CEDH, Cour (cinquième section), PIERRE c. FRANCE, 29 avril 2008, 18195/06

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Cinquième Section), 29 avr. 2008, n° 18195/06
Numéro(s) : 18195/06
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 14 avril 2006
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-86372
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2008:0429DEC001819506
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Sur les parties

Texte intégral

CINQUIÈME SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 18195/06
présentée par Marc PIERRE
contre la France

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant le 29 avril 2008 en une chambre composée de :

Peer Lorenzen, président,
Jean-Paul Costa,
Karel Jungwiert,
Volodymyr Butkevych,
Renate Jaeger,
Isabelle Berro-Lefèvre,
Mirjana Lazarova Trajkovska, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 14 avril 2006,

Vu la décision de la Cour de se prévaloir de l’article 29 § 3 de la Convention et d’examiner conjointement la recevabilité et le fond de l’affaire,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Marc Raymond Pierre, est un ressortissant français, né en 1955 et résidant à Dijon. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, Mme E. Belliard, directrice des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.

A.  Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

Formateur occasionnel pour le compte du Centre national de la fonction publique territoriale, le requérant se déplaça de Dijon à Paris le 29 novembre 2005 afin d’animer une formation à Issy-les-Moulineaux. Pour s’y rendre, il emprunta les lignes de métro 14 et 8 depuis la gare de Lyon, via les stations Madeleine et Invalides, puis le R.E.R. C et enfin le tramway, à partir de la station Issy-Val de Seine. Arrivé vers 8 h 45 à cette dernière station, il montra son dernier ticket à l’un des dix contrôleurs et agents de sécurité postés au niveau du passage de la correspondance entre le R.E.R. et le tramway. Le contrôleur lui indiqua qu’il se trouvait en zone 2 et, qu’à ce titre, il devait s’acquitter d’une amende de 25 euros. Deux autres contrôleurs plus âgés vinrent à la rescousse du premier. Selon le requérant, ils refusèrent toute explication de la part de celui-ci et lui auraient même dit qu’il devait s’acquitter de l’amende s’il voulait quitter la gare. Le requérant s’exécuta car, comme il le soutient, il devait rejoindre sans retard son travail. Les contrôleurs lui remirent un reçu sur lequel il était marqué qu’il constituait un titre de transport et qu’une indemnité forfaitaire de vingt-cinq euros était acquittée.

Quelques jours plus tard, le requérant déposa une réclamation au Centre de relations clients transilien de la SNCF, en demandant notamment le remboursement de l’indemnité forfaitaire de 25 euros.

Le 22 décembre 2005, le Centre informa le requérant qu’il ne pouvait donner une suite favorable à cette demande. Il soulignait que la situation des voyageurs en possession d’un billet non valable sur le réseau Ile-de-France, en dehors de toute tentative de fraude, était régularisable par le paiement immédiat à l’agent du contrôle, d’une indemnité forfaitaire fixée à 25 euros, quels qu’en soient le motif et le parcours effectué.

Le requérant adressa alors un courrier au juge de proximité près le tribunal de police à Paris. Le 6 février 2006, l’officier du ministère public lui répondit que la réclamation ne concernait pas le parquet du tribunal de police de Paris, mais celui de Dijon.

Le 17 février 2006, le requérant saisit l’officier du ministère public de Dijon. Le 17 mars 2006, ce dernier informa le requérant que l’office du ministère public ne pouvait être saisi que pour une poursuite en amende forfaitaire majorée relative aux sanctions infligées par la SNCF, alors que dans le cas du requérant il s’agissait du règlement d’une amende entraînant la reconnaissance définitive de l’infraction et supprimant toute voie de recours.

B.  Le droit interne pertinent

Les articles pertinents du code de procédure pénale, relatifs à la procédure de l’amende forfaitaire, sont les suivants :

Article 529

« Pour les contraventions des quatre premières classes (...), l’action publique est éteinte par le paiement d’une amende forfaitaire (...) »

Article 529-1

 « Le montant de l’amende forfaitaire peut être acquitté soit entre les mains de l’agent verbalisateur au moment de la constatation de l’infraction, soit auprès du service indiqué dans l’avis de contravention dans les quarante-cinq jours qui suivent la constatation de l’infraction ou, si cet avis est ultérieurement envoyé à l’intéressé, dans les quarante-cinq jours qui suivent cet envoi. »

Article 529-2

« Dans le délai prévu par l’article précédent, le contrevenant doit s’acquitter du montant de l’amende forfaitaire, à moins qu’il ne formule dans le même délai une requête tendant à son exonération auprès du service indiqué dans l’avis de contravention. (...) Cette requête est transmise au ministère public.

 A défaut de paiement ou d’une requête présentée dans le délai de quarante‑cinq jours, l’amende forfaitaire est majorée de plein droit et recouvrée au profit du Trésor public en vertu d’un titre rendu exécutoire par le ministère public. »

Article 529-3

« Pour les contraventions des quatre premières classes à la police des services publics de transports ferroviaires et des services de transports publics de personnes, réguliers et à la demande, constatées par les agents assermentés de l’exploitant, l’action publique est éteinte, par dérogation à l’article 521 du présent code, par une transaction entre l’exploitant et le contrevenant.

Toutefois, les dispositions de l’alinéa précédent ne sont pas applicables si plusieurs infractions dont l’une au moins ne peut donner lieu à transaction ont été constatées simultanément. »

Article 529-4

« La transaction est réalisée par le versement à l’exploitant d’une indemnité forfaitaire et, le cas échéant, de la somme due au titre du transport.

I. - Ce versement est effectué :

1o Soit, au moment de la constatation de l’infraction, entre les mains de l’agent de l’exploitant ;

2o Soit, dans un délai de deux mois à compter de la constatation de l’infraction, auprès du service de l’exploitant indiqué dans la proposition de transaction ; dans ce dernier cas, il y est ajouté aux sommes dues le montant des frais de constitution du dossier.

A défaut de paiement immédiat entre ses mains, l’agent de l’exploitant est habilité à recueillir le nom et l’adresse du contrevenant ; en cas de besoin, il peut requérir l’assistance d’un officier ou d’un agent de police judiciaire.

Le montant de l’indemnité forfaitaire et, le cas échéant, celui des frais de constitution du dossier sont acquis à l’exploitant.

II. - A défaut de paiement immédiat entre leurs mains, les agents de l’exploitant, s’ils ont été agréés par le procureur de la République et assermentés, sont habilités à relever l’identité et l’adresse du contrevenant. »

Article 529-5

« Dans le délai prévu par l’article précédent, le contrevenant doit s’acquitter du montant des sommes dues au titre de la transaction, à moins qu’il ne formule dans le délai de deux mois à compter de la constatation de l’infraction une protestation auprès du service de l’exploitant. Cette protestation, accompagnée du procès-verbal d’infraction, est transmise au ministère public.

A défaut de paiement ou de protestation dans le délai de deux mois précité, le procès-verbal d’infraction est adressé par l’exploitant au ministère public et le contrevenant devient redevable de plein droit d’une amende forfaitaire majorée recouvrée par le Trésor public en vertu d’un titre rendu exécutoire par le ministère public. »

Article 530

« Le titre mentionné au second alinéa de l’article 529-2 (...) est exécuté suivant les règles prévues par le présent code pour l’exécution des jugements de police. (...)

 Dans les trente jours de l’envoi de l’avis invitant le contrevenant à payer l’amende forfaitaire majorée, l’intéressé peut former auprès du ministère public une réclamation motivée qui a pour effet d’annuler le titre exécutoire en ce qui concerne l’amende contestée. (...)

La réclamation doit être accompagnée de l’avis correspondant à l’amende considérée (...) »

Article 530-1

« Au vu de la requête faite en application du premier alinéa de l’article 529-2, (...) ou de la réclamation faite en application du deuxième alinéa de l’article 530, le ministère public peut, soit renoncer à l’exercice des poursuites, soit procéder conformément aux articles 524 à 528-2 [procédure simplifiée de l’ordonnance pénale devant le tribunal de police] ou aux articles 531 et suivants [procédure normale devant le tribunal de police], soit aviser l’intéressé de l’irrecevabilité de la réclamation non motivée ou non accompagnée de l’avis (...) »

GRIEFS

Invoquant l’article 6 §§ 1 et 2 et l’article 13 de la Convention, le requérant se plaint de ce que qu’il n’a pas été entendu par un tribunal indépendant et impartial, l’officier du ministère public appartenant à une administration subordonnée, que les agents de la SNCF et l’officier du ministère public ont ignoré les droits de la défense et qu’il n’a pas eu un recours effectif devant un tribunal indépendant.

EN DROIT

Le requérant prétend que son droit d’accès à un tribunal a été méconnu, en raison du fait que l’officier du ministère public n’a pas saisi le tribunal de police de ses réclamations contestant le bien-fondé de la contravention qui lui avait été dressée. Il allègue une violation des articles 6 §§ 1 et 2 et 13 de la Convention.

La Cour, maîtresse de la qualification juridique des faits, estime qu’il y a lieu d’examiner le grief uniquement sous l’angle de l’article 6 § 1 dont la partie pertinente se lit ainsi :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

Le Gouvernement relève que le requérant ne conteste pas l’infraction elle-même et souligne que l’action publique était éteinte par le paiement de l’indemnité forfaitaire de 25 euros le jour même de la verbalisation. Le caractère objectif de la contravention, constaté par le seul fait de ne pas être muni du ticket de transport approprié, est répréhensible en vertu des dispositions pertinentes du code de procédure pénale, sans qu’il y ait besoin de vérifier la bonne foi du contrevenant.

Le Gouvernement souligne que les articles 529 et suivants du code de procédure pénale prévoient la faculté pour les contrevenants de formuler une protestation auprès du service de l’exploitant et, le cas échéant, une réclamation auprès du ministère public. L’officier du ministère public peut alors soit décider d’abandonner les poursuites, soit poursuivre par voie d’ordonnance pénale ou de citation directe devant le tribunal de police. Dans ces deux derniers cas, l’intéressé bénéficie d’un accès au juge. Cette procédure s’applique sauf si l’intéressé s’est acquitté du paiement de l’amende, entraînant l’extinction de l’action publique, ce que le requérant a fait en l’espèce.

Le requérant soutient que pour que le paiement de l’amende entraîne reconnaissance de la réalité de l’infraction, la personne supposée contrevenant doit être à même de s’expliquer et de se voir exposer tous les moyens lui permettant d’assurer sa propre défense. Tel n’a pas été le cas en l’espèce, car les contrôleurs lui auraient dit que la seule solution de quitter la gare était d’acquitter la somme de 25 euros. De plus, le requérant prétend que pour qu’il y ait amende, il faut un document sur lequel cette mention soit exprimée clairement. Or sur le titre qui lui a été remis, il était indiqué « constitue un titre de transport ». Selon le requérant, celui-ci a donc payé un titre de transport et non une amende.

La Cour rappelle que le droit à un tribunal, dont le droit d’accès constitue un aspect, n’est pas absolu et qu’il se prête à des limitations implicites (Hennings c. Allemagne, arrêt du 16 décembre 1992, série A no 251-A, § 26). Celles-ci ne peuvent toutefois pas en restreindre l’exercice d’une manière ou à un point tels qu’il se trouve atteint dans sa substance même. Elles doivent tendre à un but légitime et il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (voir notamment, parmi de nombreux autres arrêts, Fayed c. Royaume-Uni du 21 septembre 1994, série A no 294-B, pp. 49–50, § 65 et Levages Prestations Services c. France du 23 octobre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996‑V, p. 1543, § 40).

La Cour note que le requérant s’est vu reprocher une infraction par la police des services publics de transports publics, à savoir de ne pas être muni du ticket de transport approprié. Le code de procédure pénale, dans ses articles 529-3 à 529-5, prévoit une procédure spécifique pour le traitement de ces contraventions. En cas de constat d’une contravention par un des agents assermentés de l’exploitant, ce dernier peut proposer au contrevenant une transaction, au moyen de versement d’une indemnité forfaitaire, qui éteint l’action publique. Cette transaction peut avoir lieu soit lors de la constatation de l’infraction, soit dans un délai de deux mois à compter du jour de cette constatation. Pendant ce délai, le contrevenant peut formuler une protestation auprès de l’exploitant et, dans ce cas, le procès-verbal d’infraction est transmis au ministère public.

La Cour constate, avec le Gouvernement, que la procédure prévoit un accès au tribunal pour le contrevenant. En vertu de l’article 530-1 du code de procédure pénale, l’officier du ministère public saisit le tribunal de police, à moins qu’il ne renonce aux poursuites ou constate l’irrecevabilité de la réclamation.

La Cour ne peut souscrire à l’argument du requérant selon lequel celui-ci aurait été privé de toute possibilité d’avoir accès à un tribunal. Elle relève que le requérant n’a pas contesté l’infraction qui lui a été reprochée par les contrôleurs de celle-ci et n’a pas fait usage de la possibilité de faire dresser un procès-verbal de contravention. Il pouvait ainsi choisir de ne pas régler sur le champ l’amende et d’attendre la suite de la procédure, qui aurait été judiciaire, pour contester le bien-fondé de sa contravention.

Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondée et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

En conséquence, il convient de mettre fin à l’application de l’article 29 § 3 de la Convention et de déclarer la requête irrecevable.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

              Claudia Westerdiek Peer Lorenzen
GreffièrePrésident

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