CEDH, Cour (cinquième section comité), GHELLAM c. FRANCE, 14 janvier 2014, 46055/11

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Cinquième Section Comité), 14 janv. 2014, n° 46055/11
Numéro(s) : 46055/11
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 21 juillet 2011
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-140973
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2014:0114DEC004605511
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Sur les parties

Texte intégral

CINQUIÈME SECTION

DÉCISION

Requête no 46055/11
Michel GHELLAM
contre la France

La Cour européenne des droits de l’homme (section 5), siégeant le 14 janvier 2014 en un comité composé de :

Angelika Nußberger, présidente,
Ganna Yudkivska,
André Potocki, juges,
et Stephen Phillips, greffier adjoint de Section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 21 juillet 2011,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

1.  Le requérant, M. Michel Ghellam, est un ressortissant français, né en 1959 et détenu actuellement à la maison centrale d’Arles. Il a été représenté devant la Cour par Me P. Spinosi, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme E. Belliard, directrice des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.

2.  Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

3.  Le requérant est détenu depuis le 27 juin 1985. Il a été condamné notamment pour une attaque à main armée avec prise d’otages commise en 1980 à Antibes et un homicide commis à Paris.

4.  Le 11 septembre 1992, il s’évada avec huit autres détenus de la maison centrale de Clairvaux. Des surveillants furent alors pris en otages et l’un d’entre eux fut tué. Le requérant, arrêté en août 1993 et réincarcéré fit ensuite l’objet de mesures de sécurité : maintien en quartier d’isolement, rotations de sécurité et fouilles corporelles.

5.  Le 10 novembre 1999, le requérant fut condamné à vingt ans de réclusion pour cette évasion.  Le 12 janvier 2006, il fut condamné à dix ans de réclusion pour une tentative d’évasion commise le 12 février 2003.

6.  Le 7 juin 2007, le tribunal administratif de Paris annula la décision du Garde des Sceaux de prolonger le maintien à l’isolement du requérant.

7.  Le 4 mars 2009, le requérant fut transféré du centre pénitentiaire de Lannemezan à la maison centrale de Saint-Maur.

8.  Le 12 août 2009, le directeur adjoint de la maison centrale de Saint-Maur décida de placer le requérant à l’isolement.

9.  Cette mesure fut renouvelée les 3 mai, 23 juin et 17 août 2010.

10.  Le requérant saisit le tribunal administratif de Paris d’un recours pour excès de pouvoir contre cette décision. Par ordonnance du 11 octobre 2010, le juge des référés du tribunal administratif de Paris rejeta la demande de suspension pour défaut d’urgence en estimant que le requérant n’apportait aucune justification de l’atteinte grave et immédiate à sa situation. Le 26 octobre 2010, le requérant saisit le Conseil d’État d’un recours contre cette décision.

11.  Le 21 janvier 2011, le Conseil d’État déclara le pourvoi non admis.

GRIEFS

12.  Invoquant l’article 3 de la Convention, le requérant se plaint de son maintien prolongé à l’isolement qui depuis le début de son incarcération en 1985, a duré près de 13 ans. Il ajoute que celui-ci a été accompagné de rotations de sécurité, de fouilles corporelles systématiques et d’une surveillance renforcée permanente.

13.  Il invoque également l’article 8 de la Convention et soutient que ces mêmes éléments ont été constitutifs d’une violation de cette disposition.

14.  Citant enfin l’article 13 de la Convention, le requérant se plaint de ne pas avoir bénéficié d’un recours effectif pour contester la décision prolongeant son maintien à l’isolement.

PROCEDURE DEVANT LA COUR

15.  Le 21 juillet 2011, le représentant du requérant a adressé une télécopie au greffe en indiquant que celui-ci désirait saisir la Cour sous l’angle des articles 3, 8 et 13 de la Convention.

16.  Le 29 juillet 2011, le greffe lui envoya une lettre qui se lisait notamment :

« Vous voudrez bien renvoyer par courrier postal le formulaire de requête dûment complété dans un délai de huit semaines courant à compter de la date de la présente lettre. En d’autres termes, le formulaire de requête complété ne doit pas être expédié après le 23 septembre 2011. En cas de non-respect de ce délai, c’est la date d’envoi du formulaire complété et non celle de votre première communication à la Cour qui sera retenue comme étant la date d’introduction de la requête. J’attire votre attention sur le fait que la date d’introduction de la requête est celle qui est prise en compte aux fins du contrôle du respect du délai fixé à l’article 35 § 1 de la Convention (voir le paragraphe 18 de la Notice, ci-jointe). »

La Notice (ci-après « instruction pratique ») accompagnait ce courrier. Elle se lit notamment comme suit :

« 14. La Cour ne peut être saisie de votre plainte que par courrier (et non par téléphone). Si vous adressez votre plainte par courrier électronique ou télécopie, vous devrez impérativement la confirmer par voie postale. »

« 18. Si vous estimez que vos griefs portent sur l’un des droits garantis par la Convention ou l’un des Protocoles et que les conditions décrites ci-avant sont remplies, veuillez compléter soigneusement et lisiblement le formulaire de requête et le renvoyer, accompagné des documents nécessaires à son examen, dans les meilleurs délais et huit semaines au plus tard après la date de la première lettre que le greffe vous a adressée. Si le formulaire de requête n’est pas renvoyé dans ce délai de huit semaines, la date qui sera prise en compte pour vérifier si vous avez respecté le délai de six mois fixé par l’article 35 § 1 (voir les paragraphes 6 et 10 ci-dessus) sera celle de l’envoi de votre formulaire de requête complété, et non celle de votre première lettre à la Cour. (...) »

17.  Le 23 septembre 2011, le représentant du requérant envoya le formulaire par télécopie au greffe. Le formulaire papier fut posté le 26 septembre 2011.

18.  Un accusé de réception fut adressé au représentant du requérant le 3 octobre 2011, accompagné d’un formulaire de pouvoir. Il était précisé qu’il devait être renvoyé par retour de courrier et il était également demandé de préciser les date et lieu de naissance du requérant.

L’avocat du requérant renvoya le pouvoir et fournit les précisions demandées par télécopie du 26 octobre 2011. L’exemplaire papier parvint à la Cour le 27 octobre suivant.

19.  Par courrier du 17 novembre 2011, le greffe demanda à l’avocat du requérant de lui faire parvenir avant le 13 décembre 2011 une copie intégrale d’un rapport d’expertise médicale, une liste chronologique complète des transfèrements auxquels le requérant avait été soumis et un récapitulatif complet des périodes pendant lesquelles le requérant avait été maintenu à l’isolement.

20.  Par télécopie du 13 décembre 2011, l’avocat du requérant envoya copie intégrale du rapport d’expertise et une liste des transfèrements du requérant jusqu’à 2010. Il indiqua toutefois qu’il ne pouvait produire un récapitulatif complet des périodes d’isolement du requérant car l’administration pénitentiaire était seule en mesure de le faire.

EN DROIT

21.  Invoquant les articles 3 et 8 de la Convention, le requérant se plaint de son maintien prolongé à l’isolement, d’avoir subi des rotations de sécurité, des fouilles corporelles systématiques et une surveillance renforcée permanente du fait de son statut de détenu particulièrement signalé.

22.  Au regard de l’article 13, le requérant allègue ne pas avoir bénéficié d’un recours effectif pour contester son maintien à l’isolement.

23.  Le Gouvernement soulève à titre principal une exception d’irrecevabilité tirée du non-respect du délai de six mois.

Il expose que le représentant du requérant n’a envoyé l’original signé du formulaire de requête que le 26 septembre 2011, soit après l’expiration du délai de huit semaines fixé par la Cour. Il se réfère à la jurisprudence de la Cour (Kemevuako c. Pays-Bas (déc.), no 65938/09, 1er juin 2010) et rappelle que la transmission par fax du formulaire de requête et du pouvoir est sans incidence dès lors que l’original n’a pas été lui aussi expédié par voie postale dans le même délai de huit semaines.

Le Gouvernement en conclut que la requête a été introduite au-delà du délai de six mois prévu à l’article 35 de la Convention et demande à la Cour de la déclarer irrecevable pour ce motif.

24.  Le représentant du requérant souligne que dans sa première lettre, datée du 21 juillet 2011, il soulevait déjà en substance les griefs dont il saisissait la Cour.

25.  Il estime que cette affaire ne peut être comparée à celle citée par le Gouvernement car il a envoyé le formulaire par télécopié le 23 septembre 2011, qui était un vendredi, et l’exemplaire papier le lundi suivant soit le 26 septembre 2011.

Il ajoute que le délai de huit semaines n’est pas prévu par le règlement de la Cour et que celle-ci peut admettre la recevabilité d’une requête dont le formulaire a été envoyé tardivement, dès lors que la diligence du requérant n’est pas remise en cause.

26.  Le représentant du requérant rappelle enfin la jurisprudence de la Cour sur l’absence de formalisme excessif des requêtes qui lui sont adressées et souligne que le requérant est détenu, ce qui complique la transmission à son conseil des documents et de son accord sur les conclusions à adresser à la Cour.

27.   La Cour doit tout d’abord se prononcer sur l’exception de tardiveté soulevée par le Gouvernement et établir si la requête a été introduite dans un délai de six mois à compter de la date de la décision définitive, conformément à l’article 35 § 1 de la Convention qui dispose notamment :

« 1.  La Cour ne peut être saisie [que] dans un délai de six mois à partir de la date de la décision interne définitive. »

28.  En ses parties pertinentes, l’article 45 du règlement de la Cour prévoit :

« 1. Toute requête formulée en vertu des articles 33 ou 34 de la Convention doit être présentée par écrit (...). »

29.  L’article 47 § 5 du règlement de la Cour est ainsi libellé :

« 5. Aux fins de l’article 35 § 1 de la Convention, la requête est en règle générale réputée introduite à la date de la première communication du requérant exposant – même sommairement – son objet, à condition qu’un formulaire de requête dûment rempli ait été soumis dans les délais fixés par la Cour. Si elle l’estime justifié, la Cour peut toutefois décider de retenir une autre date. »

30.  Les paragraphes 1, 4 et 5 de l’instruction pratique sur l’introduction de l’instance,[1], se lisent :

« 1.  Toute requête au titre de l’article 34 de la Convention doit être présentée par écrit. Aucune requête ne peut être soumise par téléphone.

(...)

4.  Si le requérant n’a pas soumis sa requête en utilisant le formulaire officiel ou si la lettre introductive envoyée par lui ne comporte pas l’ensemble des informations mentionnées à l’article 47 du règlement, le greffe peut l’inviter par lettre à remplir un formulaire, qui doit alors être envoyé à la Cour dans un délai de huit semaines à compter de la date de la lettre du greffe.

Le non-respect de ce délai a une incidence sur la date d’introduction de la requête et peut, en conséquence, en avoir une également sur la question du respect ou non par le requérant du délai de six mois prévu à l’article 35 § 1 de la Convention.

5.  Le requérant peut soumettre sa requête par télécopie (« fax »). Toutefois, il doit en envoyer l’exemplaire original signé par courrier dans un délai de huit semaines à compter de la date de la lettre visée au point 4 ci-dessus. »

31.  Conformément à la pratique établie des organes de la Convention et à l’article 47 § 5 de son règlement, la Cour considère normalement que la requête est introduite à la date de la première communication du requérant indiquant l’intention de l’intéressé de la saisir et exposant, même sommairement, la nature de la requête (voir paragraphe 29 ci-dessus). Cette première communication, qui peut prendre la forme d’une télécopie, interrompt le cours du délai de six mois.

32.  La règle des six mois a pour objet, d’une part, d’assurer la sécurité juridique et de veiller à ce que les affaires litigieuses au regard de la Convention soient examinées dans un délai raisonnable et, d’autre part, de protéger les autorités et autres personnes concernées de l’incertitude où les laisserait l’écoulement prolongé du temps. Comme la Cour a déjà eu l’occasion de le dire, il serait contraire à l’esprit et à la finalité de cette règle de considérer que, par le biais de n’importe quelle communication initiale, un requérant pourrait déclencher la procédure établie par la Convention puis rester inactif pendant une durée inexpliquée et indéterminée. Les requérants doivent donc donner suite à leur requête avec une diligence raisonnable après le premier contact quel qu’il soit (P.M. c. Royaume-Uni (déc.), no 6638/03, 24 août 2004). A défaut, la Cour considère généralement que l’interruption du délai de six mois est caduque et que c’est la date de soumission du formulaire de requête complet qui doit être retenue comme date d’introduction de la requête (voir paragraphes 29 et 30 ci-dessus).

33.  En l’espèce, la Cour note qu’après avoir reçu la première communication du représentant du requérant en date du 21 juillet 2011, le greffe a informé celui-ci qu’en vertu de l’article 47 § 5 du règlement de la Cour et du paragraphe 4 de l’instruction pratique concernant l’introduction de l’instance, il devait renvoyer le formulaire de requête le 23 septembre 2011 au plus tard, c’est-à-dire dans un délai de huit semaines à compter de la lettre du greffe en date du 29 juillet 2011. Il l’a également informé que, s’il ne respectait pas ce délai, la date d’introduction de la requête serait la date de communication du formulaire de requête complété.

34.  Dans ce contexte, la Cour souligne que, tant qu’elle n’a pas reçu les originaux du formulaire de requête et du pouvoir de l’avocat si le requérant est représenté, leur envoi par télécopie n’est pas suffisant pour constituer une requête complète ou valable. La Cour renvoie à cet égard aux paragraphes 1 et 4‑5 de l’instruction pratique concernant l’introduction de l’instance (voir paragraphe 30 ci‑dessus). Le paragraphe 5, en particulier, précise expressément que c’est la requête originale signée que la Cour doit recevoir par courrier dans un délai de huit semaines à compter de la date de la lettre par laquelle le greffe a demandé au requérant de lui renvoyer le formulaire complété. La Cour ne voit, en l’espèce, pas de raison de retenir une autre date.

35.  Dès lors, en l’espèce, le fait que le formulaire de requête complété ait été transmis au greffe par télécopie le 23 septembre 2011, jour de l’expiration du délai de huit semaines, est sans pertinence puisque la Cour n’en a pas reçu l’original dans ledit délai (voir (Kemevuako c. Pays-Bas (déc.), no 65938/09, 1er juin 2010 et Abdulrahman c. Pays-Bas (déc.), no 66994/12, 5 février 2013). En outre, la Cour n’a reçu le pouvoir par télécopie que le 26 octobre 2011 et son exemplaire papier le 27 octobre 2001.

36.  Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut que la date qui doit être considérée comme la date d’introduction de la présente affaire est celle du 26 septembre 2011. Le délai de six mois ayant commencé à courir le 21 janvier 2011, la requête est donc tardive aux fins de l’article 35 § 1 de la Convention, et doit être rejetée en application de l’article 35 § 4.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

Stephen PhillipsAngelika Nußberger
Greffier adjointPrésidente


[1] Émise par le président de la Cour conformément à l’article 32 du règlement de la Cour le 1er novembre 2003, modifiée le 24 juin 2009 et annexée aux articles 45 et 47 dudit règlement.

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