CEDH, Cour (deuxième section), FLAMENT c. FRANCE, 21 mars 2006, 28584/03

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Revue Générale du Droit

Le binôme rapporteur-rapporteur public constitue l'une des forces du processus de maturation intellectuelle de la décision devant les juridictions administratives françaises. Ainsi que le soulignent Anne Courrèges et Serge Daël, « c'est la vision binoculaire qui procure la perception du relief et la stéréophonie qui assure la profondeur du son »1. En effet, le travail du rapporteur public apparaît complémentaire de celui du rapporteur. Ainsi, « la note, le projet et la documentation [réalisés par le rapporteur] forment (…) avec le dossier un ensemble qui comme le témoin dans la course de …

 
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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Deuxième Section), 21 mars 2006, n° 28584/03
Numéro(s) : 28584/03
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 25 août 2003
Jurisprudence de Strasbourg : Nideröst-Huber c. Suisse, arrêt du 18 février 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997 I, pp. 107-08, § 23
Edificaciones March Gallego S.A. c. Espagne, arrêt du 19 février 1998, Recueil 1998 I, p. 64, § 33
Bendenoun c. France, arrêt du 24 février 1994, série A no 284, pp. 20, 21, 27, §§ 47, 52, 58
Reinhardt et Slimane-Kaïd c. France, arrêt du 31 mars 1998, Recueil 1998 II, § 103
García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, § 28, CEDH 1999 I
Kadri c. France (déc.), no. 41715/98, 26 septembre 2000, non publiée
Kress c. France [GC], no 39594/98, §§ 46, 76CEDH 2001 VI
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-73194
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2006:0321DEC002858403
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Texte intégral

DEUXIÈME SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 28584/03
présentée par Roger René FLAMENT
contre la France

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 21 mars 2006 en une chambre composée de :

MM.A.B. Baka, président,
J.-P. Costa,
R. Türmen,
K. Jungwiert,
M. Ugrekhelidze,
MmeD. Jočienė,
M.D. Popović, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 25 août 2003,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Roger René Flament, est un ressortissant français, né en 1928 et résidant à Sivry. Il est représenté devant la Cour par Me F. Tissot, avocat à Paris.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

Le 4 mars 1991, la direction nationale des vérifications de situations fiscales (DNVSF) adressa au requérant un avis de vérification de sa situation fiscale personnelle au titre des années 1988 et 1989. Ce service contestait notamment le revenu déclaré par le requérant pour ces années ainsi que le montant d’une plus-value réalisée sur la cession de parts détenues dans une société civile immobilière.

Le requérant rencontra des membres de l’administration fiscale à deux reprises : le 25 mars 1991, afin de leur remettre des documents bancaires, et le 15 mai 1991, afin de leur fournir des explications sur des sommes figurant sur ses comptes.

Le 16 décembre 1991, la DNVSF notifia au requérant le montant des sommes réintégrées dans ses revenus au titre des années 1988 et 1989.

Le 20 décembre 1991, ce même service lui adressa une nouvelle notification de redressements, rectifiant le montant des droits tels que mentionnés dans la notification du 16 décembre 1989, et précisa le montant des pénalités correspondantes.

Le 31 décembre 1994, les impositions supplémentaires au titre des années 1988 et 1989 furent mises en recouvrement.

Par une lettre en date du 8 mars 1995, le requérant effectua une réclamation préalable auprès du directeur de la DNVSF en vue d’obtenir le dégrèvement des compléments d’imposition mis à sa charge.

Par une décision du 17 janvier 1996, la DNVSF refusa la demande du requérant et confirma le bien-fondé des redressements contestés.

Le 21 mars 1996, le requérant saisit le tribunal administratif de Melun d’une requête tendant à ce qu’il soit déchargé des suppléments d’impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 1988 et 1989 et, subsidiairement, à le décharger des pénalités pour absence de bonne foi.

Par un jugement du 20 juin 1997, le tribunal administratif de Melun réduisit partiellement les bases d’imposition à l’impôt sur le revenu dû par le requérant. Ce jugement précisa également les points suivants :

« (...) Considérant que l’administration s’est bornée à appliquer la majoration de 40 %, visée à l’article 1729 du code général des impôts et encourue lorsque la bonne foi du contribuable est écartée, au seul redressement relatif au sujet de l’imputation sur le revenu global des années 1988 et 1989 ; (...) qu’il y a lieu dans ces conditions de maintenir la majoration de 40 % infligée de ce chef ainsi que, s’agissant du redressement subsistant au titre du bénéfice non commercial découlant de la cession de part sociale, de la majoration de 10 % prévue à l’article 1728 du code général des impôts (...). »

Le 1er septembre 1997, le requérant interjeta appel de ce jugement.

Par un arrêt du 11 avril 2000, la cour administrative d’appel de Paris rejeta le recours du requérant, notamment aux motifs suivants :

« (...) en l’espèce, il résulte de l’instruction qu’après avoir reçu, le 5 mars 1991, un avis l’informant de ce qu’il allait faire l’objet du contrôle en question, M. Flament s’est entretenu à deux reprises, le 25 mars 1991, puis, pour discuter des documents bancaires, le 15 mai suivant, avec le vérificateur, lequel lui a envoyé, le 18 juin 1991, une demande de justifications qui, par suite de ce dialogue préalable, n’a porté que sur la moitié des crédits figurant sur ses comptes ; que l’agent n’était par ailleurs pas tenu de lui donner avant la notification des redressements des informations sur les rehaussements qui étaient envisagés ; que dans ces conditions, et nonobstant la circonstance, sans incidence, que deux vérificateurs se sont succédés à l’occasion du contrôle, Monsieur Flament n’est pas fondé à soutenir qu’il n’aurait pas bénéficié de la garantie qui s’attache à un dialogue oral et contradictoire (...). »

Le 19 juin 2000, le requérant saisit le Conseil d’Etat d’un pourvoi contre l’arrêt du 11 avril 2000.

Le 26 février 2003, le Conseil d’Etat rejeta le pourvoi du requérant, notamment aux motifs suivants :

« (...) Considérant que le caractère contradictoire que doit revêtir l’examen de la situation fiscale personnelle au regard de l’impôt sur le revenu en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d’adresser la notification de redressement qui, selon l’article L. 48 du même livre, marquera l’achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu’il envisage de retenir ; qu’en outre, dans sa version remise à M. Flament, la « charte des droits et obligations du contribuable vérifié », rendue opposable à l’administration par l’article L. 10 du livre des procédures fiscales, exige que le vérificateur ait recherché un tel dialogue avant même d’avoir recours à la procédure écrite et contraignante de l’article L. 16 du même livre ; que la cour administrative d’appel, qui a estimé que le dialogue contradictoire exigé par les dispositions susmentionnés a eu lieu, a porté sur les faits qui lui était soumis une appréciation souveraine non susceptible d’être discutée devant le juge de cassation ;

(...) Considérant qu’en jugeant que la notification du redressement du 20 décembre 1991 avait clos l’examen contradictoire commencé après l’avis du 4 mars de la même année et qu’aucune investigation supplémentaire débouchant sur des redressements supplémentaires n’avait été effectuée postérieurement, la cour administrative d’appel a porté sur les faits, sans les dénaturer, une appréciation souveraine ; (...) »

GRIEFS

Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant estime que les dispositions de droit interne relatives au caractère contradictoire de la procédure préalable de redressement n’ont pas été respectées.

Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint, dans le cadre de la procédure devant le Conseil d’Etat, de la pratique qui consiste à transmettre le rapport du conseiller rapporteur au Commissaire du Gouvernement avant l’audience, sans le communiquer aux parties. Il estime que ce défaut de communication méconnaît, d’une part, le droit à l’égalité des armes et, d’autre part, le principe du contradictoire.


EN DROIT

Le requérant invoque plusieurs violations de l’article 6 de la Convention dont les dispositions pertinentes en l’espèce se lisent comme suit :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

1.  Il se plaint tout d’abord de ce que la procédure préalable de redressement n’aurait pas, eu égard aux dispositions pertinentes du livre des procédures fiscales, respecté le principe du contradictoire.

La Cour doit, en premier lieu, rechercher si l’article 6 de la Convention trouve à s’appliquer en l’espèce. Elle rappelle à cet égard la jurisprudence constante, selon laquelle l’article 6 § 1 de la Convention n’est pas applicable, en principe, sous son volet civil, à une procédure de caractère fiscal, même si les mesures fiscales en cause ont entraîné des répercussions sur des droits patrimoniaux (voir Bendenoun c. France, arrêt du 24 février 1994, série A no 284, p. 27, § 58).

En l’espèce, toutefois, le requérant s’est vu infliger, en plus d’un complément d’impôt, une majoration d’impôts sous la forme de pénalités pour mauvaise foi. Pareilles pénalités s’analysent en une « accusation en matière pénale » au sens de l’article 6 § 1 de la Convention tel qu’interprété par la Cour dans les affaires Bendenoun (arrêt précité, p. 20, § 47) et Kadri c. France (requête no 41715/98, décision du 26 septembre 2000, non publiée). En conséquence, l’article 6 de la Convention trouve à s’appliquer à la procédure litigieuse sous son aspect pénal (Bendenoun, précité, p. 21, § 52).

Sur le fond, et en second lieu, la Cour rappelle qu’aux termes de l’article 19 de la Convention elle a pour tâche d’assurer le respect des engagements résultant de la Convention pour les Parties contractantes. Il ne lui appartient pas de connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où ces erreurs pourraient avoir porté atteinte aux droits et libertés garantis par la Convention (voir, parmi d’autres, García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, § 28, CEDH 1999-I). La Cour n’a notamment pas à se substituer aux autorités nationales pour trancher une question relevant de l’interprétation du droit interne (voir Edificaciones March Gallego s.a. c. Espagne, arrêt du 19 février 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-I, p. 64, § 33).

Il appartient donc, en l’espèce, au premier chef aux juridictions internes d’interpréter et d’appliquer le droit national pertinent à la procédure de redressement. Le rôle de la Cour se limite à ce stade à vérifier la compatibilité avec la Convention des effets de pareille interprétation. A cet égard, il ressort sans ambiguïté de la procédure litigieuse que le requérant eut l’occasion, en bénéficiant à chaque niveau de juridiction de l’assistance d’un avocat, de faire valoir ses arguments devant les juridictions fiscales qui y ont répondu et ont rendu des décisions satisfaisant aux exigences de la Convention.

Partant, la Cour considère que ce grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

2.  Le requérant conteste ensuite l’équité de la procédure devant le Conseil d’Etat. Il estime que la pratique visant à transmettre le rapport du conseiller rapporteur au Commissaire du Gouvernement avant l’audience, sans le communiquer aux parties, ne respecte ni le principe de l’égalité des armes ni celui du contradictoire.

La Cour souligne, avant tout autre développement, le caractère non établi de la pratique critiquée par le requérant. Elle n’estime cependant pas nécessaire d’infirmer ou de confirmer la réalité d’une telle pratique dès lors que le grief du requérant est de toutes façons irrecevable pour les motifs suivants.

La Cour rappelle en effet que le principe de l’égalité des armes – l’un des éléments de la notion plus large de procès équitable – requiert que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (voir, parmi beaucoup d’autres, Nideröst-Huber c. Suisse, arrêt du 18 février 1997, Recueil 1997-I, pp. 107-108, § 23). Quant au droit à une procédure contradictoire, il impliquerait en principe « la faculté pour les parties aux procès, pénal ou civil, de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au juge, même par un magistrat indépendant, en vue d’influencer sa décision et de la discuter » (Reinhardt et Slimane-Kaïd c. France, arrêt du 31 mars 1998, Recueil 1998‑II, § 103).

La Cour note, tout d’abord, que le rapport du conseiller rapporteur devant le Conseil d’Etat ne contient qu’un « simple résumé des pièces » du dossier (voir notamment Kress c. France [GC], no 39594/98, § 46, CEDH 2001‑VI). Elle relève ensuite que le requérant, en l’espèce demandeur au pourvoi, est en possession des pièces du dossier, et notamment des mémoires échangés entre les parties. Il ne saurait dès lors soutenir valablement devant la Cour que la lecture par le commissaire du gouvernement, ou même la possession, d’un document résumant lesdites pièces puisse fournir davantage d’informations que de posséder les pièces elles-mêmes.

Partant, il ne saurait être, en aucune mesure, soutenu qu’une transmission du rapport du conseiller rapporteur au commissaire du gouvernement puisse créer une situation de net désavantage eu égard à l’une ou l’autre des parties.

Il s’ensuit que, sous l’angle du principe de l’égalité des armes, ce grief est manifestement mal fondé.

La Cour rappelle ensuite que, dans la procédure devant le Conseil d’Etat, les avocats qui le souhaitent peuvent demander au commissaire du gouvernement, avant l’audience, le sens général de ses conclusions. En outre, la Cour a déjà eu l’occasion de souligner que la possibilité de répliquer par une note en délibéré aux conclusions du commissaire du gouvernement permet, et c’est essentiel à ses yeux, de contribuer au respect du principe du contradictoire (voir Kress, précité, § 76).

Elle relève qu’en l’espèce l’avocat qui représentait le requérant devant le Conseil d’Etat a déposé, dans l’intérêt de celui-ci, une note en délibéré, laquelle est visée dans l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 23 février 2003. La procédure suivie devant le Conseil d’Etat a dès lors offert suffisamment de garanties au justiciable quant à son caractère contradictoire.

Par conséquent, ce grief, dans son ensemble, est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

S. DolléA.B. Baka
GreffièrePrésident

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