CEDH, Cour (première section), MERCIER c. la BELGIQUE, 13 novembre 2003, 59197/00

  • Cour de cassation·
  • Gouvernement·
  • Audience·
  • Liège·
  • Arme·
  • Ministère·
  • Impossibilité·
  • Chambre des représentants·
  • Document parlementaire·
  • Partie

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Première Section), 13 nov. 2003, n° 59197/00
Numéro(s) : 59197/00
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 10 juillet 2000
Jurisprudence de Strasbourg : Nideröst Huber c. Suisse, arrêt du 18 février 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-I, p. 107, § 23
Melin c. France, arrêt du 22 juin 1993, série A no 261-A, pp. 11, 12, §§ 22, 24
Saints monastères c. Grèce, arrêt du 9 décembre 1994, série A no 301-A, p. 30, § 55
Frette c. France, no 36515/97, § 49, 26 février 2002
Kress c. France [GC], no 39594/98, § 73, CEDH 2001-VI
Wynen c. Belgique, no 32576/96, 5 novembre 2002 Comm. Eur. D.H. No 9938/82, déc. 15.7.86, D.R. 48, p. 21
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-44587
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2003:1113DEC005919700
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

PREMIÈRE SECTION

DÉCISION FINALE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 59197/00
présentée par Francois-Xavier MERCIER
contre la Belgique

La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 13 novembre 2003 en une chambre composée de

MM.C.L. Rozakis, président,
P. Lorenzen,
G. Bonello,
MmesF. Tulkens,
N. Vajić,
MM.E. Levits,
K. Hajiyev, juges,

et de M. S. Nielsen, greffier adjoint de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 10 juillet 2000,

Vu la décision partielle sur la recevabilité du 14 mars 2002,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, Francois-Xavier Mercier, est un ressortissant belge[Note1], né en 1962 et résidant à Fexhe-Slins. Il est représenté devant la Cour par Mes H. Deckers et F. Dubois, avocats à Liège. Le gouvernement défendeur est représenté par son agent, M. Claude Debrulle, directeur d’administration au ministère de la Justice.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

Le 17 mars 1993, le requérant fut inculpé de faux, détournements et escroquerie suite aux déclarations d’un tiers qui avait avoué avoir bouté le feu à deux immeubles appartenant au requérant qu’il désignait comme le commanditaire de l’incendie.

Le 2 mars  1994, le requérant fut renvoyé devant le tribunal correctionnel de Liège, qui le condamna à quatre ans et dix mois d’emprisonnement le 28 juillet 1994. Le requérant fit appel.

Par arrêt du 8 septembre 1999, la cour d’appel de Liège condamna le requérant à trente mois d’emprisonnement, avec sursis partiel.

Le requérant, représenté par l’un des avocats qui l’avait assisté devant les juridictions liégeoises, déposa un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation tint une audience publique le 26 janvier 2000. Conformément à l’article 420ter, alinéa 2, du code d’instruction criminelle (CIC) qui disposait que la fixation était, sans autre avertissement, portée au tableau des causes pendantes devant la Cour de cassation au moins quinze jours avant le jour de l’audience à laquelle la cause serait appelée, le greffe avait affiché la 10 janvier 2000, le rôle d’audience du 26 janvier 2000. Si le requérant affirme que ni lui ni ses représentants n’ont été autrement avisés de la date de celle-ci, le Gouvernement expose que c’est parce qu’ils n’en avaient pas expressément exprimé le souhait. Il rappelle qu’au moment des faits, il existait de longue date la pratique bien connue qui donnait aux parties et à leurs conseils l’opportunité de s’informer de la date d’audience en téléphonant au greffe de la Cour de cassation ou en priant ce dernier par simple lettre de leur communiquer par écrit la date d’audience.

Au cours de l’audience, la Cour entendit le conseiller rapporteur et le représentant du ministère public. Le requérant ne comparut pas. Après le délibéré, la Cour de cassation rejeta le pourvoi par arrêt du 26 janvier 2000.

GRIEF

Le requérant se plaint d’une atteinte au respect du contradictoire et de l’égalité des armes garanti par l’article 6 § 1 de la Convention dans le cadre de la procédure en cassation. N’ayant pas été averti de la date de l’audience de la Cour de cassation, il n’a pas pu y participer ni prendre connaissance du rapport du conseiller rapporteur et des conclusions de l’avocat général et faire valoir des arguments en réponse.

EN DROIT

Le requérant se plaint d’une atteinte au respect du contradictoire et de l’égalité des armes garanti par l’article 6 § 1 de la Convention dont les parties pertinentes sont ainsi rédigées :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

Le Gouvernement expose que le requérant a été informé de l’audience du 26 janvier 2000 et invité à y comparaître, conformément à l’article 420ter du CIC et à la pratique interne pertinente, puisque la fixation de sa cause a été portée le 10 janvier 2000 au tableau affiché au greffe et dans la salle des audiences de la Cour de cassation. Le requérant était représenté par un avocat qui devait parfaitement connaître les dispositions de droit claires et simples relatives à la convocation des parties dans ce type d’affaires. Il ne pouvait pas non plus ignorer la pratique informelle qui lui eût permis de téléphoner au greffe de la Cour de cassation pour obtenir les renseignements souhaités, ou se les faire communiquer par écrit. Or, pour juger de la violation de la Convention, il faudrait se borner à examiner le cas concret porté devant la Cour, et non pas le droit applicable considéré in abstracto. A l’appui de sa thèse, le Gouvernement se réfère à la jurisprudence de la Cour et notamment à l’arrêt Melin c. France du 22 juin 1993 (série A no 261-A).

Le requérant soutient que le mode de convocation des parties aux audiences de la Cour de cassation dans des affaires pénales par la seule inscription au tableau des causes au greffe et dans la salle des audiences de la Cour de cassation, n’est pas, en soi, conforme aux exigences de l’article 6 de la Convention. S’ajoute à cela la circonstance qu’il n’a, du fait de sa non-convocation, pas eu la possibilité de prendre connaissance des conclusions de l’avocat général à la Cour de cassation et du rapport du conseiller rapporteur et de pouvoir faire valoir ses conclusions en réponse à ceux-ci, ce qui constitue deux nouvelles violations distinctes de l’article 6, selon la jurisprudence de la Cour.

La Cour rappelle que dans son arrêt Wynen du 5 novembre 2002 (Wynen c. Belgique, no 32576/96, CEDH 2002-VIII), elle s’est prononcée comme suit :

« 35.  La Cour rappelle qu’elle n’a point pour tâche de contrôler dans l’abstrait la législation litigieuse ; elle doit se borner autant que possible à examiner les problèmes soulevés par le cas dont on l’a saisie (voir, parmi d’autres, les arrêts Melin c. France précité, p. 11, § 22 ; Saints monastères c. Grèce du 9 décembre 1994, série A no 301-A, p. 30, § 55).

En l’espèce, la date de l’audience devant la Cour de cassation a été affichée le 8 janvier 1996 au greffe et dans la salle des audiences de la Cour de cassation, soit seize jours avant l’audience. Les requérants étaient défendus par quatre avocats, tous du barreau de Bruxelles ; c’est là une différence essentielle d’avec l’affaire Fretté c. France (no 36515/97, arrêt du 26 février 2002, § 49). La Cour note que le système d’affichage critiqué par les requérants a été abrogé par la loi du 14 novembre 2000 (paragraphe 23 ci-dessus), au motif qu’il s’agissait d’un anachronisme, à l’heure du fax et du courrier électronique (développements de la proposition de loi devenue la loi du 14 novembre 2000, Documents Parlementaires, Chambre des Représentants, no. 50-545/1, p. 5). Toutefois, même insolites ou surannées, les règles régissant la matière résultaient clairement du CIC, elles étaient donc accessibles et présentaient en outre une cohérence et une clarté suffisantes, en sorte que, en tant que professionnels de la procédure juridictionnelle, des avocats ne sauraient légitimement prétendre les avoir ignorées (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Melin c. France précité, p. 12, § 24).

De plus, et surtout, il existait une pratique qui permettait aux parties et à leurs conseils de demander au greffe de la Cour de cassation de leur communiquer par écrit la date de l’audience ou d’obtenir ces renseignements par téléphone (paragraphe 23 ci-dessus). La Cour estime qu’il n’est pas déraisonnable d’exiger de demandeurs en cassation qui souhaitent être informés personnellement de la date de la fixation de leur cause à l’audience de se prévaloir de ce mode de publicité supplémentaire (voir Bricmont c. Belgique, requête no 9938/82, décision de la Commission du 15 juillet 1986, DR 48, p. 21).

Dans ces conditions, les requérants ne sauraient affirmer que les autorités les aient placés dans l’impossibilité d’assister à l’audience devant la Cour de cassation.

(...)

38.  La Cour note que le représentant du ministère public a présenté ses conclusions pour la première fois oralement à l’audience publique devant la Cour de cassation (paragraphe 25 ci-dessus). Tant les parties à l’instance que les juges et le public en ont découvert le sens et le contenu à cette occasion. En conséquence, aucun manquement au principe de l’égalité des armes ne se trouve établi, les requérants ne pouvant tirer du droit à l’égalité des armes le droit de se voir communiquer, préalablement à l’audience, des conclusions qui ne l’ont pas été à l’autre partie à l’instance, ni au rapporteur, ni aux juges de la formation de jugement (voir, mutatis mutandis, les arrêts Nideröst-Huber c. Suisse du 18 février 1997, Recueil 1997-I, p. 107, § 23, et Kress précité, § 73).

Quant à la possibilité pour les parties à l’instance de répliquer aux conclusions du ministère public, en vertu du principe du contradictoire, les requérants auraient pu, s’ils avaient été présents à l’audience, soit présenter leurs observations lors de celle-ci, ainsi que l’a fait l’avocat de la partie civile (paragraphe 20 ci-dessus), soit demander un report d’audience ou encore l’autorisation de déposer une note en délibéré dans un certain délai (paragraphes 24-25 ci-dessus). Or, comme il a été dit ci-dessus, l’absence à l’audience des requérants et de leurs conseils ne résulte pas, en l’espèce, d’une impossibilité due à l’attitude des autorités (paragraphe 35 ci-dessus). »

A la lumière des observations des parties et des faits de l’espèce, la Cour constate qu’il n’existe en l’espèce aucun motif permettant d’aboutir à une conclusion différente, tant sur la question de la convocation à l’audience de la Cour de cassation que sur le grief de l’impossibilité de répliquer aux conclusions du représentant du ministère public. De la même manière, les considérations développées par la Cour sur ce dernier point doivent également être adoptées quant au grief portant sur l’impossibilité de répliquer au rapport du conseiller rapporteur. Ce grief ne révèle en conséquence aucune apparence de violation de l’article 6 de la Convention.

Il s’ensuit que la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée conformément aux dispositions de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare le restant de la requête irrecevable.

Søren NielsenChristos Rozakis
Greffier adjointPrésident


[Note1]A vérifier.

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CEDH, Cour (première section), MERCIER c. la BELGIQUE, 13 novembre 2003, 59197/00