du 10 juillet.

Le 21 septembre suivant, le requérant déposa une nouvelle demande de remise en liberté.

Le 23 septembre 1992, il fut interrogé puis, par ordonnance en date du 25 septembre 1992, remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire avec obligation, notamment, de ne pas exercer sa profession.

Le 17 décembre 1992, une nouvelle plainte avec constitution de partie civile fut déposée.

Par ordonnance du 3 septembre 1993, le magistrat instructeur fut remplacé.

Le 21 octobre 1993, le juge d’instruction délivra une seconde commission rogatoire au SRPJ de Dijon.

Le 22 février 1994, l’avocat du requérant écrivit au juge d’instruction près le tribunal correctionnel de Belfort pour s’inquiéter de l’évolution du dossier, précisant qu’à sa connaissance, seul l’acte de modification du contrôle judiciaire était intervenu depuis la mise en liberté sous contrôle judiciaire de son client.

Le 4 mars 1994, le magistrat instructeur rédigea une note de rappel à l’attention des autorités chargées d’exécuter la commission rogatoire.

Le 21 septembre 1994, les deux commissions rogatoires furent retournées au magistrat instructeur.

Le 10 janvier 1995, le juge d’instruction prit une ordonnance de soit-communiqué au procureur de la République sur la mise en examen du requérant du chef d’abus de biens sociaux.

Le 11 janvier 1995, le procureur prit un réquisitoire supplétif de mise en examen du requérant pour abus de biens sociaux, faux et usage de faux. Le même jour, le requérant fut confronté à l’un des co-mis en examen.

Le 31 mars 1995, une nouvelle plainte avec constitution de partie civile fut déposée.

Les 10, 30 mars et 4 avril 1995, l’avis de fin d’information fut transmis aux parties.

Du 30 mars 1995 au 20 avril suivant, deux demandes de confrontation furent sollicitées par certaines parties et une demande d’actes supplémentaires.

Par ordonnance du 25 avril 1995, le juge d’instruction rejeta la demande d’actes supplémentaires.

Les 23 mai et 20 juin 1995, deux confrontations furent organisées entre le requérant et certaines parties civiles.

Le 27 juin 1995, le juge d’instruction prit une ordonnance de soit‑communiqué.

Le 3 juillet suivant, le requérant sollicita du juge des actes supplémentaires.

Le 17 octobre 1995, l’avis de fin d’information fut transmis aux parties.

Les 31 octobre, 2 et 3 novembre 1995, les parties civiles sollicitèrent des actes supplémentaires.

Par trois ordonnances en date du 13 novembre 1995, le juge d’instruction rejeta les demandes des parties civiles.

Le 15 novembre 1995, le juge d’instruction prit une ordonnance de soit-communiqué de la procédure.

Le 20 novembre 1995, les parties civiles interjetèrent appel de l’ordonnance de rejet du juge d’instruction.

Le 8 décembre 1995, le président de la chambre d’accusation rendit une ordonnance de non-lieu à saisir la chambre d’accusation.

Le 28 juin 1996, le procureur de la République fit connaître ses réquisitions.

Par ordonnance du 4 juillet 1996, le requérant, et les deux co-mis en examen, furent renvoyés devant le tribunal correctionnel de Belfort.

Du 29 juillet au 12 septembre 1996, les avocats furent avisés de la date de l’audience fixée au 9 octobre 1996 et les parties civiles également citées à cette audience. 

Par jugement du 13 novembre 1996, le tribunal condamna le requérant à la peine de deux ans d’emprisonnement dont quinze mois avec sursis assorti d’une mise à l’épreuve pendant trois ans et lui imposa d’indemniser les victimes à raison de 30 000 francs chacune au titre du préjudice moral.

Les 22 et 25 novembre 1996, le requérant et un co-mis en examen interjetèrent appel du jugement ; le Ministère public forma appel incident.

Du 21 février au 7 avril 1997, les parties civiles furent citées à l’audience du 24 avril 1997.

Le 23 avril 1997, le requérant déposa ses conclusions.

Par arrêt du 12 juin 1997, la cour d’appel de Besançon confirma la déclaration de culpabilité, mais réforma la peine en la portant à trois ans d’emprisonnement dont deux avec sursis et mise à l’épreuve pendant trois ans avec l’obligation de rembourser les victimes et 100 000 francs d’amende.

Le 16 juin 1997, le requérant forma un pourvoi en cassation.

Le 16 juillet 1997, le dossier arriva à la Cour de cassation, et le 17 novembre suivant, un conseiller rapporteur fut désigné.

Le 30 janvier 1998, le requérant déposa son mémoire ampliatif.

Le 4 juin suivant, le conseiller rapporteur déposa son rapport.

Le 26 juin 1998, les parties déposèrent leur mémoire en défense.

Par arrêt du 26 novembre 1998, notifié le 17 décembre, la Cour de cassation rejeta le pourvoi du requérant.

GRIEF

Invoquant l’article 6 de la Convention, le requérant se plaint de ne pas avoir été jugé dans un délai raisonnable.

EN DROIT

Le requérant se plaint de la durée de la procédure pénale et invoque l’article 6 § 1 de la Convention, dont les dispositions pertinentes se lisent ainsi :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

Le Gouvernement soulève à titre principal, une exception de non‑épuisement des voies de recours internes. Il souligne tout d’abord, que le requérant a omis de solliciter du juge d’instruction la clôture de l’affaire en application de l’article 175-1 du code de procédure pénale. Le Gouvernement indique qu’il a pris acte de la décision de la Cour, C.P., J.F.P., E.P., C.P., T.P. et A.P. c. France, n° 36009/97, du 12.10.1999, mais estime toutefois, que l’exercice ou le défaut d’exercice par un justiciable d’une voie de droit, disponible et adéquate, spécialement introduite dans la législation nationale pour accélérer le traitement des procédures pénales, soulève aussi la question de l’épuisement éventuel des voies de recours internes. A la lumière de la décision de la Commission Redoutey c. France, du 20 janvier 1995, n° 22608/93, le Gouvernement invite la Cour a bien vouloir réexaminer sa position, en considérant que l’article 175-1 du code de procédure pénale constitue une voie de recours utile qui doit être exercée.

Le Gouvernement ajoute ensuite, que le requérant n’a pas fait usage d’une voie de recours prévue par l’article L.781-1 du code de l’organisation judiciaire. Il fait valoir que la jurisprudence sur cet article a connu une nouvelle impulsion à partir de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 20 janvier 1999. Il souligne que cette juridiction a alloué au demandeur une somme de 20 000 francs en réparation de son préjudice moral, résultant de la durée excessive de la procédure et une indemnité de 10 000 Francs au titre des frais de procédure. Il fait valoir qu’à la suite de cet arrêt, plusieurs décisions ont été rendues à travers la France sur le fondement de cette disposition. En effet, il retraça cette évolution dans l’affaire Papon c. France (n° 54210/00, décision du 15.11.2001), en référence aux décisions rendues par différentes juridictions nationales, telles que celles du tribunal de grande instance de Paris et les cours d’appel de Lyon et Aix-en-Provence. Il en conclut que l’article L.781-1 précité constitue bien une voie de recours de nature à redresser les griefs tirés des durées excessives des procédures judiciaires. Le Gouvernement rappelle que la Cour a tenu compte de cette évolution et a admis l’efficacité du recours fondé sur l’article L.781-1 du code de l’organisation judiciaire dans sa décision Gretta Van Der Kar et Gretta Lissaur Van West c. France (nos 4495298 et 44953/98) du 7 novembre 2000. Or, en l’espèce, la requête introduite le 30 mars 1999, est postérieure au jugement du tribunal de grande instance de Paris dans l’affaire Gauthier. Il considère que le requérant ne pouvait ignorer l’existence et l’efficacité du recours fondé sur l’article L.781-1 du code de l’organisation judiciaire. Il souligne que le requérant peut encore saisir les juridictions internes pour exercer ce recours.  Il conclut au rejet de la requête pour non-épuisement des voies de recours internes.

En ce qui concerne l’exception de non-épuisement tiré de l’article 175-1 du code de procédure pénale, le requérant fait valoir qu’il n’a pas été informé par son avocat de l’existence d’un tel recours. Il souligne que s’il avait été informé de cette voie de recours il en aurait fait usage. S’agissant du recours fondé sur l’article L.781-1 du code de l’organisation judiciaire, le requérant n’expose pas d’argument. Il considère qu’il a épuisé les voies de recours internes par le biais des recours que constituent l’appel et le pourvoi en cassation.

1. Sur l’épuisement des voies de recours internes

Aux fins de l’article 35 § 1 de la Convention, tout requérant doit avoir donné aux juridictions internes l’occasion que cette disposition a pour finalité de ménager en principe aux Etats contractants : éviter ou redresser les violations alléguées contre eux (arrêts Cardot c. France précité, p. 19, § 36 et Fressoz et Roire c. France du 21 janvier 1999, Recueil des arrêts et décisions 1999-I, p. 61, § 37). Néanmoins, les dispositions de l’article 35 de la Convention ne prescrivent l’épuisement que des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats. Ils doivent exister à un degré suffisant de certitude, non seulement en théorie mais aussi en pratique, sans quoi leur manquent l’effectivité et l’accessibilité voulues (voir notamment les arrêts Vernillo c. France du 20 février 1991, série A n° 198, pp. 11–12, § 27 ; Dalia c. France du 19 février 1998, Recueil 1998‑I, pp. 87‑88, § 38).

La Cour rappelle tout d’abord que dans sa décision Beljanski c. France du 5 juillet 2001 (n° 44070/98), elle a constaté que la voie de recours prévue à l’article 175-1 du code de procédure pénale vise à pallier, par une sorte de recours hiérarchique, l’inaction du juge d’instruction, puisqu’elle vise à obliger celui-ci soit à prononcer la clôture de l’information par une décision de renvoi en jugement ou de non-lieu, soit à indiquer qu’il entend poursuivre l’information (Bar c. France, n° 37863/97, décision du 7.9.1999). Or, la question des moyens qu’un requérant peut, le cas échéant, utiliser pour accélérer la procédure ne relève en principe pas de la problématique de l’épuisement des voies de recours internes, mais de celle de l’examen du comportement du requérant, donc de l’examen du bien‑fondé du grief tiré de la durée de la procédure (voir notamment les décisions Bar c. France, précitée, C.P., J.F.P., E.P., C.P., T.P. et A.P. c. France, n° 36009/97, du 12.10.1999, et G.B. c. France, n° 44069/98, du 16.5.2000 ). Elle note que la décision Redoutey c. France du 20 janvier 1995 (n° 22608/93), invoquée par le Gouvernement, concernait la durée d’une procédure pénale avec constitution de partie civile. Partant, la Cour ne voit pas de raison de parvenir à une conclusion distincte de celle à laquelle elle est parvenue dans la décision Beljanski précitée.

La Cour rappelle ensuite que, dans sa décision Giummarra et autres c. France précitée, elle a tranché la question concernant l’exercice du recours fondé sur l’article L.781-1 du code de l’organisation judiciaire en considérant qu’à la date du 20 septembre 1999, cette voie de recours avait acquis un degré suffisant de certitude pour pouvoir et devoir être utilisé aux fins de l’article 35 § 1 de la Convention.

Néanmoins, elle rappelle que l’épuisement des voies de recours internes s’apprécie, sauf exception, à la date d’introduction de la requête devant la Cour. Or, en l’espèce, elle note qu’à la date d’introduction de la requête le 30 mars 1999, le recours précité, ne présentait pas, à ce moment-là, les caractères de certitudes et d’efficacité requis (voir Zutter c. France, n° 30197, décision du 27.6.2000 et Gretta Van Der Kar et Gretta Lissaur Van West c. France, nos 4495298 et 44953/98, décision du 7.11.2000). Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au requérant de n’avoir pas épuisé ce recours avant de saisir la Cour.

Partant, l’exception de non-épuisement soulevée par le Gouvernement ne saurait être retenue.

2. Sur la durée de la procédure interne

A titre subsidiaire, le Gouvernement estime que la requête est dépourvue de fondement. En se référant à l’arrêt Messina c. Italie du 26 février 1993, le Gouvernement fait valoir que l’affaire présentait une certaine complexité. Il souligne que l’information portait sur des escroqueries touchant de nombreuses victimes ainsi que des faux et abus de biens sociaux. Il serait revenu aux autorités de police, saisies par deux commissions rogatoires, d’analyser la nature des opérations menée par la Société du requérant. Les ventes orchestrées par cette société auraient été entourées de manœuvres destinées à attirer la clientèle par une présentation mensongère des appartements. Par ailleurs, il expose qu’il fallut également procéder à l’examen des dossiers de prêts sollicités auprès des banques : ceci permit d’établir la production de fausses pièces justificatives dans la constitution des dossiers d’offres préalables de crédit ainsi que des fausses factures. Se référant à la chronologie, il souligne que de nombreuses investigations furent nécessaires afin de mettre en évidence les manœuvres des trois mis en examen.

Enfin, il souligne que les victimes, étaient presque toutes éloignées de Marseille, et que l’enquête dû être approfondie dans la mesure où les délits commis relevaient de la matière financière.

En ce qui concerne le comportement des parties, il fait valoir que si le requérant a pleinement tiré parti des voies de recours internes, cela constitue conformément à la jurisprudence de la Cour « un fait objectif non imputable à l’Etat défendeur ».

Le Gouvernement souligne que vingt-trois parties civiles s’étaient constituées dans cette affaire. Eu égard à la procédure devant le tribunal correctionnel de Belfort, il fait valoir que la procédure a débuté le 8 janvier 1992, avec le réquisitoire introductif contre X. pour escroquerie et, pour le requérant, le 16 juin 1992, et s’est achevée le 13 novembre 1996. Dès le 24 février 1992, le magistrat instructeur délivra une commission rogatoire dont les pièces d’exécution parvinrent au fur et à mesure de leur réalisation.

Les interrogatoires et confrontations furent nombreux ; les parties civiles se constituèrent jusqu’en décembre 1992. Le nouveau juge d’instruction, adressa une commission rogatoire au SRPJ de Dijon qui fut exécutée jusqu’en septembre 1994. Enfin, le juge dut saisir le Procureur de la République sur l’opportunité de mise en examen supplétive du requérant des chefs d’abus de biens sociaux, faux et usage de faux. Par ailleurs, le Gouvernement fait observer que des parties civiles déposèrent plainte jusqu’au 31 mars 1995. Le Gouvernement souligne que, dès mars 1995, le magistrat instructeur avait terminé l’information et après en avoir avisé les parties, les 10, 30 mars et 7 avril 1995, des actes supplémentaires furent sollicités tant par les parties civiles que le requérant : le juge fit droit à certaines demandes et en rejeta d’autres, par ordonnance du 13 novembre 1995. Certaines parties civiles ayant interjeté appel, le président de la chambre d’accusation de la cour d’appel de Besançon par ordonnances du 8 décembre 1995, disait n’y avoir lieu de saisir la chambre d’accusation. Dès lors, il considère qu’il ne saurait être tenu responsable de ces demandes tardives.

Eu égard à la procédure en appel, il estime que le délai de cette procédure, soit un peu plus de dix-huit mois est tout à fait raisonnable d’autant que l’audience fut retardée à la demande d’un des appelants par lettre du 6 février 1997. Enfin s’agissant de la procédure devant la Cour de cassation, il souligne que ce n’est que le 30 janvier 1998 que le requérant déposa son mémoire ampliatif. Il estime que cette procédure, qui a duré dix-sept mois est plus que raisonnable d’autant que les parties ont déposé des conclusions jusqu’au 26 juin 1998. Il fait valoir que les magistrats saisis ont procédé à l’examen de ce dossier avec une célérité toute particulière, compte-tenu du nombre des parties (neufs demandeurs et neufs défenseurs) ainsi que de leur comportement ; de la complexité de l’affaire et des délits commis en plusieurs lieux du territoire national. Il invoque le bénéfice de la décision de la Cour, Julien c. France du 20 avril 1999 (n° 39858/98), dans la mesure où le comportement des parties lors de l’instruction a contribué à allonger la durée de la procédure.

Le Gouvernement conclut au rejet de la requête car manifestement mal fondée.

Le requérant considère, en se référant à la chronologie, que son dossier ne comportait aucune complexité et, qu’entre le 25 septembre 1992, date de sa remise en liberté et placement sous contrôle judiciaire, et le 11 janvier 1995, il n’a pas été convoqué et n’a reçu aucun courrier de la part des autorités compétentes. Il fait valoir qu’en vingt-neuf mois, il n’a eu aucune nouvelle du juge d’instruction. En ce qui concerne l’ordonnance de remplacement du juge d’instruction, le requérant indique qu’il était surpris de constater que le dossier était instruit par un autre magistrat. Il souligne également que dans cette affaire, l’un des co-mis en examen a été condamné par défaut. Il relève que le Gouvernement reconnaît que la durée de la procédure est de six ans et cinq mois, et considère qu’elle ne peut passer pour raisonnable.

La Cour constate que la procédure a débuté le 16 juin 1992, date à laquelle le requérant a été mis en examen, et a pris fin le 26 novembre 1998, date de l’arrêt de la Cour de cassation, soit une durée d’un peu plus de six ans et cinq mois pour trois instances.

La Cour estime qu’à la lumière des critères dégagés par la jurisprudence des organes de la Convention en matière de « délai raisonnable » (complexité de l’affaire, comportement du requérant et des autorités compétentes) et compte-tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, la requête doit faire l’objet d’un examen au fond.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête recevable, tous moyens de fond réservés.

S. DolléA.B. Baka
GreffièrePrésident

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CEDH, Cour (deuxième section), OTTOMANI c. la FRANCE, 5 mars 2002, 49857/99