CEDH, Cour (cinquième section), GALEC c. FRANCE, 17 janvier 2012, 51255/08

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CMS · 19 novembre 2013

Le grief de rupture brutale des relations commerciales est fréquemment invoqué dans les litiges commerciaux. Néanmoins, si la jurisprudence est abondante, elle n'en est pas moins casuistique, si bien qu'il est difficile de dégager des principes généraux notamment concernant l'évaluation du préjudice. Toutefois, l'article L. 442-6, III, al. 5 dispose que « les litiges relatifs à l'application du présent article sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret (1) ». Ainsi, cette disposition qui centralise les contentieux au sein de huit juridictions …

 
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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Cinquième Section), 17 janv. 2012, n° 51255/08
Numéro(s) : 51255/08
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 16 octobre 2008
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-108928
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2012:0117DEC005125508
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Sur les parties

Texte intégral

CINQUIÈME SECTION

DÉCISION

Requête no 51255/08
GALEC
contre la France

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant le 17 janvier 2012 en une Chambre composée de :

Dean Spielmann, président,
Karel Jungwiert,
Boštjan M. Zupančič,
Mark Villiger,
Ann Power-Forde,
Angelika Nußberger,
André Potocki, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 16 octobre 2008,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

La requérante, la société Groupement d’Achat Leclerc (Galec), est une personne morale de droit français dont le siège social se trouve à Ivry‑sur‑Seine. Elle est représentée devant la Cour par Me L. Parleani, avocat à Paris.

A.  Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par la requérante, peuvent se résumer comme suit.

La société Galec est une société coopérative spécialisée dans le secteur de la grande distribution qui regroupe l’ensemble des sociétés exploitant des centres distributeurs à l’enseigne E. Leclerc, ses coopérateurs. Le rôle du Galec est de négocier auprès des fournisseurs de la grande distribution les conditions commerciales auxquelles ses coopérateurs pourront acquérir les marchandises.

En septembre 2001, après avoir comparé ses conditions d’achat de produits frais avec ceux de la société Carrefour, la société requérante s’est aperçue avoir bénéficié de montants de coopération commerciale inférieurs. Estimant avoir subi un désavantage de concurrence, la requérante réclama réparation auprès des vingt-huit fournisseurs concernés par le biais de protocoles d’accord transactionnels, négociés entre le 12 février 2002 et le 25 mars 2003. Le montant global des vingt-huit transactions ainsi intervenues s’éleva à 23 313 680,51 euros (EUR).

Par un acte du 25 mars 2006, le ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie (« le ministre ») assigna la requérante devant le tribunal de commerce de Nanterre sur le fondement de l’article L. 442-6-III du code de commerce (voir « droit interne pertinent »), aux fins de voir la requérante condamnée à restituer l’intégralité des sommes ayant fait l’objet des transactions ainsi qu’à payer une amende de 2 millions d’euros pour atteinte à l’intérêt général et à l’ordre public économique. Le ministre estimait, en effet, que les protocoles d’accord transactionnels conclus par le Galec résultaient de contrats à effets rétroactifs – les protocoles ayant été signés en 2002 et 2003 pour les années 1999 à 2001 – et ne correspondaient à aucun service rendu. Ils ne reposaient, en outre, sur aucun préjudice qu’aurait subi le Galec. De l’avis du ministre, cette transaction ne serait qu’un habillage juridique pour échapper aux prescriptions de l’article L. 442-6 du code de commerce.

Par un jugement du 15 novembre 2005, le tribunal de commerce de Nanterre constata la nullité des accords transactionnels, ordonna à la requérante de restituer au Trésor public les sommes dues aux fournisseurs pour le compte de ces derniers, et de payer au ministère une amende civile de 500 000 EUR.

Par un arrêt du 3 mai 2007, la cour d’appel de Versailles infirma le jugement entrepris, considérant que le fait pour le ministre de s’être substitué aux victimes, à savoir les fournisseurs, sans les informer de l’introduction d’une action en justice ni les associer à la suite de la procédure, alors même que dix-sept d’entre eux avaient exprimé leur volonté contraire, constituait une violation de l’article 6 § 1 de la Convention et, plus précisément, du droit d’accès à un tribunal.

Saisie du pourvoi du ministre, la Cour de cassation, par un arrêt du 8 juillet 2008, cassa et annula l’arrêt du 3 mai 2007 au motif que la cour d’appel de Versailles, en déclarant l’action du ministre irrecevable, avait méconnu les dispositions de l’article L. 442-6-III du code de commerce et de l’article 6 § 1 de la Convention. La Cour de cassation précisa que l’action du ministre exercée conformément à l’article L. 442-6-III était « une action autonome de protection du fonctionnement du marché et de la concurrence qui n’[était] pas soumise au consentement ou à la présence des fournisseurs ».

L’affaire fut renvoyée devant la cour d’appel de Versailles autrement composée. Par un arrêt du 29 octobre 2009, elle déclara recevable l’action du ministre fondée sur l’article L. 442-6 du code de commerce aux motifs que le ministre ne demandait nullement l’exécution de la décision à son profit mais au profit des fournisseurs, que les difficultés posées par la mise en œuvre de la répétition de l’indu ne sauraient réduire à néant la protection de l’ordre public économique et que, dans ces circonstances, en l’absence de précisions apportées par la disposition précitée, force était de constater que « la restitution des sommes indues aux fournisseurs par l’intermédiaire du Trésor public [était] seule à même de garantir l’exécution de la décision judiciaire ». En conséquence, la cour d’appel confirma en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 15 novembre 2005.

B.  Le droit et la pratique internes pertinents

1.  Les dispositions légales applicables

Les dispositions pertinentes du code de commerce, applicables au moment des faits, se lisent comme suit :

Article L. 442-6

« I.-Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

(...)

2  a)  D’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu (...).

II.-Sont nuls les clauses ou contrats prévoyant pour un producteur, un commerçant, un industriel ou une personne immatriculée au répertoire des métiers, la possibilité :

a)  De bénéficier rétroactivement de remises, de ristournes ou d’accords de coopération commerciale ;

(...)

III.-L’action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d’un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l’Economie ou par le président du Conseil de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l’occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée au présent article.

Lors de cette action, le ministre chargé de l’Economie et le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d’ordonner la cessation des pratiques mentionnées au présent article. Ils peuvent aussi, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la répétition de l’indu. Ils peuvent également demander le prononcé d’une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 2 millions d’euros (...) »

2.  Question prioritaire de constitutionnalité (QPC)

Par la décision no 2011-126 QPC du 13 mai 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré l’article L. 442-6-III du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi no 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, conforme à la Constitution sous la réserve énoncée au considérant 9. En voici les extraits pertinents :

« 6.  Considérant que, selon les requérants, les dispositions contestées permettent à l’autorité publique d’agir en justice en vue d’obtenir l’annulation de clauses ou contrats illicites et la répétition de l’indu du fait d’une pratique restrictive de concurrence, sans que le partenaire lésé par cette pratique soit nécessairement appelé en cause ; qu’en conséquence, elles porteraient atteinte aux droits de la défense et au principe du contradictoire ; qu’en ne prévoyant pas que le partenaire lésé soit mis à même de donner son assentiment et puisse conserver la liberté de conduire personnellement la défense de ses intérêts et mettre un terme à cette action, les dispositions contestées porteraient également atteinte au droit au recours ;

7.  Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ; que sont garantis par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable, ainsi que le principe du contradictoire ;

8.  Considérant, en premier lieu, que les dispositions contestées n’interdisent ni au partenaire lésé par la pratique restrictive de concurrence d’engager lui-même une action en justice pour faire annuler les clauses ou contrats illicites, obtenir la répétition de l’indu et le paiement de dommages et intérêts ou encore de se joindre à celle de l’autorité publique par voie d’intervention volontaire, ni à l’entreprise poursuivie d’appeler en cause son cocontractant, de le faire entendre ou d’obtenir de lui la production de documents nécessaires à sa défense ; que, par conséquent, elles ne sont pas contraires au principe du contradictoire ;

9.  Considérant, en second lieu, qu’il est loisible au législateur de reconnaître à une autorité publique le pouvoir d’introduire, pour la défense d’un intérêt général, une action en justice visant à faire cesser une pratique contractuelle contraire à l’ordre public ; que ni la liberté contractuelle ni le droit à un recours juridictionnel effectif ne s’opposent à ce que, dans l’exercice de ce pouvoir, cette autorité publique poursuive la nullité des conventions illicites, la restitution des sommes indûment perçues et la réparation des préjudices que ces pratiques ont causés, dès lors que les parties au contrat ont été informées de l’introduction d’une telle action ; que, sous cette réserve, les dispositions contestées ne portent pas atteinte aux exigences constitutionnelles susvisées ; »

Dans le commentaire aux Cahiers du Conseil Constitutionnel publié à la suite de la décision no 2011-126 QPC du 13 mai 2011, il est notamment fait mention de ce qui suit :

« Le principe du contradictoire implique le droit de toute personne de présenter des observations et défendre ses droits au cours d’une procédure qui la concerne directement (...).

En l’espèce, le Conseil constitutionnel a vérifié que les dispositions contestées n’érigeaient pas d’obstacle à l’application du caractère contradictoire de la procédure. D’abord, il a relevé qu’elles n’interdisent pas au partenaire lésé par la pratique restrictive de concurrence d’engager lui-même une action en justice pour faire annuler les clauses ou contrats illicites, obtenir la répétition de l’indu et le paiement de dommages et intérêts ou encore de se joindre à celle de l’autorité publique par voie d’intervention volontaire. Ensuite, il a rappelé qu’elles n’interdisent pas à l’entreprise poursuivie d’appeler en cause son cocontractant, de le faire entendre ou d’obtenir de lui la production de documents nécessaires à sa défense, conformément aux facultés offertes par le droit positif. Le Conseil a donc conclu que les dispositions contestées ne portent pas atteinte aux exigences constitutionnelles relatives au principe du contradictoire (...).

Dans la jurisprudence constitutionnelle, le droit au recours signifie qu’« il ne doit pas être porté d’atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction. »

S’agissant de l’action de substitution dont bénéficient les syndicats en droit du travail afin d’assurer la défense individuelle d’un ou plusieurs salariés, le Conseil constitutionnel a estimé que « s’il est loisible au législateur de permettre à des organisations syndicales représentatives d’introduire une action en justice à l’effet non seulement d’intervenir spontanément dans la défense d’un salarié mais aussi de promouvoir à travers un cas individuel, une action collective, c’est à la condition que l’intéressé ait été mis à même de donner son assentiment en pleine connaissance de cause et qu’il puisse conserver la liberté de conduire personnellement la défense de ses intérêts et de mettre un terme à cette action. »

Mais l’action prévue par les dispositions contestées n’est pas une action de substitution, c’est-à-dire une action en justice exercée par une autorité habilitée dans l’intérêt individuel d’autrui. L’autorité publique agit avant tout en défense de l’ordre public économique qui n’est pas limité aux intérêts immédiats des fournisseurs. En outre, son action ne se substitue pas aux actions particulières susceptibles d’être exercées par les personnes qui s’estimeraient lésées par les pratiques abusives. Et si le ministère public et le ministre de l’Economie peuvent demander, en lieu et place de la victime, la restitution des sommes indûment versées, ainsi que la réparation de son préjudice, ces prérogatives visent principalement à renforcer l’effet dissuasif des sanctions des pratiques restrictives de concurrence. L’action de l’autorité publique est, ainsi que l’a jugé la Cour de cassation, « une action autonome de protection du fonctionnement du marché et de la concurrence ».

Dès lors, la conformité à la Constitution des dispositions contestées n’était pas subordonnée au consentement ou à la présence du partenaire commercial lésé.

En revanche, le Conseil a estimé que le droit au recours juridictionnel, de même que la liberté contractuelle découlant de l’article 4 de la Déclaration de 1789, puisqu’est en cause une action en nullité contractuelle, impliquaient une obligation d’informer l’ensemble des cocontractants de l’engagement de l’action en justice. En d’autres termes, le respect de ces deux exigences constitutionnelles ne se limite pas à la seule faculté d’agir en justice mais également à l’information des personnes directement intéressées et susceptibles d’intervenir pour défendre leurs intérêts.

Or, l’information de l’ensemble des parties au contrat dont l’annulation est demandée, préalablement, le cas échéant, à la demande en répétition de l’indu, n’était pas prévue par les dispositions contestées. Il n’existait ni d’obligation à la charge de l’autorité publique de notifier l’action en justice engagée ni, à la charge du juge, de veiller à ce qu’une telle mise en cause a été faite.

C’est la raison pour laquelle le Conseil constitutionnel a énoncé une réserve d’interprétation garantissant l’information des parties au contrat. Si le débiteur de l’obligation n’est pas mentionné, on peut penser que, conformément à la tradition civiliste de la procédure accusatoire, c’est à l’auteur de l’action qu’incombe le soin de notifier celle-ci à l’intéressé. Il appartiendra au juge de s’assurer du respect de cette exigence. »

GRIEF

Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, la société requérante se plaint de ce que l’action en substitution du ministre a eu pour effet d’usurper le droit d’agir en justice des fournisseurs, entraînant l’iniquité du procès dans lequel elle était défenderesse.

EN DROIT

La société requérante se plaint de ce que l’action en substitution du ministre l’a privé d’un procès équitable garanti par l’article 6 § 1, ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

La Cour note tout d’abord que la requérante a satisfait à l’exigence d’épuiser les voies de recours internes pertinentes. En effet, l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 29 octobre 2009 s’étant borné à adopter la solution décidée par la Cour de cassation dans son arrêt du 8 juillet 2008, un moyen de cassation présenté sur ce point par la requérante dans un second pourvoi aurait été nécessairement déclaré irrecevable.

La Cour rappelle qu’elle a pour tâche d’assurer le respect des engagements résultant de la Convention (García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, § 28, CEDH 1999‑I) et qu’il appartient au premier chef aux autorités nationales, notamment aux cours et tribunaux, d’interpréter la législation interne (García Manibardo c. Espagne, no 38695/97, § 36, CEDH 2000‑II). Le rôle de la Cour se limite à vérifier la compatibilité avec la Convention des effets de pareille interprétation. Il ne lui appartient donc pas de se prononcer, en tant que tel, par voie d’interprétation sur la qualité pour agir devant les juridictions internes ou sur les conditions auxquelles un tiers peut agir en nullité d’une convention à laquelle il n’est pas partie.

La Cour note que l’article 6 § 1 de la Convention garantit le droit d’accès à un tribunal auquel s’ajoutent les garanties quant à l’organisation et à la composition du tribunal et quant au déroulement de la procédure (Golder c. Royaume-Uni, 21 février 1975, § 36, série A no 18). S’agissant du droit d’accès à un tribunal de la requérante, la Cour relève que celle-ci occupait la position de défenderesse dans la procédure au fond et qu’elle a pu exposer ses griefs à tous les stades de la procédure. La Cour en déduit que le droit d’accès à un tribunal de la requérante n’est pas en jeu et que le grief doit être examiné uniquement sous l’angle de l’équité de la procédure prise dans son ensemble (mutatis mutandis, Bykov c. Russie [GC], no 4378/02, § 89, 10 mars 2009). La Cour estime, en effet, qu’en rattachant le grief tiré de l’iniquité du procès à l’« usurpation » du droit d’accès à un tribunal des fournisseurs par le ministre, la requérante se plaint pour l’essentiel du rôle dans le procès accordé au ministre par les dispositions de l’article L. 442‑6‑III du code de commerce.

La Cour observe que, dans les circonstances visées par l’article L. 442-6 du code de commerce, le ministre agit avant tout en défense de l’ordre public économique qui n’est pas limité aux intérêts immédiats des fournisseurs. Le ministre, par son action, n’exclut pas les cocontractants lésés par la relation commerciale puisque ces derniers restent en droit d’engager eux-mêmes une action en justice aux fins d’obtenir l’annulation des clauses ou des contrats illicites, la répétition de l’indu et le paiement de dommages-intérêts, ou de se joindre à l’instance initiée par le ministre. Ils sont également susceptibles d’être attraits à l’instance par les parties au procès, notamment par la partie défenderesse aux fins d’obtenir la production de pièces essentielles à sa défense. Il y a donc lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel le ministre aurait agi en substitution des fournisseurs, ceux-ci disposant d’un droit de recours autonome à celui du ministre et vice versa. Au demeurant, comme constaté ci-dessus, la requérante ne rapporte pas la preuve que l’action du ministre aurait entaché le procès d’iniquité.

La Cour note que le Conseil constitutionnel a émis une réserve d’interprétation au considérant 9 de sa décision no 2011-126 QPC du 13 mai 2011 quant à la constitutionnalité de l’article L. 442-6, tenant à ce que les victimes soient informées de l’introduction d’une action en justice par le ministre. Cependant, la Cour observe que cette obligation d’information des cocontractants est justifiée par un impératif de protection des fournisseurs. Or, en l’espèce, quand bien même cette condition n’aurait pas été remplie à l’égard des fournisseurs, il n’est pas démontré que cela aurait causé un préjudice quelconque dans le chef de la requérante au titre des garanties de l’article 6 § 1 dans la mesure où la requérante était libre d’attirer ses cocontractants à l’instance.

La Cour rappelle, enfin, le rôle accordé aux apparences dans l’appréciation du respect des droits de la défense et du principe de l’égalité́ des armes, éléments de la notion plus large de procès équitable (voir, entre autres, Beaumartin c. France, no 15287/89, rapport de la Commission du 29 juin 1993, § 70 ; sur l’importance attribuée aux apparences, voir aussi Morel c. France, no 34130/96, § 42, CEDH 2000‑VI ; Vera Fernández-Huidobro c. Espagne, no 74181/01, § 115, 6 janvier 2010). La Cour souligne, néanmoins, que la requérante n’étaye pas le grief tiré de l’iniquité de la procédure autrement qu’en le rattachant au problème d’« usurpation » du droit d’agir en justice des fournisseurs par le ministre. Elle ne se plaint pas, notamment, de ce qu’elle aurait été empêchée de présenter sa cause ou de répondre à des observations dans des conditions qui l’auraient placée dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire, ou de ce que des pièces essentielles au procès n’auraient pas été communiquées aux parties de manière identique. En l’espèce, la Cour n’aperçoit aucun manquement aux exigences de la Convention en matière de droits de la défense et d’égalité des armes, ayant égard, notamment, au rôle des apparences.

Partant, la Cour en déduit que le grief tiré de la violation de l’article 6 § 1 de la Convention est manifestement mal fondé et qu’il doit être déclaré irrecevable en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

Claudia WesterdiekDean Spielmann
GreffièrePrésident

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