CEDH, Cour (deuxième section), DUPUIS c. la FRANCE, 13 novembre 2003, 3100/02

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Deuxième Section), 13 nov. 2003, n° 3100/02
Numéro(s) : 3100/02
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 9 janvier 2002
Jurisprudence de Strasbourg : García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, §§ 26, 28, CEDH 1999-I
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Partiellement irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-44583
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2003:1113DEC000310002
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Sur les parties

Texte intégral

DEUXIÈME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 3100/02
présentée par Patrick DUPUIS
contre la France

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 13 novembre 2003 en une chambre composée de :

MM.A.B. Baka, président,
J.-P. Costa,
L. Loucaides,
C. Bîrsan,
K. Jungwiert,
V. Butkevych,
MmeA. Mularoni, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 9 janvier 2002,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Patrick Dupuis, est un ressortissant français, né le 21 novembre 1965 à Madagascar, et résidant actuellement à Paris. Il est représenté devant la Cour par Me Crehange, avocat à Strasbourg.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

Le requérant fut engagé contractuellement à compter du 24 août 1994, ès qualité d’enseignant de français et de philosophie, à l’école française de Delhi, en Inde.

Par un courrier du 26 mai 1995, le président de l’école française de Delhi indiqua au requérant que son contrat ne serait pas reconduit pour l’année scolaire suivante, au motif que le poste de professeur de philosophie, pour des raisons d’effectif, ne pourrait être renouvelé.

Par une requête enregistrée le 25 juillet 1995 au greffe du tribunal administratif de Strasbourg, et par des mémoires complémentaires enregistrés respectivement les 9 mai, 4 septembre et 11 décembre 1996, le requérant demanda au tribunal de constater que le contrat de travail avait été rompu de manière illégale, et de condamner l’école française de Delhi ainsi que l’Etat français à lui verser des dommages-intérêts. Dans ses conclusions, le requérant faisait valoir d’une part, que le motif de licenciement ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse, et d’autre part, que la procédure de dénonciation du contrat d’engagement, faute d’être intervenue après un préavis de trois mois et après consultation d’une commission paritaire locale, était irrégulière. Il estimait que le préjudice subi pouvait être évalué à un an de salaire, et sollicitait, en conséquence, l’allocation d’une somme de 118 897,08 francs, majorée des intérêts légaux.

Le 19 juin 1997, le tribunal administratif de Strasbourg tint une audience publique. Par un jugement du 20 février 1998, le tribunal considéra que le litige opposant le requérant à l’Etat français était né hors des territoires soumis à la juridiction des tribunaux administratifs, et qu’il y avait lieu, dès lors, de transmettre le dossier au Conseil d’Etat en vue de poursuivre l’instruction de l’affaire.

Par un arrêt du 11 juillet 2001, le Conseil d’Etat estima que la décision du 26 mai 1995 était intervenue au terme d’une procédure irrégulière, et condamna l’Etat à verser au requérant une indemnité de 20 000 francs (3 044 euros). La juridiction suprême statua en ses termes :

« Considérant qu’il ressort des stipulations [...] du contrat d’engagement de M. Dupuis que ce contrat pouvait régulièrement être dénoncé par l’employeur en cas de suppression du poste occupé ; que toutefois, selon ces mêmes stipulations, la commission consultative paritaire locale devait être préalablement consultée ; qu’il ne ressort pas de l’instruction que tel ait été le cas lors de la dénonciation du contrat précité ; qu’ainsi, M. Dupuis est fondé à soutenir que cette décision est intervenue au terme d’une procédure irrégulière et qu’en dénonçant dans ces conditions son contrat, l’Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que, dans les circonstances de l’affaire, il sera fait une juste appréciation de la réparation due à M. Dupuis en condamnant l’Etat à lui verser une indemnité de 20 000 francs, y compris tous intérêts échus au jour de la présente décision. »

GRIEFS

1. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de la durée de la procédure.

2. Invoquant la même disposition, le requérant dénonce le fait que le Conseil d’Etat, ne s’est prononcé que sur la violation de la procédure de dénonciation du contrat de travail, et a omis de statuer sur le grief tiré de l’absence de fondement légitime du licenciement, ce qui eut selon lui pour conséquence de le priver d’une juste indemnisation ; il voit là un déni de justice et une violation de son droit à un procès équitable.

EN DROIT

1. Le requérant se plaint de la longueur de la procédure devant les juridictions administratives. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention aux termes duquel :

« Toutes personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractères civil (...) ».

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur pour observations écrites conformément à l’article 54 § 3 b) de son règlement.

2. Sur le fondement de cette même disposition, le requérant dénonce un déni de justice dont il serait victime : le Conseil d’Etat, lequel s’est fondé sur l’irrégularité de la procédure de licenciement pour lui allouer des dommages-intérêts, aurait omis de statuer sur l’absence de motif légitime à ce licenciement, ce qui aurait eu pour conséquence de réduire le montant de l’indemnisation de son préjudice.

La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence constante reflétant un principe lié à la bonne administration de la justice, les décisions judiciaires doivent indiquer de manière suffisante les motifs sur lesquels elles se fondent, et que, si l’article 6 § 1 oblige les tribunaux à motiver leurs décisions, cette obligation ne peut cependant se comprendre comme exigeant une réponse détaillée à chaque argument (voir, entre autres, Garcia Ruiz c. Espagne [GC], arrêt du 21 janvier 1999, Recueil des arrêts et décisions 1999-I, § 26).

En l’occurrence, la Cour constate que le Conseil d’Etat a examiné les prétentions du requérant : il a d’ailleurs fait droit à l’essentiel desdites prétentions, et a alloué des dommages-intérêts au requérant après avoir constaté l’irrégularité de la rupture du contrat de travail.

Par ailleurs, pour autant que le grief du requérant puisse être compris comme visant le résultat de la procédure, et plus particulièrement le montant des dommages-intérêts ainsi alloués, la Cour rappelle qu’il ne lui appartient pas de connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où elles pourraient avoir porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention (arrêt Garcia Ruiz précité, § 28).

En l’espèce, le Conseil d’Etat a souverainement apprécié le montant à allouer au requérant en réparation de son préjudice. Constatant en outre que ce dernier a pu, aux différents stades de la procédure, défendre sa cause dans des conditions conformes aux exigences de l’article 6 § 1 de la Convention, la Cour conclut au défaut manifeste de fondement de cette partie de la requête et à son rejet, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Ajourne l’examen du grief tiré de l’article 6 § 1, relatif à la durée de la procédure ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

S. DolléA.B. Baka
GreffièrePrésident

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