CEDH, Cour (deuxième section comité), BALACCI c. RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA, 22 novembre 2022, 22781/10

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Deuxième Section Comité), 22 nov. 2022, n° 22781/10
Numéro(s) : 22781/10
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 27 mars 2010
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-221916
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2022:1122DEC002278110
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Sur les parties

Texte intégral

DEUXIÈME SECTION

DÉCISION

Requête no 22781/10
Eugeniu BALACCI
contre la République de Moldova

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant le 22 novembre 2022 en un comité composé de :

 Jovan Ilievski, président,
 Lorraine Schembri Orland,
 Diana Sârcu, juges,
et de Dorothee von Arnim, greffière adjointe de section,

Vu :

la requête (no 22781/10) contre la République de Moldova et dont un ressortissant de cet État, M. Eugeniu Balacci (« le requérant »), né en 1945 et résidant à Durlești, représenté par Me G. Păduraru, avocat à Chișinău, a saisi la Cour le 27 mars 2010 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),

la décision de porter la requête à la connaissance du gouvernement moldave (« le Gouvernement »), représenté par son agent, M. O. Rotari,

les observations des parties,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

OBJET DE l’AFFAIRE

1.  La présente requête concerne une atteinte alléguée au droit à un procès équitable, notamment une motivation prétendument insuffisante des décisions rendues par les juges civils, ainsi qu’une impossibilité pour le requérant de récupérer ses biens mis sous séquestre et d’obtenir la réparation des dommages qu’il aurait subis.

2.  En 2002, une procédure pénale pour escroquerie fut engagée à l’encontre du requérant et l’autorité de poursuite mit sous séquestre des machines agricoles appartenant à celui-ci. Cinq ans plus tard, un juge d’instruction annula la mise sous séquestre pour non-respect de plusieurs exigences légales. Par la suite, le parquet demanda une seconde mise sous séquestre, mais le juge d’instruction rejeta cette demande.

3.  Parallèlement, le juge d’instruction ordonna l’arrêt des poursuites pénales à l’encontre du requérant en raison du non-respect par l’autorité de poursuite des délais légaux de procédure.

4.  Arguant ne pas avoir pu récupérer ses biens après la levée de séquestre, le requérant engagea une action en dédommagement contre l’État, fondée sur la loi no 1545 relative à la réparation du préjudice causé par les actes illicites des autorités de poursuite pénale, du parquet et des tribunaux (« la loi no 1545 »).

5.  Par un jugement du 15 décembre 2008, le tribunal de Rîșcani (Chișinău) rejeta l’action comme mal fondée estimant que, selon les dispositions de la loi no 1545, le droit à réparation naissait seulement lorsque la procédure pénale était clôturée pour des motifs de « réhabilitation » de la personne poursuivie. Or, il estimait que l’arrêt des poursuites pénales contre le requérant pour vices de procédure ne constituait pas un motif de « réhabilitation ».

6.  La cour d’appel de Chișinău et la Cour suprême de justice confirmèrent ce jugement, les 5 mai et 30 septembre 2009 respectivement.

7.  Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint que les tribunaux nationaux n’ont pas examiné tous les moyens soulevés devant eux, qu’ils ont apprécié d’une manière erronée les preuves soumises à leur attention et qu’ils ont mal interprété et appliqué la loi. Invoquant l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, il allègue en outre qu’il ne pouvait plus utiliser ses biens après leur mise sous séquestre, qu’il ne les a pas récupéré après la levée de séquestre et que l’absence d’indemnisation a porté atteinte à son droit au respect de ses biens. Enfin, il se plaint de l’absence d’un recours interne effectif au sens de l’article 13 de la Convention pour faire valoir ses droits garantis par la Convention.

APPRÉCIATION DE LA COUR

8.  Pour ce qui est d’abord du grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention, la Cour rappelle qu’un tribunal n’est pas tenu d’apporter une réponse détaillée à chaque moyen soulevé, mais qu’une réponse spécifique et explicite doit être donnée aux moyens décisifs pour l’issue de la procédure en cause (voir, parmi beaucoup d’autres, Moreira Ferreira c. Portugal (no 2) [GC], no 19867/12, § 84, 11 juillet 2017). Elle redit également qu’il ne lui appartient pas de connaître des erreurs de fait ou de droit éventuellement commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où elles peuvent avoir porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention (voir, parmi beaucoup d’autres, De Tommaso c. Italie [GC], no 43395/09, § 170, 23 février 2017). Elle rappelle enfin qu’elle s’en remet en principe à l’interprétation et à l’application du droit interne par les juridictions nationales, sauf si leurs conclusions sont arbitraires ou manifestement déraisonnables (voir, parmi beaucoup d’autres, Guðmundur Andri Ástráðsson c. Islande [GC], no 26374/18, § 251, 1er décembre 2020).

9.  En l’espèce, la Cour note que les tribunaux nationaux ont énoncé de manière explicite et circonstanciée les motifs les ayant conduits à considérer que la loi no 1545 n’était pas applicable au cas du requérant. Elle estime que l’applicabilité de cette loi était une des questions principales posées par l’affaire et que la réponse des tribunaux à cette question était à même de satisfaire aux exigences de motivation des décisions judiciaires, découlant des garanties d’un procès équitable. Compte tenu des éléments en sa possession et de la teneur du grief du requérant, elle ne saurait en outre considérer que les conclusions des juges internes opérées dans la présente affaire étaient entachées d’arbitraire ou d’irrationalité manifeste. À ce sujet, la Cour note que le requérant ne fournit aucun exemple de jurisprudence interne contraire relatif à des situations qui seraient similaires à la sienne. De surcroit, elle estime que la procédure civile suivie en l’espèce s’est déroulée dans son ensemble conformément aux exigences d’un procès équitable.

10.  Il s’ensuit que le grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention doit être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

11.  Quant au grief tiré de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, la Cour renvoie aux principes généraux concernant la saisie et la rétention des biens dans le cadre d’une procédure pénale tels qu’ils ont été résumés dans Tendam c. Espagne (no 25720/05, §§ 47-51, 13 juillet 2010) et, plus récemment, dans Stołkowski c. Pologne (no 58795/15, §§ 52-57, 21 décembre 2021).

12.  Elle note que, dans les affaires de ce type, la saisie effective des biens par les autorités ne posait pas question (comparer avec Begu c. Roumanie, no 20448/02, §§ 159-63, 15 mars 2011, OOO KD-Konsalting c. Russie, no 54184/11, §§ 54-59, 29 mai 2018, et Dabić c. Croatie, no 49001/14, §§ 54-59, 18 mars 2021). En l’espèce, la Cour constate cependant qu’il y a controverse entre les parties quant à cet aspect. Le Gouvernement soutient notamment que les biens litigieux n’ont jamais été saisis physiquement et que ceux-ci sont toujours restés en possession du requérant. Ce dernier avance en revanche qu’il n’avait plus accès à tous ces biens, sauf un, car ils étaient situés au moment de la mise sous séquestre sur le territoire d’une association agricole laquelle les aurait par la suite utilisés et dilapidés.

13.  La Cour remarque à son tour que, en droit moldave, la mise sous séquestre n’est pas synonyme automatique de rétention effective des biens et qu’en règle générale, cette mesure n’empêche pas la personne concernée d’en user. Elle note par ailleurs que ce point n’est pas disputé par les parties.

14.  Dans le cas d’espèce, elle relève que le sort d’un seul bien mis sous séquestre est connu. Il s’agit d’un tracteur dont le requérant admet lui-même en avoir gardé la possession, car, selon lui, au moment de la mise sous séquestre ce tracteur était en réparation et ne se trouvait pas avec les autres biens litigieux sur le territoire de l’association agricole susmentionnée. Quant aux autres machines agricoles mises sous séquestre, la Cour observe que leur sort reste inconnu et que les éléments dont elle dispose ne lui permettent pas de conclure avec certitude que le requérant en avait perdu la possession.

15.  Eu égard à ce qui précède, la Cour n’est pas en mesure d’établir l’existence de l’ingérence alléguée par le requérant, à savoir l’impossibilité d’user de ses biens et de les récupérer après la levée de séquestre. La rétention effective des biens litigieux n’étant pas établie, elle ne saurait considérer que les autorités étatiques devaient assumer une obligation de vigilance à leur égard et qu’elles étaient éventuellement responsables des dommages et de la perte de ces biens (pour le rappel des obligations positives à la charge des autorités lorsqu’elles saisissent des biens voir Dabić, précité, § 55).

16.  Il s’ensuit que le grief tiré de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention doit être également rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

17.  Pour ce qui est enfin du grief tiré de l’article 13 de la Convention, la Cour rappelle que cette disposition s’applique seulement lorsqu’un individu peut se prétendre de manière défendable victime d’une violation d’un droit protégé par la Convention (voir, parmi beaucoup d’autres, De Tommaso, précité, § 180). Compte tenu des circonstances de l’espèce, elle estime que le requérant ne soulève aucun « grief défendable » au regard de l’article 13 de la Convention. Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme manifestement mal fondé (comparer Gökçe et Demirel c. Turquie, no 51839/99, §§ 69-71, 22 juin 2006), en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

Fait en français puis communiqué par écrit le 15 décembre 2022.

 Dorothee von Arnim Jovan Ilievski
 Greffière adjointe Président

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