CEDH, Cour (deuxième section), REBUFFEL c. la FRANCE, 8 juillet 2003, 50265/99

  • Gouvernement·
  • Enfant·
  • Délai raisonnable·
  • Droit de visite·
  • Hébergement·
  • Délais·
  • Résidence·
  • Procédure·
  • Mise en état·
  • Vacances

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Deuxième Section), 8 juill. 2003, n° 50265/99
Numéro(s) : 50265/99
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 5 juillet 1999
Jurisprudence de Strasbourg : APIS a.s. c. Slovaquie (déc.), n° 39754/98, 10.1.2000
Erkner et Hofauer c. Autriche, arrêt du 23 avril 1987, série A no 117, § 68
Vocaturo c. Italie, arrêt du 24 mai 1991, série A no 206-C, p. 32, § 17
Wiesinger c. Autriche, arrêt du 30 octobre 1991, série A no 213, § 57
E.P. c. Italie (déc.), n° 31127/96, CEDH 16.11.1999
Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII
Giummarra et autres c. France (déc.), n° 61166/00, 12.6.2001
Jaffredou c. France (déc.), n° 39843/98, 15.12.1998
Mifsud c. France (déc.), no 57220/00, CEDH 2002-VIII
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-44344
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2003:0708DEC005026599
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

DEUXIÈME SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 50265/99
présentée par Alicia REBUFFEL
contre la France

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 8 juillet 2003 en une chambre composée de

MM.A.B. Baka, président,
J.-P. Costa,
Gaukur Jörundsson,
L. Loucaides,
C. Bîrsan,
M. Ugrekhelidze,
MmeA. Mularoni, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 5 juillet 1999,

Vu la décision de la Cour du 19 février 2002 de communiquer au gouvernement français (« le Gouvernement ») le grief tiré de la durée de la procédure, et de se prévaloir des dispositions de l’article 29 § 3 de la Convention afin d’examiner en même temps la recevabilité et le fond de l’affaire,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par la requérante,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :


EN FAIT

La requérante, Alicia Rebuffel, est une ressortissante française, née en 1965 et résidant à Saint-Raphaël.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

Des relations entre la requérante et son ancien compagnon naquit, à Fort-de-France (Martinique), une fille en 1992. Les parents se séparèrent en février 1998, se rejetant mutuellement la responsabilité de cette rupture.

En février 1998, alors que le père et l’enfant était en vacances en Martinique, la requérante fut informée de ce que son compagnon avait l’intention de s’y établir avec sa fille et de ne pas revenir en métropole où se situait jusqu’alors le domicile familial.

Le 26 mars 1998, se prévalant de l’urgence de la situation, le père de l’enfant saisit le juge aux affaires familiales (JAF) du tribunal de grande instance de Fort-de-France, statuant en référé, pour que soit fixée chez lui la résidence habituelle de sa fille. Parallèlement, le 9 avril 1998, la requérante fit délivrer à son ancien compagnon une assignation à comparaître devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Draguignan.

Le 18 juin 1998, le juge aux affaires familiales rendit une ordonnance de référé par laquelle il rejeta l’exception d’incompétence territoriale soulevée par la requérante, au motif que le domicile familial ne se trouvait plus à Draguignan. Il ordonna une mesure d’enquête sociale à la fois en Martinique et à Draguignan pour rencontrer les parents et l’enfant, recueillir des informations sur la situation matérielle et morale de l’enfant et évaluer les garanties éducatives offertes par chacun des parents. Il fixa provisoirement la résidence de l’enfant chez le père et accorda provisoirement à la mère un droit de visite et d’hébergement pendant la durée de toutes les grandes vacances d’été 1998. L’affaire fut renvoyée à une audience ultérieure dont la date devait être fixée après le dépôt des rapports (à produire dans un délai de trois mois).

Le rapport d’enquête concernant la requérante fut transmis au tribunal de grande instance de Fort-de-France le 24 août 1998. Celui concernant l’ancien compagnon de la requérante fut daté du 30 août 1998.

Une audience se tint le 19 novembre 1998, à l’issue de laquelle il fut décidé que la requérante bénéficierait d’un droit de visite et d’hébergement exceptionnel sur sa fille pour les vacances de Noël 1998.


Le 2 février 1999, la requérante déposa ses conclusions au fond tendant à ce que la résidence de l’enfant soit fixée chez elle. L’ancien compagnon de la requérante déposa quelques jours plus tard ses conclusions au fond tendant à ce que le juge fixe la résidence de l’enfant chez lui et à ce que soit accordé à la requérante un droit d’hébergement pendant les vacances.

Entre-temps, la requérante demanda au JAF de pouvoir bénéficier d’un droit de visite et d’hébergement pour les vacances de février. Cette demande fut rejetée le 8 février 1999.

Une audience se tint le 11 février 1999. A la demande des parties, l’affaire fut successivement renvoyée au 10 juin 1999, puis au 16 septembre 1999.

Le 16 septembre 1999, alors que l’audience devait porter sur le droit de visite et d’hébergement et sur la résidence de l’enfant, l’ancien compagnon de la requérante formula une demande nouvelle tendant au versement à son profit d’une pension alimentaire. Il fut décidé d’enregistrer cette demande comme nouvelle affaire et de la renvoyer au 21 octobre 1999. L’affaire portant sur le droit de visite et d’hébergement et la résidence de l’enfant fut mise au délibéré au 14 octobre 1999.

Par ordonnance du 14 octobre 1999, le JAF de Fort-de-France fixa la résidence habituelle de l’enfant chez son père à Fort-de-France, et accorda à la mère un droit de visite et d’hébergement couvrant toutes les vacances scolaires. Il ajouta que les frais de billet d’avion seraient partagés entre les parents et qu’en cas de maladie de l’enfant constatée médicalement et l’empêchant de voyager, le droit de visite serait automatiquement repoussé aux vacances suivantes.

Le 25 octobre 1999, la requérante fit appel de cette décision. Le 8 novembre 1999, le conseiller de la mise en état avertit le conseil de la requérante qu’il aurait à communiquer les pièces qu’il comptait produire ainsi que ses conclusions au plus tard  le 25 janvier 2000.

Le 15 novembre 1999, l’ancien compagnon de la requérante déposa une demande d’aide juridictionnelle. Le 17 décembre 1999, le bureau d’aide juridictionnelle accueillit cette demande.

Le 19 janvier 2000, le conseil de la requérante demanda une prorogation de deux mois du délai de dépôt de ses conclusions au motif que la requérante avait fait une demande d’aide juridictionnelle. Le 24 janvier 2000, une demande d’aide juridictionnelle concernant la procédure d’appel de l’ordonnance du 14 octobre 1999 fut déposée par la requérante. Le 27 janvier 2000, le conseil de la requérante déposa ses conclusions.

Le 28 janvier, la prorogation demandée par la requérante le 19 janvier fut accordée, et le conseiller de la mise en état fixa une nouvelle date pour la communication des pièces et le dépôt des conclusions, soit le 1er avril 2000.

Par ordonnance contradictoire du 10 février 2000, le JAF débouta le père de l’enfant de sa demande de pension alimentaire. Ce dernier forma un appel contre cette ordonnance le 1er mars 2000.

Le 11 mai 2000, le conseil de l’ancien compagnon de la requérante déposa ses conclusions. Le même jour, il fut enjoint au conseil de la requérante de conclure pour le 22 juin 2000. Il ne déposa ses conclusions que le 29 septembre 2000, et ne procéda à la communication des pièces que le 23 novembre 2000.

Le juge de la mise en état rendit une ordonnance de clôture le 5 septembre 2000 dans la procédure concernant la pension alimentaire, en fixant l’audience au 29 septembre 2000.

Le 14 septembre 2000, il fut enjoint au conseil de l’ancien compagnon de la requérante de conclure en réplique pour le 23 novembre 2000 dans l’affaire relative au domicile de la fille. A cette date, son conseil déposa des conclusions en réplique. Le conseiller de la mise en état accorda un délai de grâce d’un mois pour d’éventuelles répliques de la requérante, afin que soit respecté le contradictoire.

Par arrêt du 13 octobre 2000, la cour d’appel de Fort-de-France rendit un arrêt de réouverture de débats et de jonction des procédures relatives respectivement à la résidence de l’enfant et à la pension alimentaire de l’ancien compagnon de la requérante, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.

Le 23 novembre 2000, il fut enjoint au conseil de la requérante de conclure en réplique pour le 25 janvier 2001. Il ne déposa ses conclusions que le 29 janvier 2001. Un nouveau délai de grâce d’un mois fut accordé, cette fois à l’ancien compagnon de la requérante.

Le 8 mars 2001, la procédure fut close et l’audience de plaidoiries fut fixée au 30 mars 2001.

Le 8 juin 2001, la cour d’appel de Fort-de-France rendit son arrêt. Elle fixa la résidence habituelle de l’enfant auprès de son père et accorda un droit de visite et d’hébergement à la mère.

Aucun pourvoi en cassation ne fut formé contre cet arrêt.

GRIEFS

1. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, la requérante se plaint de ce que la procédure n’a pas été menée dans un délai raisonnable.

2. Invoquant la même disposition, la requérante se plaint de ce que le procès n’a pas été équitable dans la mesure où le père de l’enfant aurait trompé le tribunal en invoquant qu’il était obligé de rester en Martinique, ce qui aurait eu pour conséquence un changement de compétence territoriale des tribunaux.


EN DROIT

1. La requérante allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention aux termes duquel :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

Le Gouvernement soutient à titre principal que la requérante n’a pas épuisé les voies de recours internes au sens de l’article 35 § 1 de la Convention. Il souligne à cet égard que la requérante avait la possibilité de soumettre son grief tiré de la durée de la procédure aux juridictions françaises dans le cadre d’une action en responsabilité fondée sur l’article L. 781-1 du code de l’organisation judiciaire. Une récente évolution de la jurisprudence interne démontrerait le caractère « effectif » d’un tel recours.

A titre subsidiaire, le Gouvernement relève que la procédure a commencé le 26 mars 1998 avec la saisine du JAF statuant comme juge des référés et s’est achevée par l’arrêt de la cour d’appel de Fort-de-France du 8 juin 2001. Il rappelle qu’un contentieux relatif à la garde d’un enfant et au droit de visite et d’hébergement des parents a déjà été considéré par la Cour comme présentant un enjeu important pour les intéressés. Toutefois, en l’espèce, toutes les mesures provisoires pour aménager la garde de l’enfant en attendant la décision définitive auraient été prises dans des délais très brefs. Le Gouvernement affirme que l’affaire présentait une certaine complexité en raison, d’une part, des conséquences importantes de la décision finale pour un enfant mineur et, d’autre part, de raisons pratiques liées à l’éloignement géographique des résidences des parents. Par ailleurs, le Gouvernement relève que les parties ont demandé deux reports d’audience devant le tribunal de grande instance, qui ont été à l’origine d’un délai supplémentaire de sept mois devant cette instance. Selon lui, la requérante n’apporterait pas la preuve de ses allégations selon lesquelles la responsabilité de ces reports incomberait à la partie adverse, et ne fournirait pas de pièces attestant que son conseil aurait, le cas échéant, fait valoir des objections quant à ces demandes de reports. Devant la cour d’appel, la requérante serait à l’origine de l’allongement des délais : elle aurait bénéficié d’un report de deux mois pour déposer ses conclusions, et aurait fait un large usage des délais impartis pour déposer ses conclusions en allant jusqu’à les dépasser à deux reprises. Elle aurait ainsi rallongé la procédure de dix mois. Le Gouvernement note à cet égard que le conseiller de la mise en état a usé de ses pouvoirs pour accélérer la procédure en délivrant trois injonctions de conclure, dont deux visant la requérante. Le Gouvernement conclut que la procédure a été menée dans un délai raisonnable.

La requérante affirme en premier lieu que l’argument du Gouvernement tiré du non-épuisement des voies de recours internes est inopérant.

En second lieu, la requérante estime que l’enjeu du litige exigeait une célérité particulière des juridictions. Selon elle, la complexité de l’affaire liée à la nécessité de faire procéder à des enquêtes sociales et à l’éloignement géographique des parties ne saurait donc servir de justification à l’allongement des délais. La requérante affirme par ailleurs avoir accompli les tâches qui lui incombaient dans les délais requis et avoir sollicité des juridictions qu’elles passent outre les carences de la partie adverse. Selon elle, si le juge de la mise en état a bien donné des injonctions de conclure aux parties, il n’a en revanche pas fait preuve d’une réelle diligence pour assurer le bon déroulement de la procédure. Elle estime que les délais devant les juridictions ont été excessifs ; le juge n’aurait pas veillé au bon déroulement de l’instance. Elle conteste être à l’origine de l’allongement des délais, et met en cause le comportement de ses avocats.

La Cour rappelle d’abord qu’aux termes de l’article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes et qu’elle a déjà eu à se prononcer sur l’article L. 781-1 du code de l’organisation judiciaire au regard de cette exigence. Au vu de l’évolution jurisprudentielle dont fait état le Gouvernement, la Cour a jugé que le recours fondé sur l’article L. 781-1 du code de l’organisation judiciaire permet de remédier à une violation alléguée du droit de voir sa cause entendue dans un « délai raisonnable » au sens de l’article 6 § 1 de la Convention (Giummarra et autres c. France (déc.), no 61166/00, 12 juin 2001), quel que soit l’état de la procédure au plan interne (Mifsud c. France [GC] (déc.), no 57220/00, 11 septembre 2002). Elle a précisé que ce recours avait acquis, à la date du 20 septembre 1999, le degré de certitude juridique requis pour pouvoir et devoir être utilisé aux fins de l’article 35 § 1 de la Convention, parvenant en conséquence à la conclusion que tout grief tiré de la durée d’une procédure judiciaire, introduit devant elle après le 20 septembre 1999 sans avoir préalablement été soumis aux juridictions internes dans le cadre d’un recours fondé sur l’article L. 781-1 du code de l’organisation judiciaire, est en principe irrecevable, quel que soit l’état de la procédure au plan interne. En l’espèce, la requérante a saisi la Cour le 5 juillet 1999 et n’était donc pas tenue d’exercer ce recours préalablement. Il y a donc lieu de rejeter l’exception.

Il appartient ensuite à la Cour de déterminer la période à considérer pour apprécier la durée de la procédure. La Cour rappelle que l’article 6 § 1 de la Convention ne s’applique qu’aux procédures dans lesquelles il est « décidé » d’une contestation sur des droits et obligations de caractère civil. L’article 6 ne s’applique pas, en principe, aux procédures dans lesquelles ne peuvent être prises que des mesures préliminaires ou provisoires qui n’affectent pas le fond de l’affaire ou dans lesquelles une « contestation » n’est pas tranchée (voir, notamment, APIS a.s. c. Slovaquie (déc.), no 39754/98, 10 janvier 2000 et Jaffredou c. France (déc.), no 39843/98, 15 décembre 1998). Toutefois, à supposer que l’article 6 § 1 de la Convention s’applique à la procédure litigieuse dans son ensemble, la Cour constate que celle-ci n’a duré que trois ans, deux mois et treize jours pour trois degrés d’instance.

La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).

La Cour considère que la procédure présentait une certaine complexité.

S’agissant du comportement des autorités judiciaires, la Cour rappelle que l’article 2 du nouveau code de procédure civile laisse l’initiative aux parties : il leur incombe « d’accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis », de sorte que leur comportement a une influence particulière sur le déroulement de la procédure. Cela ne dispense pourtant pas les tribunaux de veiller à ce que le procès se déroule dans un délai raisonnable ; l’article 3 du même code prescrit d’ailleurs au juge de veiller au bon déroulement de l’instance et l’investit du « pouvoir d’impartir les délais et d’ordonner les mesures nécessaires ». La Cour réaffirme qu’il incombe aux Etats contractants d’organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs juridictions puissent garantir à chacun le droit d’obtenir une décision définitive sur les contestations relatives à ses droits et obligations de caractère civil dans un délai raisonnable (Vocaturo c. Italie, arrêt du 24 mai 1991, série A no 206-C, p. 32, § 17). Tel est d’autant plus le cas s’agissant de procédures en matière de garde d’enfant qui, portant sur des points qui sont d’une importance capitale pour la situation d’un enfant mineur, doivent être résolues avec une célérité toute particulière (voir, E.P. c. Italie (déc.), no 31127/96, CEDH, 16 novembre 1999, non publiée). Il s’agit en l’espèce d’une procédure par laquelle les juridictions étaient appelées à déterminer la résidence habituelle d’un enfant mineur et les droits de visite et d’hébergement à son égard, et l’enjeu du litige exigeait donc une célérité des juridictions internes.

La Cour estime que les juridictions appelées à statuer sur le fond du litige ont rendu leurs décisions dans des délais qui, en soi, ne sauraient être considérés comme excessifs : le JAF a statué sur le fond du litige en moins d’un an et deux mois ; la cour d’appel a, quant à elle, rendu son arrêt en un an, sept mois et quatorze jours. La Cour relève de surcroît que, devant la cour d’appel, le conseiller de la mise en état a fixé des délais aux parties pour conclure et, lorsqu’ils n’étaient pas respectés, leur a délivré des injonctions de conclure (deux injonctions ont été délivrées à l’égard de la requérante, une à l’égard de la partie adverse).

S’agissant du comportement de la requérante, la Cour estime qu’on ne saurait lui reprocher d’avoir fait usage des diverses possibilités procédurales que lui ouvrait le droit interne. Toutefois, le comportement de la requérante constitue un élément objectif, non imputable à l’Etat défendeur et qui entre en ligne de compte pour déterminer s’il y a eu ou non dépassement du délai raisonnable de l’article 6 § 1 (Wiesinger c. Autriche, arrêt du 30 octobre 1991, série A no 213, § 57 ; Erkner et Hofauer c. Autriche, arrêt du 23 avril 1987, série A no 117, § 68). La Cour estime devoir tenir compte en premier lieu de ce que les renvois d’audience sollicités devant le JAF par les parties sont à l’origine d’un délai de plus de sept mois. A plusieurs reprises, la requérante – elle-même ou par l’intermédiaire de ses conseils – n’a pas respecté les délais qui avaient été fixés par le conseiller de la mise en état de la cour d’appel, obligeant ce dernier à délivrer à son égard deux injonctions de conclure. Ainsi par exemple, après la prorogation de délai de deux mois (jusqu’au 1er avril 2000) accordée par le conseiller de la mise en état à la requérante pour le dépôt de ses conclusions, il a fallu attendre près de six mois pour que la requérante, après une injonction de conclure, dépose enfin ses conclusions, puis encore presque deux mois avant qu’elle communique ses pièces.

La Cour déduit de ce qui précède que la durée de la procédure litigieuse n’est sans aucun doute pas imputable aux autorités judiciaires.

Partant, il convient de mettre fin à l’application de l’article 29 § 3 de la Convention et de rejeter ce grief comme manifestement mal fondé en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

2. La requérante se plaint par ailleurs de l’iniquité de la procédure sur le fondement de l’article 6 § 1 de la Convention.

Toutefois, la Cour n’est pas appelée à se prononcer sur le point de savoir si les faits présentés par la requérante révèlent l’apparence d’une violation de la Convention.

Elle rappelle qu’aux termes de l’article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes.

En l’espèce, la Cour relève que la requérante ne s’est pas pourvue en cassation contre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Fort-de-France le 8 juin 2001.


Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

S. DolléA.B. Baka
GreffièrePrésident

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CEDH, Cour (deuxième section), REBUFFEL c. la FRANCE, 8 juillet 2003, 50265/99