CEDH, Cour (cinquième section), SCHADEL c. FRANCE, 25 septembre 2008, 14599/06

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Cinquième Section), 25 sept. 2008, n° 14599/06
Numéro(s) : 14599/06
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 7 avril 2006
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-88948
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2008:0925DEC001459906
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Sur les parties

Texte intégral

CINQUIÈME SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 14599/06
présentée par Jean Claude SCHADEL
contre la France

La Cour européenne des droits de l'homme (cinquième section), siégeant le 25 septembre 2008 en une chambre composée de :

Peer Lorenzen, président,
Jean-Paul Costa,
Karel Jungwiert,
Volodymyr Butkevych,
Renate Jaeger,
Mark Villiger,
Isabelle Berro-Lefèvre, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 7 avril 2006,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Jean Claude Schadel, est un ressortissant français, né en 1949 et incarcéré au centre de détention de Bapaume. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, Mme E. Belliard, directrice des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.

A.  Les circonstances de l'espèce

Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

Le 14 janvier 2004, le requérant fut condamné par la cour d'assises du Val d'Oise à une peine de quatorze ans de réclusion criminelle pour des faits de viol sur ses deux filles mineures. Il fut incarcéré à la maison d'arrêt d'Osny, puis à celle de Bapaume, le 4 mai 2005.

Le 1er février 2005, le requérant fut invité à se présenter le 8 mars suivant au tribunal de grande instance de Pontoise en vue d'une tentative de conciliation devant le juge aux affaires familiales, suite à une requête en divorce introduite par son épouse le 21 janvier 2005.

Le 15 février 2005, le requérant déposa une demande d'aide juridictionnelle au bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Pontoise.

Le 8 mars 2005, le requérant comparut en personne à l'audience de conciliation, sans l'assistance d'un avocat, celle-ci n'étant pas obligatoire à ce stade de la procédure. A l'issue de l'audience, le juge aux affaires familiales rendit une ordonnance de non-conciliation.

Le 11 avril 2005, le bureau d'aide juridictionnelle accorda au requérant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale et désigna Me A.-F. B. Celui-ci fut avisé de sa désignation à la fin du mois de mai 2005.

Le 2 juin 2005, le requérant reçut une lettre de Me A.-F. B. l'informant qu'elle n'avait reçu la décision d'aide juridictionnelle que quelques jours auparavant, et l'invitant à lui transmettre copie de la requête et de tous les documents relatifs à la procédure de divorce.

Selon le Gouvernement, le 26 juillet 2005, Me A.-F. B. indiqua au requérant, qui avait dû lui exprimer son souhait de faire appel de l'ordonnance de non-conciliation, qu'il devait solliciter du bureau d'aide juridictionnelle la désignation d'un avoué ou d'un avocat pour cette procédure, mais le requérant ne le fit pas. En outre, Me A.-F. B. écrivit à son confrère, assurant la défense des intérêts de l'épouse du requérant, pour s'enquérir de l'avancée de la procédure de divorce. Le 18 août 2005, cet avocat communiqua à Me A.-F. B. la requête, l'ordonnance de non-conciliation et l'assignation en divorce, en précisant que celle-ci était en cours de délivrance.

Le 10 septembre 2005, le requérant s'adressa par courrier au juge aux affaires familiales demandant le prononcé rapide d'un divorce. Il ne fit pas état dans ce courrier d'une demande d'aide juridictionnelle ni ne mentionna l'avocat désigné à ce titre, Me A.-F. B.

Le 14 septembre 2005, l'ordonnance de non-conciliation fut signifiée et l'assignation en divorce délivrée au requérant par huissier de justice.

L'assignation comportait en caractères apparents, conformément aux dispositions de l'article 752 du nouveau code de procédure civile, la mention « IMPORTANT » et rappelait que le requérant devait se faire représenter par son avocat, lequel devait se constituer dans un délai de quinze jours, sinon le procès se déroulerait en son absence et un jugement pourrait être requis à son encontre sur les seuls éléments fournis par le demandeur. Le requérant n'ayant pas informé Me A.-F. B. de cette assignation, celui-ci ne se constitua pas.

Le 28 octobre 2005, Me A.-F. B. interrogea à nouveau l'avocat de l'épouse du requérant au sujet de la délivrance de l'assignation et il fut informé, le 17 novembre 2005, que l'ordonnance de clôture avait été prononcée le 28 octobre 2005 et que la date des plaidoiries avait été fixée au 17 novembre 2005, soit le jour même.

Le 17 novembre 2005, le requérant, qui avait entre-temps été transféré au centre de détention de Bapaume, introduisit devant le tribunal de grande instance d'Arras une nouvelle demande d'aide juridictionnelle pour la procédure de divorce.

Par une lettre du 22 novembre 2005, Me A.-F. B. informa le requérant que son intervention serait bien trop tardive du fait que l'audience de plaidoirie était déjà passée. Elle lui fit également savoir que, dans le cadre d'une procédure devant la cour d'appel de Versailles, elle ne pourrait pas intervenir, n'ayant pas été désignée au titre de l'aide juridictionnelle. Elle invita le requérant à effectuer les démarches pour obtenir cette aide.

Le 15 décembre 2005, la chambre des affaires familiales du tribunal de Pontoise statua au fond sur la demande de divorce. Le jugement précisa qu'il était réputé contradictoire, le requérant n'ayant pas constitué avocat alors qu'il était régulièrement assigné.

Le 28 décembre 2005, le vice-président du tribunal accorda au requérant l'aide juridictionnelle totale pour cette procédure. Il précisa que l'avocat chargé d'assister le bénéficiaire serait désigné par le bâtonnier d'Arras.

Le 5 janvier 2006, le jugement de divorce fut signifié au requérant.

Par une décision d'aide juridictionnelle complétive du 19 juin 2006, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance d'Arras, dit que le requérant serait assisté par Me P. L., désigné par le bâtonnier de l'ordre des avocats de Pontoise.

Le 22 juin 2006, Me P. L. informa le requérant qu'il venait, le jour même, de recevoir copie de sa désignation au titre de l'aide juridictionnelle accordée le 28 décembre 2005.

Le 10 juillet 2006, cet avocat informa le requérant que le jugement de divorce, prononcé par le tribunal de grande instance de Pontoise et signifié le 5 janvier 2006, était devenu définitif à compter du 6 février 2006, de sorte qu'il lui était impossible d'intervenir dans la procédure.

B.  Le droit interne pertinent

L'article 755 du code de procédure civile dispose :

« Le défendeur est tenu de constituer avocat dans le délai de quinze jours, à compter de l'assignation. »

GRIEF

Invoquant l'article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint qu'en dépit de l'aide juridictionnelle qui lui a été accordée pour la procédure en divorce, à laquelle il était partie, aucun des avocats désignés n'a pu lui apporter une quelconque aide lors de la procédure. Ces derniers, tardivement avertis de leur désignation, n'ont pu l'assister à aucun stade de la procédure.

EN DROIT

Le requérant se plaint de ne pas avoir bénéficié du droit à un procès équitable et du droit d'accès à un tribunal, garantis par l'article 6 § 1, dont la partie pertinente se lit ainsi :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

Le Gouvernement soutient que la seule explication au fait que le requérant n'ait pas été assisté d'un avocat lors de la procédure de divorce tient exclusivement à sa propre négligence.

La Cour rappelle que la Convention n'oblige pas à accorder l'aide judiciaire dans toutes les contestations en matière civile (voir les arrêts Del Sol c. France, no 46800/99, § 20, CEDH 2002-II ; Essaadi c. France, no 49384/99, § 30, 26 février 2002). En effet, il y a une nette distinction entre les termes de l'article 6 § 3 c), qui garantit le droit à l'aide judiciaire gratuite sous certaines conditions dans les procédures pénales, et ceux de l'article 6 § 1, qui ne renvoie pas du tout à l'aide judiciaire.

Toutefois, la Convention a pour but de protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs. La remarque vaut en particulier pour le droit d'accès aux tribunaux, eu égard à la place éminente que le droit à un procès équitable occupe dans une société démocratique (Airey, précité, pp. 12-13, § 24).

La Cour relève que, dans la présente affaire, le requérant, qui répondait aux critères matériels d'octroi, s'est vu immédiatement attribuer l'aide juridictionnelle, à savoir le 11 avril 2005. Le bureau d'aide juridictionnelle a désigné Me A.-F. B. pour représenter le requérant devant le tribunal de Pontoise. Dès que celle-ci a été avisée de sa désignation, elle a pris contact avec le requérant en lui demandant de lui transmettre toutes les pièces de la procédure.

Face à ce qui semble être un manque de réaction de la part du requérant, Me A.-F. B. a contacté l'avocat de la partie adverse pour s'enquérir de l'avancée de la procédure. Ce dernier lui a communiqué certaines pièces.

Le 14 septembre 2005, l'assignation en divorce a été délivrée au requérant par huissier de justice. Toutefois, le requérant a omis de constituer avocat dans le délai de quinze jours, comme l'invitait expressément l'assignation. La Cour estime qu'il s'agit là d'une pure négligence de la part du requérant. Celui-ci n'avance aucune explication pour justifier le manque de collaboration et de communication avec son avocat ni son empressement à déposer, le 17 septembre 2005, une nouvelle demande d'aide juridictionnelle auprès du tribunal de grande instance d'Arras, alors qu'il avait déjà un avocat désigné, qui s'était jusqu'alors acquitté de sa tâche avec la diligence requise d'un avocat commis d'office. Une telle négligence de la part du requérant est déterminante en l'espèce de sorte qu'il ne peut désormais se plaindre d'une situation qu'il a lui-même contribué à créer par sa propre inaction (voir arrêt Freimanis et Līdums c. Lettonie, nos 73443/01 et 74860/01, 9 février 2006 ; Hussin c. Belgique (déc.), no 70807/01, 6 mai 2004 et McDonald c. France (déc.), no 18648/04, 29 avril 2008). La Cour compte tenu de ce constat n'estime en conséquence pas nécessaire d'examiner la question de la désignation du deuxième avocat d'office.

En conclusion, la Cour considère que le requérant ne saurait prétendre ne pas avoir bénéficié d'un accès effectif à un tribunal.

Il s'ensuit que la requête doit être rejetée comme manifestement mal fondée en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

              Claudia WesterdiekPeer Lorenzen
GreffièrePrésident

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